Après les montagnes sauvages d'une Amérique sectaire et puritaine dans Far Cry 5, Ubisoft nous plonge au cœur d'une guérilla aux accents hispaniques dans Far Cry 6. Vous aurez un rôle majeur à jouer dans la révolution qui vise à libérer l'île de Yara du joug de la dictature, incarnée par El Presidente Antón Castillo. Bien que le charisme de Giancarlo Esposito et le cadre idyllique des Caraïbes nous aient captivé, il semble légitime de se demander si la "recette Far Cry" fonctionne toujours autant. Après deux derniers opus pas nécessairement bien reçus par le public, est-ce qu'Ubisoft a enfin réussi à se renouveler ?
- Genre : action-aventure
- Date de sortie : 7 octobre 2021
- Plateforme : PC, Xbox One, PlayStation 4, Xbox Series et PlayStation 5
- Développeur : Ubisoft Toronto
- Éditeur : Ubisoft
- Prix : 69,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
À Yara, ooh na-na
Bienvenue à Yara, une île tropicale imaginaire aux saveurs cubaines bien prononcées, qui a au moins le mérite de nous faire voyager. Mais ne vous méprenez pas. Sous ses airs paradisiaques l'archipel cache une réalité bien plus rude. Le régime totalitaire en place fait vivre un véritable enfer aux Yarans. Antón Castillo a le contrôle total de l'île et compte bien former son fiston Diego à prendre la relève quand il cassera sa pipe. Mais c'est sans compter sur les guérilleros qui comptent bien retrouver leur liberté.
La révolution éclate aux quatre coins de l'île. Et parlons-en de cette île puisque la carte présente dans Far Cry 6 est la plus grande de la série. Un excellent point pour un open-world, certes. Néanmoins, la quantité — de km² — est-elle toujours gage de qualité ? Rien n'est moins sûr, et c'est là le principal point noir de ce sixième opus.
Alors bien évidemment, il faut admettre que les zones côtières sont particulièrement réussies. Revenant à l'essence même des premiers jeux de la franchise, et notamment à l'excellent Far Cry 3, on prend un réel plaisir à arpenter les plages de l'île. Nul besoin de se faire prier pour piquer une tête dans l'eau turquoise qui borde Yara. Pour le reste, notre déception est grande…
La jungle qui foisonne sur l'archipel nous laisse un sentiment de vide. Pourtant, en se lançant dans l'aventure, on s'était préparé à devoir affronter des animaux féroces sortis de nulle part, mais cela n'arrive que trop rarement malheureusement. Ces rencontres fortuites auraient pu être un véritable atout pour un cadre qui se veut sauvage et dépaysant.
Contrairement aux autres épisodes, les animaux passent au second plan pour ne faire que de la sous-figuration. Malgré tout, vous ne serez jamais vraiment seul lors de vos excursions puisque vous aurez droit à des compagnons de route aussi appelés "amigos" — notre préféré restant le petit teckel à roulettes, Chorizo. Alors vous avez bien aussi des "coins de chasse", mais à quoi bon ? Cette fois encore, le système de craft est laissé de côté, ce qui occulte l'aspect RPG de la licence et réduit l'intérêt de dépecer les quelques mangoustes de la région ou encore de récupérer des plantes médicinales, qui n'existent même plus dans Far Cry 6.
Cela a pour conséquence de nous laisser sur notre faim. On aurait aimé passer des heures à barouder dans la forêt tropicale, mais le vide ambiant nous sort rapidement de l'immersion. Les animaux sont trop disséminés. Les zones se ressemblent toutes. Les ennemis restent les mêmes partout… Pourtant, il faut bien reconnaître que les paysages sont idylliques et qu'on se laisse volontiers porter par l'ambiance "révolution cubaine". On peut aussi ajouter que le jeu est stable notamment au vu de la superficie de sa carte. Mais encore une fois, cela ne fait pas tout. Au bout de plusieurs heures de jeu — et il en faudra une vingtaine pour finir la trame principale — la lassitude se fait tristement ressentir.
El Dictator
S'il y a bien une chose dont on ne se lasse pas, ce sont les interventions d'Antón Castillo, incarné par le célèbre Giancarlo Esposito (Breaking Bad, The Mandalorian…). Toutes les cinématiques qui mettent en scène El Presidente sont captivantes. On a envie d'en apprendre plus sur l'histoire autour de sa succession et sur ce qui a fait l'homme qu'il est aujourd'hui.
La communication autour du jeu a presque été entièrement faite autour de son principal antagoniste, et cela se ressent. L'aura du dictateur fonctionne peut-être un peu trop, ce qui nous fait oublier les autres personnages. Les guérilleros qui se battent à nos côtés ne sont pas particulièrement attachants. Il faut aussi dire que les techniques utilisées pour le motion capture de ces personnages commencent à dater — bien que celle pour El Présidente soit particulièrement réussie. Pour avoir joué à la version PC sur une RTX 3070 en qualité Ultra, le rendu était bon sans être exceptionnel.
