Nous y voilà enfin : 23 ans après notre première incursion dans Midgar en compagnie d'Avalanche, il est temps de rééquiper épée géante et bras armé, mais façon 2020. Développé d'abord par Cyberconnect 2, puis ré-internalisé chez Square Enix il y a 3 ans, Final Fantasy VII Remake est un projet très ambitieux étalé sur plusieurs jeux, sur lequel SE sait qu'il n'a pas forcément le droit à l'erreur : l'attente suscitée par ce nouveau regard sur LE jeu qui a ouvert les portes du J-RPG à de nombreux joueurs crève le plafond, et ce depuis son annonce en 2015 (un petit tour sur les reaction vids de l'annonce sur Youtube et vous devriez voir de quoi on parle). A l'heure où ces lignes sont écrites, la bête n'a quasiment plus aucun secret pour nous : est-elle à la hauteur de la légende ?
- Contenu du test : Cet article est basé sur une partie avec 64 heures de jeu au compteur. Pour vous donner un ordre d'idée, cela nous a laissé le temps de compléter FFVII Remake une première fois, puis d'enchainer sur une seconde partie (chapitre 12) dans un mode difficile fort intéressant, mais nous y reviendrons. Enfin, ce test ne contient absolument aucun spoiler scénaristique.
- Genre : Action-RPG
- Date de sortie : 10/04/2020
- Plateforme : PS4
- Développeur : Square Enix
- Éditeur : Square Enix
- Prix : 69,99€, disponible sur Amazon
- Testé sur : PS4 Pro
Un oeil dans le rétro
Scénario et écriture
On vous épargne le synopsis et les premières minutes du jeu : avec la démo, l'introduction et tout ce que Square Enix a diffusé jusqu'à aujourd'hui, vous devriez désormais être au courant de ce qui se passe lors de l'attaque du Réacteur 01. Mais tout de même, ce premier chapitre reste un bon exemple de ce que ce Remake fait de mieux en termes de narration et d'écriture, à savoir approfondir et réinventer des scènes que les nostalgiques connaissent par coeur, grâce à une multitude de dialogues dynamiques et de petites saynètes inédites. Le prolongement direct avec le chapitre 2 et la balade dans les rues sinistrées de Midgar est lui aussi franchement excellent, on y croit à mort et on se dit que si tout le jeu reste sur cette lancée, on va en prendre plein la pomme. Cependant, FFVII Remake se calme très vite et après la Bombing Mission, le rythme redescend d'un bon cran pour vous laisser découvrir le contenu annexe, mais aussi et surtout des arcs scénaristiques inédits, dont certains auront clairement des répercussions sur les prochains épisodes et donc sur le scénario global de Final Fantasy VII.
L'intégration de ces nouveaux nouveaux éléments est assez étrange, pour ne pas dire chaotique : on s'étonnera de ne voir Rochey le motard qu'une seule fois dans l'aventure principale, tandis que les spectres surnommés "fileur" par le groupe, ont un impact encore assez flou sur le déroulé du scénario. Car on le rappelle, ce remake n'est qu'un premier épisode ne contenant que la partie Midgar du jeu de 1997, soit les toutes premières heures du jeu : aujourd'hui, cette section est étalée sur 18 chapitres pour 35 heures bien tassées. La question se pose alors : sommes-nous en face d'un titre qui tient bien debout tout seul, sur ses deux gambettes ? Eh bien oui et non. L'écriture relative aux ajouts du scénario laisse à désirer (malgré quelques exceptions), mais tout cela est contrebalancé par tous ces moments où FFVII fait du FFVII et nous offre des moments de fan-service en or massif. Tous les passages essentiels de la partie Midgar sont très bien gérés, on pense notamment à ce Wall Market transfiguré et délirant, ou au dernier tiers de l'aventure dans le bâtiment de la Shinra, monstrueux. En tout cas, une chose est sûre : on a très très envie de voir la suite, malgré ces quelques erreurs de parcours.
Personnages
Le constat est finalement le même que pour l'écriture globale du jeu : tous les personnages inédits ne font pas forcément bonne impression, alors que notre groupe de 5 héros crève l'écran. Un soin tout particulier semble avoir été accordé à chacun d'eux, après tout ils le méritent bien, et cela donne un résultat particulièrement savoureux. A tel point que les rares moments de groupe, lorsque la troupe est enfin "au complet", sont assez émouvants : tous interagissent naturellement entre eux et on les sent déjà "liés" comme une bande de potes qui se connait depuis des années, une vraie réussite qui n'augure que du bon pour la suite.
Casting réussi également du côté des bad guys : de Don Cornéo aux dirigeants de la Shinra, en passant bien évidemment par le terrifiant Sephiroth, franchement c'est la classe de bout en bout. C'est d'autant plus embêtant pour Leslie, Chocobo Sam et le reste des seconds couteaux, qui n'arrivent jamais à se mettre au niveau des protagonistes centraux. Résultat des courses : les enjeux qui leurs sont liés sont vécus comme du "remplissage", d'autant que certains arcs n'hésitent pas à faire repasser tout ce petit monde dans des lieux déjà visités, dommage. On aurait également apprécié plus de temps en compagnie de Biggs, Wedge et Jessie, même si cette dernière a le droit à un chapitre dédié très tôt dans le jeu : les membres d'Avalanche sont toujours sous-exploités malgré une implication plus importante et un temps de présence à l'écran bien supérieur à l'original.
