Bienvenue dans cette chronique centrée sur les thèmes musicaux des champions de League of Legends. Toutes les deux semaines, vous pourrez découvrir une analyse musicale sur un de ces thèmes. Que vous soyez néophytes, mélomanes ou experts en musique, soyez les bienvenus ! Pour le quinzième numéro de ce « League of Music » place au thème de Zyra, Dame aux ronces.
La Dame aux ronces a fait son apparition sur nos écrans le 24 juillet 2012, amenant avec elle une nouvelle musique de login. Le morceau de Zyra est composé dans un style purement orchestral et il reste un des thèmes les plus courts de la Ligue, avec environ 1'20 de musique, basée autour d'un seul solo.
Pour ce qui est de la structure globale du morceau, le thème de Zyra a été composé dans une mesure des plus classiques, un quatre temps binaire. Un élément quelque peu déroutant viendra pourtant perturber cette stabilité dans la pulsation, comme nous pourrons le voir par la suite.
Mesure binaire : mesure où les temps sont divisibles par deux.
Le morceau de login consacré à Zyra est également assez original au niveau de sa « tonalité ». En effet, le compositeur reprend ici le fameux procédé du « mode » que vous aviez déjà pu découvrir lors de l'analyse des thèmes de Diana ou de Nami, par exemple.
Mode : À la différence de la gamme qui se base sur la succession de notes par rapport à une note donnée (par exemple, la gamme de do donne : Do-ré-mi-fa-sol-la-si-do), le mode se concentre lui sur l'écart qu'il y a entre chaque note, peu importe la note de départ. C'est une forme de théorie musicale très ancienne, qui fut employée principalement par les grecs durant l'antiquité, bien avant l'apparition de nos gammes majeures et mineures.
Le mode employé ici est le mode éolien, aussi appelé mode de la, et il nous fait commencer le morceau à partir de la note la. Il ne s'agit en fait que d'une simple coïncidence puisque dans les modes, la note de départ n'a pas à être la même que le nom du mode en question. Il s'agit juste de veiller à l'écart entre chaque note.
Pour les amateurs qui auraient encore quelques (douloureux ?) souvenirs de théorie solfégique, le mode éolien correspond en fait au schéma de la gamme mineure classique, à la nuance près que le septième degré n'est pas haussé. Nous aurons donc ici du sol bécarre à la place du sol dièse.
Passons maintenant à une analyse plus détaillée du morceau.
Le thème de Zyra est particulièrement bref, comme nous avons pu le voir précédemment. Il est également écrit dans un tempo relativement lent, mais néanmoins, le thème regorge de stratagèmes musicaux qui plongent d'emblée l'auditeur au sein de l'univers décrit dans la composition. L'œuvre s'articule en trois parties très brèves, qui peuvent en fait se résumer au schéma classique : introduction, thème, conclusion.
Partie A
Elle s'étend du début jusqu'à 0'11
Il s'agit donc de l'introduction de notre thème. Elle ne constitue pas à proprement parler un prélude musical, car l'auditeur est en fait plongé d'emblée, pendant une dizaine de secondes, dans une ambiance quelque peu chaotique, qui dépeint à merveille l'univers de la jungle ainsi que ses aspects mystérieux et dangereux. Afin de retranscrire cela au mieux, le compositeur emploie des effets sonores de bois (avec des percussions de type xylophone ou marimba, ou de jeux particuliers sur des cordes) et de souffles, le tout mêlé à un jeu instrumental orienté vers les graves, sans qu'une mélodie ne se distingue toutefois. L'oreille de l'auditeur est donc dans la découverte d'un climat plutôt que d'une réelle mélodie, et l'ambiance est présentée sans ménagement, dès la première seconde musique.
Partie B
Elle s'étend de 0'12 à 1'03.
Comme à l'ordinaire, et qui plus est dans un thème de courte durée, le système de l'ostinato sera utilisé.
Ostinato : Il s'agit de la répétition systématique d'une cellule harmonique, mélodique ou rythmique.
Il est ici joué par les cordes, dans un registre médium, et c'est ce même ostinato qui va venir perturber quelque peu la stabilité de notre quatre temps binaire. En effet, la cellule est composée de doubles croches, dont les appuis sont décalés par rapport aux temps forts, puisque les accents se posent toutes les trois notes, à l'exception du dernier groupe de doubles. Tout cela casse donc un peu la monotonie d'une pulsation qui aurait pu être trop stable et ne pas assez correspondre au caractère sauvage de la jungle.
Voici la partition de cet ostinato :
Un autre détail est à noter : l'ostinato se base sur les trois notes conjointes la/si/do. La seule exception ici est le ré dièse, qui ressort au milieu de toutes ses notes, et il est d'ailleurs légèrement accentué. Cette note, le ré dièse, constitue avec la note qui le précède (le do) un intervalle de seconde augmentée (tremblez, là encore, en vous remémorant les cours de solfège). Cet intervalle est un peu particulier, et il souvent utilisé, comme ici, pour apporter un caractère un peu exotique à un passage musical. Cet écart est d'ailleurs une des caractéristiques principales de la musique arabo-andalouse.
Cette cellule répétitive est donc exposée deux fois, avant que n'arrive la mélodie principale du thème. Cette dernière est interprétée au cuivre et doublée par les cordes graves. Ce choix apparaît finalement comme étant assez paradoxal, puisque l'on aurait pu s'attendre à ce que la mélodie soit ici tenue par un instrument à connotation féminine, comme c'était le cas dans le thème de Nami par exemple. Mais ici, il n'en est rien, et c'est en fait sur le caractère menaçant que la composition se concentre.
La mélodie est relativement lente et s'imprime là encore sur notre ostinato qui se verra légèrement modifié, le ré dièse étant remplacé par un mi, afin de mieux s'accorder à l'ensemble harmonique. Les appuis en décalé sont toutefois préservés.
En ce qui concerne la structure globale de cette mélodie, on peut voir que, malgré les dernières mesures, la ligne d'ensemble de la mélodie forme un mouvement ascendant, puis descendant. Durant la partie ascendante, la mélodie s'articule principalement autour du rythme noire-blanche pointée, et lorsque cette même mélodie redescend, le rythme s'inverse en blanche pointée-noire. Cette phrase mélodique est donc écrite selon un jeu de miroir assez discret et pourtant bien présent.
Voici la partition de ce solo, mélodie principale du thème de Zyra.
Un seul élément vient rappeler ici l'aspect féminin du personnage. Une voix, assez lointaine, dans un registre relativement aigu, vient ponctuer le solo plus grave, à 0'11 et 0'40 dans l'extrait 2.
Partie C
Elle s'étend de 1'04 jusqu'à la fin.
On retrouve le premier ostinato (avec le ré dièse). La mélodie s'est arrêtée, et les graves ne soutiennent plus l'ensemble ce qui a pour effet de diminuer subitement le niveau sonore. On retrouve les même effets sonores autour du bois, et après que l'ostinato s'est arrêté net, il ne reste plus alors que l'ambiance sonore du début, agrémentée de bruits d'insectes et autres bruits typiques de la jungle.
Thème de Zyra en entier
Pour le prochain numéro de League of Music, rendez-vous sur Facebook, et à vous de choisir la musique que vous souhaitez voir analysée dans deux semaines !
