Le principe de la boucle temporelle a été utilisé dans de nombreuses œuvres de fiction, rien qu'au cinéma, il est facile d'en lister plusieurs très connus comme l'excellent Groundhog Day ou le ridicule Edge of Tomorrow, et en anime Re:ZERO - Starting Life in Another World pour n'en citer qu'un. Et si les jeux qui nous forcent à repartir de zéro ou presque après chaque mort ne manquent pas avec le déluge d'excellents Rogue-like auxquels nous avons eu droit ces dernières années, c'est une autre paire de manches de conserver des niveaux, des événements et des personnages identiques d'une boucle à l'autre. Nous avons été bien servis dans ce domaine dernièrement, avec The Forgotten City et surtout 12 Minutes. Mais Deathloop a bien plus d'ambition, celle de préserver l'intérêt du joueur durant plusieurs dizaines d'heures alors qu'il tente désespérément de résoudre le puzzle géant qu'est la boucle temporelle, alors que sa solution paraît simpliste : tuer huit cibles précises la même journée.
- Genre : FPS, Action
- Date de sortie : 14 septembre
- Plateformes : PC, PS5
- Développeur : Arkane studios
- Éditeur : Bethesda
- Prix : 59,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
Looper son entrée
Notre histoire se déroule sur la petite île nordique de Blackreef, un peu à la façon du triangle des Bermudes, ce caillou sinistre qui a la réputation d'être à la source de phénomènes paranormaux. Durant plusieurs décennies, différents groupes aux intentions troubles ont tenté d'exploiter la chose à leur profit, et finalement l'un d'eux y est parvenu, d'une certaine manière. La bonne nouvelle est que leur recherche de la vie éternelle a porté ses fruits, la mauvaise est qu'ils ne s'en rendront jamais compte, puisqu'ils sont bloqués dans une boucle temporelle perpétuelle qui se réinitialise tous les jours, effaçant par la même occasion leur mémoire, et leur mort éventuelle. Ils recommencent donc toujours la même journée, ce qui est une très mauvaise nouvelle pour ceux qui ont la gueule de bois.
Et malheureusement, c'est un peu le cas du protagoniste que nous incarnons, nommé Colt, qui est amnésique, ce qui est aussi un des nombreux points communs avec le jeu précédent d'Arkane : Prey. Tel Bill Murray, son seul avantage comparé à la majorité des autres occupants de l'île est qu'il conserve la mémoire des différentes boucles. Cela lui offre l'opportunité de rapiécer petit à petit ses souvenirs ainsi que les événements alors qu'il explore l'île peuplée de fous furieux hostiles dont une grande partie semble avoir adopté un mode de vie adapté à la boucle temporelle dans laquelle le lendemain n'existe plus : la recherche d'émotions fortes, quitte à mettre une fin brutale et sanglante à leur vie. Il va découvrir qu'une autre personne de l'île, Julianna, garde aussi ses souvenirs, et elle tient à la fois le rôle de seule interlocutrice et de principale antagoniste dans ce huis clos.
Ici la hotline de SOS Suicide
Elle va souvent parler à notre protagoniste par radio afin de lui offrir un peu de compagnie et le soutenir à sa façon (comme une peau de vache). Mais d'un autre côté, elle va aussi chercher à contrecarrer ses projets d'évasion de la boucle temporelle. Pour diverses raisons que nous vous laissons découvrir, il vous faudra tuer huit occupants précis de l'île, surnommés les visionnaires. Cela peut sembler facile après avoir confirmé vos talents d'assassin surpuissant et surnaturel, mais la majorité de l'histoire et du gameplay vont tourner autour du meurtre de ces puissants individus. Comme jamais rien n'est simple, ils doivent tous mourir durant la même journée, alors qu'ils sont éparpillés aux quatre coins de l'île, avec une armée privée, des pouvoirs surnaturels obtenus lors de leurs recherches, ainsi que différentes mesures de sécurité. Alors que certains sont relativement accessibles et faciles à tuer, d'autres préfèrent se cacher au fond d'un bunker verrouillé, ou se noyer dans la foule grâce à l'anonymat conféré par le port du masque (cela ne protège pas que du Covid, mais aussi des balles visiblement).
