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Tom Scott, alias "G-P", dévoile son événement annuel. Depuis sa création en 2016 avec DAT Team, une petite association dont il est le président-fondateur, son tournoi est devenu le plus côté d'outre-Manche. Pour le début du mois de juillet, le rendez-vous est pris à l'Emirates Stadium, le jardin du club d'Arsenal. L'Albion 4 est loin encore, mais on s'y voit déjà.
Scott avoue que tout est parti d'une blague, ou presque. Son équipe voit plus grand depuis la sortie d'Ultimate mais l'arène couverte de York Hall, et ses 1200 places, a du mal à figurer dans ses plans. Lorsqu'on lui souffle le nom de l'enceinte d'une des plus prestigieuses équipes de football d'Angleterre, il hésite. De son pur point de vue d'organisateur, il aurait dit non à la première vue des devis. Mais il a l'opportunité de conduire le top niveau européen de Smash dans un lieu unique, chargé de symboles. Surtout que Scott quitte bientôt ses fonctions de "TO", pour "Tournament Organiser". Avec son départ, il n'y aura pas de cinquième chapitre à la plus grande compétition de Smash au Royaume-Uni, et sans aucun doute d'Europe. Alors pour la dernière, il exhorte le meilleur de Smash à y participer et à en faire un moment qu'il veut mémorable.
Il l'a été. L'Albion 4 a conquis bien au-delà des terres Anglo-Saxonnes et a sacré un Français, William "Glutonny" Belaid, qui s'effondre sur sa chaise au moment où la foule envahit la scène. À première vue, on pense à l'émotion. En fait, il a même la read sur ce qu'il se passe derrière lui.
« Je savais qu'ils allaient tous sauter sur moi. J'ai vu qu'ils voulaient me porter donc la seule chose que je me suis dit quand j'ai gagné l'Albion, c'est "je vais m'agripper à ma chaise pour pas qu'on me porte ».
L'Albion a son champion
L'Albion, c'est l'un des meilleurs souvenirs de Glutonny en tant que joueur pro. Pas le meilleur, il insiste, mais tout était si parfait : l'ambiance, toute cette vague de soutiens et la stage minimaliste, plantée sous l'écusson géant des Gunners.
« Mon match, c'était pas forcément le meilleur mais concernant le tournoi en général, tous les matchs étaient beaucoup trop hype. C'était trop intéressant à regarder. Il y avait toute la France, le BDE, qui étaient derrière nous, qui criaient pour tous les matchs. On était 150 Français donc il y en avait de partout. Il y en a que j'avais jamais vu, je savais même pas que c'était des Français. Ils me disaient "ouais bien joué Gluto", je savais pas qui c'était. D'habitude, on se connaît pratiquement tous. Là, il y avait des Parisiens, des Strasbourgeois, des gens de Nice, des gens de Marseille, des gens qui venaient de partout en France. On était vraiment soudés entre nous ».
Celle-là, il est allé la chercher loin. Plus loin qu'on ne l'imagine. Gluto a suivi son plan à la lettre dans cette grande finale de l'Albion 4 contre l'Américain Samuel "Dabuz" Buzby, l'invité de marque du tournoi qui vient représenter Team Liquid.
« Disons que si j'arrivais à jouer mon jeu et si je faisais ce que je sais faire, normalement, je gagnais. Dabuz était vraiment compliqué mais vu les derniers sets que j'avais joué contre lui, je savais exactement quoi faire ».
Ici, sa concentration et sa sérénité manette en main lui font atteindre des sommets. Sa culture du jeu le pousse à se questionner toujours plus. La moindre faille, il faut la trouver. Elle existe. Son parcours dans la compétition le prouve sans difficulté, Gluto est un bosseur et un éternel apprenti : l'Albion 4, c'est une décennie de travail et à Londres, il enchaîne les upsets. Notamment en demi-finale face à Raito, un Japonais qui joue Duck Hunt mieux que personne.
