Avec League of Music, vous retrouverez deux fois par mois une nouvelle chronique centrée sur les thèmes musicaux des champions de LoL. Toutes les deux semaines, vous pourrez découvrir une analyse musicale sur un de ces thèmes. Que vous soyez néophyte, mélomane ou expert en musique, soyez les bienvenus. Pour le premier numéro de ce « League of Music » place au petit nouveau de la bande : Vel'Koz.
Le voilà enfin parmi nous : Vel'Koz a fait cette semaine son apparition dans League of Legends. L'Oeil du néant est arrivé sur nos clients dans la nuit du 26 au 27 février, et comme d'habitude, un écran de chargement entièrement dédié au champion a été intégré au launcher.
Parlons tout d'abord du style prédominant de ce thème : il s'agit ici d'une musique principalement électro où viennent se greffer de temps à autres quelques ponctuations orchestrales (au travers des violons notamment). Le thème est basé sur une mesure binaire à quatre temps, composé dans la tonalité de fa mineur.
Mesure binaire : mesure où les temps sont divisibles par deux.
Tonalité : Une tonalité se définit comme une gamme de sept notes, désignée par sa tonique (première note de la gamme donnant son nom à cette dernière, donc ici, fa) et son mode (majeur ou mineur).
Comme vous pouvez vous en douter, ces choix de structure ne sont probablement pas anodins. Le binaire instaure très souvent un caractère assez martial et assuré, tandis que le ton de fa mineur désigne quelque chose d'obscur (M-A Charpentier, Règles de composition) et symbolise l'angoisse, la mélancolie « noire et désespérée », provoquant des frissons aux auditeurs (J. Mattheson). Ces caractéristiques correspondent donc plutôt bien à Vel'Koz, donc la fonction est, rappelons-le, d'apprendre et de connaître les faiblesses de son ennemi pour mieux l'anéantir.
Partie A
L'introduction de ce thème dure 21 secondes (nous l'appellerons « A »). Elle semble vouloir instaurer un climat inquiétant, sans réelle mélodie, en usant de sons résolument électros et de divers effets (reverb, saturation, etc.) L'ambiance est très fidèle au personnage, et l'on retrouvera tout au long du thème une ambiance très proche d'une bande originale d'un film de science-fiction.
Petit à petit, une percussion, assez grave, vient ponctuer le premier temps de chaque mesure, commençant ainsi à nous donner une vague notion de pulsation dans ce qui n'était jusqu'à présent qu'une ambiance sombre et chaotique. S'en suit un court crescendo, aboutissant sur un silence de quelques secondes (pas absolu non plus, puisque l'effet de reverb est toujours présent).
Partie B
On rentre ensuite dans le vif du sujet. La structure binaire est alors clairement définie, en particulier grâce aux basses de la musique. Une de ces basses instaure la tonalité par le biais d'un long fa, l'autre la mesure grâce à sa rythmique rapide en doubles croches. Voici donc la cellule des basses qui tournera en boucle pendant une bonne vingtaine de secondes :
Sur ces bases/basses viennent se greffer divers sons électros. Là encore, pas de mélodie réelle. Le chaos de l'introduction se mêle à l'arrivée très marquée des basses. Il n'y a d'ailleurs que très peu de percussion, puisque ces dernières ne jouent qu'en fin de cellule des basses ( ci-dessus )/
Partie C
Au bout d'une vingtaine de secondes lorsque le climat et la rythmique sont bien ancrés dans l'oreille, le compositeur se dirige vers une autre approche de cette musique. Nous arrivons alors dans la troisième phase de cette composition. Il y aura dans cette partie plusieurs caractéristiques, très marquantes.
Tout d'abord, l'opposition binaire/ternaire. En effet, cette mesure si stable qui avait été ancrée en partie « B » se retrouve confrontée au rythme ternaire, par le biais du triolet. La mesure reste cependant la même, du 4 temps binaire, mais à laquelle vient se juxtaposer le rythme du triolet qui est lui, ternaire (donc divisible en trois).
Cette confrontation binaire/ternaire est très souvent utilisée en musique (dans n'importe quel style d'ailleurs, mais très souvent accentué dans la musique électro, ce qui le rend familier à nos oreilles). Ce procédé provoque une certaine instabilité, comme une décélération légère qui vient perturber la mesure initiale. C'est précisément cette confrontation binaire/ternaire qui introduit l'arrivée des cordes, assez discrètes dans un premier temps, puis ponctuant peu à peu chaque temps de la mesure, et concluant cette phrase par un rythme plus saccadé (double-croche pointée). C'est cette même conclusion qui servira de transition vers la partie suivante.
Voici le motif mélodique entamé par les cordes, et plus spécifiquement les violons.
Notons également que la basse se voit modifiée mélodiquement. Au lieu de rester sur le fa (notre tonalité) et alterne avec le sol bémol. L'alternance de ces deux notes est ce que l'on appelle un mouvement chromatique ascendant/descendant, assez connu pour les effets de suspense et d'angoisse. Vous le connaissez bien, puisqu'on le retrouve dans le célèbre thème du film « Les dents de la mer ». Ce mouvement instauré à la basse sera ensuite partiellement suivi par les violons tout au long de la pièce.
Partie A bis
Retour à l'ambiance initiale de l'introduction. On perd la mélodie des violons pour retourner au chaos de la partie A. Cette fois-ci par contre, on retrouve la rythme en double-croches à la basse, afin que la pulsation et la mesure ne soient pas perturbées par les ponctuations des différents effets mélodiques au-dessus.
Partie C bis
On garde exactement la même structure harmonique que la partie C (nos basses ancrées sur l'alternance fa/sol bémol) mais la partie violon sera cette fois plus étoffée et beaucoup plus complexe, reprenant elle aussi la confrontation binaire/ternaire ainsi que les chromatismes dans sa mélodie. Notons également qu'elle sera doublée d'un son plus orienté synthétiseur (c'est-à-dire que ce son synthétique reproduit la même mélodie que les violons à presque chaque endroit).
Les violons exposeront donc une cellule mélodique de 4 mesures, cellule reprise ensuite à l'octave supérieure (c'est à dire 8 notes plus haut) pour maintenir le suspense, et aboutir sur le crescendo final qui viendra clôturer l'œuvre, ou presque, car le thème musical de Vel'Koz s'achèvera comme il a commencé, dans un chaos de bruitages type SF et électro, en fade-out (le volume sonore diminue progressivement) jusqu'à la fin de la pièce.
Voici la ligne mélodique des violons (première portée) et du son électro (seconde portée) :
En résumé, le thème musical de Vel'Koz, tout comme celui de Vi, Jinx, Cho'Gath Battlecast, ou encore Kha'Zix, s'éloigne du carcan classique et orchestral en s'alliant à d'autres styles musicaux, ici par le biais d'effets électros. Cela paraît être un choix judicieux pour ce personnage qui nous semble tout droit sorti d'un film de science-fiction. La musique fait son effet, nous plongeant immédiatement dans l'univers sombre et destructeur de Vel'Koz.
Et vous, qu'avez-vous pensé de cette musique ?