Chaque semaine, vous trouverez ici une fanfiction qui vous permettra d'en apprendre plus sur les aventures des champions de la League of Legends. Cette semaine, place au troisième chapitre de notre nouvelle saga.
Blood Knight Hecarim by Elsnider
« Vous ne comprenez pas... les ombres nous consumeront tous... »
Jarvan dormait d'un sommeil agité. Il voguait entre éveil et somnolence depuis quelques heures déjà, et ces sinistres prédictions résonnaient implacablement dans son esprit. Il revoyait le conseil de Demacia, rassemblé autour des plus grands généraux de la cité afin de débattre du sort de l'un d'entre eux. Ce même commandant était revenu d'un territoire perdu au delà des mers, et il portait sur son visage crispé et marqué toutes les marques de l'horreur et de la peur.
Le jeune homme semblait être revenu d'un voyage long de plusieurs dizaines d'années, et sa voix était désormais celle d'un homme perdu, traumatisé par des visions morbides qui le hantaient encore. Le commandant avait livré son témoignage au conseil, d'une voix grave et monocorde, tandis qu'il avertissait les siens de la menace qui pesait sur Demacia. Il racontait comment des spectres par dizaines avaient décimé son armée, et en évoquant le grand démon qui s'était adressé à lui, le jeune homme fut pris de panique, et il sombra dès lors dans un mutisme des plus déroutants. Le commandant avec perdu ses hommes, et avec eux ce jour-là, sa dignité et sa volonté de servir Demacia.
Tous décidèrent de lui céder le pas, à l'exception de Jarvan, paisible et vigilant, qui n'avait jamais pu se résoudre à faire fi des sombres forces qui menaçaient la pérennité de la cité. Il avait emporté les écrits du commandant, et avait réuni une poignée d'hommes pour l'accompagner en reconnaissance sur ces terres inconnues. Et ce soir plus que jamais, les paroles du commandant martelaient la tête du jeune prince qui, perdu dans les méandres de ses cauchemars, sentait une présence impalpable le poursuivre où qu'il aille. Il pouvait ressentir le froid de la mort et la vive douleur de la peur au creux de sa poitrine, et au moment où le spectre prenait enfin forme, fait de brume, d'acier et de cendres, Jarvan se réveilla en sursaut, haletant, et prostré au fond de sa cabine. Après quelques instants, bercé par la cadence douce et régulière des vagues, le jeune homme sortit sur le pont. La nuit s'était abattue sur la mer, tant et si bien qu'on ne distinguait plus l'eau du ciel. Le navire évoluait donc maintenant dans cette obscurité sombre et opaque, avançant doucement mais inéluctablement vers sa destination.
Shyvana était assise à l'avant du bateau, sur la proue, les yeux perdus dans cette immensité noire et menaçante. Elle observait avec obsession le mouvement flou des vagues, et lorsque des embruns venaient éclabousser ses jambes, Shyvana tressaillait au contact glacé de l'eau. L'air pur et chaud de Demacia était bien loin désormais, et au fur et à mesure que s'écoulaient les jours, le temps s'était fait plus froid et plus humide. Malgré cela, l'atmosphère était pesante, et Jarvan ignorait si c'était le temps, l'appréhension ou l'approche des Îles obscures qui déchiraient le ciel de la sorte. L'ambiance était électrique et menaçante, comme si le ciel pouvait se rompre à tout moment.
L'esprit encore brumeux de l'effroi de ses cauchemars, Jarvan s'avança vers Shyvana. Il avait besoin de parler un peu, pour oublier tout cela. La créature restait néanmoins farouche, et lorsque la jeune femme sursauta à l'approche du prince, Jarvan bafouilla :
« Tu ne devrais pas rester ici... C'est... dangereux. »
La voix de Jarvan brisa le silence dense et sourd qui régnait sur le pont. Après l'avoir regardé quelques instants, Shyvana tourna la tête à nouveau, jusqu'à se perdre dans l'infinité marine. Elle aurait voulu parler à Jarvan, mais sans savoir encore pourquoi, Shyvana ne parvenait pas à s'adresser à lui ; ses mots restaient enfouis au fond de sa gorge nouée, et la gêne qu'elle éprouvait en la présence de Jarvan empourprait ses joues, et animait en elle un agacement teinté de tristesse.
Tant de questions restaient encore sans réponse, mais cela n'était pas le moment... pas maintenant. Ils restèrent ainsi de longs instants, dans un silence mutuel, voguant sur les eaux calmes, et respirant à plein poumons les embruns marins que leur offrait la nuit.
Quelques jours plus tard, lorsque la pâle clarté de l'aube vint éclairer le rivage des Îles Obscures, Shyvana, Jarvan et ses hommes posèrent le pied sur le territoire qui se déployait devant eux. Il régnait en ce lieu une ambiance tout à fait singulière. Il n'y avait pour ainsi dire ni jour, ni nuit, et l'ensemble de l'île semblait flotter dans un épais brouillard, se distillant au gré de légères rafales de vent. La rive semblait figée dans une sorte de murmure irréel, figée et glacée dans la brume électrique environnante. Jarvan et ses hommes avançaient prudemment, guettant le moindre mouvement qui pouvait se manifester. Il n'y avait cependant rien d'autre qu'un silence de mort, cinglant et dense. Tandis qu'il respirait, Jarvan se demandait malgré lui s'il était toujours en vie, tellement l'air semblait être artificiel et absent. Il semblait s'agir là d'un autre monde, perdu loin de Runeterra et de ses contrées florissantes.