Comme ce n'était pas suffisant, Julianna fait aussi tout pour vous pourrir la vie (c'est peut-être votre ex ?). En effet, elle va tenter de vous tuer de différentes façons, généralement en débarquant dans la zone l'arme à la main, ce qui mettra fin à la boucle actuelle et ramènera les cibles clés tuées à la vie, vous forçant ainsi à recommencer de zéro, ou presque. Presque, puisque vous serez plus riche de votre expérience en tant que joueur pour commencer, ce n'est pas un rogue-like et l'île reste parfaitement identique d'une boucle sur l'autre. Tel Tom Cruise ou Subaru, vous allez donc découvrir les dangers qui vous guettent, comment atteindre vos cibles plus facilement, et les nombreux secrets de l'île en espionnant ses habitants, ainsi qu'en lisant tous les bouts de papier sur lesquels ils ont laissé traîner des informations confidentielles.
Machine à laver temporelle
Il vous faudra donc rassembler un maximum d'informations sur tout ce qui se déroule à Blackreef, afin de la connaître, elle et ses résidents, dans les moindres détails, afin d'organiser votre parcours et vos actions d'une façon minutieuse qui va provoquer une séquence d'événements autorisant finalement à tuer vos huit cibles durant la même boucle. Heureusement que la carte et votre journal bien pensés récapitulent clairement tout cela avec des organigrammes et des liens de cause à effet en fonction des boucles passées. Cela serait autrement un casse-tête insoluble pour beaucoup de joueurs, en particulier ceux dont les sessions de jeu sont fortement espacées. Bien entendu, exécuter ce plan est un autre obstacle, surtout avec Julianna qui ne va pas manquer de vous harceler. Cette dernière devient de plus en plus hargneuse au fur et à mesure que vous vous rapprochez de la victoire, il en va de même pour les ennemis qui seront plus alertes et mieux équipés, vous allez aussi trouver davantage de Residiuum afin de vous assister dans la prochaine boucle en cas d'échec.
À l'heure où les open world sont légion, il y a de bonnes raisons de s'inquiéter quand on découvre que Deathloop ne possède que quatre véritables zones, et elles ne sont même pas spécialement grandes. Elles sont néanmoins assez denses. Tout d'abord, elles sont très distinctes les unes des autres, et elles débordent de personnalité, avec un mélange de pierres sombres et de constructions austères, des installations militaires abandonnées et rouillées, puis une couche d'art déco criarde des années 60. Visuellement, c'est tout sauf banal, et il y a des secrets ou des éléments intéressants éparpillés un peu partout. À défaut d'être nombreuses, les zones changent en fonction de l'heure de la journée, certains bâtiments seront accessibles ou non en fonction des événements organisés par les éternalistes, comme un concert, la marée haute va bloquer une grotte dans la journée donc il faut y aller le matin, puis une tempête de neige arrive dans l'après-midi, ce qui va drastiquement altérer les lieux. Chaque zone mérite (et doit) être revisitée durant les quatre moments de la journée si vous souhaitez découvrir tous les secrets de Blackreef, et ils sont nombreux.
Il est vraiment dommage que le jeu nous tienne fermement par la main durant toute l'aventure, le concept de Deathloop se prête clairement à l'expérimentation et à la découverte afin de trouver une solution. Sauf que dans le cas présent, les tutoriels s'enchaînent, ainsi que les menus, les organigrammes et finalement les destinations obligatoires. Une fois un peu plus libre d'agir, la fin se profile déjà à l'horizon. Il aurait vraiment été appréciable de pouvoir choisir de jouer et de découvrir le jeu sans toutes ces assistances étouffantes qui ont tué dans l’œuf une grande partie du plaisir de la découverte. Le point positif est que vous pourrez jouer même avec le cerveau éteint, la mauvaise est que cela fait du puzzle un vulgaire parcours balisé concernant l'histoire principale.
