Salutations, invocateurs ! Bienvenue dans le seizième numéro des Chroniques de Runeterra. Chaque semaine, vous trouverez ici une fanfiction qui vous permettra d'en apprendre plus sur les aventures des champions de la League of legends. Cette semaine, place au troisième chapitre de la saga.
« Ville abandonnée et dévastée »
by Tatakiki.
« Est-ce qu'il y a quelqu'un ? »
Senna entendit sa propre voix résonner quelques instants avant d'aller se perdre dans la brume environnante. La jeune femme marchait lentement dans cette grande allée déserte, au milieu d'une route qui semblait elle aussi, laissée à l'abandon. C'était un tableau presque irréel aux nuances sombres et sales, dans un camaïeu fait de briques grises, de béton et de brouillard.
Senna renouvela son appel, mais elle n'entendit encore une fois que son propre écho en guise de réponse. Un étrange pressentiment gagna son cœur. C'était une rue qui aurait dû, d'ordinaire être active et vivante, à en juger par le nombre de maisons qui jalonnaient l'allée. Seulement, personne ne semblait vouloir ou pouvoir répondre à son appel.
En s'approchant peu à peu d'une maison située là, Senna constata que la porte était restée entrouverte. Elle appela, une dernière fois, avant d'entrer dans la maison. Après avoir arpenté un hall d'entrée étroit, la jeune femme arriva dans ce qui devait être la pièce à vivre. Une table avait été dressée, et il y avait trois assiettes, posées là, encore fumantes du repas chaud qui s'y trouvait. Le vin avait été servi, et les couverts avaient déjà été utilisés. Malgré cela, pas la moindre trace d'un occupant dans la maison. En tournant autour de la table, Senna aperçut quelques taches de sang, répandues sur le sol. Un sursaut de panique la gagna, tandis qu'elle comprenait peu à peu que quelque chose s'était passé ici. Cette maison était encore habitée il y a peu de temps, mais quelque chose de terrible avait dû se produire. Elle s'abaissa et tendit sa main jusqu'à pouvoir toucher le liquide pourpre, et lorsqu'elle fut en contact avec le sang, Senna se sentit déchirée par un spasme d'une violence inouïe ; elle ferma les yeux, et l'espace de quelques instants, elle revit le massacre qui s'était déroulé là. Une chose était entrée dans la maison, alors que l'on y dînait tranquillement. Il y avait eu des cris, du sang, de la peur et tellement de souffrance, puis enfin, un rire effrayant. Le rire de cette chose meurtrière qui se glorifiait de ce qui avait été accompli.
Senna bascula en arrière, et se releva précipitamment, essuyant ses larmes d'un revers de main, et se précipitant vers la sortie. Une fois au-dehors, elle fut éblouie par quelques rayons de soleil qui vinrent se mêler presque ironiquement à cette mascarade. La jeune femme était terrifiée, et le fut davantage, lorsqu'elle s'avança dans l'allée, constatant avec effroi que toutes les portes étaient restées entrouvertes. Qu'y avait-il dans chacune de ces maisons ? Que s'était-il passé ? Senna ne voulait pas en savoir plus, car au fond d'elle, la jeune femme devinait qu'elle n'était en fait qu'un témoin impuissant, spectatrice des tragédies funestes qui avaient été perpétrées en ces lieux. Senna pressa le pas, jusqu'à atteindre un rythme de course effrénée. Il fallait qu'elle sorte d'ici à tout prix, le plus vite possible. Malheureusement, l'allée semblait vouloir se prolonger au fur et à mesure qu'elle gagnait du terrain. C'était comme si la jeune femme était prisonnière de cet endroit, enfermée dans une spirale infernale.