« Ça se voit qu'il connaît le perso par cœur. Il arrive à bien conditionner son adversaire. Il fait des choses, tu peux même pas t'y attendre car il utilise beaucoup trop bien les outils du personnage. Mais j'ai eu une petite chance, c'est qu'il y a un joueur de Duck Hunt anglais, qui s'appelle OwlBBs. C'est un gars, il fait aucun tournoi. Le seul tournoi qu'il fait, c'est l'Albion parce qu'il habite en Angleterre. Je savais qu'il jouait Duck Hunt donc je suis allé le voir avant le match pour lui demander de jouer avec lui. Ça m'a appris le match-up : Duck Hunt a quand même pas mal de faiblesses. C'est juste Raito qui est beaucoup trop fort avec et je pense que les gens ne connaissent pas le match-up ».
Comme pour un cours magistral, il raconte sa trouvaille avec toute la gestuelle qui va avec. En fait, c'est une vraie leçon de Smash : « Par exemple, comment contrer la canette : quand tu es offstage, il adore mettre sa canette puis faire son Up B vers la canette, comme ça, ça fait une espèce de protection. Mais en fait, pendant qu'il lance la canette, si avec Wario je fais un Down Air dessus, elle va pas m'exploser dessus. Donc je peux carrément la traverser et toucher Duck Hunt. C'est un gros avantage surtout que Wario est très fort offstage et qu'il faut capitaliser offstage. Si je savais pas ça, j'étais prêt à pas aller le chercher offstage et je l'aurais laissé remonter à chaque fois. Alors qu'il faut vraiment aller le chercher et ne pas le laisser remonter. Grâce à ça, grâce à cette connaissance de mon match up, j'ai pu le faire. Il y a plein de défauts comme ça, que certains personnages ont et que les gens ne connaissent pas forcément ».
Gluto c'est Wario. Ce sont les mêmes. Le truc, c'est qu'il est trop fort avec. Ça se voit, ça se sait. Il connaît bien ce que dit la Tier-List à propos de Wario, mais il la tord dans tous les sens quand on le voit jouer. Si on lui demande son avis, Wario c'est Top 5, et si c'est pas Top 5, c'est Top 10 grand maximum. Après Gluto s'en fout un peu, il continuera de répéter que le personnage est "trash", « juste pour ne pas se prendre les nerfs ».
« C'est pas le design qui m'intéresse chez lui, c'est la façon dont il est construit. Bon, il pète sur les gens, c'est marrant, mais c'est le personnage qui me correspond le plus. Il a vraiment tous les outils du monde pour pouvoir contrer tous les styles de jeu. C'est un perso avec une grande mobilité et j'adore ça. J'aime être libre. J'aime pouvoir faire ce que je veux avec mon personnage, inventer moi-même mes propres combos selon la situation. C'est pas juste, ton perso est fait pour ça, tu dois faire ça et puis c'est tout. Ça j'aime pas du tout. Il a des tonnes d'options possibles, tu peux aller chercher offstage, il a la moto, un projectile, c'est très important. Tu peux faire des échec et mat avec ce projectile là. Tu te dis, je le lance dans cette direction, lui va sauter pour esquiver donc je prévois ça, par exemple. J'adore faire ça.
Dans certains match up c'est dur mais j'ai tellement travaillé que je sais exactement quoi faire tout le temps. Je pense que je peux gagner n'importe quel match up avec Wario ».
Des pets, des jets de motos et des esquives de canettes qui lui faisaient déjà gagner tous ses tournois de Smash 4, avant qu'il ne passe pro. Dont déjà quelques majors. L'Albion, Respawn, le Valhalla, sont de grosses compétitions, pourtant il y a une règle qui ne bouge pas sur Smash : tous les tournois sont organisés par des passionnés.
