Réaliser le test de Cyberpunk 2077 est un moment particulier et difficile. D'un côté, il n'est pas facile d'échapper à la hype après tant d'années à en entendre parler et en étant un grand fan de The Witcher 3. Mais de l'autre côté, l'attente interminable, les reports successifs et le marketing outrancier plein de spoilers n'ont pas manqué de provoquer leur dose de lassitude, voire un certain fatalisme selon lequel le jeu ne sera jamais à la hauteur des attentes. Nous avons néanmoins tenté de garder un œil neuf et de noter le jeu pour ses propres mérites en écartant toutes considérations externes, ce qui devrait aller sans dire.
- Genre : FPS, Monde ouvert, RPG
- Date de sortie : 10 décembre 2020
- Plateforme : PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series, Stadia
- Développeur : CD Projekt Red
- Éditeur : CD Projekt Red
- Prix : 59,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
2020, un avant goût de 2077
Inspiré de l'univers du jeu de rôle sur table Cyberpunk 2020, qui invitait le joueur à tenir le rôle d'une sorte de mercenaire dans un futur dystopique (un présent alternatif maintenant), Cyberpunk se déroule 57 ans après le grand final du jeu originel et la 4e guerre des corporations. Dans un monde où les corporations ont été laissées libres de polluer, d'exploiter et de contrôler, la violence et la misère sont la norme pour la majorité de la population, tout comme le sont les cyberwares. Ces implants cybernétiques à la Deus Ex offrent de fantastiques extensions de capacités, mais loin d'offrir un monde meilleur, elles n'ont fait qu'étendre les moyens par lesquels propager la violence, et exploiter son prochain. C'est dans cet avenir rieur que vous incarnez V, son pseudonyme ainsi que les grandes lignes de son caractère sont fixes, mais c'est un personnage que vous aller librement personnaliser. Son genre, ses compétences, ses origines, et même l'apparence de son sexe sont entre vos mains (hum). Son ambition est une constante cependant, celle de se faire un nom et une place à Night City.
Au moins, le ton est donné dès le départ, Cyberpunk 2077 est résolument adulte et très trashy. Des exemples typiques sont les publicités pour des fellations pratiquées par une femme à trois bouches, des poitrines dénudées estampillées "Milfguard" un peu partout, ou des corps obèses et obscènes pour la prochaine boisson gazeuse. La culture de l'image et le consumérisme, ainsi que les mouvements nés en réponse dans ce monde désespérant font que le sexe, la vulgarité et les pratiques autodestructrices, voire violentes y sont complètement mondaines voire banales. Préparez-vous à un choc des cultures, cette décadence futuriste n'est certainement pas pour tous. Saviez-vous que la prostitution existe au moins sous trois formes différentes à Night City ?
V pour Vaseline
Cela n'en fait néanmoins pas un jeu pornographique, tout cela n'est pas présenté comme quelque chose de positif ni de désirable, mais comme une possibilité, voire un avertissement. C'est aussi dans bien des cas une critique des nombreuses pratiques actuelles, comme le capitalisme débridé, le culte de l'image, la manipulation des masses par les médias et les conséquences de la pollution laissée en héritage aux prochaines générations. Si vous avez apprécié un film comme Orange Mécanique, cela devrait certainement vous parler. Night City, la ville dans laquelle se déroule Cyberpunk, propose un monde et une histoire sur un concept proche. Il y a des moments touchants et humains, mais d'autres sont profondément malsains et dérangeants. Mais le studio a eu la bonne idée de nous offrir de nombreuses "portes de sortie" bienvenues lors des missions les plus glauques. Ceux qui décident de persévérer et d'aller jusqu'au bout feraient mieux de se préparer à ce qui les attend. Nous ne serions d'ailleurs pas étonné que la presse généraliste fasse ses choux gras de certaines scènes dans les jours ou semaines qui viennent.
