L'hiver est là, Kratos et Atreus se préparent, mais la visite inopinée de deux figures divines va venir chambouler les plans de la petite famille. Dans God of War Ragnarök, la foudre va s'abattre sur les certitudes du dieu grec et de son fils, pour un second voyage qui devrait vous en faire voir littéralement de toutes les couleurs.
- Contenu du test : Pour les besoins de ce test et d'une soluce complète dont la publication débutera au moment de la sortie officielle, nous avons terminé le jeu deux fois. Une fois en ligne droite et en difficile, puis une seconde fois en God of War tout en explorant davantage le contenu annexe, pour un temps de jeu qui dépasse les 80 heures. Le test évite autant que possible les spoilers, toutefois pour évoquer l'un des grands changements du gameplay, nous sommes obligés d'évoquer l'un des éléments intégrés après les 4 premières heures de jeu.
- Genre : Action-aventure
- Date de sortie : 09/11/2022
- Plates-formes : PS4, PS5
- Développeur : Santa Monica Studios
- Éditeur : Sony PlayStation
- Prix : 79,99€
- Testé sur : PS5
La dernière prophétie
Histoire, personnages
God of War (2018) a permis à Kratos de prendre un nouveau départ, après 13 ans à massacrer les Dieux de la mythologie grecque. Redevenu papa, la soif de vengeance qui le rongeait jusqu'alors est désormais de l'histoire ancienne, ou du moins, autant que faire se peut. Son seul objectif désormais est de préparer Atreus à affronter son destin, divulgué à la toute fin du premier épisode, avec la révélation de la véritable identité du jeune homme. Quatre ans plus tard nous voilà face à God of War Ragnarök, une suite directe qui démarre en plein Fumbulvetr, le long hiver qui frappe tous les royaumes et qui précède le Ragnarök, la bataille finale entre tous les êtres vivants. Dans ce contexte pré-apocalypse, le jeune Atreus désormais adolescent, semble bien décidé à aller chercher des réponses et tant pis si son père ne le suit pas. Comme vous vous en doutez, la relation père-fils va de nouveau être au centre de l'histoire du jeu, avec de nouveaux thèmes explorés par les scénaristes.
L'évolution du duo était déjà l'un des points forts de l'opus 2018, mais cette fois les choses vont bien plus loin : Kratos se fait de plus en plus humain à mesure qu'il voit son fils s'émanciper, avec quelques scènes réellement touchantes où l'on sent l'armoire à glace fendre la carapace. Malgré ce noyau central, tous les personnages principaux ont le droit à leur propre arc scénaristique même si ce n'est que le temps d'une heure ou deux, toujours fait avec le plus grand soin. Si l'on met de côté un chef des Vanes assez caricatural, tous les protagonistes sont bien écrits et ne tombent que très rarement dans le cliché : tous sont conscients de ce qu'ils sont et n'hésitent pas à faire de l'autodérision. D'ailleurs les petites touches d'humour distillées au fil de l'aventure font toujours mouche et participent grandement à l'attachement porté à la petite troupe de dieux rebelles.
Narration, mise en scène
L'énorme mise en scène en un seul plan-séquence du premier épisode fait son grand retour, et quel retour : désormais pleinement maitrisé, les équipes de Santa Monica Studios se sont fait plaisir avec cet effet. Nous le verrons plus tard en abordant le gameplay, mais Ragnarok ne va pas hésiter à multiplier les points de vue, en vous proposant des chapitres entiers aux commandes d'Atreus. Et chaque passage du père au fils se fait de manière naturelle, sans la moindre coupure et toujours de manière très intelligente, pour un résultat qui nous a laissés bouche bée à de multiples reprises. Même chose pour la façon dont les temps de chargement sont masqués, même si courir sur les mêmes branches de l'Arbre-Monde finit par lasser, Ragnarok fait tout pour que les éléments les plus massifs ou les changements abrupts de décor se fassent de la manière la plus fluide possible. Une caméra unique qui va être malmenée au cours des nombreuses séquences épiques offertes par cet opus : le premier jeu était peut-être un peu "plat" et ne proposait finalement que peu de moments véritablement épiques, chose que Ragnarok va s'évertuer à corriger pendant les 20 à 25 heures que durent son scénario.
