Salutations, invocateurs ! Bienvenue dans le dix-septième numéro des Chroniques de Runeterra. Chaque semaine, vous trouverez ici une fanfiction qui vous permettra d'en apprendre plus sur les aventures des champions de la League of legends. Cette semaine, place au quatrième chapitre de la saga.
En poussant la porte de l'appartement, Lucian lança, comme à l'accoutumée, un appel vers sa bien-aimée. Le silence qui s'en suivi cette fois l'arrêta net dans son élan. Le jeune homme resta sur le pas de la porte, n'osant pas fermer cette dernière, comme s'il était encore temps de fuir, de nier ce terrible pressentiment qui venait creuser son ventre et oppresser sa gorge. Il lança un second appel, sans y croire vraiment lui-même et au fur et mesure que les secondes s'écoulaient, Lucian ne parvenait pas à comprendre la terreur qui le gagnait petit à petit.
Dans un sursaut de panique, il claqua la porte et se précipita vers la salle de bain, dont la porte était restée entrouverte. Une fraction de seconde suffit alors à bouleverser sa vie à jamais. Dans l'encadrement de la porte, le jeune homme aperçut les jambes de Senna, allongées sur le carrelage. Il ouvrit alors la porte sur la funeste découverte. La jeune femme gisait là, inerte, dans une nudité malsaine. Lucian se précipita vers elle, l'enveloppant dans une serviette qui se trouvait là. Il la serra dans ses bras, de toutes ses forces, comme s'il imaginait que cela la ferait revenir, que tout cela n'était qu'une hallucination sordide et que dès à présent tout pourrait rentrer dans l'ordre. Mais il n'en fut rien : le corps de Senna se balançait lourdement au gré des mouvements de Lucian. Ses cheveux étaient encore mouillés et collaient à son visage, resté, lui, figé dans une expression de douleur lancinante. Lucian devina alors aisément que la mort avec été longue à venir, et cette perspective le rongea de l'intérieur, au fur et à mesure qu'il prenait conscience du caractère inéluctable de la situation. Une partie de lui voulait fuir à tout prix ce moment d'horreur, mais hélas, la peau glacée et raide de la défunte venait lui rappeler à chaque instant que tout était fini. Quelques larmes vinrent se répandre sur le corps de la jeune femme et Lucian commença à lui demander pardon, en chuchotant. Il n'avait pas su écouter ses avertissements, et peut-être que s'il l'avait fait, Senna serait encore de ce monde. Il s'excusa alors, comme s'il s'attendait à recevoir une réponse de sa part, et lorsqu'il ne reçut qu'un silence glacial en retour, Lucian s'excusa encore, de plus en plus fort, jusqu'à hurler pardon en implorant sa clémence. Les cris déchirèrent la pièce, et au bout de quelques minutes interminables à rugir sa détresse et son malheur, des agents de la milice enfoncèrent la porte, et vinrent se mêler à cette macabre découverte.
Lucian plongea alors dans un mutisme opaque et sombre, défiant du regard quiconque voulait lui retirer son aimée. Il allait devoir braver des océans de souffrance, et il était absolument révolté qu'on lui retire ces derniers instants et qu'on veuille ainsi la lui prendre. À vrai dire, Lucian serait bien resté là éternellement, à pleurer son grand amour perdu, jusqu'à ce que la mort vienne le chercher lui aussi. Face au caractère dangereux de l'individu, des infirmiers firent irruption, lui injectant un calmant qui le plongea rapidement dans un profond sommeil. Lucian connut alors un peu de répit, et dans ce calme soudain, il se mit à rêver de Senna, de son sourire qui illuminait chaque journée, de son rire qui retentissait aux quatre coins de la maison, et de ses colères adorables qui gonflaient son cœur quand elle était courroucée. Il rêva de chaque chose délicieuse qui jalonnait leur quotidien idyllique, et lorsqu'il se réveilla ce même matin, réalisant pour la seconde fois ce qu'il était en train de vivre, Lucian pleura, encore et encore, jusqu'à l'épuisement, et jusqu'à ce que le sommeil vienne une nouvelle fois le libérer de son fardeau.
On parle souvent de ces mauvais rêves, et du soulagement qui nous gagne lorsque l'on se réveille enfin. Eh bien, pour Lucian, c'était le chemin inverse, et cela le torturait à chaque fois qu'il regagnait la réalité. Une fois qu'il n'eut plus assez de force pour pleurer, ni plus assez de sommeil pour atténuer sa souffrance, Lucian se leva, et regarda la place vide à côté de lui dans le lit. Rien ne serait plus jamais comme avant.
Quelques jours plus tard, lorsque les funérailles eurent lieu, Lucian ne souhaita pas parler. Il n'y avait que peu de monde, et le jeune homme assistait passivement à la scène, comme s'il pouvait se voir d'en haut, détaché de son enveloppe corporelle. Les sermons de l'homme d'église glissaient et virevoltaient dans l'air comme un fond sonore, dépourvu de sens et agaçant le jeune homme au plus haut point. Cela faisait maintenant des jours qu'on lui présentait des condoléances, des airs dépités et navrés censés éponger quelque peu sa douleur. Mais cette empathie lui donnait la nausée, et il était épuisé d'entendre que oui, c'était une épreuve redoutable, mais qu'avec le temps, la douleur laisserait place aux souvenirs merveilleux de Senna. Finalement, Lucian était un homme lucide, et il savait déjà tout cela. Ce que ces autres ne comprenaient guère c'est qu'il souhaitait juste que tout s'arrête, maintenant, sans devoir attendre que la douleur le quitte. Même s'il avait une chance de s'en sortir, Lucian ne voulait qu'une chose : plonger au cœur de cette immensité ensommeillée, la parcourir encore et encore, jusqu'à retrouver les bras de Senna, au creux desquels il trouverait enfin le repos.
