Depuis la sortie du dernier titre de la licence Tekken, Vincent "Super Akouma" Homan domine l'Europe. Bien que portant un pseudonyme homonyme à son combattant principal, la référence se trouve ailleurs. Après trois qualifications consécutives pour les Tekken World Finals, le joueur d'Akuma espérait bien pouvoir continuer à faire rager l'Europe puis le Monde, avec des retournements de situation toujours plus incroyables. La pandémie mondiale en a décidé autrement, il revient sur une année 2020 plus qu'atypique.
Quelles furent les conséquences pour toi de l'annulation du Tekken World Tour 2020 ?
Tout simplement une bonne déprime. Personnellement je donne ma vie pour le jeu depuis des années, et cette année j'ai du tout simplement la mettre en pause. Étant donné que les carrières esport ne durent pas forcément très longtemps, forcément beaucoup de questions m'ont traversé l'esprit, même si ce problème de longévité n'est pas encore d'actualité pour moi (rires). Les joueurs pros ont dû délaisser les tournois et se tourner vers la création de contenu, mais vu que le mode online était très mauvais, beaucoup ont abandonné. Personnellement j'avais aussi abandonné l'idée de stream du Tekken, mais la saison 4 et l'arrivée du rollback rendent enfin Tekken 7 streamable.
Comment conserver un niveau décent en cette période de pandémie ?
En tant que joueur d'Akuma, le pire piège pour moi aurait été de jouer en ligne. En online, il y a forcément quelques décalages, quelques micro lags qui font que certains combos qui passent en tournoi physique car il n'y a pas de ping, ne fonctionnent pas en online à cause de cela. Comme mon personnage demande une grosse exécution, le mode online peut me faire prendre de très mauvais réflexes qui causeront ma perte contre les meilleurs joueurs du monde. Heureusement j'ai pu m'entraîner physiquement une fois par semaine avec Banbino mon partenaire d'entraînements, et en septembre Daniel Madonia (joueur italien reconnu) est venu s'entraîner à Marseille. En réalité, je ne saurai dire lequel de nous deux a le plus profité de l'entraînement (rires), mais cela m'a fait du bien et j'ai senti que j'avais un peu perdu la main. Heureusement nous avons quelques grosses sessions dont la plus longue a duré 16h, qui m'ont permis de me dérouiller.
Le Tekken Online Challenge est-il une bonne alternative au Tekken World Tour ?
Je trouve que Bandai Namco a pris la meilleure solution possible à ce sujet. Capcom a essayé de maintenir son Capcom Pro Tour, et cela a engendré de nombreux problèmes notamment lors de certains tournois où les freeze se ressentaient jusque sur le stream officiel. En ayant décidé de juste faire quelques tournois et exhibitions locales, Bandai Namco évite de faire s'affronter des joueurs trop éloignés géographiquement, tout en conservant une petite approche fun. Certes d'un point de vue aura, le Tekken Online Challenge ne peut pas rivaliser avec le Tekken World Tour, mais étant donné que tout le monde a un peu navigué à vue en 2020, je trouve que cette décision est la meilleure autant pour l'éditeur que pour les joueurs.
Pourquoi ne pas avoir participé à l'événement où les français de métropole pouvaient s'inscrire ?
Le mode online était dans ses meilleurs jours, à peine correct. J'ai bien essayé de faire quelques tournois online en début d'année, notamment certains organisés par Red Bull, la série Take Down the Crown. Le format ressemblait pas mal à celui du Tekken Online Challenge, il y avait un bracket en FT5 (BO9), et le gagnant affrontait le vainqueur de la semaine précédente. Celui qui remportait le tournoi, revenait la semaine suivante défendre sa place. J'ai gagné 4 ou 5 fois sur les 6 semaines de compétition, contre Chickenmaru. Sans vouloir dénigrer sa performance, parce qu'il avait à ce moment un excellent niveau, en regardant le replay j'ai vu des choses que je n'aurai pas laissé passer, des combos que je n'aurai pas drop en offline. Perdre un tournoi n'est pas simple mentalement, et perdre pour des causes que je ne maîtrise pas comme les lags, est encore pire. Combiner potentiellement les deux pendant toute année m'aurait rendu fou, j'ai donc stoppé les compétitions online.
