Tout juste deux mois avant le déploiement de la tant attendue extension Wrath of the Lich King Classic de World of Warcraft, dans l'ombre de l'enthousiasme généralisé ne cesse de croître un épineux problème pour Blizzard Entertainment : les serveurs. Véritables cœurs de l'expérience dite "originelle" de WoW, ces royaumes virtuels, l'un d'eux principalement, sont en effet au centre d'une polémique croissante... Et il est plus que temps d'en parler.
Le bonheur, c'est avant tout ton serveur
Si de nombreux joueurs l'ont oublié avec le temps (et surtout l'apparition de l'interconnexion généralisée sur la version moderne du jeu), les serveurs de World of Warcraft étaient à l'origine même des relations entre les joueurs, et donc du succès du jeu (en plus d'autres éléments bien sûr). Tout était à l'origine lié à vos échanges avec les joueurs qui partagaient votre quotidien sur votre royaume virtuel, et si vous jouiez suffisamment régulièrement alors vous retrouviez souvent les mêmes joueurs en train de faire du PvP sauvage, les mêmes en train d'arnaquer le serveur entier en vendant des objets à des prix ehorbitant à Hurlevent, ou encore les mêmes joueurs qui pratiquaient intensivement le "pick up" en PvE !
Il était pour ainsi dire crucial de travailler votre "e-réputation" si vous cherchiez à évoluer dans le jeu. Le moindre conflit pouvait rapidement vous envoyer directement dans la liste noire des meilleures guildes du serveur, et c'en était fini pour vous. Il y avait donc plutôt intérêt à se tenir à carreau !
Avec le retour de WoW Classic en 2019, cette façon de jouer et d'aborder l'univers de World of Warcraft a refait surface. Bon, à moindre mesure certes puisque les relations entre joueurs ont bien évolué depuis 18 ans, mais la base demeure présente. Et si on regrettera principalement l'intégration abusive du "sharding", cette mécanique introduite par Mists of Pandaria qui consiste à scinder chaque royaume en micro-royaumes afin d'éviter les lags et autres problèmes liés à la présence de trop nombreux joueurs en un lieu donné, "l'expérience Classic" demeure relativement acceptable en l'état bien qu'absolument pas fidèle à celle de l'époque.
Enfin, ça c'est pour le commun des joueurs francophones...
Le scandale Firemaw
Dans une version du jeu représentée massivement par la sur-représentativité d'une seule faction sur un royaume donné, Firemaw, un royaume PvP où toutes les nationalités européennes se croisent (francophones inclus), était un véritable OVNI qui ravissait les grands adeptes de combats en monde ouvert.
Firemaw, c'était l'art et la manière d'être véritablement le serveur le plus peuplé au monde avec une population presque parfaitement équilibrée : 51% de joueurs de l'Alliance pour 49% de la Horde. Peu importe où vous rodiez, vous étiez à peu près sûr de rencontrer quelqu'un de la faction adverse à un moment donné ; et si durant le leveling on s'échangeait souvent de courtoises salutations pour ne pas ralentir la progression de l'autre, tout dégénèrait parfois rapidement en importants combats mêlant de nombreux joueurs !
Mais avec le déploiement de la Phase 5 : Fury of the Sunwell, l'affluence fut si importante sur ce serveur hors du commun que les files d'attente ont rapidement largement entaché le plaisir de jouer de nombreux joueurs. On parle là de plus de 10 000 joueurs en file en plein mois de mai, juste pour le déploiement d'une mise à jour de contenu majeure !
Forcément, Blizzard a rapidement du intervenir et proposer une solution pour limiter la casse en attendant de trouver une solution à long terme. Et l'idée trouvée fut des plus radicales : dès le 24 mai 2022, Firemaw devenait complètement verrouillé et isolé des autres royaumes. Impossible d'y créer de nouveaux personnages si vous n'en possédiez pas déjà un là-bas, et impossible d'y migrer. Par contre, des migrations gratuites visant à désengorger la population de ce royaume ont ouvert leurs portes ! Et c'est là que les choses ont tourné au vinaigre.