À quelques mètres de la berge s'érigeait une sombre forêt, dont la multitude de branches formait devant eux mille sillons de bois, obscurssissant la vue qui s'offrait à eux. Les hommes s'arrêtèrent alors quelques instants, sans toutefois s'être concertés, à l'approche de l'orée du bois. Shyvana s'avança alors, et prit la tête de l'expédition. Elle s'enfonça peu à peu dans la forêt d'un air confiant, tandis que sa démarche insouciante se perdait dans le mélisme tortueux des arbres. Lorsque Shyvana fut avancée assez loin sur le chemin, les hommes se mirent en marche également, et au fur et à mesure que leurs pas épousaient le chemin boueux, la forêt semblait vouloir se refermer sur eux. Jarvan frissonnait, mais il n'en laissait rien paraître. Il sentait le regard de ses soldats peser sur lui, guettant la moindre faille chez leur capitaine pour émettre l'hypothèse de pouvoir rebrousser chemin. Mais il n'en fut rien : Demacia n'aurait de répit qu'une fois cette menace écartée, et Jarvan entendait bien explorer cette terre faite de sombres présages et de rumeurs insensées.
Au bout de quelques heures, la fatigue commença à se faire sentir dans les rangs demaciens. Shyvana, quant à elle, continuait sa route au devant des troupes. Elle semblait fascinée et ses bras, légèrement écartés, faisaient que ses mains allaient parfois caresser malgré elles les feuillages glacés de la forêt. Au fur et à mesure de leur avancée, la brume s'était abattue encore un peu plus sur le bois, et personne n'osait rompre ce silence latent et dangereux, comme s'il ne subsistait que lui pour préserver la paix incertaine du lieu.
Un éclair éblouit soudain les cieux, et le tumulte du tonnerre vint bientôt déchirer le ciel. La terre tremblait sous l'empreinte éreintée des soldats, et lorsqu'une pluie fine mais insistante vint ruisseler le long de leurs armures, les soldats pressèrent le pas jusqu'à arriver à l'entrée d'une grotte immense. Sans hésiter, les demaciens suivirent Shyvana, qui s'y était engouffrée.
Une obscurité profonde y régnait, et les hommes avançaient avec le plus grand soin sur les roches lustrées et humides, s'agrippant aux parois de la grotte pour ne pas trébucher. Au bout de quelques instants, Jarvan se sentit peu à peu oppressé, tandis que la peur gagnait son cœur, cette même peur latente qui avait agité son sommeil quelques nuits auparavant. Les paroles du commandant lui revinrent alors, et tandis qu'il essayait de faire fuir ces funestes idées de son esprit, Jarvan se demanda un instant si cette grotte avait bel et bien une issue vers l'extérieur.
C'est alors qu'un éclair du dehors éclaira fugacement la grotte, tandis que se dressait devant eux une majestueuse silhouette. Une femme était postée, debout sur une roche devant eux, bravant leur passage. Les soldats, dont les yeux s'étaient peu à peu acclimatés à l'obscurité, stoppèrent instantanément leur marche, tandis qu'ils tentaient tous de mieux distinguer la jeune femme. Malheureusement, ils avaient le plus grand mal à détailler celle qui leur faisait face, et il ne subsistait dans la pénombre que la silhouette élégante et vaporeuse de la créature.
Alors que la troupe était plus que jamais sur ses gardes, Jarvan fut surpris de ressentir une douce quiétude l'envahir. Il ignorait encore s'il s'agissait de la fatigue, ou de l'apparition soudaine de la créature, mais sa crainte semblait désormais envolée. Ce paradoxe fit naître en lui un profond sentiment de soulagement, et en observant ses hommes, Jarvan constata qu'il en était de même pour eux. Un sommeil étrange semblait vouloir s'emparer d'eux, et eux ne souhaitaient qu'une seule chose : y céder. Jarvan laissa alors son esprit vagabonder quelques instants, perdu dans l'irréel et l'intemporel. Mais lorsque soudain, son regard croisa celui de Shyvana, il vit que celle-ci était emprisonnée dans une sorte de cocon, épais et gluant. La jeune femme était assoupie, mais ses yeux encore ouverts, comme si elle était endormie dans un coma dont elle souhaitait sortir au plus vite. Jarvan tenta alors de brandir son épée, mais lorsque sa main gagna son fourreau, il constata avec effroi que ses pieds, ainsi que ceux de ses hommes étaient englués dans de minces filets de soie. Ils ne parvenaient cependant pas à bouger, et Jarvan réalisa alors que le doux sommeil qui les gagnait était en fait un poison qui rongeait leur vigilance, pour mieux les endormir.
Le jeune prince était tétanisé par la peur, paralysé dans cette toile humide et collante. Lorsqu'il releva la tête, il vit la jeune créature s'approcher doucement de lui. Il distingua son visage au fur et à mesure qu'elle s'avançait, laissant apparaître un visage aux traits fins, mais empli de démence. Les yeux rouges de la jeune femme le scrutaient, et ils semblaient pouvoir pénétrer en lui, au plus profond de son âme.
« Imbéciles, et faibles de surcroît. »
La voix doucereuse et légère de la jeune femme résonna dans la caverne avant de se perdre dans un rire hystérique. Alors que ce dernier venait se fendre sur les parois de pierre, Jarvan distingua alors le sol fourmiller sous ses pieds.
Ce qui semblait être un sentier de terre devint rapidement un amas grouillant, résonnant à l'appel de la jeune femme. Alors que les toxines paralysaient peu à peu le corps des soldats, Jarvan vit de petites araignées se précipiter par milliers sur sa troupe. Seuls leurs visages semblaient encore pouvoir bouger, et alors que la multitude d'arachnides remontait le long des jambes des soldats, jusqu'à piquer leur chair de morsures vives et éparses, Elise écouta avec délice résonner les cris de peur des demaciens, dans le clair-obscur de l'orage qui retentissait au dehors.