Sorti en 2007, STALKER : Shadow of Chernobyl a marqué son époque, mais tout semble se mettre en travers de sa suite. Après une annulation, cinq reports, une épidémie et une guerre toujours en cours, voici enfin STALKER 2 Heart of Chornobyl. Comme nous l'ont appris Duke Nukem Forever et Cyberpunk 2077 (entre autres), ces sorties dans la douleur sont rarement à la hauteur des attentes. Il est important de préciser que notre test et la note du jeu sont complètement indépendants des circonstances extrêmes dans lequel il a pu être développé. Nous jugeons le résultat final aussi objectivement que possible, mais rien ne vous empêche d'ignorer ses défauts pour faire preuve de solidarité envers l'Ukraine en faisant l'acquisition du jeu.
- Genre : FPS, Survie, Monde ouvert
- Date de sortie : 20 novembre 2024
- Plateformes : PC, Xbox Series
- Développeur : GSC Game World
- Éditeur : GSC Game World
- Prix : 59,99 €
- Testé sur : PC
Absolute madness
Pour les nombreuses personnes auxquelles l'univers de STALKER n'est pas familier, sachez que c'est une uchronie. Le point de départ est l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine, qui devrait être plus ou moins familière à tout le monde. Les événements divergents quand des scientifiques décident d'utiliser la zone d'exclusion pour effectuer des expériences aussi dangereuses qu'immorales. Une seconde explosion a lieu, suite à une expérimentation qui a mal tourné.
La zone s'agrandit et en plus des radiations, des phénomènes paranormaux apparaissent. Sans entrer dans les détails, la région est devenue encore plus dangereuse et hostile, avec des monstres et des zones mortelles, invisibles, en plus des tueurs invisibles et omniprésents que sont les radiations. Cela n'a pas découragé différentes factions, ainsi que des récupérateurs, les fameux Stalkers, de s'aventurer dans la zone pour récupérer les précieux artefacts aux propriétés exotiques qui sont apparus. Cela ne se limite pas à une chasse aux trésors radioactifs, puisque des complots et des conflits d'intérêts viennent compliquer la situation. Certains vénèrent la zone, d'autres veulent l'exploiter, voire la faire disparaître.
Sans spoiler l'histoire, sachez que c'est la suite du jeu précédent et de ses extensions. Elle est intéressante et elle exploite bien l'univers particulier de STALKER, tout en nous offrant des choix difficiles. Un soin important a été accordé aux personnages principaux et aux dialogues entièrement doublés en anglais, ou en ukrainien si vous préférez une immersion plus complète. On a droit à plusieurs heures de cutscenes parfois assez viscérales, permettant d'en apprendre plus sur Skiff, notre protagoniste, ainsi que sur les principaux acteurs des désastres à venir.
In the zone
La vaste région d'exclusion entourant la centrale est en grande partie inspirée de la topographie réelle, avec ses marais, ses forêts, ses villes abandonnées. Ses monuments soviétiques et structures délabrés sont aussi vaguement familiers. C'est suffisamment varié tout en restant crédible. Le tout peut être exploré librement, comme une grande partie de la centrale, du moins, si vous survivez assez longtemps pour ça. Sans l'équipement adapté, les radiations vont vous tuer en quelques secondes.
Les anomalies constituent le principal danger de la zone. Présentes sous de nombreuses formes, comme autant de pièges mortels, allant de la simple flaque d'acide facile à repérer au champ de mines explosives volantes totalement invisibles, elles sont absolument partout. Courir sur la route est un excellent moyen de traverser un nuage flottant d'éclats de verre qui va vous transformer en lambeaux. On apprend à les repérer ou à révéler leur présence en lançant des vis rouillées aux endroits suspects, ce qui permet de les déclencher sans risque. Mais il faut se dépêcher de passer, puisqu'elles se réactivent après un court instant. Tenter de récupérer un artefact caché dans une zone pleine d'anomalies invisibles se réactivant constamment explique le taux de mortalité élevé des Stalkers.