Presque aucun d'entre-eux ne peut se calquer sur les modèles de l'industrie et il est difficile pour la plupart de fidéliser une audience comme une scène toute entière sur plusieurs éditions. On parle d'événements amateurs généralement démunis de moyens, de petites associations modestes, et d'individus comme Tom "G-P" Scott qui s'investissent sans compter, temps comme argent. Cette culture des tournois est très répandue chez nous et chez nos voisins. Et Glutonny aurait bien du mal à citer tous les tournois qu'il a disputé, rien que sur Ultimate.
Si tu viens, il faut que tu restes
Il relève pourtant deux tournois majeurs : l'Albion, que l'on connaît, et Syndicate, qui se trouve aux Pays-Bas. L'objectif est simple : chaque pays doit aujourd'hui se doter de son tournoi majeur. C'est pour Glutonny le meilleur moyen de voir émerger une nouvelle génération de joueurs de Smash, partout en Europe.
« On tente d'en avoir un en Espagne, avec Tech Republic, un gros rassemblement d'environ 300 joueurs, ce qui est pas mal. C'est moins que l'Albion et que Syndicate, mais ça commence à grandir de plus en plus. Pour la France, c'est un peu compliqué parce qu'on a plusieurs gros tournois, on en a pas encore un gros officiel ».
Sur ce coup là, la modestie l'étouffe pour de vrai. Le Wanted n'a peut-être pas la popularité qu'il mérite, mais le tournoi est devenu incontournable chez nous. Glutonny s'y implique aux côtés de son complice NtK. Chris fait un peu figure de "papa" pour Smash en France et qui porte sur ses épaules un projet vraiment ambitieux. Au tout début, ils étaient une cinquantaine à participer aux tournois. Au bout de deux saisons, soit une grosse vingtaine de Wanted, les places partent en deux heures, on est trois fois plus et on y accourt depuis l'étranger pour jouer Gluto.
« Comme le nom l'indique, il y a des joueurs qui sont "Wanted" à chaque tournoi. Des joueurs différents à chaque fois et sur un certain thème. Parfois ça va être les Lillois, les Bordelais, les joueurs de Snake ou ceux de la saga Zelda, par exemple. À chaque fois il y a un thème en fait. En fonction de ce thème là, il va y avoir des gens qui vont être "invités" à venir et qui vont être "Wanted". Il va y avoir une affiche juste pour eux et une récompense pour les vaincre. Par exemple à l'époque, le "Wanted orKs" avait tous les joueurs de l'équipe orKs comme "Wanted". Il y avait Homika, Elexiao, VinS et moi. Elexiao, je crois, avait cinquante euros sur sa tête en Winner bracket et soixante-dix en Loser, quelque chose comme ça. Moi, c'était cent euros en Winner et cent en Loser. Le truc c'est que, si le Wanted ne se fait pas éliminer, il faut qu'il upset quelqu'un selon le seeding établi pour récupérer sa prime. Tu es Wanted, tu bats quelqu'un de plus fort que toi, tu récupères ta prime. Et moi, vu que j'étais Seed 1, j'étais obligé de gagner le tournoi pour toucher la mienne. C'est ce qu'il s'est passé ».
Glutonny ne compte plus toutes ses victoires au Wanted. La vraie dimension de cette compétition, c'est sa capacité à rassembler toute la communauté francilienne, de l'avis du champion français. Ça représente "la maison", comme il dit. Mieux encore, s'il décide de s'impliquer dans ce tournoi en particulier, c'est aussi pour se mettre au service des nouveaux joueurs. Tout le monde n'a pas commencé Smash sur Mêlée ou sur Brawl et, force est de constater, que bon nombre de participants vivent leur première expérience d'un tournoi "en dur" au Wanted.
