Chaque semaine, vous trouverez ici une fanfiction qui vous permettra d'en apprendre plus sur les aventures des champions de la League of legends. Cette semaine, place au premier chapitre d'une nouvelle saga.
C'est une odeur d'acier et de cendres qui réveilla la jeune créature. Elle ouvrit péniblement les yeux, luttant contre la clarté aveuglante de l'aube. L'esprit encore brumeux, elle se releva doucement. Son corps semblait encore endolori par la course effrénée qui les avait menés, elle et son père, à l'orée de cette forêt. Après s'être étirée, elle avança de quelques pas, passant d'une zone d'ombre à une parcelle de terre ensoleillée. C'est avec délice qu'elle sentait la chaleur encore douce du soleil sur sa peau. La jeune créature laissa glisser sa main le long de son bras, oscillant entre sa peau humaine et ses écailles rêches et cuivrées.
Le temps de toute une vie lui avait été nécessaire pour accepter sa condition particulière, tiraillée entre deux mondes que tout opposait. Mais encore aujourd'hui, lorsqu'elle observait un individu de l'une ou l'autre espèce, Shyvana se sentait déchirée, tant par le corps que par l'esprit. Elle n'aurait jamais les courbes douces de la féminité, et ne serait jamais non plus cette force majestueuse et implacable qui caractérisait les dragons.
En observant son père, encore assoupi, Shyvana détailla avec minutie sa carapace robuste et dorée. Il était grand, et d'une force incommensurable, et auprès de lui, Shyvana s'était toujours sentie en sûreté, s'endormant au rythme de ses respirations profondes et de son souffle rauque. Néanmoins, il était d'une froideur cinglante, et la jeune créature ignorait la raison de ce caractère abrupte et sévère. Peut-être était-ce là l'humeur des vrais dragons, et à cette idée, Shyvana soupira à nouveau. Elle semblait connaître chacune de ces sensations, sans toutefois pouvoir affirmer son appartenance à l'un ou l'autre monde.
C'était la malédiction qui résonnait chaque jour à ses oreilles, depuis qu'elle était née, depuis qu'elle était devenue le fruit d'une union contre nature. Elle ignorait ce qu'il était advenu de sa mère humaine, et finalement, cela lui était égal, car elle n'éprouvait pour elle que du mépris. Son père, en revanche, avait toujours été là à ses côtés. Finalement, sa sévérité importait peu puisque Shyvana n'avait jamais été abandonnée par lui et le grand dragon veillait sur elle comme sur sa propre vie. Shyvana ignorait cependant les raisons de cette dévotion froide et aveugle. Jamais elle n'avait reçu la moindre intention de sa part : pas un mot, pas un geste d'amour ou de compassion durant toutes ces années.
Était-ce là le fardeau qu'il avait choisi de porter pour le restant de sa vie ? Avait-il choisi de la protéger pour faire pénitence de ses erreurs passées ?
Shyvana regardait les écailles qui formaient la carapace de son père. Elles s'assemblaient parfaitement. Certaines étaient lustrées, ternies par l'âge et les batailles, tandis que d'autres avaient conservé cet éclat cuivré. Ces écailles-ci étaient les plus belles, et elles faisaient la fierté des dragons de cette espèce. Shyvana enviait cette parure solide et imposante. Elle était encore bien jeune, et la carapace qui parsemait son corps était encore fragile et terne. Son corps de femme était en revanche d'une élégance subtile, et son visage fin et lisse trahissait la beauté d'un autre monde. Cela ne suffisait cependant pas, et Shyvana ne parvenait pas à accepter son apparence, cette dualité qui combattait au sein de son propre corps et qui rongeait son âme. Elle n'avait connu que le dégoût des uns, la crainte des autres et en y repensant, Shyvana songea qu'elle ne savait pas lequel de ces deux aspects était le plus enviable.
Elle se souvenait de ces années tourmentées, où l'on détournait les regards à sa vue, et où sa simple présence suffisait à attiser les foules et à leur inspirer des cris de peur, quand ce n'était pas de colère.
La jeune femme payait encore pour les crimes de ses aînés, et cette vie de haine et de tourments avait plongé Shyvana dans un mutisme implacable. Elle parlait peu, et le sentiment de honte qui avait bercé sa vie l'avait fait devenir féroce et redoutable.
C'était un choix de vie qui s'était imposé à elle, tout naturellement. Sans pouvoir devenir réellement une créature de l'une ou l'autre espèce, Shyvana avait cependant décidé de ne pas renoncer à son droit le plus fondamental : celui de vivre un jour en paix avec elle-même, loin de ces cris de haine et à cette injustice grandissante.
Son père avait accompagné chacun de ses pas, et lorsqu'elle avait été en âge de combattre, ils étaient partis tous deux, fuyant la peur des hommes et la haine des dragons. Shyvana était une proie facile à leurs yeux, une monstruosité contre nature qu'ils se devaient d'éliminer, sous peine de voir leur lignée salie par une telle créature.
Magmastone Shyvana par FeraCursed
Les deux fugitifs fuyaient depuis des années l'un d'entre eux, un dragon que l'eugénisme avait rendu fou, et qui s'était juré de purifier son espèce en éliminant chaque individu qui pourrait faire obstacle à la magnificence des dragons. C'est encore sous le joug de ce bourreau implacable qu'ils avaient fui cette nuit encore, après une bataille acharnée, laissant derrière eux un chemin dévasté et enflammé.