La zone est aussi pleine de mutants, mais on est davantage dans le domaine de l'horreur que du fantastique. Par exemple, les meutes de chiens aveugles constituent le principal danger durant une bonne partie de l'aventure. Ces sales cabots sont horriblement vicieux, puisqu'il y en a toujours un ou deux qui vont vous contourner pour vous déchirer les mollets pendant que vous tentez d'en abattre un autre. Par la suite, des créatures bien plus grotesques font leur entrée et on tombe quasiment dans les horreurs Lovecraftiennes. Leur seule présence dans la zone fera délirer votre personnage. Vous allez entendre encore plus de voix que Senua, pendant que des illusions vont vous assaillir de tous les côtés et que votre vie siphonnée. C'est vraiment bien fait et même en connaissant les capacités précises de ces ennemis, on se fait encore surprendre et il reste difficile de les contrer.
Les autres êtres humains restent un des principaux dangers, puisqu'il est rentable de tuer quelqu'un pour s'emparer de son équipement, alors que les mutants ne rapportent rien. Il faut saluer la manière dont le jeu assume ses choix de design assez cohérents et réalistes. Pour revenir à vos collègues, ils sont très dangereux. Entre les efforts concertés de leur groupe pour vous prendre en tenaille et les lancers de grenades, la mort peut arriver très vite une fois de plus. On appréciera aussi le fait que l'IA ne triche pas, elle ne connait pas votre position lorsque vous êtes cachés et cela se sent. Cela compense la pénible habitude du jeu de téléporter des ennemis à proximité.
Un événement imprévisible va néanmoins réconcilier tout le monde : l'émission. Une immense décharge d'énergie en provenance de la centrale va rendre le ciel rouge. Vous n'avez que peu de temps pour trouver un abri solide, comme un bâtiment en béton ou une grotte, puisque le vent va tuer tout ce qui est encore dehors lors des minutes qui suivent. Autant dire que si une émission a lieu lorsque vous êtes en pleine campagne avec un inventaire surchargé, il faut tout lâcher et se mettre à courir. Il est amusant de croiser les autres Stalkers et même les mutants courir vers le même abri que vous, ce qui peut donner lieu à une cohabitation déplaisante ou à un bain de sang.
Avec sa météo peu clémente, son ambiance morose de dépression et de misère post-URSS. Auxquels il faut ajouter ambiance oppressante durant lequel le danger est presque omniprésent, STALKER 2 est un aperçu de la vie difficile et déséquilibrée que doivent expérimenter les Ukrainiens. C'est une expérience solitaire et dépourvue de chaleur humaine dans une zone de guerre. Sans surprise, le jeu partage aussi de nombreux points communs avec la série des jeux Metro. On est entourée par des ruines soviétiques de type brutalistes, on mange du saucisson en enchaînant les shots de vodka et les boissons énergétiques. Et de l'énergie, vous en aurez besoin pour courir, puisque comme Dragon's Dogma 2, STALKER 2 ne propose pas de système de voyage rapide. Au mieux, vous pouvez payer un guide pour vous transporter entre deux camps majeurs déjà visités en personne.
Autant le dire tout de suite, STALKER 2 n'est vraiment pas un jeu pour tout le monde. L'immersion est une part importante du jeu et elle est ouvertement déprimante, avec des moments délibérément vides et ennuyeux, suivis par des combats désespérés contre des ennemis qu'on n'a pas vu venir. On incarne un loser au fin fond de l'échelle sociale, plutôt qu'un glorieux héros. La difficulté s'avère aussi brutale, voire souvent injuste. Préparez-vous à mourir encore plus fréquemment que dans un Souls-like. Un compteur vous narguera même là-dessus.
