Le monde du jeu vidéo prend de l'âge, et comme leurs joueurs, de nombreuses licences fêtent leur seconde, voire leur troisième décennie et plus. Et s'il y a bien une chose de constante, c'est l'évolution permanente des jeux, que cela soit au niveau de leurs graphismes, de leur complexité, des genres populaires et bien d'autres choses. Des jeux révolutionnaires à l'époque de la sortie du premier opus seraient considérés comme horribles, peu maniables et génériques s'ils sortaient actuellement. Et même sans tomber dans un tel extrême, beaucoup de licences ont fini par être boudées après quelques suites, à défaut d'avoir su faire évoluer leur recette afin de ne pas lasser, et pour offrir une expérience la hauteur des nouveaux critères des joueurs. Cette tendance s'est prolongée au fil des ans, et les jeux sont devenus de plus en plus longs, difficiles et coûteux à développer.
Sans surprise, beaucoup de licences n'ont pas été capables de survivre dans un milieu aussi hostile et compétitif, elles ont disparu du paysage vidéoludique moderne, ou elles tentent désespérément de faire leur retour. À l'inverse des licences dont nous aimerions voir le retour, il y a celles qui devraient être mises sur pause un moment, afin d'être repensées, comme Far Cry. Il existe pas mal d'exemples notables de licences qui ont su se réinventer de cette manière, avec différents cas de figure et des solutions, elles aussi variées.
Doom
Un des papis du genre FPS a durablement marqué l'imaginaire collectif des joueurs avec ses graphismes en 2D durant les années 90. Après deux premiers jeux très réussis, une première transition en 3D a été tentée en 2004 avec Doom 3. La licence avait tenté de se réinventer à l'époque en abandonnant l'aspect fast FPS au profit du survival horror. Mais le jeu n'a pas convaincu le public, et ses tentatives de rattraper le projet avec Resurrection of Evil, puis le remaster BFG Edition en 2012 n'ont vraiment pas amélioré les choses. C'est en 2016, soit plus d'une décennie après la sortie initiale du 3e opus, que Doom a trouvé ses marques, et son charme démoniaque, dans le monde en trois dimensions. Cette nouvelle recette a d'ailleurs été peaufinée dans Doom Eternal ensuite en 2020, avec des sauts, des vagues de démons dans tous les sens, des tonnes d'armes et de pouvoirs, et des exécutions toujours plus sanglantes, pour une orgie de violence jouissive. Ironiquement, la réinvention a été de faire machine arrière dirons certains.
God of War
Il est tout frais dans les esprits avec sa sortie en grandes pompes sur PC. God of War s'est réinventé à presque tous les niveaux, afin de prendre un nouveau départ auprès des joueurs. Exclusifs aux consoles Playstation depuis le premier opus en 2005, God of War proposait un gameplay lourdement centré sur l'action et la baston non stop, ou presque, alors que Kratos s'en allait massacrer tous les dieux Grecs avec un gameplay de pur beat them all. Les dialogues étaient assez anecdotiques, et on en retient surtout les QTE pour exécuter de façon spectaculaire des ennemis gigantesques. Une fois tout le panthéon massacré, on pouvait croire que l'épopée de Kratos était terminée, mais le God of War de 2018 nous plonge dans une nouvelle mythologie, avec un nouveau point de départ. Kratos a eu le temps de trouver une nouvelle femme, d'avoir un fils, de devenir veuf et surtout de se faire pousser une barbe impressionnante, une idée qu'il a du piquer à Geralt. Contrairement à beaucoup de licences qui tentent un reboot complet, le jeu reconnaît l'existence des jeux passés et des événements qui s'y sont déroulés, mais il n'est pas requis d'y avoir joué pour suivre la nouvelle intrigue. De la même manière, plutôt que de proposer une version appauvrie du gameplay élaboré dans les jeux précédents, ce nouveau titre aborde une approche un peu différente, plus proche de celle des Action-RPG modernes, Kratos a même changé d'arme pour l'occasion. L'exploration du monde semi-ouvert, et les nombreux puzzles marquent bien la transition. L'ajout du personnage d'Atreus, qui nous accompagne toute l'histoire change aussi radicalement le personnage de Kratos, qui n'est plus une simple force primordiale colérique qui détruit tout sur son passage en grognant. Il lui faut à présent, communiquer, éduquer et protéger, autant d'actions qui lui sont étrangères et pour lesquelles il n'est pas très adroit. Il est rare de voir un jeu se réinventer sur autant de point à la fois, mais il a su séduire les vétérans comme les nouveaux joueurs.
World of Warcraft
C'est très vieux à présent, mais on peut considérer que Blizzard a réinventé Warcraft avec World of Warcraft. Après trois jeux de stratégie en temps réel qui ont rencontré un succès massif, passer sur un MMORPG était un défi vraiment fou pour le studio. En termes de réinvention, il est difficile d'aller plus loin. Cela n'a pas été sans difficultés, mais le pari a réussi, et WoW est devenu un véritable phénomène de société durant de longues années. On pourrait considérer que World of Warcraft est un spin-off, ou une autre licence et pas une véritable réinvention des jeux Warcraft, mais les faits parlent d'eux même. Pour commencer, l'histoire de WoW est la suite directe de Warcraft 3 Frozen Throne et de ses personnages. Et surtout, Blizzard n'a jamais sorti de suite aux jeux Warcraft, pas même un remaster digne de ce nom (hum). Peut-être que si un jour WoW finit par passer en mode maintenance, sans nouvelles extensions, et que le studio Blizzard survit à la crise de sa propre création qu'il est en train de traverser, alors Warcraft aura enfin droit à sa suite.