C'est un jeu qui a énormément à dire et qui ne va pas hésiter à prendre le temps d'offrir des situations plus posées pour approfondir ses personnages et les lieux visités. Enfin, le déroulement de l'histoire et plus généralement la construction de l'aventure montrent des similitudes assez claires avec d'autres productions des PlayStation Studios. Impossible de vous dévoiler quoi que ce soit dans les détails sans spoiler, mais quelques séquences semblaient directement inspirées de The Last of Us 2, alors que le quartier général regroupant tous les gros alliés pour des réunions au moment clé de l'aventure fait directement penser à Horizon Forbidden West. Est-ce un souci ? Pas vraiment pour Ragnarök, parce qu'il dispose de sa propre identité et réussit à se démarquer d'autres productions du constructeur de bien d'autres manières, toutefois c'est la première fois que le "partage d'idées" nous a semblé aussi flagrant.
Bagarre du Nord
Gameplay, combats
C'est l'autre bouleversement majeur opéré par Santa Monica avec le reboot de la licence : de plans de caméra fixes des beat them up 3D très classiques de la PS2, on passait à une vue à l'épaule façon Resident Evil 4, pour des sensations bien différentes et un gameplay bien plus technique qu'auparavant. Sans non plus tomber dans le souls-like, God of War vous demande de gérer parades et esquives tout en contrôlant votre environnement grâce aux flèches de couleur placées tout autour de Kratos. En normal et dans les modes de difficulté inférieurs, les dégâts occasionnés ne sont pas assez élevés pour réellement craindre un coup porté "hors-champ", mais en difficile ou en God of War, jouer avec le level design des arènes devient absolument indispensable. En dehors des quelques améliorations sur les armes et le bestiaire, c'est là-dessus que les développeurs ont opéré les plus gros changements : les champs de bataille sont désormais jonchés d'énormes rochers causant d'immenses dégâts, alors que chaque royaume dispose de mécaniques uniques qui vous aideront à venir à bout de toutes les menaces.
Par exemple dans le royaume d'Alfheim, les pierres de résonance vont vous servir à faire ricocher la hache Léviathan sur vos ennemis, ce qui va les assommer d'un seul coup et permettre à Kratos de finir le travail rapidement. C'est tout simple, très agréable à utiliser et jouissif lorsque c'est exploité à bon escient lors de combats tendus. Tous les principes de base posés dans le reboot sont de retour, avec les fameuses afflictions élémentaires, les attaques runiques et reliques à cooldown, mais une somme de détails assez velue parvient tout de même à rendre le gameplay encore plus intéressant. S'il était tout à fait secondaire auparavant, Atreus est exploité à fond cette fois, avec des flèches capables de plonger les ennemis dans une stase propice au juggle et une compétence unique à sélectionner pour sortir son papounet d'un mauvais pas. Sans trop en dévoiler, vous aurez le droit à de nombreux binômes différents dans cet opus et tous ceux qui vous accompagnent vous prêteront main-forte activement au cours des combats.
Et puis tout de même, cette fois les joueurs vont directement contrôler Atreus, avec des mécaniques qui reposent sur des bases identiques, mais pour des sensations bien différentes : le fiston est évidemment bien plus rapide et souple que son père et ça se ressent énormément. Avec une arme principale qui favorise les attaques à distance et ses plongeons "à la Max Payne" en guise d'esquive, Atreus propose "la variation sur le même thème" qui permet de ne pas se lasser une seule seconde pendant le voyage. On regrettera tout de même l'excuse "magique" de Fimbulvetr qui a fait perdre au duo tous les pouvoirs collectés dans le jeu précédent, d'autant qu'il n'y a pas des masses de nouvelles attaques pour la hache et les lames du chaos. La charge élémentaire insufflée à chaque instrument est une bonne idée, puisque les altérations d'état dans leur globalité tiennent une place bien plus importante qu'auparavant au sein des affrontements.
Contenu, progression
Le mode de difficulté God of War ne fait évidemment aucun cadeau, avec des ennemis surpuissants et une mécanique inhérente à ce mode qui va permettre aux mobs de muter pour gagner un niveau supplémentaire, modifiant les propriétés de leurs coups et les rendant invulnérables aux launchers. Il s'agit d'un défi certes costaud à relever, mais bien loin d'être infaisable grâce à la grande générosité du jeu en points de passage : chaque phase de boss génère un checkpoint et à l'exception de quelques ratés, vous êtes immédiatement replongés dans l'action après une défaite. La promesse de Santa Monica a en tout cas été tenue en ce qui concerne le bestiaire, avec une flopée de nouvelles créatures et d'ennemis aux patterns à étudier, même si l'on n'échappe pas à des redites un peu gênantes en explorant le contenu annexe du jeu.