Chose rare, Cyberpunk 2077 propose trois introductions radicalement différentes en fonction de l'origine choisie pour V. Si vous avez choisi d'être un gamin né et élevé dans les rues de Night City, vous êtes un petit gangster qui connaît déjà les lieux et qui commence à se lancer dans des coups plus ambitieux. Mais vous pouvez aussi démarrer le jeu en dehors de ville en tant que Nomad, et immigrer clandestinement dans cette dernière avec de la contrebande. Une fois arrivé sur les lieux, non sans péripéties, vous n'en connaissez rien. À l'inverse, choisir d'être un corpo-rat vous insère directement dans les rouages internes des mégacorporations qui dirigent et façonnent le monde, mais la vie n'y est pas nécessairement plus facile quand on est entouré de requins mégalomaniaques prêts à vous poignarder dans le dos s'il y a quelque chose à en retirer. Chaque origine a sa petite histoire, ses propres personnages, et il en résulte quelques dialogues exclusifs afin de donner une certaine saveur à votre V, mais cela ne justifiera probablement pas de refaire le jeu juste pour cela. Cela ne vous ferme pas de portes, mais cela n'en ouvre pas non plus, ce qui est un peu dommage.
CyberSchizo ou SchizoPunk ?
Les trois voies se réunissent presque immédiatement quand V décide de devenir un mercenaire indépendant bardé d'implants cybernétiques, un cyberpunk. Et à moins que vous soyez parvenu à vous isoler de tout ce qui est en rapport avec le jeu ces dernières années, ce n'est pas un spoiler : V se retrouve avec un implant contenant une copie digitale d'un des personnages les plus célèbres de cet univers, la rockstar du nom de Johnny Silverhand (joué par Keanu Reeves), réputé mort depuis 2023, et qui est une sorte de rebelle/terroriste anti-corporations avec un caractère bien trempé et ses propres projets. C'est néanmoins un petit coup de génie d'un point de vu narratif de l'avoir sous la main, comme le jeu est à la première personne et que V n'est pas particulièrement charismatique, nos choix de dialogues n'étant pas non plus particulièrement riches pour un RPG.
Mais Johnny est visible par le joueur seul, et il ne manque pas commenter voire de critiquer ouvertement vos actes et ceux des autres, ce qui permet d'introduire de nombreux dialogues lors des passages solo du jeu, mais aussi de se définir par rapport à lui. Votre relation peut être relativement amicale voire quasi-antagoniste, elle est, en tout cas, intéressante. Comme beaucoup de choses dans cet univers, il n'est pas tout noir ni tout blanc. Cela permet aussi d'aborder pas mal de thèmes populaires de science-fiction au passage, avec la définition de la conscience et de l'identité. Les pertes de conscience de V et les enquêtes basées sur les danses sensorielles contribuent aussi à nous plonger plus personnellement dans l'histoire grâce à la vue à la première personne.
À partir de là, vous pouvez suivre la trame principale ou faire de multiples détours par des missions pour les différentes factions et individus de Night City. Il y en a pour tous les goûts, et cela ne sera pas sans répercussions. En fonction de vos choix et de vos actions, les conséquences peuvent varier, tout comme l’attitude d'autres personnages, sans compter celle de Johnny, qui malgré son côté sympa dans les trailers, est plutôt un gros salopard qui peut en venir à vous traiter comme si vous veniez de tuer son chien. On retrouve clairement une grande partie de ce qui faisait le charme de The Witcher 3 ici, et même si V n'a pas le charme de Geralt et que le contexte est différent, on s'attache tout de même aux personnages qui l'entourent. La réalisation de missions et de contrats optionnels donne réellement corps à l'histoire et à l'univers de Cyberpunk. Il y a toujours de nouvelles choses à découvrir ou à tenter, que ce soient des publicités aussi amusantes qu'outrageantes, des personnages mémorables ou des missions qui partent complètement en couille, pour être littéral. Se contenter de faire l'histoire principale serait vraiment passer à côté de tout ce qui rend Cyberpunk 2077 unique.
