Chaque semaine, vous trouverez ici une fanfiction qui vous permettra d'en apprendre plus sur les aventures des champions de la League of Legends. Cette semaine, place au dernier chapitre de notre saga.
Un silence inquiétant et diffus planait sur l'île. Les demaciens marchaient à la suite de Zillah, épousant tant bien que mal la cadence de ses pas, devenue hâtive et insistante. Les regards de Jarvan et Shyvana se croisaient de temps à autre, et la même angoisse transparaissait dans leurs yeux. Personne n'osait parler, et tous redoutaient les prochaines heures qui poindraient sans attendre, inéluctablement. Les pas de Zillah crissaient dans la terre humide, et l'odeur grasse et nauséabonde des fleurs décomposées accompagnait leur longue marche.
Zillah, qui se tenait fièrement en tête du cortège, sentait la peur grandir dans le souffle haletant et bruyant de ses comparses. Il se sentait irrémédiablement attiré par la grotte, comme si sa volonté ne suffisait plus à guider ses pas. Plus que tout, Zillah souhaitait retourner sur les lieux où tout avait commencé, là où le poison s'était insidieusement frayé un chemin dans son sang.
Sa peau diaphane était maintenant marbrée par de longs sillons brunâtres, suivant le dessin tortueux que formaient ses veines. Au fur et à mesure que ses pas le guidaient vers la grotte, Zillah sentait son excitation s'accroître, en même temps que la terreur latente qui brisait la respiration courte des demaciens. Ce contraste le grisait, et Zillah songea qu'il n'avait jamais connu pareille terre ; il se sentait ici chez lui, plus qu'il ne l'avait jamais été ailleurs. L'île était pleine de promesses enivrantes, et leurs murmures formaient un bruissement délicieux aux oreilles du jeune homme. Il se savait à l'aube d'une nouvelle vie, d'une vie sans souffrance et sans peur, où sa simple volonté récompenserait la moindre de ses actions.
La silhouette imposante de la grotte se dessina peu à peu dans la brume électrique, et en contrebas de la colline qu'ils arpentaient, Jarvan aperçut alors son bateau, amarré à la rive de l'île. Cette vision lui procura un bref soulagement qui fit battre son cœur un peu plus vite, et il agita alors la main, afin de montrer l'embarcation à Shyvana. Cette dernière esquissa un bref sourire, aussi triste que rempli d'espoir. Ce territoire dangereux semblait avoir raison de chacune de leurs décisions et le fait de suivre Zillah avait été un choix désespéré et dangereux ; ils l'avaient vu se transformer au fil des heures, et son allure fluette et vaporeuse ne disait rien qui vaille. Ils avaient alors placé un secret espoir en marchant derrière lui, pensant qu'ils pourraient ainsi retrouver le chemin qui les avait guidés vers cette grotte assassine, non loin des rives de l'île, là où subsistait leur seule chance de survivre à cette sombre expédition.
En arrivant au devant de la grotte, Zillah se retourna vers les demaciens et un sourire se dessina sur ses lèvres. S'il se voulait rassurant, c'était en vain, car il arborait un côté carnassier et dangereux qui fit tressaillir ses comparses. Jarvan s'interposa alors, indiquant avec conviction qu'ils ne franchiraient pas l'entrée de la caverne.
Après avoir regardé le commandant, Zillah tendit doucement le bras vers lui, faisant apparaître à ses côtés de minces filets de fumée laiteuse qui se mirent à tournoyer autour du jeune homme. C'est avec un délice sournois que Zillah vit alors les yeux des demaciens devenir vides sous le poids lourd de leurs paupières. C'était comme si leur volonté les quittait peu à peu pour rejoindre la sienne, la seule qui convienne en ce lieu morbide et féerique.
Il les guida alors dans la grotte.
Rien n'était plus pareil aux yeux de Zillah. L'obscurité opaque et sombre du tunnel n'était plus une entrave pour lui, et grâce aux vibrations du sol et aux mouvements impalpables qui circulaient dans l'air, il put guider ses pas jusqu'au fond de la grotte, là où tout son corps lui réclamait d'aller. Au fur et à mesure qu'il s'avançait, Zillah vit les rochers se teinter d'un éclat particulier, diffusant dans la grotte une douce lumière, évanescente et tamisée. Il pouvait sentir sa peau frissonner au contact des gouttelettes qui piquaient son corps, et son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine, tant le but était proche maintenant, sans qu'il puisse en déterminer les tenants et aboutissants.
Au fond du long corridor que formait la grotte, de petits crissements se firent entendre. Zillah aperçut peu à peu la silhouette terrifiante et majestueuse du monstre tapi au fond de la tanière. C'était une araignée gigantesque, suspendue aux parois de la roche sur plusieurs mètres.
