Baldur's Gate 3 propose une quantité de personnages recrutables en guise de compagnons assez importante. Parmi la petite dizaine de camarades de route existants, certains sont inévitablement plus appréciés que d'autres et c'est sans trop de surprise que l'on apprenait assez récemment que Lae'zel était la moins aimée de tous. Le Narrative Designer de Dragon Age s'est exprimé à ce sujet, estimant même qu'il y aurait selon lui un fond sexiste à ce rejet.
Infographie des races dans Baldur's Gate 3
Dans Baldur's Gate 3, vous rencontrez tôt ou tard des alliés avec lesquels établir des liens afin de vous soutenir dans l'intense aventure qui vous attend. Parmi les six principaux, c'est sans grande surprise que les plus appréciés en guise de personnages d'origine (les personnages prédéfinis à jouer) sont Gayle, Karlach et Astarion. Plus loin dans le jeu, quand des liens se tissent entre le joueur et ses alliés, ce sont là encore les mêmes qui dominent le classement en matière de romances, à la seule exception que cette fois c'est Ombrecoeur qui écrase largement ses camarades avec près d'un joueur sur deux qui a opté pour une relation plus qu'amicale avec elle.
Ces statistiques officielles n'ont rien de très étonnant et peuvent aisément être reliées au choix de la race préférée des joueuses et joueurs. En tête des races les plus jouées on remarque que le Demi-Elfe, l'Humain et l'Elfe sont largement devant toutes les autres, suivis par le Drakéide, le Tieffelin et le Drow, des races soit très classiques dans les univers d'Heroic Fantasy et souvent proches de l'être humain, soit incarnant des plaisirs coupables de joueurs en quête de pouvoir (le fait de pouvoir jouer un dragon notamment dans le cas du Drakéide).
Et puis voilà, qu'il s'agisse du choix de personnage d'origine ou de la romance, Lae'zel arrive en dernier et de très loin. Là encore, cela fait écho au graphique ci-dessus démontrant que les Githyankis, la race de Lae'zel, sont la race la moins appréciée des fans. Leur teinte de peau verdâtre leur vaut souvent d'être confondus avec des Orcs, et les traits physiques dont ils disposent étant à la fois humanisés et très différents de ce à quoi on pourrait s'identifier y jouent sans doute pour beaucoup dans le désamour à l'égard de cette race.
Lae'zel, la mal-aimée de Baldur's Gate 3
Le cas de Lae'zel va pourtant bien au-delà de ces particularités physiques évidentes. Si l'on en croit les réactions de très nombreux joueurs, on ne retient qu'une chose : il s'agit d'un personnage violent, agressif, imbu de lui-même et franchement désagréable. Elle n'est que colère et ne vous brosse jamais dans le sens du poil, vous, héroïne ou héros. Et ça agace beaucoup, beaucoup de joueuses et joueurs qui n'envisagent pas de partager leurs aventures avec un tel être.
Pour le Narrative Lead de la saga Dragon Age, David Gaider, ce phénomène serait caractéristique de l'accueil que réservent les fans des jeux de ce type aux personnages de ceux-ci. Plus précisément, il évoquait que la communauté de fans de Dragon Age (et donc de jeux de rôle) aurait tendance à être plus clémente à l'égard des personnages masculins plutôt qu'aux féminins.
En réponse, Joseph Clark, un auteur indépendant, a estimé quant à lui qu'il était davantage question d'un manque de charisme que d'un biais patriarcal de la part des joueuses et joueurs. Selon lui, le fait que Lae'zel soit désagréable en permanence, tente de commettre un meurtre assez rapidement après son arrivée à votre camp et qu'elle insulte à demi-mots le joueur à chaque réplique dans une langue qu'il ne comprend pas jouerait beaucoup dans la faible estime qui lui est accordée.
Mais le Lead Narrative de Dragon Age n'en démordait pas : tous ces éléments n'auraient absolument aucun impact dans l'appréciation ou non d'un personnage. Ce qui ferait que Lae'zel est mal-aimée c'est sa condition de femme portant une armure lourde, ayant des objectifs précis et n'ayant guère de temps pour les actes héroïques pour faire bonne figure. Elle sait où elle va, elle sait pourquoi : qui l'aime la suive, le tout teinté d'une agressivité marquée et d'un attrait pour les épreuves de force. Des traits que l'on a tendance à attribuer à des personnages masculins, tandis que ceux féminins auraient davantage tendance à être plus fragiles, doux, agréables, dociles même sous peine d'être peu appréciés en particulier par la gente masculine (mais pas que).
Mon premier personnage a eu une romance intense avec Lae'zel !
