Pour Riot Games, le défi est de taille. Lancer sur nos smartphones un portage de League of Legends, alors même que le Moba est depuis des années un style de jeu plutôt boudé par les joueurs mobiles, en tout cas en Europe, ce n'est pas une mince affaire. Avec un pitch pareil, vous commencez déjà à avoir des sueurs froides ? On vous rassure, on en a eu aussi.
De l'audace, il en aura donc fallu pour revisiter cette institution qu'est League of Legends, en y ajoutant les ingrédients qui font que le jeu reste plaisant en format poche. Wild Rift aurait pu très vite verser dans la copie maladroite d'un jeu culte, tout juste bonne à devenir une machine à cash. Mais vous savez quoi ? Même si ça va faire râler mon rédac' chef, je vais spoil : ce n'est pas le cas.
Accrochez-vous : on va plonger dans la Faille de l'invocateur. Et le voyage n'est pas de tout repos.
- Genre : MOBA, stratégie
- Date de sortie : 10 décembre 2020 (beta ouverte)
- Plateforme : Android, iOS
- Développeur et éditeur : Riot Games
- Gratuit avec microtransactions optionnelles
- Testé sur : Android
"Désolé je peux pas, j'ai Wild Rift"
On ne joue pas sur mobile comme on joue sur PC. Les développeurs de Wild Rift ont embrassé pleinement ce concept. Ils l'ont analysé de fond en comble, et ça se voit sur leur jeu. L'arène est plus petite que sur le League of Legends originel. Les tours sont moins nombreuses, l'expérience se gagne plus vite, et les parties sont logiquement plus rapides (il faut compter 10 à 25 minutes pour une partie de Wild Rift, contre 20 à 45 minutes pour une partie de LoL).
Et il ne faut pas y voir une casualisation du Moba, mais plutôt une adaptation au format mobile. Vos parties de Wild Rift peuvent se savourer pleinement debout en attendant votre bus, assis dans une salle d'attente ou avachi dans votre canapé durant la cuisson de votre plat au four (surveillez quand même le thermostat hein, la soloQ c'est bien, mais le gratin trop cuit c'est vraiment pas top).
We are the champions
A sa sortie, Wild Rift compte 49 champions, soit à peu près un tiers des personnages jouables sur League of Legends. Un chiffre plutôt conséquent, et en tout cas largement suffisant pour se plonger dans l'univers du jeu. Il est en effet souvent reproché à LoL de contenir trop de champions, ce qui rebute les nouveaux joueurs, forcés de retenir des centaines de mécaniques uniques pour pouvoir appréhender les affrontements.
Avec une petite cinquantaine de têtes d'affiches, Wild Rift ne submerge pas ses joueurs outre mesure. Il y a de la technicité et de la connaissance à engranger, certes, mais rien d'insurmontable, surtout si vous vous spécialisez très tôt dans un ou deux rôles pour grimper en soloQ.
Les vétérans râleront un peu quand ils verront que leur "main champion" sur League of Legends n'est parfois pas présent dans Wild Rift, mais qu'ils se rassurent : Riot Games envisage un rythme de sorties de champions plutôt dense pour son nouveau titre mobile. Il va être difficile de rattraper le grand frère, mais on peut tabler sur un ou deux nouveaux champions à sortir chaque mois. Au bas mot.
Soyez porocimonieux dans vos achats
Pas le temps de niaiser, on passe directement à ce qui s'apparente au tendon d'Achille du jeu mobile : le modèle économique. Sachez que Wild Rift est un jeu gratuit, avec des micropaiements optionnels (vous pouvez acheter des objets cosmétiques ou des champions avec des euros, mais rien ne vous force à le faire).
La bonne nouvelle, c'est que le jeu est 100% free-to-play. Avec le pool de champions qu'il obtient d'emblée en commençant l'aventure, un excellent joueur de Wild Rift peut devenir le meilleur Challenger de sa région, à la seule force de ses pouces. Pas de runes payantes, pas d'avantages aux joueurs qui ont un gros niveau de compte... C'est votre aisance mécanique et votre intelligence qui vous feront monter sur le ladder. Pas votre portefeuille.