« Ce dont on avait peur avec NtK, au début, c'est qu'il y ait beaucoup de hype autour d'Ultimate, que les gens allaient tous kiffer, tous venir aux tournois, mais on était pas sûr qu'ils allaient revenir. Alors on s'est posé la question "Comment faire pour les garder ?". Faut faire des tournois, des tournois intéressants où personne ne s'ennuie. C'est-à-dire, les nouveaux, ils vont venir au tournoi, ils vont faire 0 - 2. C'est sûr. Ils vont perdre directement. Et beaucoup, dans leur tête, vont se dire "J'ai fait 0 - 2, j'ai perdu le tournoi, je rentre chez moi". Ou pire, ils sont dégoûtés et là, ils vont plus jamais revenir.
Nous, on a fait en sorte qu'il y ait des setups de free-play avec une salle réservée au free-play. Il faut bien expliquer aux gens que quand t'as fini ton tournoi ou ton bracket, c'est pas fini pour toi. Tu peux aller jouer avec d'autres gens, t'amuser, rencontrer la commu', te faire des potes, etc... Faut vraiment les garder. Donc NtK, à chaque fois qu'il y a des nouveaux, il demande "Qui n'a jamais fait de tournoi ?". Il y en a qui lèvent la main et il dit : "Venez !", hop, il les emmène. Il leur explique le concept : "Quand vous avez perdu, vous allez là-bas, vous faites du free-play avec tout le monde". Il y a plein de gens, on les avait jamais vus et puis maintenant, ils sont dans notre groupe, ils sont potes. Il y a même des gens qui sont dégoûtés du jeu. Genre, ils aiment plus le jeu, ça arrive : ils viennent quand même.
Tu peux pas partir en fait. T'es pote avec tout le monde, t'es là tu t'amuses, tu regardes des matchs, c'est hype, tu peux jouer juste pour t'amuser. Tu peux pas partir. Une fois que t'es venu, c'est fini ».
La communauté Smash, c'est un peu sa deuxième famille et il veut faire passer le message : ici, tout le monde accepte tout le monde. « Même si t'es un peu bizarre », il rajoute. Il a rencontré TriM, par exemple, un Français de quinze ans qui a fait parler de lui à l'Albion et qui est un habitué des Wanted. Gluto est plein d'éloges pour le jeune parisien et il est sûr de lui : il faut le surveiller, car c'est l'un des grands joueurs de demain.
« TriM a l'esprit. Je l'ai vu jouer et il est dans la tête de son adversaire, de A à Z. À l'Albion, dernière game, il est parti avec une stock en moins et il a réussi à come-back. Et vraiment, dans la tête de son adversaire.
Ce qui est très impressionnant chez TriM, c'est sa patience, déjà. Il est très patient. C'est bien. Et puis son quand il est en désavantage, c'est-à-dire si il se fait toucher une fois, hormis si son adversaire a un vrai combo, il ne va jamais se faire gratter. Il va très facilement reset le neutral parce qu'il sait ce que son adversaire veut. Il ne va pas paniquer, il ne va pas faire que des air-dodge, que des sauts. Il va toujours changer d'option. C'est très difficile de prévoir ce qu'il va faire et il est très fort là-dessus. Il a tout ce qui faut pour devenir un très grand joueur. Ça se voit, que ce soit au niveau de la mentalité, au niveau du jeu, des habitudes, de la façon de travailler... Il a tout ce qu'il faut pour être top ».
Il faut bien commencer quelque part. Avec sa première équipe, orKs GP, Glutonny a pu découvrir l'Europe grâce à ses tous premiers défraiements. À l'époque, les États-Unis sont encore un peu loin et il n'a pas de revenus fixes, juste la chance de voir du pays. Pourtant, il y a forcément un jour où tout s'est accéléré pour Gluto. Il s'en souvient bien. C'était au Valhalla II, une compétition qui se tient à Copenhague, au Danemark, dès les premiers jours de 2019.