Avalanche reprend du service
Combats
Avec le système de matérias, les invocations et une nouvelle orientation plus "action" tout en gardant la jauge ATB, on pouvait craindre à un gloubiboulga d'influences pour le gameplay de FFVII Remake. Finalement, Square Enix remporte son pari haut la main et fait carrément avancer le genre de l'A-RPG japonais grâce à un ensemble de mécaniques qui frise le sans-faute. Bien loin du simple button mashing, le jeu demande de gérer les compétences et les magies de 3 héros dont le joueur peut prendre le contrôle à la volée d'une simple pression de touche. L'utilisation d'une commande, peu importe laquelle, consomme au moins un segment de la barre ATB, barre qui se remplit peu à peu au fil du temps et qu'il est possible d'accélérer grâce aux attaques physiques de base. Toute la philosophie du système de combat repose ensuite sur l'analyse et l'exploitation du ou des points faibles de l'ennemi, tout en gardant un oeil sur la santé et les points de magie du groupe.
Reprise de Final Fantasy XIII, la jauge de fragilité va alors venir récompenser le bon timing ou le bon type d'attaque utilisé sur un ennemi jusqu'au passage à l'état de choc, multipliant les dégâts de 160% (de base) pendant un court laps de temps. Sur le papier c'est plutôt simple, mais en pratique, c'est infiniment plus complexe et intéressant : jongler avec les membres du groupe intelligemment, optimiser la jauge de choc et augmenter son pourcentage avec Tifa, observer les changements de comportement des monstres... On l'a déjà dit dans notre preview, mais on le confirme une nouvelle fois ici, ses combats sont une pure tuerie. Même les invocations et leur utilisation restreinte aux combats de boss sont, finalement, plutôt bien intégrées : une fois l'Esper sur le terrain, chaque combattant est capable de dépenser des jauges ATB pour sélectionner une de ses deux attaques, jusqu'à ce que son sablier s'écoule et que l'invoc ne disparaisse dans une attaque finish spectaculaire.
Quasiment tout le "end-game" du jeu est centré autour de la bagarre, puisqu'il consiste en un mode difficile qui va supprimer le regain de PM et l'utilisation de consommables, tout en ajoutant de nouvelles attaques aux boss. Certes, on aurait préféré des quêtes inédites voire de nouvelles zones de Midgar, mais ce challenge supplémentaire reste très efficace, puisqu'il va vous demander d'optimiser votre équipement et vos matérias, au risque de vous prendre de grosses mandales. Mode hard mis à part, la difficulté normale est déjà très bien équilibrée, attendez-vous à quelques combats de boss bien tendus : construites en phases (souvent 3), ces bastons de longue haleine assurent le spectacle et proposent régulièrement des mécaniques uniques. On ne va pas trop en dévoiler ici, mais certains duels risquent de vous procurer de grands moments de bonheur.
Progression
On ne change pas une recette qui marche et SE a eu la bonne idée de reprendre tel quel le système de matéria qui a fait le succès du jeu d'origine. A chacune de ces sphères est associée une magie ou une compétence à incorporer dans les armes et les bracelets de nos héros. Avec les bonnes matérias en main, il est ainsi possible de créer des combinaisons pour des utilisations sur le terrain toujours plus variées. Associez aire d'effet à soin, et tous vos personnages récupéreront des points de vie, ou mêlez affinité élémentaire à feu, pour vous protéger plus efficacement des attaques de flamme et infuser le pouvoir de la braise à votre arme. Au fur et à mesure des combats, vos sphères accumuleront elles-aussi des points d'expérience et évolueront avec des sorts plus avancés, plus coûteux en MP et plus longs à caster.
Ce système, déjà puissant en 1997, n'a absolument rien perdu de sa superbe aujourd'hui. Le remake n'hésite pas à pousser le délire encore un peu plus loin, avec un arbre de passifs pour chaque arme du jeu et des compétences dédiées, à maitriser pour pouvoir les utiliser indéfiniment. On ne passe pas non plus 3 heures dans les menus et l'interface, sobre, n'est pas surchargée d'informations. On mettra tout de même un léger bémol sur les noyaux d'armes, pas forcément très agréables à parcourir, néanmoins il est possible d'automatiser la dépense de ces points selon 3 presets. Enfin, le level cap est atteint très rapidement, puisqu'il est fixé à 50 sur ce premier épisode, ce qui est assez logique d'un point de vue scénaristique mais terriblement frustrant point de vue gameplay : si vous souhaitez atteindre les 9999HP cela passera par l'utilisation de matérias boostant les statistiques comme HP et MP augmenté.