La mauvaise nouvelle, c'est qu'une fois passés les cadeaux en pagaille qui suivent la création de votre compte, les champions sont chers. Très chers. Farmer des particules bleues pour déverrouiller l'intégralité des champions du jeu sera une tâche herculéenne, même si vous suivez avec assiduité les événements et quêtes bonus. Très vite, on a la désagréable sensation de devoir composer sa progression sur le ladder avec le petit panel de champions réunis au début du jeu. Autrement dit, ceux qui aiment toucher un peu à tous les champions risquent vite d'être frustrés.
Outplay avec deux pouces
Primordiale sur League of Legends, la question de la praticabilité des mécaniques se pose bien évidemment sur Wild Rift. Vous vous attendiez à des contrôles patauds, qui ne laisseraient que de maigres fenêtres pour que brille la dextérité des joueurs et l'audace mécanique ? Perdu ! C'est d'ailleurs le point fort du jeu : avec seulement deux pouces et un brin de coordination, on se surprend vite en situation d'aisance mécanique sur son champion favori, tellement l'interface et la prise en main ont été bien travaillées en amont. Et voici que mon Lee Sin claque une inSec millimétrée, et voilà que mon Garen flash ult au bon timing, sans oublier ma Vayne qui virevolte dans les rangs ennemis avec un hit and run digne de Gosu...
En clair, les belles réalisations mécaniques sont possibles sur Wild Rift, et mine de rien c'est ce qui forge ces sentiments de satisfaction qu'on éprouve sur LoL après certaines phases de jeu. Un véritable tour de force réussi par les développeurs. Et ce n'est que le début : attendez qu'émerge un Faker de Wild Rift (et ça va arriver, ce n'est qu'une question de temps), vous allez voir. Les prouesses mécaniques et les outplays, exécutés depuis des téléphones, on risque d'en voir pas mal.
Le hic, c'est que par définition le support mobile sera toujours plus limitatif que le PC, ou même la console. Même si le gameplay de champions mécaniquement exigeants (Akali, Lee Sin ou Zed par exemple), a pu être savamment retranscrit sur Wild Rift, certaines manipulations devront être simplifiées, ou abandonnées par rapport au League of Legends PC.
Même sans parler de champions, certaines actions inhérentes à LoL sont délicates à réaliser sur Wild Rift. Regarder une action ailleurs sur sa mini carte puis revenir contrôler son personnage... Poser une ward avec précision... Flasher dans une direction spécifique... On éprouve parfois ce petit manque de confort, dans un jeu qui demande par essence une précision chirurgicale.
Machine bien huilée
La gourmandise est un vilain défaut pour bon nombre de jeux mobiles qui veulent approcher ce qui se fait sur PC. Là aussi, Wild Rift ne tombe pas dans le panneau. Le jeu reste beau, mais surtout très fluide, même si vous jouez sur un portable qui n'est plus tout jeune, et qui flirte avec la configuration minimale requise. Au cours de notre test, nous n'avons rencontré aucun freeze, bug, ou temps de chargement trop long.
Certaines micro-fonctionnalités, comme l'animation de plongée dans la Faille de l'invocateur, ou celle qui se lance lorsque vous acquérez un nouveau champion, sont même nées avec Wild Rift, et n'existent pas sur le LoL d'origine. Et là aussi ce sont de vraies réussites, bourrées de petites références aux caractères des champions de Runeterra. A tel point qu'on se demande pourquoi elles ne sont pas présentes sur la version PC.
Il faut toutefois surveiller de près votre connexion : Wild Rift est typiquement le genre de jeu qui ne se savoure que si vous avez la garantie de ne pas subir de latence. Etre victime de déconnexions ou de lags sera non seulement désagréable pour vous, mais risque aussi de vous valoir des signalements de la part de vos alliés.
Et si paradoxalement le marketing du jeu repose sur sa portabilité, il faut bien faire attention aux conditions dans lesquelles vous lancez des parties, surtout si celles-ci sont classées.