Soudain, alors qu'elle se résignait à trouver une échappatoire à ces lieux, Senna arriva devant un arbre immense et majestueux qui à vrai dire, ne semblait pas avoir sa place dans une rue telle que celle-ci. La jeune femme s'arrêta brutalement, et regarda ce qui se dressait devant elle, car elle était comme fascinée par le caractère étrange de l'arbre. Il y avait une infinité de branches, mêlées entre elles dans un dessin tortueux. Tout à coup, Senna sursauta : une femme était pendue à une branche, et elle l'observait avec un regard qui lui était familier. Elle s'approcha de l'arbre, regardant à son tour la suppliciée, en réalisant peu à peu qu'il s'agissait d'elle-même, comme une Senna d'un autre temps qui venait lui délivrer un message, chose qui ne tarda pas. La martyre entrouvrit la bouche, tandis que du sang en coulait, et lança un ultime avertissement, ponctué par une voix d'outre-tombe :
« Ne viens jamais t'aventurer ici... »
Senna se réveilla en sursaut, encore terrorisée du rêve qu'elle venait de faire. Elle mit quelques instants à retrouver son calme, et à ressentir un peu de tranquillité. À ses côtés, Lucian dormait d'un sommeil paisible. La jeune femme s'extirpa doucement hors du lit, afin de ne pas le réveiller, et partit retrouver ses esprits du mieux qu'elle le pouvait, avant de mener sa journée, cette journée dont elle ignorait encore qu'elle serait la dernière.
Tout au long de l'après-midi, Senna ne parvint pas à oublier le terrifiant cauchemar qui avait hanté sa nuit. Il n'avait été semblable à aucun autre, et la jeune femme était encore sous le choc de s'être vue, elle-même pendue à cet arbre. Ce rêve ressemblait à un avertissement sans concession et pour quelqu'un qui pouvait pressentir le danger comme elle le faisait, cela ne présageait rien de bon.
Les heures passèrent, lancinantes et monotones jusqu'au soir où Senna se remit en route pour rentrer chez elle. Sur le chemin qui menait à sa maison, Senna se sentit à nouveau gagnée par un malaise similaire à celui du matin. Toute la journée, elle s'était demandé à plusieurs reprises ce qui était réel et ce qui ne l'était pas, car Senna se sentait comme attirée, happée vers cet endroit onirique et terrifiant qui réclamait son dû, son âme, et sa vie.
Il faisait nuit à présent, et dans l'avenue déserte qui menait à chez elle, Senna ressentait comme une ambiance électrique s'installer petit à petit. Une obscurité opaque et menaçante grondait de manière sourde, se riant des lampadaires qui ne suffisaient pas à répandre assez de lumière. L'air était lourd et chaud, et Senna se sentait épiée, suivie. Elle pressa le pas, en regardant régulièrement par dessus son épaule. Il n'y avait rien, mais cela ne suffisait pas à la rassurer, car la jeune femme sentait qu'il y avait quelque chose qui rôdait, dans l'ombre. C'est avec soulagement que Senna arriva enfin chez elle, après quelques minutes d'une marche longue et angoissante.
Elle partit se réfugier directement dans sa chambre, où elle ferma les rideaux avant de s'asseoir sur le rebord du lit. Elle entendit Lucian l'appeler d'une autre pièce et la voix familière de son amour la rassura quelque peu. Senna haussa le ton, indiquant à Lucian où elle se trouvait, et l'invitant à l'y rejoindre. Au bout de quelques secondes, elle entendit ses pas se diriger vers la chambre, mais là encore, la terreur la gagna. Lucian ne semblait pas être seul, et en plus des pas de son bien-aimé, Senna semblait entendre une autre démarche, désordonnée et boiteuse. Elle eut cette sensation oppressante qu'on essayait de la piéger, en attirant vers elle un monstre qui aurait pris pour habit l'apparence de Lucian.
Quand finalement, le jeune homme rentra dans la pièce, Senna fut quelque peu apaisée et pensa au fond d'elle-même que ce cauchemar avait bouleversé cette journée, bien plus qu'elle n'avait voulu l'admettre.
Elle se précipita dans les bras de Lucian, mêlant ses larmes au récit de sa journée, et de ces événements inattendus. Lucian la rassura, lui faisant remarquer qu'elle était une femme forte, qu'elle avait déjà affronté des situations bien pires que cela, et affirmant que ce cauchemar n'était qu'un songe.