Cela risque de devenir une rengaine dans ce test, mais il ne faut vraiment pas comparer Cyberpunk 2077 à The Witcher 3, ils sont différents sur presque tous les points. L'ambiance, la narration, l'exploration, le gameplay, etc. Là ou ils se retrouvent, c'est dans la façon dont ils nous demandent de choisir le moindre mal, même si dans le cas présent, la complexité de l'univers et les ramifications entre les factions, et même dans les factions font qu'il n'est même pas toujours possible de mesurer pleinement quelles seront les conséquences de nos choix. Aider les prostitué(e)s d'une mégatour à obtenir leur indépendance d'un gang qui les exploite semble être une bonne action en apparence, mais que se passera-t-il si le gang se venge ou si un autre encore pire s'empare de ce territoire ? Les intrigues sont en tout cas très bien intégrées à cet univers, même s'il faut parfois creuser pour en comprendre la logique, les tenants et les aboutissants. En termes d'ambiance, de direction artistique, de philosophie mais aussi de structure, nous sommes plutôt dans un mélange de 2 films cultes de la sci-fi, Ghost in the Shell et Blade Runner (le second film en particulier). Mention spéciale aux danses sensorielles qui ne sont pas sans rappeler les études d'enregistrements de Blade Runner, qui ont le bon goût de ne pas être trop nombreuses. Ajoutez à cela une pointe de Warhammer 40 000 : Necromunda pour les gangs.
La grosse pomme mécanique
Night City est une grande ville aux quartiers et environnements variés, elle va des skyscrapers du centre-ville aux déserts des Badlands en passant par les ghettos jonchés de sacs-poubelle pleins de cadavres. Sur ce point et bien d'autres, nous sommes clairement dans la lignée d'un GTA. Passée l'intro, vous êtes libre de partir explorer tout cela, avec votre voiture ou celle d'un autre. Si on décolle les yeux du macadam, on frôle rapidement la surcharge sensorielle, les rues sont bondées par rapport à d'autres jeux du genre, il est possible de voir des centaines de passants et des dizaines de véhicules, des publicités sont affichées un peu partout, sans compter les nombreux véhicules et drones qui parcourent les cieux. Le brouhaha des discussions se mêle à celui de la circulation, des annonces publicitaires et des coups de feu.
Nous sommes encore loin d'un niveau réaliste, mais on s'en rapproche, surtout avec une grosse configuration capable d'afficher tout cela correctement, ce qui n'était pas possible dans le cadre du test. Il est dommage que Cyberpunk ne nous permette pas de quitter le plancher des vaches en dehors de quelques scènes scriptées, mais de gros efforts ont néanmoins été faits pour rendre tout cela vivant. L'apparence des passants est incroyablement variée, et de nombreuses scènes singulières peuvent être observées. Lesdits passants peuvent facilement devenir vos victimes involontaires lors d'une fusillade avec les caïds du coin, ou lors d'un tournant mal géré à grande vitesse en voiture, ce qui ne manquera pas de déchaîner les redoutables forces de l'ordre. Elles ne sont néanmoins pas disposées à faire du zèle, vu l'omniprésence de la violence en ville. Prendre la fuite est un peu trop facile en voiture, du moins pour une de celles qui tiennent correctement la route. Ce n'est pas pour rien que l'histoire nous place généralement à la place du passager lors des courses-poursuite. Ce n'est pas catastrophique, mais parfois un peu frustrant.
La police compte d'ailleurs plutôt sur vous pour faire régner l'ordre, et l'activité secondaire principale dans Night City consiste surtout à éliminer des groupes de criminels qui parsèment les rues. C'est très rentable, mais peu varié, il est dommage que le jeu n'offre pas davantage d'occupations, sauf si vous aimez faire le tour des prostituées de chaque quartier ou collectionner les véhicules. Il y a des dizaines et des dizaines de contrats différents et de missions secondaires sur la carte, chacune avec ses propres circonstances et sa petite histoire, mais pas d'activités mondaines comme on peut habituellement en voir dans les jeux du genre, par exemple du billard, des fléchettes ou du Gwent. Même les courses auto sont quasi-absentes, excepté une petite suite de missions. Une fois sorti de l'histoire, on a l'impression de passer son temps à tuer des gens.