A titre personnel, lors de mes premiers pas sur le jeu j'ai assez rapidement apprécié le personnage très atypique qu'est Lae'zel. C'est d'ailleurs elle que j'ai choisi de courtiser avec mon personnage au détriment de tous les autres, y compris Ombrecoeur ou Karlach qui attisent une certaine sympathie chez les joueuses et joueurs de Baldur's Gate 3 (mais tous sont très intéressants, je fais des choix différents à chaque partie).
La profondeur de sa personnalité est un élément central de l'histoire (selon vos choix), et on le comprend assez rapidement dès le départ si tant est qu'on soit paré à l'envisager. C'est durant les fameuses scènes qu'évoquait Joseph Clark sur Twitter où elle menace d'assassiner Ombrecoeur, puis vous ultérieurement que cela m'a semblé évident que Lae'zel était un brin plus complexe que ce que l'on cherchait à nous montrer depuis le début de l'aventure. C'est d'ailleurs le cas d'à peu près tous les personnages selon moi, Ombrecoeur et Lae'zel étant les meilleurs exemples en la matière, suivies par Minthara et Astarion.
A mesure que vous faites avancer votre relation avec Lae'zel dans Baldur's Gate 3, vous découvrez une toute nouvelle facette d'elle. Pas forcément plus douce, ce n'est pas dans son tempérament, mais plus ouverte, compréhensive même. Les insultes s'évaporent assez rapidement et laissent place à davantage de bienveillance et de dialogues intéressants. Et puis vient tôt ou tard le moment où vos deux personnages passent la nuit ensemble, un grand moment qui pourrait démontrer à lui seul que David Gaider n'est peut-être pas si loin de la vérité en fin de compte.
Lae'zel envisage la relation amoureuse comme un rite guerrier, un combat même. Vous devez donc faire vos preuves pour mériter son intérêt. Si vous vous montrez trop fleur bleue, c'est elle qui a l'ascendant et mènera la danse durant votre parcours ensemble. Mais si vous parvenez à vous montrer plus dur à cuire qu'elle, alors vous gagnerez cette position vis-à-vis d'elle. Dans les deux cas, vous devez lui être exclusif (ou exclusive), et vice versa : Lae'zel ne tolère pas les batifolages et ne vous laissera pas de seconde chance.
Elle a tendance à s'adoucir au gré de l'évolution de votre aventure sur la Côte des épées quand les éléments de l'intrigue qui lui sont dédiées sont révélés petit-à-petit. Si vous parvenez à faire les "bons" choix qui vous rapprocheront d'elle, vous découvrirez en fin de parcours un personnage très différent de celui qui vous insultait dans sa cage après le crash du nautiloïde. Vous comprenez finalement qu'elle n'a pour seul véritable "défaut" que d'avoir un fort caractère alimenté par un sens aigu du devoir ( en plus d'être embrigadée dans un vaste complot politique ).
C'est un personnage responsable et droit qui n'a pas besoin qu'on l'admire pour se sentir vivant : elle fait ce qu'elle veut, quand elle le veut et comme elle le veut. Ses objectifs sont clairs, et elle fera tout pour que vous l'aidiez à y parvenir. Au départ, vous n'êtes qu'un moyen d'arriver à ses fins... Mais c'est in fine le cas de tous vos compagnons de route, elle l'exprime juste plus clairement !
Cette romance culmine d'ailleurs avec de belles interactions entre le joueur et Lae'zel qui doivent tous les deux faire un choix déchirant. Et si au début de l'aventure on aurait pu imaginer qu'elle serait très égoïste dans les possibilités qu'elle envisage à la fin du jeu, ce n'est pas le cas ! Sacrifice ultime fort en émotions garanti !
Au final, je pense que l'avis des joueuses et joueurs à l'égard de Lae'zel en dit bien plus sur leur personnalité (et peut-être à leur rapport à la féminité) que sur celle de cette Githyanki, un peu comme tous vos choix dans le jeu en fait si tant est que vous faites les choix selon votre propre morale. Si vous tuez Karlach, si Astarion vous berne avec ses belles paroles ou si Gayle vous convainc de se faire sauter dès l'Acte 2 , cela en dit tout autant sur vous que votre rapport à l'attitude dite "virile" de Lae'zel.
Sa condition de femme suffit-elle a démontrer que bon nombre de réactions négatives à son égard seraient empreints d'une forme passive de sexisme pas forcément volontaire ? Le passif des communautés de joueurs à l'égard de personnages masculins au moins aussi moralement détestables en début de parcours tels que Kratos (God of War) ou le Commandant Shepard (Mass Effect) pourrait offrir quelques pistes à ce sujet qui déplairont sans aucun doute à certains. Ce n'est pourtant pas suffisant en l'état pour affirmer quoi que ce soit !