Un avion pour Vegas
Super Smash Bros. Ultimate est sorti depuis un mois, pas plus, ce qui fait de la seconde édition du Valhalla le premier tournoi majeur d'Ultimate en Europe. L'événement est très médiatisé : Leffen, une icône de Mêlée, y participe. Le Suédois, ambassadeur de Team SoloMid, vient faire beaucoup de publicité au Valhalla ce jour là. Glutonny est contacté par LRB, le fondateur de Solary, peu de temps après avoir remporté le tournoi. Ce reverse trois zéro/trois stocks dans le bracket contre Leffen, alias le "God Slayer", a marqué tous les esprits.
« Ça a vraiment fait beaucoup de bruit et c'est grâce à ça qu'il m'a repéré. Je crois qu'il s'intéressait déjà à Smash, mais il savait que sur Smash 4, c'était mort, qu'il n'y avait pas assez de visibilité. Sur Ultimate, ça a tout changé. Il voulait absolument le meilleur d'Europe ».
Son maillot Solary sur les épaules, Gluto finit par traverser l'Atlantique et découvre le monde très fermé des tops nord-américains. GENESIS 6, le Summit, le CEO... Tout événement y est très orienté pour le divertissement avec des plateaux soignés et des broadcasts hauts en couleurs. Aux States, l'objectif est de toucher le grand public, ce qui est très précurseur sur une licence comme Smash Bros. Avec Solary, Glutonny a également trouvé un soutien de poids pour faire connaître Smash au plus grand nombre.
« Ce qui est très important, c'est qu'ils ne supportent pas que moi, ils supportent aussi la scène Smash française. C'est vraiment parfait. Ils organisent des tournois avec NtK, ils soutiennent financièrement, ils diffusent les compétitions, ils créent plein de contenus... Ça fait beaucoup de visibilité pour la scène Smash en France.
Je pouvais pas demander mieux. LRB regarde tous mes tournois. Il adore Smash et il joue au jeu. Il est toujours derrière moi à m'encourager, et pas derrière moi dans le sens il me suit partout, "il faut que tu perf'". Il me fait confiance et il me laisse faire ce que je veux. Quand je perds, il me dit "c'est pas grave, je t'ai vu, tu vas te rattraper la prochaine fois, je te connais". J'ai vu d'autres teams qui ont leur manager derrière eux tout le temps, qui les suit partout. Je détesterais ça. Ça te met la pression pour rien ».
Mais ce qui l'a peut-être le plus impressionné, c'est de voir à quel point la communauté l'a soutenu pour ses premiers pas à l'international. L'épisode du Summit l'a marqué car c'est un Invitationnal. En d'autres termes, les joueurs qui ont recueilli le plus de votes de la part de la communauté peuvent participer à l'événement, aux côtés de joueurs "invités", qui ne sont que des tops.
« Solary a mobilisé les gens. LRB a dit "votez pour Gluto", les gens ont dit "ok", et j'ai eu énormément de points. J'avais plus de points que le deuxième et le troisième réunis. Et puis tu peux avoir des points en achetant des produits dérivés auprès des organisateurs. Et là c'était plus compliqué. J'étais pas au courant de ça et j'ai hésité : "Est-ce que je continue ou pas ?". J'avais besoin de points mais pas vraiment envie de faire payer les gens.
Au final, j'ai eu 37.000 points. Je crois que ça équivaut à 6000$ d'achats. J'avoue que j'étais étonné. Je sais que la commu' de Solary est vraiment soudée donc ça m'a pas étonné qu'ils cliquent. Par contre que les gens payent autant pour moi, ça, ça m'a vraiment surpris. J'ai aussi lancé un stream de mon côté pour recevoir des dons et acheter des trucs : j'ai récolté 2,500€ en trois heures. Ça m'a choqué. Grâce à eux, j'ai pu avoir assez de points pour pouvoir y aller ».