Stalking : mode d'emploi
Les bases du gameplay sont pourtant simples, on est en territoire connu pour toute personne ayant joué à un First Person Shooter dans sa vie. On met la main sur différentes armes aux propriétés intuitives, on vise et on shoot tout ce qui a l'air vaguement dangereux en essayant de se mettre à couvert. L'accent est davantage mis sur le réalisme relatif, dans le cas présent, ce n'est clairement pas Doom, c'est même tout le contraire. La gestion de l'inventaire, des munitions et des différentes jauges est primordiale.
Il faut utiliser le terrain autant que possible, que cela soit en trouvant une bonne position, ou en incitant les ennemis à passer dans une des anomalies invisibles de la zone. Il est à la fois jouissif et un peu terrifiant de les voir à l'œuvre en tant que spectateur plutôt qu'en guise de victime. On ne se lasse pas d'assister à l'envol et à l'explosion des ennemis transformés en ballon sanguinolents. Comme vous devez l'avoir compris, la progression demande d'être lent, prudent et méthodique. On utilise des scanners, puis on lance des boulons pour repérer les zones dangereuses locales, jusqu'à mettre la main sur l'artéfact tant convoité.
Stalker 2 fait le pari osé de ne pas intégrer d'éléments qu'on associe souvent aux RPG comme les compétences, statistiques et points de talent. La progression dépend avant tout de l'équipement et du joueur. On tire des leçons de chaque situation, pour apprendre à mieux les gérer à l'avenir, comme le ferait un véritable Stalker, plutôt que soudainement apprendre comment encaisser une balle de plus avant de mourir. Votre équipement est minimaliste, avec une armure, un pistolet et deux armes principales. Un masque à gaz vous aidera aussi à lutter contre les radiations.
Vous pourrez aussi mettre la main sur différents scanners aux propriétés pour trouver plus ou moins facilement les artéfacts. Il est possible d'équiper jusqu'à cinq desdits artéfacts, mais ils constituent la plus grosse opportunité manquée du jeu à nos yeux. Ils n'offrent que de vulgaires bonus passifs, en vous protégeant des dégâts d'une certaine source ou en augmentant la charge maximale, tout en vous irradiant au passage dans la majorité des cas. À moins d'avoir une armure de haut niveau, il faudra choisir entre passer votre temps à les équiper puis à les retirer. Ou alors à picoler comme un Russe pour réduire la jauge de radiation (tout s'explique) avant de manger, puisque cela donne faim de boire.
Ils auraient certainement pu élargir le champ des possibilités, avec des pouvoirs exotiques et étranges. On s'attendait à ce qu'ils nous aident à franchir les obstacles d'une façon ou l'autre, comme le font déjà certaines anomalies. Cela qui aurait permis d'adopter des approches radicalement différentes en fonction de ce que vous avez eu la chance de trouver. Ce n'est malheureusement pas le cas, dans le meilleur des cas, ils permettent d'encaisser plus de dégâts, ce qui permet de mourir un peu moins vite. Ils font simplement office d'extension de votre armure.
L'arsenal à disposition souffre de la même banalité, avec toutes les armes habituelles au rendez-vous. La variété vient surtout de la place prépondérante occupée par les armes soviétiques (logiques) et par la multiplication des types de munitions. On en apprécie d'autant plus la standardisation de l'OTAN. Il faut attendre d'approcher la fin du jeu pour mettre la main sur des armes Gauss ou pour sortir le RPG. On déplorera l'absence de lance-flammes et de cocktails molotovs, qui auraient pourtant été très utiles face à certains types d'ennemis. Le craft se limite à l'installation de mods et de diverses améliorations sur vos armes et armures auprès des techniciens.
Mentionnons au passage que l'économie de STALKER 2 n'est pas très développée ou équilibrée. On n'a presque aucune raison de dépenser notre argent, ce qui explique peut-être pourquoi réparer son armure et ses armes peut coûter davantage que d'acheter de l'équipement neuf. Cela finit par atteindre un niveau absurde, et on se traine au camp avec les sacs trop-plein, dans l'espoir d'avoir juste de quoi payer les réparations. Le jeu ne plaisantait pas lorsqu'il disait que le poids est le pire ennemi du Stalker, il va vous tuer plus d'une fois.