Alors que l'on descendait le cercueil sous terre, Lucian aperçut au loin la silhouette de Senna briller parmi les arbres. Il se frotta les yeux, refoula les larmes qui le submergeaient. Ce n'était pas la première fois qu'il avait ce genre de vision depuis la mort de la jeune femme, et parfois même en se réveillant le matin, il croyait encore sentir les lèvres tendres de Senna contre les siennes.
Des semaines durant, Lucian erra chez lui, n'étant plus que l'ombre de lui-même. Il ne trouvait de réconfort qu'une fois rendu aux portes de l'ivresse, qui l'accueillaient chaque soir comme un ami fidèle. L'alcool embrumait son esprit, jusqu'à créer un épais brouillard et rapidement, le jeune homme sentait son esprit lâcher prise. Lorsqu'il était ainsi, Lucian oubliait jusqu'à son propre nom, et il pouvait alors devenir qui il voulait. Il pouvait prétendre n'avoir jamais connu Senna, et se permettre de penser qu'il avait été stupide de tomber si vite amoureux, et d'avoir été si vite incapable d'imaginer sa vie sans elle. Lorsque malheureusement, Lucian sentait l'ivresse se dissiper quelque peu, il saisissait alors son arme et mettait une seule et unique balle dans le barillet du revolver. Il pointait alors l'arme sur sa tempe, d'un geste ferme et assuré, ne sachant pas vraiment lui-même ce qu'il souhaitait le plus. Mais la malchance était étrangement de son côté, et après avoir pressé la détente, Lucian était toujours debout, tremblant et sanglotant sur un autre verre d'alcool. Parfois, lorsqu'il ne savait plus que faire, il implorait Senna de lui répondre, lui demandant doucement ce qu'il devait faire, ce qu'il était censé devenir sans elle. Ce silence persistant le rendait fou et lâche et il se demandait si la jeune femme pouvait l'entendre, quelque part, s'il lui manquait, ou encore si elle lui en voulait d'avoir ri de ses pressentiments. Il repensait au moment où il rentra chez lui ce soir-là, sans encore savoir ce qu'il l'attendait, et il regretta cet instant. Il regretta aussi de n'avoir rien ressenti d'alarmant pendant que Senna agonisait. Il n'y avait peut-être rien après la mort, ou en tout cas, s'il y avait quelque chose, la jeune femme semblait l'avoir abandonné, seul, en proie au doute et à la plus grande faiblesse.
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Une nuit, alors qu'il n'en pouvait plus de souffrir et d'être lâche à ce point, Lucian décida ironiquement de reprendre sa vie en main. Il revêtit sa veste favorite, siffla un dernier verre, s'arma de son revolver, ainsi que de celui de Senna, et se mit en route. Il marcha jusqu'à atteindre un immeuble, le plus haut de la ville. Il parvint à s'y introduire sans peine, et il commença à gravir les escaliers qui menaient au toit de l'édifice. Au bout de quelques minutes, épuisé, enivré et à bout de souffle, Lucian arriva à destination. Il s'avança doucement jusqu'au bord de l'immeuble, tandis que le vent gonflait son manteau. Une mince pluie commença alors à tomber, et lorsque le jeune homme regarda dans le vide immense qui était devant lui, il fut pris de vertige, mais ne recula pas. Il glissa le bout de ses pieds dans le vide, et se sentait happé par le gouffre noir, à la fois apeuré et soulagé à l'idée de sa fin prochaine. Il pensa une dernière fois à Senna, la défia de lui répondre avant qu'il ne soit trop tard. Lorsque cet ultime silence répondit à son appel, Lucian inspira profondément avant de se précipiter dans le vide. La douleur ne lui importait que peu maintenant, car dans quelques secondes, il n'y aurait plus de souffrance, et il ne serait plus qu'un cri emporté par le vent froid d'automne.
Au moment précis où il allait plonger dans l'immensité devant lui, Lucian ressentit une violente douleur à l'épaule. Un grappin était venu se planter dans sa peau, et il hurla de douleur lorsqu'il fut brutalement tiré vers l'arrière. Un frisson d'horreur le parcourut, et le jeune homme semblait comme paralysé. Il sentait cette menace sourde derrière lui, et fut surpris de pouvoir encore ressentir autant de peur. Dans le tumulte des rafales de vent, Lucian entendit distinctement un murmure se former, d'une voix caverneuse et rauque :
« C'est moi qui ai tué Senna. »
Le démon posa sa main sur l'épaule meurtrie de Lucian et en extirpa le grappin. Lucian n'osa pas se retourner, et bientôt, la créature brandit devant lui une lanterne. Le jeune homme crut entendre la voix de Senna l'espace de quelques secondes, et lorsqu'il posa la main sur l'objet, Lucian revécut le calvaire de sa bien-aimée. Il revit ses cauchemars terrifiants, ressentit son angoisse et sa peur, et partagea enfin l'agonie qui l'avait menée à sa mort. Il savait tout maintenant. Ensuite, il y eut un souffle puissant, et lorsque Lucian se retourna, la chose avait disparu.
Il savait qu'il n'avait pas rêvé et, peu à peu, alors qu'il s'éloignait du vide, Lucian sentit sa faiblesse se consumer. De ces cendres naquit un autre homme qui se mit à hurler, insufflant dans ce dernier cri, toute la souffrance qu'il lui restait. L'heure n'était plus aux larmes maintenant. Lucian saisit alors les deux armes : la traque allait enfin commencer.
