Derrière ce titre assez provocateur se cache un phénomène de plus en plus apparent dans Diablo 4. Pour les vétérans de la licence, qui étaient présents au lancement de Diablo 3, cela devrait aussi évoquer pas mal de souvenirs douloureux, puisque Blizzard reproduit exactement les mêmes erreurs. On ne parle pas de l'erreur 37, pour une fois, mais du fait que le nerf semble être le seul outil que les développeurs acceptent d'utiliser à l'heure actuelle, sans mesurer les conséquences négatives que cela peut avoir sur les joueurs.
Diablo IV : État des lieux
On ne vous demande pas de nous croire sur parole, voici des extraits des les notes de mise à jour officielles en Français, ainsi que des Hotfixes en Anglais :
- Avant la sortie : Nerf des Invocations du Sorcier, comme les Hydres, et de la vie des Invocations du Nécromanciens.
- 1er juin : Augmentation de la vie des ennemis, et quelques nerfs des classes.
- 3 juin 2023 : Nerf massif de la majorité des classes, des builds populaires, des Plateaux de Parangon, et du taux d'apparition des gobelins au trésor dans les zones JcJ. Il y a aussi quelques petits bonus offerts à certaines compétences du Druide et du Barbare.
- 4 juin : Réduction du nombre de monstres élites dans les donjons.
- 8 juin : Augmentation de la difficulté des boss et nouvelle réduction du nombre d'élites dans les donjons.
- 9 juin : Désactivation invisible de plusieurs Aspects populaires, surtout chez le Barbare.
- 11 juin : Une nouvelle réduction du nombre de monstres élites dans les donjons.
- 12 juin : Nouvelle réduction de la densité des ennemis et des ennemis élites dans les donjons.
On a les fans qu'on mérite
Une partie de la communauté de Diablo est devenue assez sceptique et méfiante vis-à-vis de Blizzard. Certains sont même devenus complétement toxiques au fil des années et des très nombreux déboires de Blizzard (comme la sortie de Diablo 3, Diablo Immortal, Warcraft 3 Reforged, la monétisation de Hearthstone, et à présent le PvE d'Overwatch 2, pour n'en citer que quelques-uns). Ce n'est pas sans raisons, mais à cause de cela, il est difficile de se baser sur les réactions trouvées sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Reddit, pour tenter de juger de la validité des mesures prises par le studio récemment. Mais étant nous-même des joueurs de Diablo 4, nous pensons aussi que l'approche du studio n'est pas la bonne : celle qui consiste toujours résoudre les déséquilibres par des nerfs immédiats, plutôt que de revoir le reste à la hausse, ou d'adopter une approche un peu plus nuancées.
Manque d'expérience
Pour reprendre une citation souvent attribuée à Sid Meier, le créateur de Civilization : "S'ils en ont l'occasion, les joueurs optimiseront l'élimination du plaisir de jouer." Et c'est un phénomène effectivement observé dans Diablo 4, avec les joueurs qui se ruent sur les builds meta, ou qui farment en boucle les Ruines d'Eridu pour gagner autant d'expérience que possible. C'est problématique, et nerfer ces éléments en conséquence n'est pas dénué de logique, mais le studio ignore complètement la perception des joueurs, ainsi que l'aspect émotionnel qui accompagne la réception d'un nerf. Comme nous l'avons listé dans les défauts de Diablo 4, gagner des niveaux devient très lent à partir d'un certain point, surtout en solo. Si toutes les activités disponibles sont considérées comme n'étant pas rentables ni intéressantes, et si les joueurs se rabattent sur un unique donjon, le voir se faire nerfer est clairement perçu comme une punition. Adopter la mesure inverse, et rendre tous les autres donjons aussi rentables, aurait été reçu bien plus positivement par les joueurs, qui se seraient alors sentis libres d'aller faire autre chose. Cela induit du "power creep", le fait que les joueurs gagnent en puissance plus rapidement que prévu, mais comme mentionné plus haut, cela serait certainement une bonne chose dans le domaine du leveling. Peu de joueurs trouveront la motivation pour passer 150 heures à monter un unique personnage chaque saison.
