Après plusieurs reports, l'early access de Baldur's Gate 3 est bien arrivé sur nos machines, et nous avons enfin pu tester librement son contenu. Elle est sera aussi disponible à l'heure ou vous lirez ces lignes. En tant que vieux fans de la licence mais aussi des Divinity Original Sins, nous étions curieux de découvrir directement la proposition du studio de proposer une suite moderne à une licence mythique tout en l'accordant à la sauce 5e édition de Donjons & Dragons. Une tâche ardue entre le passage au tour par tour et les comparaisons avec leurs jeux précédents.
- Genre : Jeu de rôle
- Date de sortie : 6 octobre 2020 (early access)
- Plateforme : PC (Steam, GoG), Stadia
- Développeur : Larian Studios
- Éditeur : Larian Studios
- Prix : 59,99€
- Testé sur PC
Un problème de tentacules
Comme montré dans la longue et spectaculaire cinématique d'introduction de Baldur's Gate 3, l'histoire démarre sur les chapeaux de roues. Oubliez Château Suif ou les débuts paisibles d'un groupe d'aventuriers novices. Un flagelleur mental, probablement à cours de jeunes japonaises, décide d'insérer d'horribles têtards tentaculaires dans votre œil, ainsi que dans celui d'une poignée d'autres malheureux prisonniers. L'attaque du Nautiloïde qui vous sert de prison par un groupe de Gitankis chevauchant des dragons, et une téléportation en enfer vous offrent l'opportunité de vous échapper et de commencer votre aventure avec pour objectif de ne pas vous transformer en protagoniste de hentai.
Entre alors en jeu la fameuse création de personnage. La version du jeu à notre disposition ne permettait que de créer un personnage personnalisé, et pas de prendre le contrôle d'un des personnages d'origine qui servent aussi de compagnons potentiels. Bien qu'elles ne couvrent pas encore toutes les options couvertes par le manuel du joueur de Donjon & Dragons 5, il y a déjà de quoi s'occuper avec 6 classes ayant au moins 2 sous-classes chacune, et 8 races avec des sous-races dans bien des cas. Si on y ajoute les origines, les caractéristiques et les compétences, les combinaisons sont nombreuses. Mais un excellent travail a été réalisé par Larian Studios, et c'est à la fois rapide, facile et intuitif de se créer un personnage satisfaisant. Cela n'a pas le côté intimidant des premiers Baldur's Gate, sans que la profondeur ne soit perdue pour autant. Accessoirement, les options et éléments remplis par défaut sont aussi très pertinents. Les options de têtes, de voix et de personnalisation sont aussi assez touffues, et on ne peut qu'admirer la qualité des graphismes et des modèles.
Murderous hobo
On se retrouve rapidement au cœur d'un groupe de fortune formé par les circonstances, et visiblement les développeurs attendent sérieusement des joueurs qu'ils se comportent comme des psychopathes si l'envie leur en prend, vu le nombre de personnages "mauvais" dans le groupe. Le système d'alignement n'est pas présent, il est remplacé par un système d'attitude pour les PNJ, et d'approbation ou de désapprobation de la part des membres du groupe. En fonction de votre façon d'agir, ils peuvent vous apprécier ou finir par se rebeller, et potentiellement s’entretuer. Mais vous avez généralement de nombreuses façons de gérer la situation avant d'en arriver là, et même s'ils sont caractériels, vos compagnons ont l'air bien plus stables que Minsc ou les paladins des premiers jeux. Avoir un parasite dans la tête fait visiblement des merveilles pour unir les gens, et vous n'avez pas fini d'en entendre parler. Sans trop spoiler, cet élément de l'histoire introduit des éléments classiques du genre comme les gains de pouvoir qui ont un prix, mais aussi des dynamiques complexes au sein des membres du groupe, ainsi qu'avec les faction rencontrées. C'est bien loin d'être un simple prétexte pour lancer l'histoire, et il est rare d'oublier sa présence, même lors d'aventures apparemment non liées.