Un bon moyen de sortir un peu des clous est d'organiser certains assassinats d'une manière plus complexe et scriptée, comme dans un Hitman. Vous pouvez aussi accomplir des boucles librement pour le plaisir de tuer ou d'explorer, si l'envie vous en prend. Il y a aussi quelques énigmes optionnelles assez retorses en stock, mais elles ne reposent jamais sur l'ingénierie sociale et plutôt sur le fait de trouver le bon bout de papier au bon endroit au bon moment. Certaines sont aussi tout simplement frustrantes et assez paresseuses, comme le fait d'avoir à chercher un objet générique quelconque comme une batterie ou une manivelle dans une carte précise, durant un moment précis pour accéder à quelque chose, puisqu'il est impossible d'embarquer de tels objets avec soi, contrairement à votre arsenal. On se retrouve donc à fouiller et à refouiller les moindres recoins de la carte pour la 4e fois.
Deathloot
Vous démarrez chaque boucle avec le même équipement basique qui va vous aider à mettre la main sur un arsenal plus impressionnant. Mais le déblocage du Residiuum combiné à la découverte des secrets de l'île vous permettront de vous constituer un véritable arsenal permanent, disponible entre chaque exploration. Cela comprend bien entendu les armes, celles de base peuvent s'enrayer, ce qui peut aussi s'avérer mortel, puis viennent les armes rares, épiques, voire légendaires, qui disposent d'emplacements pour des améliorations, ainsi que de pouvoirs plus ou moins exotiques. La recherche des quelques armes légendaires de l'île vous aidera grandement à vous échapper, et leur utilisation est plutôt satisfaisante, comme une mitrailleuse qui peut être rechargée sans s'arrêter de tirer. Votre choix d'arme va aussi influencer votre approche, par exemple le lance-clous est silencieux mais peu pratique lors d'une fusillade, contrairement au fusil à pompe.
Colt pourra aussi équiper différentes breloques qui vont affecter ses caractéristiques, et votre façon de gérer l'approche de vos cibles en combinaison avec les pouvoirs. Vous aurez par exemple la capacité de tout pirater et de plus loin, avoir plus de vie, être immunisé aux gaz empoisonnés, courir silencieusement, le bon vieux double saut, transporter plus de munitions, etc. Les pouvoirs paranormaux, nommés modules, sont dans le même esprit, outre celui qui vous permet de revenir deux fois à la vie, qui est inamovible, vous pouvez en transporter deux autres. L'invisibilité et le transfert aident grandement à infiltrer une zone et à utiliser des raccourcis autrement inaccessibles, le nexus permet de tuer de nombreuses cibles proches simultanément en silence (ou non), alors que d'autres comme Chaos portent bien leur nom, puisqu'elles permettent de foncer encore plus dans le tas en mitraillant dans tous les sens. Tout cela vous aide donc à jouer discrètement, ou comme un gros bourrin. Leur importance est d'ailleurs d'autant plus grande en multijoueur.
Brain death
Les trailers du jeu ont lourdement insisté sur les combats depuis le départ, et il faut dire qu'à moins de se forcer à jouer un maître de l'infiltration, ils sont omniprésents. Il est généralement plus simple de simplement tuer tout ce que vous croisez. Il faut dire que le jeu est vraiment généreux dans ce domaine, puisque vous pouvez exécuter instantanément les ennemis surpris qui viennent de vous repérer, ce qui sape immédiatement la difficulté. Le bestiaire est minimaliste, les éternalistes sont les seuls adversaires de l'île, bien qu'ils disposent d'un arsenal plutôt varié, et qu'ils font assez mal, ils ont pour point commun d'être fragiles et terriblement stupides pour reprendre les termes de Colt (en plus poli). Par défaut, ils se livrent à des actes suicidaires, et si vous êtes repéré, vous avez juste à vous positionner derrière un coin avec un fusil à pompe pour tuer des ennemis par dizaines sans difficulté. La seule chose qui vous force à bouger est l'épuisement de vos munitions puis de votre vie à cause des renforts ennemis lorsque la situation vous échappe et que l'alerte est donnée. Au moins ils remplacent la qualité par la quantité.