La méthode Jay Wilson
Comme mentionné plus haut, l'équipe de Diablo 4 est en train de marcher dans les pas de Diablo 3 à sa sortie, ce qui s'est avéré désastreux, et pas que pour les problèmes de connexion. À l'époque, les coffres et les gobelins au trésor ont eu droit à des nerfs similaires à ce qu'on peut voir aujourd'hui. Au final, la rentabilité de la majorité des activités est devenue risible, et beaucoup de joueurs se sont lassés du jeu. L'absence de contenu de haut niveau digne de ce nom y est aussi pour quelque chose, mais frustrer les joueurs alors qu'ils n'en sont qu'à leur premier personnage ne va pas les encourager à reroll, ni à patienter, ni à participer aux saisons. Ironiquement, Diablo 3 n'a jamais été aussi populaire auprès des joueurs que sur ses dernières années, lorsque les loots pleuvaient, et que l'expérience coulait à flots, alors qu'ils parcouraient les failles Nephalem et les failles supérieures de niveau 150 pleines à ras bord d'ennemis. Le jeu avait toujours ses détracteurs, mais c'est ce qu'on peut considérer être l'essence même du genre hack 'n' slash.
Suprise mother killer !
La manière dont l'équilibrage général des builds et des classes a été gérée s'est avérée très maladroite aussi. Suite à la bêta ouverte, le Sorcier et le Nécromancien sont ressortis comme les personnages les plus puissants... au niveau 25. Cela leur a valu quelques nerfs. Les deux classes sont souvent considérées comme étant les pires à très haut niveau, à présent. Que ce soit une simple preuve que la puissance d'une classe à bas niveau n'est pas représentative de son potentiel réel, ou que ce résultat soit dû aux nerfs, cela a donné la désagréable impression que Blizzard réagit de façon épidermique aux problèmes rencontrés. L’extrême faiblesse du Nécromancien invocations sur le test de charge des serveurs, qui a été partiellement corrigé dans l'urgence, n'a fait que renforcer cette impression. De son côté, le Sorcier Invocations ne s'en est jamais vraiment remis.
Les nombreux nerfs des classes qui ont suivi la sortie du jeu ont aussi été mal reçus. La course au niveau 100 en mode Extrême ne fait pas de Diablo 4 un jeu compétitif, d'autant que les bugs et les déconnexions sont plus problématiques pour ces joueurs que quelques déséquilibres entre les classes. Passer des dizaines d'heures à équiper et à optimiser un personnage, avant d'apprendre que son build a été nerfé, ne peut qu'être reçu négativement par les joueurs. En parallèle, de nombreuses compétences ne sont jamais utilisées. Peut-être que les réviser à la hausse aurait été plus avisé, plutôt que de continuer de réduire la sélection de builds considérés comme efficaces ?
On peut voir aussi les très sérieux problèmes dans la communication et la façon dont l'équipe gère les problèmes d'équilibrage, avec les deux Aspects dont abusaient une petite poignée de Barbares pour tuer Uber Lilith trop facilement. Le studio a préféré les désactiver complètement pour tous les joueurs avec un hotfix, ce qui a réduit brutalement les dégâts de nombreux personnages, sans le moindre avertissement durant plusieurs jours. En prime, aucune indication en jeu ne permettait de savoir que ce changement avait eu lieu, et il fallait se tourner vers le compte Twitter ou les forums américains pour l'apprendre. On ne peut pas considérer que le problème justifiait de prendre des mesures aussi drastiques. Ce n'est pas comme s'ils utilisaient ces aspects pour tuer d'autres joueurs en mode Extrême. Visiblement, Blizzard préfère punir des millions d'innocents plutôt que de laisser quelques coupables s'échapper.
Éteindre les flammes
Demain, le 16 juin, se tiendra le "Feu de camp" des développeurs, durant lequel l'équipe de Diablo 4 devrai apporter quelques explications pour leurs décisions de ces dernières semaines, qu'on espère convaincantes. Leurs projets concernant la Saison 1 devraient aussi être détaillés. Cela sera l'occasion de découvrir ce qu'ils comptent faire au sujet du Renom et de l'expérience, par exemple. Espérons que cette fois, ils ont su tirer les bonnes leçons, et que cela permettra de satisfaire la portion la plus active et la plus vindicative de la communauté avec des actions concrètes.