Blizzard et son silence : La fois de trop
Après des semaines d'attente et d'isolement, et alors même que les files d'attente ont pris fin à peine deux semaines après le déploiement de la Phase 5, les très nombreux joueurs de Firemaw ont cessé d'espérer des nouvelles de la part de Blizzard. Silence radio absolu, on voyait jour après jour le serveur se vider de sa population qui faisait pourtant sa célébrité jusqu'à tout récemment.
Et devinez ce qu'il se passe quand vous verrouillez un royaume deux mois durant sans communiquer ? Les joueurs fuient pour pouvoir jouer avec leurs amis. Pire encore, en permettant à certains serveurs déjà largement peuplés d'accueillir les "réfugiés de Firemaw" grâce à des migrations gratuites, Blizzard a orchestré la plus grande exode de joueurs de la Horde de l'histoire de WoW Classic à destination de méga-serveurs européens dédiés à la Horde. Ainsi, depuis le début du mois de juillet 2022, Firemaw est peuplé à 93,2% de joueurs de l'Alliance, pour à peine 6,8% du côté de la Horde.
Note : La population réelle du serveur n'est pas connue, on parle ici uniquement des joueurs ayant "log" sur WarcraftLogs. Cela donne toutefois une idée aux joueurs non-présents sur Firemaw, le constat sur le terrain étant à peu de choses près identique.
Si le problème n'est pas encore très clair, le voici : de nombreux joueurs ont choisi de jouer sur Firemaw pour son équilibre presque parfait permettant un PvP en extérieur vivant et intéressant. Avec la présence de près de 94% de joueurs d'une seule et même faction à cause de l'exode orchestrée par Blizzard, le royaume a été vidé de tout son intérêt et les nombreux qui espéraient une expérience mémorable durant Wrath of the Lich King Classic se retrouvent à subir les choix désastreux de Blizzard... Dans l'indifférence générale. Aucune solution n'a jamais été évoquée par l'éditeur afin de contrer ce problème, et on se retrouve désormais avec un serveur à moitié verrouillé aux antipodes de ce qu'il était quelques semaines plus tôt.
Des milliers de joueurs sont actuellement désemparés et regrettent amèrement d'avoir migré un jour sur Firemaw, ou bien d'avoir simplement choisi de créer un personnage ici en quête d'expériences formidables à WotLK Classic. Que leur dit-on aujourd'hui ? Qu'ils se sont fourvoyés, et que le "PvP" à côté du nom de leur royaume dans la liste des serveurs disponibles ne servira jamais à rien sur un serveur consanguinisé par la présence massive d'une seule et même faction.
Cette situation aurait pu être évitée avec un minimum de communication et d'anticipation de la part de l'éditeur. Elle aurait du l'être. Et si on ironise beaucoup ces derniers temps au sujet du manque de communication depuis toujours du côté de Blizzard, cette fois c'est sans doute la fois de trop. Aucune excuse, aucune explication, aucune transparence. Rien.
On nous balance simplement au visage, quelques jours plus tôt, que "le serveur est à nouveau ouvert" au fil d'un thread à peine visible sur les forums Battle.net. Depuis deux mois, on subit. On attend un simple communiqué qui réduira un tant soit peu nos craintes et nous redonnera espoir en Blizzard après ce désastre, un communiqué qui n'arrivera finalement probablement jamais au vu de la situation dans laquelle s'embourbe le serveur. Les joueurs de la Horde sont partis, Firemaw est mort, il est déjà trop tard quoiqu'il arrive.
A l'aube du déploiement de l'extension Classic la plus attendue des joueurs, des milliers d'entre eux sont déjà sûrs d'une chose : leur expérience de Wrath of the Lich King Classic sera au mieux médiocre, et il sera difficile pour Blizzard de leur faire avaler la pilule avec quelques faux artifices déployés éventuellement afin de masquer l'absurdité que représentent ces serveurs mono-factions.
Une situation invisible aux yeux de tous qui en dit pourtant bien plus qu'on l'imagine sur certains sujets, notamment l'état des royaumes dédiés à la version Classic du jeu. Une situation qui restera sans doute malheureusement dans l'ombre du bonheur de nombreux joueurs généré par la (re)découverte du Norfendre... Sur des serveurs à faction unique.