Et on ne parle même pas de l'IA qui gâche l'expérience de jeu dans certaines situations… Que ce soit les ennemis ou bien même vos amigos, les personnages non-jouables de Far Cry 6 sont particulièrement "imprévisibles" — dans le mauvais sens du terme. Ordonner à Chorizo d'attaquer un soldat peut vite devenir un parcours du combattant tant il n'en fera qu'à sa tête. On regrette d'ailleurs que nos amigos ne puissent pas monter à bord de nos véhicules et soient obligés de nous courir après. Certaines situations délicates auraient pu être évitées, comme de voir votre pauvre toutou se faire dévorer par un requin de récif alors qu'il aurait juste pu être à vos côtés sur le bateau.
Concernant les ennemis, leur "intelligence" rendra le jeu globalement facile. Pas besoin d'une arme rare pour réussir à prendre un fort de niveau élevé, qui ne sera d'ailleurs gardé que par quelques hommes de Castillo. Cela ravira certains d'entre vous qui pourront pleinement profiter du scénario du jeu. Pour les autres, il faudra miser sur des attaques frontales pour espérer rencontrer de la difficulté, notamment en devenant la cible des hélicoptères adverses.
Cependant, on reconnaît volontiers que la prise en main des armes est agréable et que la personnalisation de ces dernières est un vrai plus. C'est d'ailleurs cette personnalisation poussée, même au niveau de son propre avatar, qui permet d'apporter un peu de caractère à ce Far Cry 6. Avoir la possibilité de customiser l'intérieur de sa voiture, de changer la couleur du t-shirt de notre alligator domestique ou encore d'ajouter une breloque en forme de palmier à notre AK-47… Tout cela apporte une véritable individualisation. Il y a peu de chance pour que votre Dani Rojas ressemble à celui ou celle de votre voisin, bien que tout cet aspect cométique reste très gadget.
On prend les mêmes et on recommence
En incarnant Dani Rojas (de genre féminin ou masculin, selon votre choix de départ), vous devrez remplir diverses missions au sein de la résistance. Un cheminement somme toute classique qui fonctionnera si vous n'êtes pas regardant sur la redondance des quêtes. Sans vous en dire trop, vous allez devoir convertir un premier groupe à votre cause, puis un deuxième, et enfin un troisième… On a par moment du mal à en voir le bout, et après une bonne dizaine d'heures de jeu, il faut bien admettre qu'on met aisément les quêtes secondaires de côté pour aller droit au but.
Si jamais vous en avez l'occasion, on vous conseille grandement de jouer en coopération avec un ou plusieurs amis. De fait, l'aventure est bien plus distrayante en équipe. Cela palliera également le vide de l'île de Yara. Notez aussi que participer aux chasses au trésor ou récupérer les collectibles à deux s'avère être un bon moyen de terminer toutes les quêtes annexes si le cœur vous en dit. Ils n'ont d'ailleurs pas tous un impact direct sur le jeu et la plupart vous serviront simplement à débloquer tous les trophées. Le mode multijoueur est plutôt facile d'utilisation et accessible très vite dans l'histoire.
Mais avouez que ce n'est pas sur ce dernier point que l'on attend un Far Cry. Avec son genre action-aventure, il doit réussir à allier deux choses primordiales : l'aspect tir à la première personne et le scénario qui façonne le jeu. Force est de constater que le mélange ne se fait pas forcément bien ici, non pas par manque de maîtrise mais plutôt par manque d'originalité.
Le jeu n'invente rien. Il reprend la recette des anciens opus en ajoutant quelques nouveaux ingrédients. On découvre ainsi qu'une nouvelle mécanique permet de ranger son arme pour soudoyer certains ennemis. Se jeter corps et âme dans le vide sera possible grâce au parachute et au wingsuit. Les cinématiques et les phases dans votre camp seront autant d'occasions de voir votre personnage à la troisième personne. Des ajouts sympathiques mais qui ne révolutionnent en rien le genre. Et c'est un peu ce que l'on pourrait reprocher à la licence depuis plusieurs années déjà.
Far Cry 6 n'a pas réussi à nous ôter cette impression de jouer encore et toujours au même jeu avec un décor somme toute original et — de nouveau — un méchant différent. Si tout ce que nous proposait Ubisoft était parfaitement exécuté, l'aventure pourrait être saisissante. Dans les faits, le jeu manque cruellement d'âme et se repose sur certains acquis qui ne fonctionnent plus aussi bien en 2021.
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