Cyberwares et Cyberwars
Comme mentionné plus haut, le choix osé et parfois impopulaire de la part de CD Projekt Red pour un jeu de rôle, est de ne permettre de jouer qu'en vue à la première personne, du moins lorsque vous êtes à pied. C'est certainement un excellent moyen de nous plonger réellement dans Night City et d'être V plutôt que de simplement le jouer. Et il faut avouer que cela marche, tant lors des combats que lors des moments intimes, voir de près l'expression de ces personnages bardés de tatouages, de cyberwares et d'armes fait son petit effet. Et si cela ne manque pas de donner un côté plus personnel aux dialogues et aux combats, il faut admettre que ces derniers pèchent à plus d'un titre. Dans les grandes lignes, le gameplay est similaire à celui de Deus Ex, il est possible de résoudre la majorité des situations en faisant usage de la force brute, du hacking, de l'infiltration, ou d'une combinaison des trois. Même si dans le cas présent une emphase plus importante est donnée sur le fait de faire parler la poudre. Ceci dit, Deus Ex gère bien mieux les implants cybernétiques.
En fonction de la façon dont vous construisez votre V, il peut adopter un rôle spécialisé, ou faire office d'hybride. Après tout, vous jouez en solo ici, contrairement au RPG sur table qui impliquait une équipe, même si c'est dommage. Le système de compétences permet de faire un peu de tout, mais certainement pas de tout maîtriser. Les six caractéristiques principales ont une influence sur les statistiques de votre personnage, mais elles déterminent aussi la limite de progression dans différents domaines. Votre grosse brutasse qui aime se battre au fusil à pompe peut débloquer quelques niveaux dans les compétences de furtivité et de piratage, mais à moins d'augmenter son intelligence et son sang-froid, il ne pourra jamais accéder aux compétences avancées de leurs arbres de talents respectifs par exemple.
La progression en elle-même est similaire à celle de Skyrim par exemple, en accomplissant les actions liées à une compétence, elle va augmenter naturellement, ce qui débloquera des points d'avantage à placer dans les arbres de talents ainsi que des passifs. En parallèle, il y a un système d'expérience et de niveaux conventionnel qui permet d'augmenter caractéristiques et talents. Il n'encourage cependant pas à faire usage de la diplomatie et de la finesse, et encourage au contraire à tuer (ou à assommer pour les pacifistes) tout le monde. Ces compétences sont aussi souvent utilisées en dehors des combats pour désamorcer certaines situations, pour entrer sans payer en intimidant le videur ou pour débloquer une porte fermée avec vos prouesses de mécano par exemple.
À cela s'ajoute un troisième système de progression, même s'il est en pratique très redondant et qu'il semble plutôt exister pour donner au joueur l'impression de gravir les échelons dans Night City, celui de la réputation. Plus votre réputation est élevée, plus nombreuses seront les opportunités de contrats ou d'achat de véhicules et de matériaux rares dans les boutiques. Ce n'est cependant pas très bien exploité, et on a davantage l'impression d'avoir un simple ralentisseur artificiel de la progression comme on en trouve dans les MMORPG, ou un moyen de distribuer les nouvelles quêtes au compte-gouttes plutôt que d'être reconnu comme une pointure par un vendeur d'armes qui nous sortirait alors sa "marchandise spéciale".
C'est un des nombreux éléments qui, ironiquement, nous donnent l'impression que Cyberpunk 2077 est sorti trop tôt, ou du moins avant d'être prêt, malgré ses années de développement. Le système d'implants cybernétiques, les cyberwares, est tristement sous-exploité lui aussi. Le jeu ne nous impose que le mini-implant de piratage, soit les deux éléments qui intègrent l'affichage tête haute avec les munitions et la visée. Le reste est optionnel et en vérité complètement dispensable, leur prix est souvent bien trop élevé, avec un manque de variété notable pour de nombreux emplacements. Nous avons dû faire la moitié des charcudoc de la ville avant d'en trouver un qui proposait un implant de système immunitaire, et nous n'en avons jamais croisé un qui proposait autre chose que les 2 améliorations de chevilles de base, chacune vendue 45 000 eurodollars, une somme que vous n'allez peut-être pas réussir à rassembler si vous réalisez toute l'histoire sans effectuer de missions secondaires (nous parlons en connaissance de cause), et ce juste pour débloquer le double saut ou le super saut.