Un contenu annexe chargé de quêtes intéressantes dans leur écriture, mais aussi dans la façon dont elles vont être amenées au cœur de l'aventure. Généralement, après avoir complété le scénario d'une zone assez dirigiste, l'un des personnages vous suggérera de résoudre les problèmes des locaux, vous poussant à visiter des régions qui ne sont là que pour la beauté de l'exploration et ces fameux scénarios secondaires. Ragnarök a de plus l'excellente idée de dire au revoir au Lac des Neuf en hub central, pour disperser ses puzzles et ses intrigues annexes dans l'ensemble des Royaumes visités par Kratos et Atreus. On vous recommande chaudement de compléter tous les "services", tant ils proposent des moments grandioses même lorsqu'ils ne sont pas raccordés à l'histoire principale du jeu. Et puis comme d'habitude, les phases de déplacement à traineau ou en pirogue sont l'occasion pour les membres du groupe de raconter des tas d'histoires intéressantes, comme autant de petits cours accélérés sur la mythologie nordique. En dehors de tout cet aspect narratif supplémentaire, cela va servir à garnir l'équipement de Kratos de pièces rares, qu'il sera ensuite capable d'améliorer grâce aux forges de Brok et Sindri. Là encore on reste sur les bases du premier avec une partie RPG-lite tout à fait convenable et qui a le bon goût de ne pas faire dans la surenchère de loot.
Les sets d'armures sont en nombre suffisant et dispensent tous des bonus bien distincts, en évitant les redites. Par contre, les manières de personnaliser votre stuff sont si étendues qu'elles mènent à la collecte de nombreuses ressources servant à améliorer tout ça. Heureusement, à l'instar de GoW 2018, la grande majorité d'entre elles sont en nombre limité et récupérées à des endroits précis. Ainsi, pour les affrontements les plus tendus, vous aurez peut-être à cœur de modifier votre build de fond en comble et de vous assurer que votre nouvelle amulette soit équipée des bonnes runes : pour qui s'intéressera un petit peu aux bonus et malus des objets, vous en aurez pour des heures d'expérimentation afin de trouver votre propre style. La surcharge de menus dissuade peut-être un peu de farfouiller là-dedans au cours des premiers chapitres de La Voie, mais à l'usage c'est tout à fait confortable. Dernière petite nouveauté, peut-être un peu plus superflue : à force d'utilisation, les techniques peuvent gagner un effet passif à choisir parmi trois (plus de dégâts, effet élémentaire renforcé, etc).
Tarte norvégienne
Technique, direction artistique
Nous avons testé God of War Ragnarök dans sa version PS5, avec le mode hautes fréquences activé, pour un rendu absolument fou de fluidité, sans que de gros sacrifices ne soient faits sur le plan visuel. Peut-être qu'une perte de résolution est notable dans le mode performances, mais le confort apporté par ce framerate qui pointe au-delà des 60 images par seconde sans jamais aucun accroc est un pur bonheur. Pour avoir testé le mode résolution, la différence sur le plaisir de jeu est (pour nous) bien trop grande et on vous recommande évidemment de privilégier le taux de rafraichissement de l'image, avec le mode 120hz si votre écran supporte la norme HDMI2.1. Ça fait beaucoup de conditions pour en profiter dans un état optimal, mais de base God of War Ragnarok reste un monstre technique et artistique. Tout, de la qualité des visages et de leurs expressions aux animations de tout ce petit monde, en passant par la qualité hallucinante des décors traversés par nos héros est à tomber par terre.
Le jeu de 2018 collait déjà une tarte assez phénoménale, mais Ragnarök pousse le bouchon encore plus loin avec des panoramas d'une majesté à couper le souffle et des menaces titanesques qui rappellent les meilleures rencontres de la trilogie d'origine. C'est évidemment accompagné par les compositions de Bear Mc Reary, de retour pour une OST à l'image du jeu qu'il habille finalement : dans la continuité, mais toujours dans l'excellence. Enfin un petit mot sur la version française du jeu, excellente si ce n'est pour Odin, qui selon nous n'arrive pas à être dans le ton et gâche un peu le charisme du Père de tout. Hormis cette pinaillerie, on reste une fois encore sur le haut du panier avec un jeu qui réussit toujours à frapper juste, grâce à toutes ses composantes narratives et visuelles, pour une immersion qui n'est quasiment jamais altérée.