Dans le monde de Magic, peu de joueurs ont gagnés autant de grands tournois que Seth Manfield. Nous avons eu la chance de recevoir de nombreuses informations sur le joueur, son parcours professionnel, mais aussi sur son opinion sur plusieurs sujets.
La première fois que j’y ai joué, je devais avoir à peu près neuf ans. Je me souviens que je jouais avec des amis pendant la récréation, juste après le déjeuner, quand j’ai vu des personnes jouer avec des cartes Magic. Je pense que ça devait être l’extension Planeshift. Alors, on a voulu les imiter. On n'avait aucune idée de ce que les cartes faisaient, mais on aimait essayer de jouer ou échanger des cartes… J’aimais simplement les grosses créatures à cette époque ! C’est ainsi que j’ai été introduit au jeu sans réellement savoir dans quoi je m’embarquais.
Cela s’est fait petit à petit. Au début, je jouais avec des amis. Je n’avais pas réalisé qu’il y avait des compétitions. J’ai essayé de comprendre au mieux les règles lorsque je jouais avec mes amis. Je pense que c’est particulièrement difficile pour de jeunes enfants de saisir toutes les règles qui régissent Magic afin d’y jouer correctement.
Et puis, un jour j’ai déclaré que je voulais faire un draft, parce que d’une certaine manière, j’avais réussi à comprendre ce qu’était un draft. Alors, on en faisait, mais aucunement de la manière officielle. Et puis, j’ai réalisé que nous pouvions faire des drafts dans des magasins. Lors de ce processus d’apprentissage, quand j’ai appris que je pouvais jouer en compétitions, j’ai toujours été demandeur de plus de compétitions jusqu’à ce que je devienne un joueur pro.
C’est définitivement un compliment. Je suis énervé contre moi-même quand je fais des erreurs. Mais en même temps, les résultats que j’obtiens parlent d’eux-mêmes. Je suppose que depuis le jour où j’ai décidé de devenir un joueur professionnel de Magic, j’ai largement dépassé mes propres attentes. Mais, il y aussi plein de fois où j’ai réalisé qu’il y avait encore de la marge pour m’améliorer.
J’adore ce jeu parce qu’il n’y a pas de joueur parfait. Par conséquent, c’est compliqué pour moi de définir qui est le meilleur joueur puisqu’on ne peut atteindre la perfection dans ce jeu, donc vous pouvez continuellement essayer d’être meilleur. Et c’est ce qui rend ce jeu intéressant.
Je suis quelqu’un qui aime jouer en Limité et en Construit. Je pense que les gens me voit récemment comme une personne qui sait bien construire un deck parce que je me suis bien débrouillé récemment au Mythic Invitational où il y avait le format Historic et je pense que c’est un petit peu exagéré.
J’ai fait du Draft avec l’extension de Zendikar Rising et j’ai bon espoir pour le format Draft. J’aime beaucoup la synergie des kick, celle des bleues ou bleu-vert en général. Ceci dit, je pense que c’est un petit peu trop tôt pour du Standard. Je suis actuellement en train de me préparer pour les Grand Finals où le Standard et l’Historic seront joués. J’attends de voir comment le Standard évolue parce que le deck quatre couleurs avec Omnath est tellement bon qu’il risque d’être banni. Les bannissements sont plus fréquent ces derniers temps, alors il ne faut pas s’habituer à ce que le format reste tel quel. Ça nous oblige à garder un œil dessus.
Le format Historic est un bon format. C’est un peu comme le Standard, mais je trouve qu’il est presque trop bien pour être du Standard. Je pense qu’avant le Mythic Invitational, beaucoup de joueurs pensaient que c’était plus tranquille et moins compétitif. Depuis le Mythic Invitational et depuis que le format a été introduit sur MTG Arena, les decks ont changé drastiquement, ainsi que le métagame. Il y a eu beaucoup d’ajustements et beaucoup de gens qui ont essayé de maintenir le rythme. Il y a eu pas mal d’opportunités de construire de meilleurs decks. J’aime les nouveaux formats, parce que toutes les astuces n’ont pas encore découvertes. Cela laisse une grande marge de manoeuvre pour les gens comme moi qui aime construire des decks.
Pouvoir leur soumettre ma propre liste de cartes pour l’Historic ? C’est dangereux. Parfois, je vois des cartes qui sont en Historic et je n’en avais pas la moindre idée. Je suppose que j’aimerais simplement voir une progression pas à pas, comme il le font maintenant. Par exemple, j’ai été surpris de voir “Compagnie Rassemblée”. Au départ, je ne pensais pas que ça allait marcher parce que je pensais que ce serait trop fort. Mais ça a bien marché. J’aimerais bien voir “Tarmogoyf” ou “Obscur Confident”. Mais j’ai peur que cela rende le format trop puissant. Je préfère être précautionneux plutôt que de vouloir trop en ajouter trop vite.