Pire encore, ces implants ne sont généralement même pas visibles sur votre personnage, et vous pouvez les changer presque comme de chemise chez le charcudoc. On aurait pu croire que se faire remplacer les bras et les jambes était un peu plus permanent. Les implants de bras et de main sont les seuls visibles, ce qui n'est pas un choix surprenant dans un jeu quasiment toujours à la première personne, mais cela reste un peu décevant. Même s'il est amusant de faire de ses poings des armes mortelles ou de déployer des mantis blades de ses avant-bras, c'est très coûteux, surtout à moins de décider spécifiquement d'en faire votre arme principale, leur utilisation est au final très ponctuelle puisqu'ils font pâle figure en comparaison avec les armes conventionnelles trouvées ou fabriquées vous-même. Avec un arbre de talents, un menu entièrement dédié à la fabrication d'équipement et des gigatonnes d'objets trouvés sur les ennemis, il serait dommage de ne pas en faire usage aussi.
Au moins, les armes sont variées et elles autorisent de nombreuses formes de gameplay. Fusil de sniper silencieux, pistolet bavard aux munitions à tête chercheuse, fusil à pompe à 8 canons, katana thermique, les options ne manquent pas, surtout en y ajoutant une lunette et des mods. Néanmoins, les développeurs n'ont pas retenu la leçon et la gestion de l'inventaire ainsi que de son poids est presque autant une plaie qu'à la sortie de The Witcher 3 (Nous vous avions dit qu'il allait y avoir des comparaisons). La progression arbitraire en niveaux, en DPS et en armure de l'équipement s'adapte néanmoins fort mal à l'univers, tant au niveau du thème que de la progression. On se croirait encore une fois dans un MMORPG basique dont la progression et l'équipement sont basés sur WoW.
On peut se retrouver avec un pistolet pourri arraché aux doigts morts d'une bande de clochards, qui s'avère bien supérieur à une arme high-tech "légendaire" trouvée un peu plus tôt en jeu dans les doigts d'un milliardaire. Et les T-shirts 100% coton artificiel vendus à la sauvette dans la rue protègent mieux qu'une armure militaire d'Arasaka qui a eu le malheur d'être trouvée à plus bas niveau. Devoir trier son inventaire, recycler et vendre le tout régulièrement pour pouvoir continuer de courir, en plus de ramasser toutes les saloperies qu'on croise dans chaque lieu, n'est pas non plus très fun, mais cela fait progresser des compétences. Les looters compulsifs vont passer un mauvais moment, par contre si vous jouez un techy, vous pourrez vous amuser à concevoir l'équipement de vos rêves. C'est un des domaines qui peuvent pousser à se relancer une partie d'ailleurs. Il est impossible de tout faire en une partie.
Cyberbullying
Jouer un assassin silencieux qui se faufile dans le dos de ses ennemis en les aveuglant et en piratant leurs implants, un cyber ninja rapide comme l'éclair qui découpe ses ennemis au katana ou le gros bourrin avec un implant berserk qui tue ses ennemis à mains nues n'a évidemment rien à voir en termes de gameplay, et ce ne sont que quelques exemples parmi des dizaines d'alternatives. En ce point réside certainement la grande force du système de combat de Cyberpunk, il autorise une grande liberté et permet de jouer comme vous l'entendez. Néanmoins, cela a un prix, et l'opposition manque tristement de répondant. Bien que visuellement, vos adversaires soient souvent bardés d'implants cybernétiques, en dehors de quelques boss bien particuliers, on a vraiment l'impression que ce n'est que cosmétique, même pour les fanatiques supposés de cyberwares. On a l'impression de jouer un cyberpunk qui s'en va défoncer des gens normaux avec ses cyberpouvoirs.
Alors que vous pouvez détecter les ennemis à distance, les court-circuiter, voire les pousser à dégoupiller leur propre grenade pour se faire sauter, vous n'allez jamais croiser d'ennemis capables de vous détecter en avance ni de vous pirater d'une manière efficace en dehors de la poignée de fois où cet événement est scripté. Les netrunners ennemis que vous allez croiser vont se contenter d'utiliser en boucle une technique de surchauffe quasiment impotente au lieu de vous immobiliser, de vous priver de votre vision ou de désactiver votre arme comme ils devraient théoriquement pouvoir le faire. Et les ennemis plus conventionnels se contentent de se mettre à couvert et de tirer ou de vous charger pour ceux qui ont des armes de mêlée. Ils ne sont pas incompétents, mais c'est une approche générique des combats qui n'a strictement rien de spécifique à l'univers.