Lors de vos aventures, vous pourrez jouer le bon samaritain classique si le cœur vous en dit, c'est tout à fait valable. Mais il est aussi possible de sortir des sentiers battus et de former des alliances improbables. S'allier aux gobelins qui dévastent la région, ainsi qu'aux forces plus sombres derrière eux est une option, même si nous ignorons jusqu’où remonteront les ramifications de tels actes dans le jeu complet. Vous pouvez aussi massacrer toute la population du bosquet druidique local, avec ses réfugiés, enfants compris, si vous êtes avide d'XP, ou juste pour vérifier si vous pouvez le faire. La limite de niveau 4 sur l'early access ne permet pas d'avoir un groupe surpuissant, mais on échappe aussi au cliché des gardes de ville surpuissants.
De la même manière, même si l'histoire vous donne une direction générale, il y a plusieurs façons radicalement différentes de progresser, un peu comme lors de l'exploration du monde. Tout découvrir va demander du temps, puisque votre race, votre classe et votre histoire vont débloquer des options de dialogues. Sans oublier la composition du groupe, puisque chaque personnage est libre d'entamer des dialogues et de faire briller ses propres compétences. Il est d'ailleurs dommage qu'aucune option ne soit intégrée pour changer d'interlocuteur à la volée ou de faire intervenir un autre membre du groupe au besoin pour le moment comme dans Solasta. Mais cela viendra peut-être.
Balade sur la côte des épées
Les environnements disponibles sur l'early access sont très variés, le nautiloïde, les plages de la côte des épées, forêt, grottes, ruines hantées, village abandonné, forteresse squattée par des gobelins, nous avons déjà droit à un bel aperçu de ce que le jeu propose, chacun avec son propre bestiaire et ses défis. Et même si on reste bien loin d'un open world, de vastes détours par des zones optionnelles sont souvent possibles. De la même façon, il y a souvent plusieurs façon d'atteindre les lieux importants, ce qui évite de se retrouver coincé après un jet de dé malchanceux, ou simplement si on a raté une option. Vous pouvez faire s’effondrer un mur, utiliser l'escalade, ou des sauts le long d'une falaise pour atteindre une entrée secondaire à la place. Il est toujours plaisant d'explorer toutes ces options. Même s'il faut dire que dans ces situations, la gestion des déplacements automatiques et le fait de devoir faire sauter manuellement tous les membres du groupe deviennent un peu pénibles.
Des combats, quêtes optionnelles et des secrets ne demandent qu'à être découverts un peu partout par les joueurs. C'est à la fois une force et une faiblesse des règles de D&D5, ou du moins de leur adaptation. Par exemple, le jeu vous indique quand il réalise un jet de détection passif sur la carte, si tous vos personnages échouent, vous pouvez rater quelques chose et il est difficile de ne pas céder à la tentation du chargement rapide, sans savoir si c'était mondain ou non. C'est aussi un problème qui se pose lors de nombreux dialogues et d'actions clés, il est frustrant d'échouer sur un mauvais jet, et on est fortement tenté de charger la partie. À la décharge des développeurs, le fait que le résultat de vos actions soit en partie imprévisible donne souvent lieu a des découvertes intéressantes, et il est bien rare qu'un échec, voire que plusieurs échecs successifs vous prive de toute solution.
Un combat ou une situation n'évolueront pas aussi favorablement que vous le souhaitiez avec un jet de dé raté, mais cela peut être rattrapé, et cela fait partie du sel du jeu. L'histoire peut aussi prendre une tournure imprévue et intéressante. De plus, les enjeux sont rarement si importants pour que vous ayez absolument besoin de gagner un jet particulier, à moins de vouloir absolument atteindre un résultat précis. Cela peut tout de même arriver, il est un triste de passer à côté de l’opportunité d'avoir un chien dans votre camp, ou de découvrir qui vient vous faire des bisous dans le cou la nuit autour du feu pendant que vous dormez. D'un autre côté, cela donne des raisons de se relancer une partie. C'est en tout cas un problème récurrent dans les jeux du genre, mais peut-être qu'une option permettant d'éliminer la part de hasard sera introduite plus tard.