À force d'apparaître à l'écran, Gluto fait partie du groupe maintenant. On le voit de plus en plus aux majors, son visage est devenu familier pour tout le monde. On veut bien se déplacer pour se mesurer à lui et c'est plus agréable de l'avoir lorsqu'on organise des bootcamp, forcément. Flirter avec la crème de Smash a fini par placer MkLeo sur sa route. À dix-huit ans, le Mexicain n'est autre que le numéro un de Smash Ultimate dans le monde. Ils s'affichent souvent ensemble depuis les U.S. à l'occasion de chaque tournoi car ils s'entendent bien en réalité. Surtout à quelques jours de l'EVO, qui célèbre Smash Ultimate pour la première fois cette année.
« En vrai, il est un peu comme moi, c'est un gamin. On est un peu pareil dans la vie, on a un peu le même caractère. On traîne toujours ensemble quand je suis là-bas.
Concrètement, je ne vois personne plus fort que moi à part Leo. Pour l'instant, il est intouchable. En fait, il comprend le jeu beaucoup plus vite que les autres. Il est dans la tête de tout le monde et il est arrivé à un état psychologique auquel j'ai mis des années à parvenir en Europe. C'est à dire qu'il est tellement confiant qu'il peut faire n'importe quoi, il sait qu'il va gagner. Rien que ça, ça le met dans un état où il ne peut pas être déstabilisé. Il a vraiment trop de confiance en ce moment. Des facilités aussi, c'est sûr, mais ça reste un gros bosseur. Beaucoup plus que ce que les gens pensent ».
À Las Vegas, les portés absents se font rares. Pour la quatrième année consécutive, le Mandala Bay Casino s'est emparé de l'Evolution Championship Series, l'EVO, le plus grand tournoi de vesus fighting au monde. Pour Super Smash Bros. Ultimate, c'est une une belle récompense pour tous les joueurs. Avec près de trois mille cinq cent participants, Smash à l'EVO, c'est le tournoi de Street Fighter V et de Mortal Kombat 11 réunis, soit la plus grande compétition de Smash jamais organisée à ce jour. Forcément, ça donne le vertige. Sauf pour Glutonny qui, fidèle à ses principes, refuse de signer pour autre chose que la première marche du podium.
« À chaque tournoi où je vais, même si c'est un tournoi où tout le monde est plus fort que moi et que je suis le joueur le moins bien seed, mon objectif est toujours le même : Premier. C'est pas en visant dixième que je vais faire premier. Et je vois même pas pourquoi ce serait une déception de faire dixième.
J'aimerais gagner, bien sûr, mais mon but c'est pas de gagner une fois, c'est de gagner tout le temps. Donc que je perde une fois pour gagner tout le temps après, ça me va. Il y a vraiment des tournois où je me dis "j'ai envie de perdre", juste pour me forcer à apprendre. Et quand les gens en face sont pas assez forts pour me faire perdre, je suis déçu. J'ai besoin de perdre. Si un jour je deviens assez fort pour défoncer tout le monde et que j'ai plus rien à apprendre, je me sentirais vraiment pas bien ».
L'EVO lui a accordé cette faveur presque à contre-cœur. Glutonny réalise le parcours quasi parfait et termine troisième du tournoi. Aux portes de la grande finale, il est stoppé sans contestation par son complice MkLeo. Pour ce tout premier EVO, le Mexicain est en démonstration, impossible à aller chercher. Même le seed 2 de la compétition, TSM Tweek alors en état de grâce, craque complètement devant son Joker en grande finale. Devant plus de 250,000 spectateurs, Leo introduit de nouveaux standards de niveau sur Smash Ultimate. Et c'est Gluto le premier à s'en réjouir.
« Je suis vraiment content que Leo soit là. Je le connais, c'est impossible que je le batte facilement. Même dans dix ans, si on est tous les deux les meilleurs au monde, on sera toujours côte-à-côte ».
L'EVO s'achève et écrit une des plus belles pages de l'histoire de Smash, avec la certitude que la boucle est bouclée : le Japonais Raito et son Duck Hunt ont perdu la revanche contre le champion français, LRB et toute la commu', fidèles au poste, ont hurlé pour lui à des heures ingrates et TriM, 129e de l'EVO, rêve à son tour de la grande scène.