Alors, déjà merci de me laisser en choisir plusieurs parce que me demander quelle est LA carte que je préfère alors que je dois avoir 150 cartes à mon actif, ça commence à devenir cruel. Au bout d’un moment, ce n’est plus possible de me demander ça. Il y en a effectivement plusieurs. C’est vrai que la question de la conception plutôt que du résultat est très pertinente parce que, c’est ce qu’il me reste au final. Une fois que le dessin est fait, il est fait. Mais j’ai de très grands souvenirs avec Magic. Ils m’ont offert parmi les plus beaux moments de ma carrière.
Je me souviens encore quand on m’a assigné Chandra, torche de la défiance. Chandra a été un cadeau qu’on m’a fait, et je pense qu’ils ne s’en sont même pas rendu compte, parce qu’elle m’a rappelé mes années avant que je devienne une illustratrice professionnelle. Je connaissais déjà la Chandra de Briclot et ses diverses représentations avec d’autres artistes. J’adorais déjà ce personnage. Elle est super, elle est badass et elle me faisait rêver. Alors, quand on m’a donné la Chandra, je me suis dit “Mais c’est pas possible !” J’étais comme une gosse. Je travaille pour Magic depuis 2012 mais le sentiment reste le même pour moi, je suis toujours comme une gosse. Quand je travaille pour eux, ce qui est un état permanent, je ne suis pas blasée, c’est toujours le même enthousiasme, la même passion.
Je me souviens encore du jour où on m’a donné cette carte. Je me souviens du matin où j’ai ouvert mon téléphone pour regarder mes mails et que j’ai vu ça dans ma boîte. C’était une grosse surprise parce qu’on ne peut pas prévoir ce qu’on nous donne. C’était un très beau moment. Cependant, c’est vrai que ça n’a pas été une carte facile, j’y ai mis beaucoup de travail dedans, je me suis beaucoup investie. Gros décors, gros effet spécial, beaucoup de travail de costume. Je voulais leur dire “merci” de m’avoir donné Chandra, je voulais faire un truc aux petits oignons ! C’est un dessin qui a dû me prendre environ 45 heures pour la colorisation, c’était un travail gigantesque. C’était génial et en plus, c’était dans l’extension Kaladesh. Pour moi Kaladesh, je pense que, encore aujourd’hui, c’est le plan que j’ai préféré, dans lequel je me suis éclatée comme jamais et qui me correspondait le mieux graphiquement. J’avais presque l’impression qu’il avait été fait pour plaire à mes goûts, ce plan. Cette Chandra était le cadeau parfait.
Évidemment, je me souviens également de la convention où ils ont révélé cette carte. Je me souviens que c’était Jimmy Wong qui faisait la présentation où il y avait la Chandra. il y avait une cosplayeuse qui avait fait une petite mise en scène et tout.
Et moi, je savais qu’elle allait être dévoilée ce jour-là. J’ai eu une déferlante sur les réseaux sociaux quand j’ai posté mon dessin. C’est vraiment la carte qui a changé beaucoup de choses dans ma visibilité chez les joueurs de Magic. Ça avait déjà commencé avec “Narset”, mais avec Chandra, ça a été comme une explosion. Encore aujourd’hui, on me parle tout le temps de cette carte, je la signe sans arrêt en Grand Prix. C’est vraiment un dessin majeur de ma carrière chez Magic.
Ensuite, il y a les deux Vraska. Elles sont très particulières pour moi parce qu’elles correspondent à mon premier concept push, c’est-à-dire le moment où Wizards m’a contactée pour me demander si je voulais faire du concept art pour eux. Ça a été un moment fabuleux de ma carrière parce que le concept art faisait partie de mes grandes ambitions. Mais étant autodidacte, je pensais que ça ne me serait pas accessible puisque je n’avais pas les bagages scolaires, ni les diplômes pour justifier que je pouvais faire du concept art. Or, Magic m’a donné ma chance là-dessus et ça a très bien fonctionné puisque je continue à en faire depuis.
Sur Ravnica, on m’avait bien ciblée sur la guilde Golgari (vert et noir) et ça avait été absolument génial. Ces souvenirs sont indicibles pour moi. En plus, on m’a donné deux Vraska à faire, des cartes Planeswalker, qui sont toujours très importantes pour un illustrateur Magic. Ce n’est jamais anodin de se voir confier la carte d’un Planeswalker. C’était aussi un très grand cadeau pour moi.
Ensuite, pour les cartes qui sont, disons, moins prestigieuses, il y a deux illustrations que j’aime beaucoup. Peu de gens les connaissent parce qu’elles sont un peu noyées dans la masse. Elles sont dans l’extension d’Amonkhet. C’est une carte qui en contient deux qui s’appellent “Début” et “Fin”. Ce sont des dessins que j’ai adoré faire parce qu’ils sont très narratifs. C’est le début et la fin d’une histoire d’amitié qui est décrite sur cette carte. Ça à l’air léger au premier abord, mais ça finit par l’assassinat de l’un d’entre eux. Je crois que j’ai adoré ça grâce à ma fibre d’illustratrice de livres qui parlait à ce moment-là.
Ce ne sont pas des dessins avec beaucoup de pyrotechnie, mais j’aime beaucoup transmettre des émotions dans les dessins et il y avait vraiment moyen de transmettre quelque chose. Il pouvait vraiment se passer quelque chose avec la narration.
J’ai la chance de faire beaucoup de choses iconiques, j’ai beaucoup de personnages et de créatures mythiques, et je les remercie beaucoup pour ça. Mais dans ce cas particulier, c’était un peu plus inédit puisque c’était des illustrations plus intimistes, plus narratives. Après, quand je parle de “Début-Fin”, les joueurs vont généralement les chercher dans Google parce que ce n’est pas une carte qui vient immédiatement à l’esprit.
Et enfin, je vais faire une espèce de tir groupé avec Serra, Calix et Klothys qui sont trois personnages dont j’ai créé le design et rien que pour ça, je les adore. Ce sont mes bébés.
"Donc, c’est toi qui a totalement créé le design ?"
Oui. Il fallait totalement réactualiser “Serra” parce qu’il n’y avait d’elle que des versions assez anciennes. Il s’agissait de lui donner son visage de maintenant. Ça a été une refonte totale du personnage en gardant quelques éléments qui rappelaient la “Serra” des débuts, c’est-à-dire ses longs cheveux et le motif de l’aile d’ange. Mais mis à part ça, il fallait vraiment la recréer et lui donner son nouveau visage. Ça a été merveilleux à faire. “Khlotys” et “Calix” sont deux personnages que j’ai créé pendant le concept push de Theros parce que c’était une légendaire et un planeswalker qui n’existaient pas. Il a vraiment fallu les créer de A à Z. C’était un grand moment à vivre aussi.
Ça pour moi, ce n’est pas un problème. Je pense que l’on peut le constater sur mes dessins, dès qu’il y a des cheveux, du tissu, Magali est là. Pour moi, c’est presque un réflexe pavlovien, je ne peux pas m’en empêcher. Mais c’est principalement le fait de créer un nouveau dieu de Theros qui était top. Surtout que les dieux de Theros précédents étaient magnifiques et j’ai pu en avoir un à moi. Il y a des gens qui gagnent la coupe du monde, moi j’ai créé un dieu Magic !
Oui, je le vois bien quand je parle aux joueurs. Ils me disent qu’il y a du mouvement, que c’est gracieux, que mes personnages sont élégants. On va dire que c’est ma marque de fabrique.