Avec l'emblématique David Cage, le studio français Quantic Dream s'est fait une spécialité de la capture de mouvement et des jeux d'aventure narratifs à embranchements multiples et plans cinématographiques, notamment depuis Fahrenheit, son deuxième jeu, sorti en 2005, soit 6 ans après Nomad Souls. Mais c'est surtout à partir de sa collaboration avec Sony pour sortir des exclusivités sur la console de l'éditeur japonais que la sauce commence à prendre avec un succès commercial croissant. Cela commence en 2010 avec Heavy Rain pour monter ensuite en puissance avec Beyond: Two Souls en 2013 avant de connaître un succès sans précédent en 2018 avec Detroit: Become Human.
Désirant éditer lui-même ses jeux, les exclusivités de Sony prennent fin en 2019 et chacun des trois derniers titres du studio sera alors adapté sur PC au cours de l'année : Heavy Rain en juin, Beyond: Two Souls en juillet et Detroit: Become Human en décembre. Une collaboration avec Just for Games est ensuite mise en place pour une édition physique de ceux-ci qui a pris corps le 20 mars 2020, chacun se composant d'un sticker du jeu, d'un artbook exclusif et d'une clé à utiliser sur l’Epic Games Store. Et si nous avions testé Detroit: Become Human lors de sa sortie PC, c'est aujourd'hui sur le cas de Beyond: Two Souls que nous nous penchons pour la sortie physique de la trilogie de Quantic Dream.
- Genre : Action-aventure narrative
- Date de sortie : 22 juillet 2019 (EGS) et 20 mars 2020 (version physique)
- Plateforme : PC, précédemment exclusif à la PS3 puis PS4
- Développeur : Quantic Dream
- Éditeur : Quantic Dream (EGS) et Just For Games (version physique)
- Prix : 19,90€ (EGS) et 19,99€ (version physique), disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
Une cohabitation forcée
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore le sujet traité par Beyond: Two Souls, rappelons qu'il s'agit de l'histoire de Jodie Holmes, une jeune fille un peu à part du fait du lien qui l'unit à une entité du nom d'Aiden dont elle ne peut se séparer. Grâce à elle, elle peut percevoir des images, des sons, des odeurs, et même interagir à distance par son intermédiaire. Si cela est bien pratique pour se protéger de tous les dangers et lui venir en aide pour surmonter certaines situations, ce n'est pas toujours facile de cohabiter en permanence. Très jeune, Jodie a ainsi été confiée aux bons soins de Nathan Dawkins et Cole Freeman du DPA (Departement of Paranormal Activities) qui s'intéresse aux liens possibles avec l'inframonde.
Elle a de ce fait été coupée de tout contact avec les enfants de son âge, ce dont elle a indéniablement souffert, souhaitant plus que tout pouvoir vivre une vie normale. Mais ce n'est pas possible, et de toute façon, ceux-ci la rejettent le plus souvent, la considérant comme une sorcière. Plus grande, elle rejoindra la CIA pour mener des missions d'infiltration, mais tout ne se passera pas bien là non plus et elle prendra la fuite. L'histoire débute d'ailleurs alors qu'elle vient d'être recueillie sur le bord de la route, rasée et pleine de cicatrices, par le Lieutenant Sherman avant d'être ensuite prise d'assaut par toute une unité de SWAT qu'elle laissera à terre avant de fuir à nouveau.
À deux, c'est toujours mieux
Initialement sorti sur PS3 en 2013, Beyond: Two Souls a par la suite été porté sur PS4 fin 2015, en améliorant ses graphismes et en enrichissant son contenu au passage. C'est donc bien évidemment cette dernière version qui a été reprise sur PC et qui bénéficie dès lors de graphismes encore plus fins avec une résolution pouvant monter en 4K, 60 FPS et une compatibilité avec les écrans larges. Et il n'y a pas à dire, de ce côté-là, le jeu accuse sans aucun problème son âge. Si la technique avait marqué les esprits à l'époque, cela reste toujours vraiment bluffant, surtout au niveau des visages et des animations, mais aussi des éclairages ou de la mise en scène. Il y a bien quelques soucis d'objets qui semblent comme en lévitation, de contacts peu crédibles au niveau des mains ou encore des baisers, mais on reste devant un résultat digne d'une œuvre cinématographique (on retrouve même les bandes noires en haut et en bas de l'écran).