Les mérites du tour par tour
Baldur's Gate 1 & 2 sont des jeux en temps réel avec une pause active, ce qui a l'avantage d'être rapide et intense, mais il faut aussi dire que les combats de groupe avaient sérieusement tendance à devenir chaotiques et pénibles à gérer. Et pour bien utiliser ses lanceurs de sorts à haut niveau de difficulté, l'usage intensif de la pause cassait le rythme en plus de devenir incroyablement rébarbatif. Autant jouer au tour par tour dans ce cas. Le temps réel a son charme, et de nombreux fans, mais les règles de D&D5 ont très clairement été pensées pour le tour par tour. Des efforts sont encore à faire pour clarifier l'interface, ainsi que les propriétés des sorts et techniques, mais les bases des combats sont très simples et faciles à prendre en main comme le jeu gère automatiquement les éléments un peu plus complexes comme le terrain, le désengagement et les réactions. Cela permet aussi de gérer plus proprement la gestion des pièges dynamiques et du vol à la tire.
En pratique, cela donne à chaque tour une distance de mouvement, une action principale et une action bonus pour chaque personnage, et toutes les classes ont l'occasion de briller à leur manière. Les situations rencontrées sont variées, et toutes les subtilités des combats permettent de les rendre intéressantes malgré leur apparente simplicité. Il est tout à fait possible de se battre d'une manière conventionnelle, mais préparer une bonne embuscade peut sérieusement faire pencher la balance en votre faveur. Étudier le terrain et placer ses personnages à distance sur des éléments en hauteur pour transformer l'immonde chouette-ours en pelote d'épingle sans qu'elle puisse répliquer avant d'enlever sa progéniture est satisfaisant, mais moins que de pousser par surprise un garde du haut d'un rempart pour l'envoyer s'écraser sur les rochers en contrebas. Les éléments et les effets spéciaux au sol peuvent aussi être utilisés pour prendre l'avantage, ou faire lamentablement capoter son propre plan. C'est un grand moment de solitude de voir son guerrier glisser et se retrouver les 4 fers en l'air après avoir posé le pied sur une plaque de verglas laissé par le rayon de givre du Magicien. Baldur's Gate 3 abuse bien moins de la chose que Divinity Original Sin, mais certains effets ne nous ont pas semblé vraiment justifiés.
Le bon placement de ses personnages et l'utilisation intelligente des capacités spéciales de chaque classe, ainsi qu'un peu de chance est primordial. Les combats sont déjà très satisfaisants, mais ils souffrent aussi de quelques défauts pénibles à l'heure actuelle. Par exemple, les personnages ont trop tendance à se bloquer les uns les autres, il faut un espace ridiculement large pour passer, ce qui devient vite frustrant en pleine bataille. Mentionnons aussi le fait qu'il est possible de se reposer n'importe où, sans aucune limitation, ce qui ramène tout le groupe au camp, puis tout le monde au point précédent après une bonne (ou mauvaise) nuit de sommeil. Pouvoir faire usage de tous ses sorts et techniques à chaque bataille a tendance à sérieusement nuire à l'équilibrage général. Qui plus est, bien que fort plaisants et faisant avancer l'histoire, les éléments scénarisés qui se déroulent au camp ont un peu tendance à casser le rythme en plein donjon.
It's Early access, but Baldur's Late
Il convient d'insister sur le fait que la version actuelle du jeu n'est probablement pas représentative de celle de sa véritable sortie, dont la date n'a pas été fixée, elle. Cela peut être dans quelques mois, ou plus d'un an. De nombreux problèmes présents devraient être résolus et d'autres éléments du gameplay devraient être améliorés. Ne vous attendez pas à quelque chose parfait, ni même de propre. Nous avons croisé des dizaines de bugs énormes lors de nos sessions de jeu, même si nous avons eu la chance de ne jamais nous être retrouvé coincés. Larian Studios a déjà prouvé plusieurs fois que son équipe est à l'écoute des retours de la communauté, en changeant le style de la narration ainsi que le système d'initiative, par exemple.
Espérons qu'ils feront de même pour des éléments comme l'inventaire, toujours aussi bordélique et pénible à gérer que dans les Divinity, par exemple. Une option de tri ou de vente automatique des objets inutiles serait la bienvenue. Le stockage séparé des objets de quête serait aussi approprié. Les raccourcis de l'interface et la barre des sorts ne sont pas très clairs, et on se perd rapidement devant le foutoir que devient la barre d'action rapide après avoir ramassé des objets ou débloqué des niveaux de sorts additionnels. Ce sont quelques exemples d'une longue liste, et il sera intéressant de voir comment l'early access évolue au fil du temps.