Il en va de même pour les drones, les robots, et même les gros mech de combats qui n'opposent que très peu de résistance. Ils semblent même être en papier toilette mouillé comparé aux humains normaux, peut-être pour ne pas bloquer les joueurs ayant choisi un style de combat faisant fi du piratage (ce qui est tout à fait possible). Le résultat est un peu décevant, puisque cela donne davantage l'impression que le gameplay a été aménagé pour tous les styles, plutôt que de pousser le joueur à faire usage des très nombreux outils à sa disposition, du moins en difficulté Normale. C'est loin de régler entièrement le problème, mais jouer en Très difficile l'atténue un peu. Autre oubli grossier de la part des développeurs, le fait de pouvoir utiliser les kits de soin à volonté alors qu'on en a plusieurs centaines dans l'inventaire et qu'il est littéralement possible d'en fabriquer des centaines d'autres instantanément dans un menu. Si vous agonisez, il y a juste à se planquer une seconde derrière un pilier, à prendre ce qui ressemble à un super vapo contre l'asthme et c'est reparti pour un tour.
Heureusement, le jeu comprend aussi une petite poignée de cyberpsycho qui font office de boss facultatifs et qui se battent de la façon dont nous l'espérions, mais c'est rare et il est possible de passer à coté, ou de ne les rencontrer qu'une fois à bien plus haut niveau qu'eux, ce qui les rend parfois triviaux. Il est dommage que le jeu ne propose pas d'option de progression automatique en puissance des ennemis comme le font par exemple Assassin's Creed Odyssey ou Witcher 3 suite à ses patchs, afin que le contenu ne soit jamais trop facile. L'absence d'un mode New Game Plus pour le moment se fait douloureusement ressentir, puisqu'il devient alors aussi difficile qu'inutile de continuer de développer son personnage, alors que les options ne manquent pas. Quand on peut enfin se créer les meilleures armes légendaires du jeu, il n'y a plus personne sur qui les utiliser.
Adieu Johnny
Attention néanmoins, cela peut sembler fortement critique de notre part, mais le gameplay est fonctionnel, et il devrait être plus que suffisant pour satisfaire les joueurs occasionnels ou ceux qui préfèrent se concentrer sur l'histoire et l'ambiance, qui sont fantastiques. Il est assez intuitif et facile à prendre en main, tout en laissant généralement le joueur décider de la manière d'y parvenir. Cela peut impliquer des conséquences parfois inattendues dans un sens ou l'autre. Il est possible de passer à côté de séries de quêtes si vos actions entraînent la mort d'un certain personnage ou que vous vous mettez une faction à dos. Les développeurs n'ont d'ailleurs pas menti en disant qu'il est possible de terminer l'histoire sans tuer personne, du moins directement. Tout cela donne de bonnes raisons de refaire le jeu pour faire d'autres choix en plus de tester d'autres façons de jouer. Le genre de V a aussi une influence sur certains dialogues et certaines romances.
L'histoire principale est d'une longueur correcte, comptez de 20 à 30 heures en moyenne si vous décidez de suivre les rails et de ne pas faire le moindre détour, cela peut sembler court, mais ce serait vraiment passer à côté de tout ce qui fait le charme du titre. Si vous souhaitez faire toutes les missions secondaires et tous les contrats, comptez plutôt de 60 à 80 heures, voire davantage. Cela ouvre aussi davantage d'embranchements pour la section finale de l'histoire, ce qui justifie d'autant plus le détour. Ce n'est qu'une estimation, mais un 100% doit se faire en 80 à 100 heures environ. Afin d'éviter toute confusion, précisons que le jeu est exclusivement solo et que le mode multijoueur de Cyberpunk n'existe pas encore, il doit arriver indépendamment l'année prochaine, voire ultérieurement. Des DLC gratuits au contenu encore à définir sont cependant programmés pour 2021.
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