« Tant que je serai en vie, tu n'auras jamais rien à craindre. Il ne t'arrivera rien. »
Senna se berça de ces paroles et resta lovée au creux de ses bras pendant de longs instants. Finalement, elle informa Lucian qu'elle n'irait pas patrouiller ce soir-là, car elle n'était pas en état, et qu'elle savait bien que la fameuse allée de son rêve ressemblait étrangement à ce lieu qu'ils avaient prévu de visiter lors d'une expédition prochaine. Lucian se contenta de lui sourire gentiment, attendri par cette vulnérabilité et cette superstition soudaine.
« J'irai seul alors, et lorsque je reviendrai, nous reparlerons de tout ça si tu le souhaites. Nous en parlerons jusqu'à ce que cette lueur de peur ait quitté tes yeux. »
Avant de partir, Lucian fit couler un bain chaud, et invita Senna à s'y détendre, ce que la jeune femme fit sans hésiter. Il l'embrassa longuement, et quitta la maison, l'air confiant et serein.
Pendant plus d'une heure, Senna se répéta les paroles réconfortantes de Lucian, attendant impatiemment son retour. Par mesure de sécurité, elle avait gardé son arme auprès d'elle, à portée de main. Elle se sentait perdue, désorientée, ne sachant pas si ce malaise qui l'avait accompagnée tout au long de la journée était réel ou non. Ce qu'elle savait par contre, c'est qu'il était encore là, comme une sourde menace qui flottait autour d'elle, convoitant son cœur et son âme sans relâche. Une fois sortie du bain, Senna se drapa d'une épaisse serviette, et essuya la buée du miroir qui se trouvait devant elle. C'est alors que la jeune femme eut le souffle coupé en apercevant son reflet dans la glace. Elle avait le teint blafard, les joues creuses et lorsqu'elle s'approcha afin de mieux se détailler, elle réalisa que ses yeux étaient comme révulsés, et injectés de sang. Qui était cette inconnue qui la dévisageait ? Pourquoi ces yeux semblaient être possédés de la sorte ?
Senna se mit à respirer plus rapidement, ouvrant maladroitement le robinet, et s'abaissant afin de s'asperger le visage qu'elle garda enfoui entre ses mains, sans oser se relever. Lorsqu'elle trouva le courage nécessaire, Senna se redressa lentement, jusqu'à se retrouver à nouveau face au miroir. Le temps sembla alors s'arrêter à cet instant précis.
Il était là, ce spectre qui habitait ses songes, bel et bien là, derrière elle. La menace était enfin palpable, et dans son sourire carnassier, Senna put ressentir toute la perversion qui habitait son enveloppe spectrale. La jeune femme était tétanisée, scrutant cette chose démoniaque qui la dévisageait. Elle le souhaitait de tout son cœur, mais ne pouvait pas bouger d'un centimètre. Elle était comme figée, cristallisée dans sa propre terreur. Les yeux plongés dans ceux du monstre, Senna le vit brandir lentement ses chaînes qui vinrent s'enlacer tout autour de sa gorge. Il serra lentement les liens, et ce qui était au départ une gêne désagréable devint peu à peu une douleur insupportable. L'air commençait à manquer et Senna sentit battre son cœur jusque dans ses tempes, comme si son propre sang aller faire exploser son crâne. Le rythme de son cœur accéléra jusqu'à atteindre un rythme effréné et lorsque la tension eut atteint son paroxysme, le cœur de la jeune femme se mit à ralentir peu à peu jusqu'à s'arrêter complètement. C'était comme lâcher prise, sauf qu'ici, elle n'en avait pas eu le choix. Enfin, quand il n'y eut plus de volonté pour guider sa survie, Senna se laissa peu à peu gagner par la mort, tandis que chaque parcelle de son âme allait nourrir le démon, renforçant son armure d'os, et parant celle-ci d'une puissante aura magique.
Senna ferma les yeux sur cette dernière image et pensa à Lucian quelques secondes avant de rendre son dernier souffle. Elle pensa à la douleur et à la peine qui l'attendaient, et elle pria, dans ses derniers instants, pour qu'il ne succombe pas à cette soif de vengeance qui le rongerait bientôt.
Senna s'était souvent demandée à quoi ressemblait l'au-delà, et malheureusement, elle allait bientôt découvrir qu'il n'y a pas de mots pour décrire les tourments et les sévices auxquels elle serait bientôt confrontée.
À suivre