J’aurais aimé que la réponse soit simple, mais ce n’est pas le cas. Il y a un groupe avec lequel je joue où nous combinons le ladder et des tests de différents combo. Nous voulons des combinaisons de différentes choses. Nous voulons regarder le contenu disponible. Par exemple, s’il y a des choses sur internet que tu peux et veux prendre, c’est bien, mais tu ne vas pas juste prendre l’avis de quelqu’un sur la chose et t’arrêter là. C’est super de pouvoir intégrer ses propres idées dans ce que l’on fait. J’aime jouer contre des coéquipiers, mais aussi jouer à MTG Arena pour les mêmes raisons.
- En regardant ce que les autres font, je suis capable d’établir un métagame. C’est la première chose que je fait quand je participe à un tournoi : j’essai de déterminer ce que les gens vont jouer. Ça me permet de prendre des décisions plus réfléchies et de mieux choisir les cartes que je vais rajouter dans mon deck. Par exemple, pour de l’Historique, nous avons beaucoup joué et nous avons réalisé à quel point les Gobelins risquaient d’être très populaires, alors nous avons vraiment dû déformer nos decks de manière à essayer d’être bon contre des gobelins. J’ai fait confiance à mon instinct, j’ai mis quatre copies de “Rafale d’éther” qui est une carte qui ne sert littéralement à rien contre plein de decks. Mais elle marche bien contre des gobelins. Elle est efficace contre le deck Jund Sacrifice. Par conséquent, c’est efficace contre les decks que nous pensions que nous allions rencontrer, mais c’était un pari risqué. Si vous vous trompez, cela peut être très punitif.*
Oui, j’ai envisagé de jouer mono rouge Gobelins. Je pensais ce serait le meilleur deck, ou bien Ragdos Gobelins avec un splash “Saisie des pensées”. Mais je ne voulais pas jouer un match miroir. Quand j’ai réalisé qu’il y avait un pourcentage élevé que cela se produise, j’ai essayé de trouver une alternative, non pas parce que les gobelins sont un mauvais deck, mais parce que je voulais trouver une manière différente de les attaquer. Je sentais que si je jouais comme ça, je n’utiliserais pas tout mon potentiel en tant que joueur et je ne pourrais pas déjouer les tactiques de mes adversaires, tandis que Sultai, le deck que j’ai joué, m’a permis d’avoir beaucoup plus d’options dans le jeu.
Si vous m’aviez posé la question deux ans plus tôt, j’aurais répondu tout de suite la version papier. Mais, maintenant, ça fait longtemps que je n’ai plus joué à la version papier, à cause de tout ce qui se passe à l’échelle mondiale. Je me suis mis à aimer de plus en plus MTG Arena au point que je la préfère à la version papier. C’est plus facile, d’un point de vu logistique. Je n’ai pas à chercher toutes les cartes pour mon deck, je n’ai pas à me déplacer, et ainsi de suite. C’est plus simple.
D’un autre côté, il y a plein d’autres choses qui sont cool avec la version papier, le mieux étant de pouvoir affronter des adversaires en chair et en os lors des évènements. Pour résumer, je préfère MTG Arena pour simplement jouer, mais j’ai encore beaucoup d’affection pour la version papier d’un point de vu social puisque je ne fais pas que jouer, je suis aussi avec mes amis après les matchs.
C’est dur. Je suppose que beaucoup de joueurs, en voyant mes résultats, pensent que je dois jouer dix heures par jour, mais ce n’est vraiment pas le cas. Surtout avec ma fille qui est à la maison en ce moment, je lui dédie une bonne partie de mon temps ainsi qu’à ma vie de famille. Je fais également des streams et j’écris des articles, ce qui me prend aussi du temps.
Je fait le plus gros de ma préparation directement avant les évènements. Quand un évènement approche, je joue de plus en plus et j’élabore des théories avec les autres joueurs sur ce que nous pensons qui va arriver. Non seulement, c’est efficace, mais cela consomme moins de temps que si je jouais constamment. Je consacre moins de temps à Magic qu’il y a quelques années mais j’ai appris à utiliser le temps disponible de manière plus efficace qu’avant.
Quand j’ai commencé ma carrière pro, j’étais un adolescent. C’était en 2007, je crois. C'était mon premier Pro Tour. Cette année-là, j’ai joué à quelques Pro Tours et j’ai gagné un Grand Prix en guise d’introduction à Magic. Mais j’avais l’impression que Magic était en train de devenir un travail et que j’étais encore jeune. Malgré cela, j’adorais jouer à Magic et j’y étais accro. Ceci dit, ce n’était pas la décision la plus réfléchie parce que je ne savais pas si j’allais réussir à devenir un joueur pro de Magic. Ça me semblait être un gros risque à prendre, alors j’ai arrêté pendant quatre ans. Je suis parti étudier et j’ai fais d’autres choses. D’ailleurs, quand je fais quelque chose, soit je le fais en donnant le meilleur de moi-même, soit je ne fais rien, parce que faire dans la demi-mesure n’est pas pour moi. Je me donne à fond quand je suis dedans, mais si j’en sors, je ferme la porte complètement. Donc, ces dernières années, j’ai été très heureux.