C'est d'ailleurs bien là ce que l'on retient surtout du titre avec de surcroît des acteurs hollywoodiens au programme, Ellen Page en tête dans le rôle de Jodie, mais aussi Willem Dafoe dans celui du Professeur Nathan Dawkins, le tout entièrement doublé en français avec efficacité par de vrais acteurs. De même, la bande-son est soignée et les musiques sont très bien choisies pour mettre en exergue les moments les plus intenses. On a droit à de l'action, mais aussi à de l'émotion avec un rythme alternant entre les deux. Et si les va-et-vient incessants dans les différents moments de la vie de Jodie avaient troublé certains joueurs, la version PC propose de remédier à cela en offrant aussi la possibilité de suivre l'histoire dans l'ordre chronologique des choses, à chacun de juger ce qu'il préfère.
Contrairement aux autres titres de Quantic Dream, plusieurs points de vue ne sont pas ici proposés, ni plusieurs personnages jouables, on se contente de suivre Jodie dans ses pérégrinations. Et s'il y a bien une trame principale, il y a aussi plusieurs chapitres qui sont comme détachés de l'histoire, si ce n'est la présence de Jodie (et donc d'Aiden). Ces derniers paraissent dès lors dispensables et l'on peut donc supposer qu'ils servent surtout à rallonger la durée de vie du titre qui finalement s'étale sur 10 à 12 heures. Ceux-ci ne sont toutefois pas inintéressants, bien au contraire, et permettent à Jodie de revêtir de nombreuses tenues différentes et au jeu d'offrir une grande variété dans les environnements comme dans les missions, mais on a tout de même parfois comme une impression de patchwork.
Au fil de ma vie
Pour ce qui est de savoir s'il s'agit vraiment d'un jeu vidéo ou d'un film interactif, on ne va pas relancer le débat, chacun connaît aujourd'hui le style Quantic Dream et y adhère ou pas. La note proposée ici tiens d'ailleurs compte de cela. Si vous êtes client de cette formule, vous pouvez facilement rajouter 5 ou 10 points au jeu et, à l'inverse, les retirer si vous êtes plutôt réfractaire au genre. Pour rappel, le gameplay se limite essentiellement à des QTE pour les actions, qu'il s'agisse d'une combinaison de touches à effectuer ou d'une direction à insuffler au bon moment lors des combats. Et comme à l'accoutumée, il y a aussi des choix de dialogues et des mouvements à effectuer de manière à représenter le geste réalisé par le personnage de façon naturelle et intuitive en utilisant la souris ou le stick du gamepad. Notons ici qu'il est d'ailleurs à ce titre préférable de jouer avec une manette qu'avec le combo clavier-souris, on sent très nettement que c'est à destination de ce périphérique qu'a été conçu le jeu.
La prise en main est plutôt agréable avec des activités variées, même si certaines ne plairont pas forcément à tout le monde comme devoir remplir l'eau pour abreuver les moutons et aller leur chercher du foin, ou encore ranger son appartement, préparer le repas, faire la vaisselle, mettre la table et prendre sa douche pour se faire belle (rappelons que les scènes de nu sont coupées). D'autres, en revanche, sont plutôt amusantes, comme demander à Aiden de prendre le contrôle de tierces personnes ou aller espionner ce qui se passe dans la pièce voisine, ou encore la mission en territoire hostile où il faut se la jouer discret. Malheureusement, certaines incohérences demeurent pour des raisons scénaristiques : pourquoi ne peut-on pas franchir des flammes alors qu'Aiden pouvait nous en protéger 5 minutes avant, pourquoi parfois laisse-t-on indifférentes les entités de l'inframonde qui nous attaquent normalement à vue, pourquoi Aiden peut-il traverser les murs sans problèmes et parfois non, pourquoi Aiden ne peut-il posséder que certains personnages désignés et pas les autres... ?
Dommage aussi que la caméra impose ses plans avec une liberté toute relative de bouger celle-ci. Cela s'avère parfois frustrant et peut même compliquer le passage de certaines portes ou autres obstacles que l'on a du mal à voir ou à situer. Heureusement que dans la "peau" d'Aiden, ce n'est pas le cas, surtout si l'on veut débloquer tous les bonus cachés qu'il doit trouver. De manière générale, le jeu reste très dirigiste. Même s'il n'y a parfois aucune indication précise sur ce qu'il faut faire, il faut effectuer ce qui est prévu pour enclencher la suite. Alors oui, il n'y a pas de véritable challenge à relever, la défaite n'est pas au programme, seuls certains éléments du scénario seront modifiés par vos actes et la réussite ou non de vos actions, et chaque personnage pourra ainsi survivre ou non. Cinq fins sont de la sorte possibles avec parfois plusieurs options au choix. Enfin, terminons-en notant la possibilité de jouer en duo, une fonctionnalité qui, additionnée aux expériences d'entraînement avancées accessibles dans le contenu additionnel, s'avère plutôt sympathique.
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