Par-dessus tout, Shyvana détestait ces moments-là, non pas qu'elle eût peur de combattre ses ennemis, mais plutôt qu'elle se sentait dépassée par sa condition, plus que jamais dans ces instants. La rage qui rongeait son âme ainsi que son éternelle amertume faisaient qu'elle perdait souvent le contrôle de sa force en pareils moments. À ce signal se déchaînaient les enfers, et Shyvana se métamorphosait alors en un dragon grandiose et terrifiant. Mais cet état de grâce et de transcendance restait cependant éphémère, et de par son appartenance aux humains, Shyvana sentait inéluctablement décliner sa force, faiblissant petit à petit, jusqu'à redevenir cette créature perdue entre deux espèces.
Cette sensation animait en elle une frustration sans égale, car pendant quelques secondes, elle était un dragon à part entière, et le fait de goûter à cette quintessence de puissance et de sagesse meurtrissait son âme et sa chair lorsqu'elle redevenait cette créature vulnérable et imparfaite. Shyvana souhaitait plus que tout pouvoir contrôler cette dualité qui combattait en elle, et ainsi vivre sous l'apparence qui servait le mieux son état à un instant donné. La jeune femme avait d'ailleurs beaucoup lu à ce sujet, et enviait les rumeurs selon lesquelles certains métamorphes pouvaient changer d'apparence selon leur bon vouloir.
Le soleil était assez bas dans le ciel. L'air était encore frais, mais la plaine serait bientôt écrasée par une chaleur étouffante. Le dragon n'en avait cure, mais Shyvana ne pouvait pas se permettre de rester exposée à ce point, en témoignaient les nombreuses traces de brûlures incrustées sur ses parcelles de peau humaine.
Elle s'avança alors doucement près de son père, et s'agenouilla à ses côtés. N'observant aucune réaction à son approche, Shyvana baissa les yeux vers le ventre de la bête, là où il avait été blessé la veille, lors du combat. La plaie était béante, mais le sang noir du dragon n'en coulait plus. Shyvana retint alors son souffle quelques instants, en scrutant le moindre mouvement.
Rien.
Le corps de son père ne se gonflait plus sous ses respirations, et dès lors qu'elle s'en rendit compte, Shyvana s'effondra sur son père, furieuse et désespérée. Elle secoua le corps du dragon, jusqu'à en cogner la carapace de toutes ses forces, mais le cadavre froid et inerte de son père la fit tressaillir. Il n'y avait plus rien d'autre que la mort sous ces écailles, et tandis que Shyvana se laissait peu à peu envahir par cette implacable réalité, elle laissa échapper un râle profond et grave, entre le rugissement et les larmes, entre la sauvagerie et la tristesse.
Elle resta allongée ainsi de longues heures durant, la tête posée contre le ventre du dragon. Il n'y avait plus aucune volonté en elle, et alors que Shyvana se résolvait à dire adieu au seul allié qu'elle ait jamais eu, elle pria pour sombrer dans un sommeil sans rêves, dont elle ne pourrait jamais se réveiller.
C'est à ce moment-là que des bruissements dans les arbres alentours firent tressaillir la jeune femme, qui releva brusquement la tête. Une dizaine de soldats s'étaient approchés doucement, et observaient la scène avec stupéfaction. Ils semblaient fascinés par ce tableau peu commun, ne sachant pas si c'était la pitié ou la peur qui guidaient leur instinct. Lorsque Shyvana tourna le regard vers eux, les hommes eurent un geste de recul en apercevant les yeux jaunes et fixes de la créature. Ils brandirent alors leurs arcs, et alors qu'une pluie de flèches allait s'abattre sur elle, une voix vint briser le silence.
Un homme s'avança alors au-devant du groupe de soldats. Shyvana ne parvenait pas à le distinguer nettement, aveuglée par le soleil et par ses propres larmes. L'homme continuait sa marche vers elle, et Shyvana se releva alors brusquement, dans une démarche chaotique et désordonnée, laissant échapper un cri sauvage et terrifiant. Elle était à bout de forces, mais tentait de protéger le cadavre imposant du dragon derrière elle. Le jeune homme ne fut pas effrayé par ces démonstrations, et il continua d'avancer vers la créature.
C'est en arrivant à sa hauteur qu'il discerna sur le visage de la créature la détresse qui l'habitait. Shyvana, quant à elle, fut stupéfaite de ne pas voir la peur se dessiner sur le visage du guerrier. Il était grand, et arborait une armure singulière, ornée de métaux, d'écailles, et de reliques qui lui étaient inconnues.
Jamais un homme n'avait su affronter son regard et lorsqu'il posa sa main sur son épaule, lui murmurant qu'il ne lui voulait aucun mal, Shyvana sentit une peine sans égale submerger son cœur. C'était là son premier contact avec un humain, et cette main posée sur elle n'avait rien d'une menace. Le visage de l'homme était inflexible mais bienveillant, et Shyvana en fut troublée. Alors qu'elle détournait son regard, son interlocuteur se présenta à elle en tant que Jarvan IV, prince de Demacia.
Victorious Jarvan IV par Mallony