Assassin's Creed
Ubisoft est notoirement connu pour enchaîner les suites sans chercher à se renouveler, et comme ce ne sont pas des jeux de sport ni des FPS multijoueur, cela n'a pas l'air de passer auprès des joueurs. Leur licence phare, Assassin's Creed en est passée par là. Après un premier titre en 2007, la licence a eu droit à un jeu de la série principale par an en moyenne jusque 2015, et à un spin-off par an jusque 2018 (soit 9 jeux principaux et 12 spin-offs). Avec un tel rythme, il n'est pas surprenant de voir que certains épisodes ont grandement manqué d'inspiration, et le recyclage des mêmes éléments en boucle a commencé à sérieusement lasser après Assassin's Creed IV: Black Flag, pour culminer avec Syndicate, qui a été globalement boudé, malgré le lieu et l'époque qui ne manquaient pas de charme : la ville de Londres victorienne en pleine révolution industrielle. Ubisoft a alors "généreusement" décidé de sauter une année, afin de proposer un nouvel Assassin's Creed plus soigné, avec une nouvelle formule, et un retour aux sources en termes d'histoire avec Assassin's Creed Origins. Ce titre, et les deux qui ont suivi disposent d'une histoire plus travaillée, de dialogues et de quêtes un peu plus intéressants, d'un vaste monde ouvert, et d'un système de combat plus élaboré. Ils différent aussi davantage les uns des autres d'un titre à l'autre, et pour le moment, cette nouvelle recette a du succès vu la popularité de Valhalla, malgré ses tonnes de bugs en tous genres. Espérons que l'éditeur va se remettre une nouvelle fois en question et se réinventer, et pas que pour Assassin's Creed.
Zelda
Allez, vous aviez forcément deviné qu'il serait dans la liste. Après des épisodes 3D qui ont tenté de changer des choses, à leur manière, le véritable bouleversement de cette saga culte de Nintendo, s'est produit en même temps que la sortie de la Nintendo Switch, avec Zelda Breath of the Wild. Un titre avec des concepts si radicaux qu'il a réussi à désarçonner certaines personnes. On les comprend, mais ça ne change absolument rien aux faits : BotW est un superbe bousculement des codes du monde-ouvert à grande échelle, pour servir une expérience de jeu sans fioritures, où l'expérimentation règne en reine. Le second épisode, Zelda Breath of the Wild 2, est prévu cette année pour le moment.
Fallout (New Vegas)
Série de RPG culte de chez culte, la série s'est réinventée une première fois, grâce à un passage complet à de la 3D avec Fallout 3, mais alors il s'agissait déjà de Bethesda Games au développement, déjà bien enclin à répliquer la formule magique de Oblivion à tous ses RPG AAA. C'était sans compter sur les gens d'Obsidian et de New Vegas, le véritable renouvellement en 3D de l'esprit des Fallout fondateurs, grâce à une écriture aux petits oignons et un jeu d'une densité qui faisait plaisir à voir après un troisième épisode réjouissant, certes, mais diablement convenu.
Resident Evil
Après 3 épisodes très réussis sur Playstation et un Code Veronica culte sur Dreamcast, Resident Evil 4 a complètement réécrit l'histoire de ce qui faisait l'identité des jeux Resident Evil, avec de profondes modifications de gameplay et une orientation résolument plus action, qui lui va comme un gant ici, puisque le jeu de Shinji Mikami parvenait tout de même à maintenir une bonne tension (exception faite de son dernier acte, qui tourne vraiment au bourrinage écervelé).
Final Fantasy (XIV)
La série n'a jamais eu de cesse de se renouveler d'épisode en épisode, mais le cas particulier de Final Fantasy XIV est un bon exemple de ce que peut être une "résurrection" réussie. Vous connaissez surement d'autres exemples, No Man's Sky en tête, mais il est tout de même important de saluer le travail de Naoki Yoshida et de toutes les équipes qui gravitent autour de ce MMO devenu incontournable, loué depuis des années pour la qualité de son suivi. A la base, le projet a fait un four complet, accusant des années de retard sur les progrès de la concurrence. Avec A Realm Reborn, le jeu est parvenu à trouver sa voie et il vient même de trouver une conclusion à son premier arc scénaristique, vieux de 8 ans, avec l'extension Endwalker il y a quelques semaines.
Mario
C'est un peu le roi de la réinvention finalement : chaque nouvel épisode majeur de la série en est une. On peut simplement évoquer Super Mario 64, véritable révolution du jeu de plates-formes. Nintendo a toujours su trouver comment redonner un coup de fouet aux aventures de sa mascotte fétiche, même si Odyssey a finalement été un peu plus timide que nous l'aurions pensé et ne bouscule pas tant de choses que ça. On a hâte de voir où la star du Royaume Champignon va poser ses valises la prochaine fois.