Tu as finalement contribué à l'événement lors d'un showmatch contre Daniel Madonia. Comment t'es tu retrouvé dans cette position ?
Comme j'ai un petit passé sur Tekken 7, Bandai Namco s'est dit que ce serait intéressant de me voir jouer (rires). Plus sérieusement, c'est vraiment le schéma classique. J'ai reçu un mail me demandant si j'étais intéressé, j'ai dit oui, on m'a mis dans un discord avec les organisateurs de l'événement et les autres joueurs invités, puis une ou deux semaines avant j'ai su lequel d'entre eux j'allais affronter.
Quelles furent les initiatives françaises de la communauté Tekken en 2020?
Il y en a très peu. La communauté française est soudée, mais pas spécialement chauvine et nous sommes plus tourné vers l'Europe que concentré uniquement sur la France. Bien sûr des initiatives locales ont eu lieu, mais rien qui n'ait fédéré les joueurs au niveau national. Après j'en profite quand même pour saluer le travail de Yuki, qui fait énormément pour la communauté Tekken. C'est vraiment l'homme de l'ombre de Tekken 7 et pour ceux qui suivent un peu la scène internationale, si le monde de Tekken a Spag pour les événements internationaux, en France nous avons Yuki. Après il existe toujours le discord Fr Tekken 7 pour ceux qui recherchent des partenaires d'entraînement, ou juste des gens partageant leur engouement pour ce titre.
Malgré l'arrêt des tournois, les tiers lists ont continué de fleurir sur les réseaux sociaux, et leurs premières places étaient le plus souvent occupées par deux personnages originaux sortis fin 2019 et début 2020 : Leroy et Fahkumram. Un personnage original doit-il forcément être puissant pour gagner en popularité ?
Je ne pense pas qu'un personnage doivent forcément être très fort pour devenir populaire. Dans le cas de Leroy, cela l'a même desservi à la longue. Lors de son annonce, la hype était incroyable, non seulement parce que le personnage était très réussi visuellement et avait un charisme extraordinaire, mais aussi parce que c'était un pratiquant du Wing Chun. Cet art martial originaire du sud de la Chine était interdit au Japon pendant un temps, et est peu représenté dans les jeux de combat. La communauté était donc très enthousiaste de voir comment ce style de combat serait porté en jeu vidéo. Seulement Leroy, c'était trop. On se souvient de l'EVO Japan 2020 (du 24/01 au 26/01), où certes 6 joueurs du top 8 jouent Leroy, mais sur tout les joueurs inscrits, près de 120 jouaient Leroy. Pour en arriver à ce point là, c'est qu'il y a un problème avec le personnage. Fahkumram c'était différent. Déjà le personnage était très différent entre sa sortie et son trailer, il semblait avoir grandi, probablement à cause des réactions de la communauté, qui avait fait remarquer que bien que le combattant fasse très grand sur les vidéos, sa taille en jeu était moins impressionnante. Seulement modifier la taille d'un personnage, revient à modifier l'allonge de tout ses coups, ce qui entraîne des déséquilibres. Après ce n'est qu'une théorie populaire, pas forcément la vérité absolue. Et cependant malgré la taille de Fahkumram, certains combos classiques qui marchent sur tout les personnages ou presque, ne fonctionnaient pas sur lui. C'était complètement incompréhensible. Si Leroy a gâché l'EVO Japan 2020, Fahkumram a gâché le reste de l'année.
La saison 4 a-t-elle corrigé le tir pour ces deux combattants ?
Des nerfs ont eu lieu avant la saison 4, rappelons le quand même. Mais globalement, les deux personnages étaient toujours très forts, et la saison 4 les a davantage nerfés. Leroy est un personnage très intéressant, conservant une identité propre et est plutôt fort à l'heure actuelle. Fahkumram j'ai trop peu joué avec et contre en saison 4 pour savoir où le situer, mais il a pris cher. Personnellement je trouve ça dommage, le personnage a été tellement fort qu'une partie de la communauté le déteste pour des raisons que je peux comprendre, et je crains qu'il n'ait jamais réellement une chance de conquérir le cœur des fans.
Que deviens Akuma en saison 4 ?