Not great, not terrible
Comme c'est souvent le cas avec les jeux peinant à sortir après des années, STALKER 2 s'avère assez décevant à bien des égards, comme l'a été Cyberpunk 2077 à sa sortie. Il est loin d'atteindre son plein potentiel et d'offrir toutes les fonctionnalités et options qu'on espérait trouver. De plus, le jeu souffre d'un grand nombre de bugs, et de sérieux problèmes d'optimisation. Certains peuvent même s'avérer bloquants, comme les échelles impossibles à grimper et des dialogues ne laissant qu'Alt+ F4 en échappatoire. Espérons que le patch accompagnant la sortie du jeu améliorera les choses, mais il ne faut pas non plus s'attendre à un miracle. Il faudra probablement plusieurs mois pour nettoyer le chantier. Ironiquement, on a parfois du mal à dire si on a affaire à un bug ou à une anomalie de la zone.
En dehors des problèmes de finition, le pire est probablement la pauvreté des outils et options mis à notre disposition dans notre exploration du monde, ce qui est vraiment frustrant pour un jeu de type immersive sim. On a déjà accès à tout à la fin du prologue : une lampe, un couteau, un détecteur d'anomalies et de la ferraille à jeter. Il est impossible de crocheter les portes, ou de les détruire avec des explosifs. On passe son temps à être bloqué par de frêles portes en bois pourri et par des cadres de fenêtres vides et branlants, parce qu'il n'existe généralement qu'un seul moyen prédéterminé pour entrer quelque part. Cela se limite habituellement à trouver un code, ou une clé, ou à franchir des obstacles pleins d'anomalies, mais on ne vous laissera presque jamais le choix. Même déplacer une caisse pour franchir un obstacle est au-delà de notre capacits. Autant dire que la créativité et l'improvisation ne sont pas au menu.
Des outils plus avancés comme des lunettes de vision nocturne ou un détecteur de mouvement auraient été les bienvenues, on n'a même pas de jumelles. Dans la même veine, mentionnons l'absence l'intégration des véhicules dans le gameplay. Les différentes factions disposent de voitures, de BMP-2, de chars et d'hélicoptères en état de marche, mais vous ne les verrez juste passer lors d'une scène ou d'un combat scripté dans le meilleur des cas. Lorsqu'on est censé participer à une grande bataille d'envergure, avec de nombreux engins militaires alignés, on a juste droit à une poignée de fantassins fonçant stupidement vers les lignes ennemies sans le moindre soutien. C'est comme si un film à petit budget tentait de réaliser une scène de combat d'un blockbuster. C'est décevant, et cela montre bien que les ambitions du studio de STALKER 2 ont probablement dû être revues à la baisse à plusieurs des niveaux, ce qui est compréhensible au vu des circonstances entourant son développement.
Mais pour ceux qui sont prêts à relever le défi et à serrer les dents, STALKER 2 peut-être une fantastique expérience. Il existe un public surprenamment large pour les univers déprimants associés à une difficulté brutale. Il vaut probablement mieux attendre un moment avant de se lancer, pour laisser aux développeurs le temps de peaufiner leur œuvre. Comptez environ 30 à 40 heures pour terminer l'histoire principale en ligne droite, si vous réussissez l'exploit de ne pas partir explorer tous les mystères que vous allez croiser en chemin. Pour explorer toute la carte, avec ses 65 km² en surface et ses nombreuses installations souterraines, prévoyez plutôt 100 à 150 heures d'après nos estimations. L'histoire principale dispose aussi d'une certaine rejouabilité en s'alliant à une autre faction et en faisant des choix différents.
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