Rappelons que le pouvoir spécifique de Colt est qu'il peut revenir à la vie au moins deux fois durant chacune des quatre périodes de la journée. Parfois, ce n'est pas de trop, surtout au départ, il est alors normal de mourir régulièrement à cause d'une mauvaise chute, d'un piège, ou lorsque vous prenez les combats trop à la légère. Une fois encore, le concept du jeu et la difficulté sont sacrifiés sur l'autel de l'accessibilité. Nous sommes bien loin du concept de réinitialisation de la boucle après une mort, puisque vous pouvez théoriquement mourir huit fois durant la même journée sans réelles conséquences. Plus tard, une fois bourré de Residiuum, avec vos pouvoirs, breloques et armes, vous pouvez facilement devenir une véritable machine de mort qui va sprinter à travers la carte pour abattre sa proie avant de repartir de la même manière. C'est comme si Bethesda ou/et Arkane avaient eu peur de perdre les joueurs ou de les forcer à surmonter un obstacle. Nous regrettons une fois encore l'absence de modes de difficulté ou d'options pour paramétrer l'expérience de jeu et offrir quelque chose de plus adapté aux différents joueurs. Le développement de Deathloop semble avoir été difficile, ce qui explique peut-être de tels problèmes, et c'est bien dommage, puisque le potentiel était là.
Jusqu'à ce que la mort vous sépare
La seule chose qui va vous sauver de la facilité et donc de l'ennui à un certain point est notre brave Julianna, qui est une grosse variable. Votre relation amour-haine est une chose, mais lorsque Julianna va envahir la zone dans laquelle vous êtes pour vous tuer, il est possible que cela soit un autre joueur aux commandes. Un peu comme lors de l'invasion d'un spectre rouge dans un Dark Souls, vous pouvez vous attendre au meilleur comme au pire. Les sorties de la zone vont être bloquées, et il faudra que Colt pirate une certaine antenne pour sortir, ce qui va l'exposer un moment, ou le forcer à tuer l'envahisseur. Julianna peut être équipée de bien des façons, par exemple avec un fusil de sniper ou au contraire des armes à courte portée. Elle dispose aussi de différents pouvoirs possibles, comme la possibilité de prendre l'apparence d'un ennemi de base, ou de donner son apparence à un ennemi (aussi redoutable que drôle). Et même la tactique utilisée peut drastiquement altérer la rencontre, elle peut vous attaquer ouvertement, vous tendre une embuscade, ou vous harceler avant de fuir, voire même carrément vous assister dans de très rares cas si le joueur décide de subvertir l'histoire.
En effet, le jeu dispose de trois modes concernant Julianna, celui hors-ligne, avec l'IA uniquement, le mode en ligne, avec l'IA et n'importe quel joueur, et pour finir, le mode ami uniquement, qui intègre l'IA, mais donne le privilège de l'invasion à un ami. Cela peut être hilarant, surtout en vocal, de pourrir la boucle d'un ami, surtout que Colt a plusieurs vies et qu'en recommencer une est assez rapide. À l'inverse, pour un joueur qui rencontre tout de même des difficultés dans Deathloop, c'est un moyen de lui donner un gros coup de pouce en tuant les visionnaires à sa place. N'espérez néanmoins pas atteindre si facilement la fin du jeu lorsque l'opportunité se présente, car Julianna peut vous envahir plusieurs fois durant la même boucle, même si vous l'aviez tuée la même journée.
Il est néanmoins bien plus drôle de jouer sérieusement du côté de Julianna. Ce petit mode de jeu dans le jeu est facultatif, il révèle bien quelques petits éléments de l’histoire en plus, mais vraiment rien d'obligatoire. Son intérêt repose surtout dans les nombreux objectifs à remplir pour marquer des points, comme gagner plusieurs parties de suite, tuer Colt d'une certaine manière et autres. Ces points vont faire gagner des niveaux à Julianna, ce qui va débloquer de nouveaux pouvoirs et de nouvelles armes, ce qui vous rendra d'autant plus efficace pour traquer Colt à travers les boucles. C'est certainement l'aspect le plus amusant et satisfaisant du jeu, surtout avec un match équilibré, et c'est probablement la seule occasion de vraiment utiliser tous les pouvoirs ainsi que les grenades disposant de trois modes : explosif, laser et mine. Cela permet aussi de prolonger la durée de vie de Deathloop, qui se situe dans la tranche des 20 à 30 heures pour terminer l'histoire et trouver la majorité des secrets. Il est certainement possible de le finir une première fois en moins de 10 heures en se concentrant uniquement sur l'histoire principale.
Voir la suite