Structure du jeu
C'est le plus gros point noir du jeu, et de loin. Avec une ville très dense comme Midgar, on ne s'attendait pas à avoir un monde-ouvert et de grands espaces à explorer, mais tout de même, le level-design de certaines zones fiche un peu la frousse. Concrètement, imaginez-vous les couloirs de Final Fantasy XIII, mais avec de grosses zones circulaires sur la map indiquant les arènes où se dérouleront les prochains combats. Ce n'est pas subtil pour un sou et cela nuit même au plaisir de jeu, en dévoilant à l'avance le lieu de futures rencontres. L'exemple le plus probant reste encore cette allée menant à la maison d'Aerith, pourvue d'une grosse arène pleine de terre accolée à l'arrache au reste d'un décor verdoyant. Cela donne l'impression que les développeurs ont d'abord pensé aux combats du jeu et à tout ce qui va probablement perdurer entre chaque épisode, laissant la construction de certaines zones et la structure globale du jeu au second plan. Idem pour les quelques phases à moto, sans réelle profondeur et que l'on peut carrément zapper en new game +. Là aussi on en attendait plus, puis finalement c'est le Duel de Squats qui se révèle être le mini-jeu le plus amusant.
Square Enix affirmait récemment que chaque zone dispose d'un gameplay "unique", malheureusement, ça ne fonctionne pas pendant deux bons tiers du voyage : faire baisser le niveau de l'eau dans des égouts ou abaisser des passerelles dans un entrepôt... On peut difficilement faire moins passionnant, et pourtant tout est plus ou moins de ce niveau. D'une chance, les dernières heures rattrapent un peu le coup, en s'amusant davantage avec les compositions de groupe. Et attention, cela n'empêche pas certaines zones de faire mouche, l'essentiel est assuré, avec de bonnes surprises et de nombreuses récompenses pour les plus curieux, dont des cutscenes inédites pour les mercenaires qui auront à coeur d'aider les habitants des bidonvilles. Les 26 quêtes annexes sont ainsi dispersées au coeur des actes, et d'ailleurs tant pis pour vous si vous les laissez de côté, vous devrez attendre d'avoir fini le jeu et d'avoir accès à la sélection de chapitres pour les retenter, plutôt étrange une fois de plus.
Midgar la vile
Réalisation et bande-son
On se voyait déjà écrire que FFVII Remake est le nouveau mètre-étalon technique pour le genre du J-RPG, mais finalement le titre s'en sort tout juste avec les honneurs, la faute à un nombre assez hallucinant de textures baveuses, non-chargées et/ou basse définition. A dire vrai, même les reflets dans les miroirs semblent être trop gourmands pour le jeu et n'affichent que des formes floues. Même constat pour les surfaces aqueuses qui peuvent carrément nuire à la lisibilité de certaines attaques ennemies (coucou Aps et son raz de marée). Le jeu hurle son besoin du SSD de la PS5 pour charger convenablement les textures et afficher des arrière-plans sans avoir l'impression de regarder des PNG à la résolution trop basse pour que l'on y croit un seul instant.
Toujours sur le plan technique, SE semble avoir décidé de limiter les écrans de chargement, en les masquant avec ces fameuses phases de "passages étroits", dans lesquelles Cloud avance à 2 à l'heure, le temps que la zone suivante se charge : il y en a beaucoup trop, cela casse le rythme et peut carrément couper l'envie d'explorer une zone à fond. Si vous êtes patient, on ne saurait donc trop vous conseiller d'attendre une petite année, jusqu'à la fin de l'exclusivité temporaire PS4, puis de vous le faire sur PC ou console next-gen pour un confort que l'on espère optimal. Le jeu reste pourtant visuellement très correct, merci la direction artistique et la modélisation des personnages principaux, impeccable. De même, les effets pyrotechniques et plus globalement les éclairages du jeu sont splendides, ce qui rend les tares techniques mentionnées juste au-dessus d'autant plus frustrantes. Peut-être que l'éditeur a du faire un choix, en sacrifiant la résolution au profit du framerate qui, lui, est irréprochable : les 30 images par seconde sont tenues tout du long, même lorsque l'écran est saturé d'effets spéciaux (testé sur PS4 Pro).
Et puis, il y a cette bande-son, immense, variée, parfois très osée mais qui finit toujours par taper juste : il est clair que certains joueurs n'adhéreront pas à certains parti-pris de l'OST, de notre côté, on a trouvé que les délires de Masashi Hamauzu et Mitsuto Suzuki s'accordaient très bien avec la ville de Midgar, "les goûts et les couleurs" hein. Enfin, petit mot sur la VF du jeu, très inégale, avec une Aerith à la voix trop aigüe et un Barrett vénèr à l'excès, ce qui passe beaucoup mieux avec les doubleurs japonais. Respect tout de même : vu le nombre de lignes de dialogues, avoir une version française intégrale sur ce type de jeu reste très agréable, surtout pour un soft qui souhaite faire découvrir son univers aux nouvelles générations de joueurs.