Une seule de ses pattes aurait suffit pour s'entortiller autour du corps de Zillah, pour l'étreindre dans un baiser mortel. Le monstre arborait deux rangées de dents, acérées et luisantes dans la pénombre, et lorsqu'ils s'approchèrent, Zillah vit alors les yeux de la bête se fixer sur lui. C'est à ce moment là que le jeune homme sentit son corps tout entier répondre aux désirs de l'île. Sans même connaître l'abomination qui lui faisait face, Zillah entendit résonner son nom, dans un écho fracassant :
« Vilemaw... »
Le jeune homme ne sentait pas la peur, et c'est bel et bien un sentiment de joie incontrôlable qui agitait son cœur, tant et si bien qu'il perdit alors une partie de l'emprise qu'il avait sur les demaciens, qui se réveillèrent de leur état extatique. Des cris de terreur vinrent alors emplir la caverne tandis que la vision d'horreur se révélait à eux, et sans plus attendre, Jarvan, Shyvana et leurs compagnons se précipitèrent vers la sortie de la grotte. Il n'y avait plus que la fuite comme solution, une fuite vertigineuse et haletante vers les rivages de l'île afin de quitter cet endroit au plus vite.
Alors que les demaciens s'éloignaient, Zillah regarda Vilemaw s'étirer dans un long cri, rauque et caverneux. Il tenta d'apaiser sa colère aussitôt :
« Ils n'auraient pas été des offrandes dignes de ta gloire, Vilemaw. Je suis ici pour toi. Je veux appartenir à cette île, je veux qu'elle insuffle sa malveillance dans mes veines et qu'elle décuple mes pouvoirs. »
Zillah s'avança alors vers le monstre, en tendant la main vers lui.
« Fuir, c'est souffrir. Rien de bon ne les attend dehors... Moi, je suis là et je te donne ma vie... »
En prononçant ces mots, Zillah sentit une vive morsure irradier le long de sa nuque, puis, en l'espace de quelques secondes, un calme absolu le gagna. Il était désormais plus proche que jamais de sa renaissance. Il le savait maintenant : il lui fallait résister aux doux murmures du sommeil, ou bien accepter la mort, comme une offrande, une amie fidèle et familière.
C'est avec extase que Zillah succomba à son étreinte mortelle, et aussitôt que la vie fût évaporée, Zillah sentit renaître en lui un souffle nouveau, éternel et absolu, comme s'il pouvait tout voir et tout entendre, sans retenue. Son allure était devenue spectrale et vaporeuse, et il pouvait de par sa simple volonté, voir toute l'étendue de l'île. C'est tout naturellement qu'il se concentra sur les demaciens, observant leur course effrénée vers la côte.
Jarvan et Shyvana couraient comme ils n'avaient jamais couru, sentant leur sang brûler en coulant péniblement dans leurs veines. Ils étaient à bout de souffle, au bout de leurs efforts et de leur vie. Derrière eux, il virent les soldats s'écrouler sous le joug de la fatigue et de la peur. Alors que Jarvan ralentissait la cadence pour les attendre, Shyvana redoubla d'endurance, en entraîna le commandant avec elle, l'attrapant avec force par le bras.
La vision bénie du rivage s'offrit bientôt à eux, et c'est avec une joie sans pareille qu'ils sentirent bientôt l'eau jaillir sous leurs pieds. Jarvan et Shyvana se précipitèrent jusqu'au bateau, qu'ils détachèrent rapidement de l'amarrage. Quelques minutes suffirent, et alors qu'ils commençaient à peine à retrouver leur souffle, l'embarcation s'éloigna lentement de la rive.
Ils entendirent alors résonner une voix terrifiante et monocorde, qui résonnait tout autour de l'île, si ce n'était pas le chant de l'île elle-même :
« Ne tremblez plus, compagnons d'infortune... Écoutez l'élégie des défunts : Avez-vous déjà entendu un tel appel ? Ne luttez pas, tout sera plus facile ainsi. Il n'y aura plus de famine, plus de fatigue et plus de peur. Bientôt, vous oublierez le souffle de la vie ; vous oublierez l'amour... »
Alors que le navire quittait doucement le rivage boueux de l'île, Jarvan et Shyvana restèrent un instant le regard perdu dans celui de l'autre, écoutant avec terreur les échos macabres de la voix.
« Rejoignez-moi... Zillah ne souffre plus désormais. Il ne reste que Karthus. »
Alors que ce nom résonnait avec fracas à leurs oreilles, Jarvan et Shyvana virent alors un rayon de lumière poindre au-dessus de leur tête. Les éclats bleutés du faisceau vinrent bientôt les aveugler, tandis qu'un poids titanesque oppressait la poitrine des deux rescapés. Shyvana se recroquevilla sur le sol et Jarvan vint la couvrir entre ses bras. Leurs cris se mêlèrent dans un accord d'agonie commune et la lumière irradia de plus en plus, jusqu'à devenir presque vivante, insoutenable.
Il y eut alors un bruit assourdissant lorsque la lumière se désintégra, puis, plus rien ; plus rien d'autre que le vide et le néant, la mort satisfaite de son œuvre, répondant à l'appel inlassable des îles obscures.