C’est compliqué avec Magic parce que les choses changent rapidement d’une année à l’autre. Pour le moment, je suis dans la Magic Pro League, ce qui est bien, parce que ça me donne une source de revenus supplémentaire. Ça me donne également une motivation pour faire de la compétition à très haut niveau, mais nous ne savons pas comment cela va évoluer dans quelques années. Il se peut que je ne sois pas dans la league, que des évènements de la vie s’interposent, ou que je me tourne vers la création de contenus axée sur Magic puisque je me suis fait un nom et que les gens me connaissent. Ceci dit, ces dernières années de scènes pro se sont bien passées pour moi. Si ça reste comme ça, alors je continuerais de faire ce que je fais. Mais je sais pertinemment qu’il y a des chances pour que ça change.
Je ne m’attendais pas à ce que tout se passe bien pour le Mythic Invitational. Je ne le sentais pas. Alors, je suppose que c’est pour ça que je ne stressais pas lors des premiers matchs du tournoi. Ensuite, lorsque j’ai commencé à me diriger vers le top 8, j’ai commencé à devenir un petit peu anxieux. Mais en même temps, je jouais en m’en fichant un peu, je pensais que si je perdais en ayant bien joué, ce n’était pas grave. Perdre fait partie du jeu et je ne vais pas être malheureux pour ça. Mais il s’avère que j’ai gagné et c’était génial ! Je ne m’attendais pas du tout à gagner. On dirait que la roue à décidé de tourner en ma faveur.
La chance à son rôle à jouer. Parfois, c’est dur à expliquer, mais je pense que j’avais plus de chance de perdre au début du tournoi qu’à la fin. À la fin, je sentais que j’allais gagner. Juste après avoir battu Ken (Yukihiro) j’ai eu l’impression que tout allait se mettre en place comme il fallait si je jouais bien, et c’est ce qu’il s’est passé. C’est juste un pressentiment que j’ai eu et il s’est avéré juste.
J’ai beaucoup aimé mon deck lors de ce tournoi. J’ai pensé que j’avais un bon matchup avec Jund, qui est le deck contre lequel j’ai le plus joué à la fin. Je crois qu’avoir été bien préparé pour les matchup important m’a vraiment aidé. Je veux remercier mes coéquipiers, particulièrement Javier Dominguez parce qu’il a été la personne qui a mis le plus d’efforts dans cet évènement. S’il n’avait pas été là, je n’aurais pas joué Sultai. Alors, même si le tournoi n’a pas été en sa faveur, il y a consacré beaucoup plus de temps que moi et j’en ai bénéficié, en quelque sorte.
Je le répète chaque année, la compétition devient de plus en plus dure. Pour rester au top, vous devez vous améliorez aussi. Parce que si vous restez sur vos acquis et que la compétition ne cesse de s’élever, vous allez vous faire dépasser. Grâce à toutes les données récupérées sur MTG Arena et les personnes qui jouent de plus en plus, les joueurs sont devenus beaucoup plus forts. C’est le jour et la nuit si on compare les joueurs de 2007 et ceux d’aujourd’hui.
Oui, je joue à d’autres formats. Bien entendu, je fais des Drafts, mais je joue aussi en Modern et Pioneer. Quand on pourra rejouer en version papier, je m’y remettrais. J’ai une grosse collection de cartes et j’attends simplement d’avoir une opportunité pour les utiliser à nouveau. Mais, en ce moment, je me concentre sur le Standard et sur l’Historique.
C’est simplement un très bon jeu. Rien que l’envie de devenir meilleur rend le jeu attractif puisqu’il y a constamment de nouvelles cartes qui y sont introduites et on n’a jamais le temps d’avoir le deck parfait. Il y a beaucoup d’éléments qui font que les joueurs restent. Certains viennent pour l’expérience sociale, d’autres pour le côté strictement compétitif, d’autres aiment juste les cartes et préfèrent jouer occasionnellement. Il y a tellement de différents formats et de manières différentes de jouer à Magic ! Par exemple, je vois ce jeu à travers le prisme de la compétition, mais je ne représente qu’une minorité. La plupart des gens qui jouent à Magic sont des gens qui y jouent occasionnellement avec des amis, chez eux. Au final, Magic correspond à un éventail très large de joueurs et je pense que c’est ce qui fait que Magic continue d’avoir autant de succès.
Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier, le panier étant d’être un joueur pro de MTG. N’espérez pas devenir un pro juste parce que vous voulez devenir pro ou parce-que vous pensez que vous pouvez devenir un pro. Évidemment, cela fonctionne pour quelques personnes, ça a marché pour moi. Mais cela prend du temps. J’ai commencé à jouer à MTG il y a une vingtaine d’années, donc, le processus peut être très long.
La première chose que vous devez faire est de vous assurer que vous connaissez toutes les règles du jeu parce qu’il y a énormément de règles différentes et de cartes que vous devez garder à l’esprit. Une fois que vous avez compris comment jouer, allez-y petit à petit. Par exemple, commencez par vous spécialiser en Draft ou en Standard. Ne vous imposez pas trop de choses d’un coup. Il y a beaucoup de contenus disponibles et d’informations que vous pouvez chercher. Familiarisez-vous d’abord avec le jeu et n’espérez pas avoir des résultats grandioses trop vite. Jouer à Arena peut être un bon début.