Je n'apprécie pas les changements sur Akuma cette saison, qui ne vont pas dans la direction que j'espérais. Ses dégâts généraux ont été nerfés, surtout en l'absence de mur. En revanche son neutral a reçu un gros up avec l'amélioration de la portée du D4/DB4. Son DF1 permet de mieux mettre la pression, et quand Akuma coince quelqu'un près d'un mur, le 50/50 est bien plus dur à anticiper pour l'adversaire. Le nouveau coup d'Akuma étant un anti-anti-air avec quelques frames d'invincibilités, son utilité restera très situationnelle. L'exécution d'Akuma a également été nerfée, et c'est ce qui me gêne le plus. Des combos just frame (combos où le joueur n'a que quelques frames pour que les coups connectent en combo) font moins de dégâts qu'un combo avec un EX Tatsu, bien plus simple à rentrer. Aimant bien que les mécaniques de jeu et la vitesse d'exécution soient récompensées, je n'apprécie pas la direction prise sur Akuma, qui a certes reçus quelques buffs malgré des nerfs mérités et est globalement un peu moins fort, mais surtout moins intéressant. Après cela reste assez situationnel, Akuma est moins fort dans certaines situations et plus fort dans d'autres. Même si je suis un peu déçu par cette direction, il reste mon personnage principal.
Que faut-il à un combattant pour être joué au plus haut niveau ?
Simplicité et efficacité sont les maîtres mots. Et les meilleurs coups possibles dans le jeu. Prenons Kazumi et Miguel, deux personnages dont le style de jeu tourne beaucoup autour du neutral. Kazumi possède les meilleures options, c'est donc elle que les joueurs préfèrent jouer pour atteindre le top niveau. Miguel n'est pas forcément un mauvais personnage, mais à quelques détails près, Kazumi fait tout mieux que lui, alors il n'est pas joué.
En début d'année tu t'es intéressé à GranBlue Fantasy Versus, pourrait-on te voir sur d'autres titres que Tekken ?
Je ne pense pas que je m'investirai autant dans un autre jeu que Tekken. GranBlue est sorti à un moment où je cherchais un jeu de combat assez simple pour devenir bon dessus, sans devoir y investir trop de temps. Ce titre avait l'avantage d'être beaucoup plus simple d'accès que les autres licences d'Arc System Works, et il a parfaitement convenu à mes attentes. J'ai pris énormément de plaisir sans tryhard, mais je ne pense pas pousser plus loin. Je suis également les actualités sur Guilty Gear Strive, même si les licences Guilty et BlazBlue sont réputées pour leur difficulté technique.
CRaZY Esport s'est renommé en Crazy Esport Bretagne, cela implique-t-il des changements pour toi ?
Pour moi, absolument aucun. Je reste dans l'équipe et à Marseille, donc tout va bien. L'accord avec la région d'origine de la structure est une chose incroyable pour elle, et le staff a vraiment accompli un gros boulot cette année. Cela devrait être profitable à la structure à moyen et long terme, et donc à moi aussi par ricochet, même si je n'en serai malheureusement pas le principal bénéficiaire (rires).
Quels sont tes projets pour 2021 ?
Les streams ont repris sur ma chaîne Twitch, où je suis d'ailleurs devenu le premier Akuma au monde à atteindre le rang Tekken God Omega en LIVE. La saison 4 a fait beaucoup de bien, notamment grâce au rollback et Tekken 7 devient enfin streamable. Vu qu'il est impossible de savoir ce que 2021 nous réserve, je vais me concentrer sur la création de contenu. Je ralentirai probablement la création lors de la reprise des tournois officiels.
Un dernier mot ?
Soyez heureux. Cela fait mieux jouer aux jeux de combat, j'ai d'ailleurs gagné mon premier tournoi quelques jours après m'être mis en couple avec ma copine actuelle, il y a 5 ans. C'est un peu grâce à ce soutien que je gagne. Être bien dans ma peau m'apporte une grande sérénité lors des tournois, et c'est sans doute ma plus grande force, au delà de mon exécution ou de mon personnage (rires). Je ne veux pas faire de la peine à celles et ceux qui vivent des heures difficiles en leur disant qu'ils ont juste à être heureux', mais au vu de l'année 2020 et la situation actuelle, je voulais conclure cet entretien sur une note positive.
