Si comme nous, vous êtes passionnés par les jeux de FromSoftware, et que vous avez déjà croisé une vidéo d'Iron Pineapple, vous devez être conscients qu'il existe un nombre absurde de titres appartenant au genre qu'ils ont créé. Malgré leur nombre, assez peu d'entre eux sont parvenus à se distinguer. On pense notamment à Mortal Shell sorti il y a quelques années, et surtout à Steel Rising, sorti en 2022, dont les prémices semblent quasiment identiques à celles de Lies of P, puisqu'on incarne une marionnette dans une ville similaire à Paris, en proie au chaos.
- Genre : Action RPG, Souls-Like
- Date de sortie : 16 septembre (accès anticipé), 19 septembre 2023
- Plateformes : PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series
- Développeur : Neowiz
- Éditeur : Neowiz
- Prix : 59,99 €
- Testé sur : PC
Humanity Restored
Comme mentionné plus haut, Lies of P est une nouvelle version du célèbre conte de Pinocchio avec de la violence et des larmes (les vôtres). On remplace Yharnam de Bloodborne par la ville fictive de Krat, inspirée de Paris, avec un style décrit comme "Belle époque sombre", pleine de marionnettes devenues folles furieuses, qui se sont mises à massacrer les habitants, et ce n'est que le début des problèmes. C'est donc à P, la dernière marionnette de Gepetto de tenter de redresser la situation par la force des armes et des mensonges. Les dialogues vous donneront souvent le choix entre mentir ou dire la vérité, et être honnête n'est pas toujours une bonne chose. Sans vous spoiler les détails, les marionnettes ne peuvent normalement pas mentir, et il se pourrait que P finisse réellement par devenir un petit garçon.
Même si elle s'avère plutôt prévisible dans ses grandes lignes, l'histoire de Lies of P se laisse suivre. Au moins, sur ce point, on s'écarte du modèle, puisque les jolies cinématiques et les personnages plein de personnalité ne communiquent pas d'une façon cryptique. Ils permettent de suivre l'évolution de l'intrigue sans avoir à lire un wiki ou des vidéos explicatives. Elle ne manque pas pour autant de profondeur, et de nombreux détails pourront être relevés par les joueurs attentifs. Profitons-en pour souligner que l'ambiance globale du jeu est vraiment très réussie.
Les décors sont d'une grande beauté et ils sont souvent riches en détails, que cela soit les bâtiments de pierres blanches, les boutiques colorées ou l'hôtel luxueux servant de base d'opération. Cela rend le contraste d'autant plus saisissant avec les traces de sang et les cadavres horriblement mutilés, encore parés de leurs beaux habits. On a aussi l'occasion de visiter des lieux plus sombres et sales, comme une usine et l'incontournable marais empoisonné, Miyazaki serait fier. Ces différents environnements évoluent d'ailleurs au fur et à mesure de l'histoire, puisque le temps progresse à chaque chapitre. Il est agréable de revenir dans une zone quand elle est passée d'un matin nuageux à une nuit pluvieuse.
L'ambiance sonore aussi joue sur les contrastes. Par défaut, il n'y a pas de musique, un silence pesant règne sur Krat, même s'il est occasionnellement interrompu par les hurlements de détresse, les murmures derrière les fenêtres closes, les grincements des machines hostiles, voire les clapotis de la pluie. Mais on rencontre aussi occasionnellement des chansons d'amour à l'ancienne, et en français, qui collent parfaitement à l'époque et à son insouciance à présent perdue. Cela fait un peu penser à Edith Piaf, Reinhardt ou à Grappellisi, si cela vous aide à visualiser ce style très particulier du début du siècle dernier. Elles ont d'ailleurs un rôle important à jouer dans la recherche d'humanité de P. Et bien entendu, une musique épique digne de ce nom se déclenche lors des combats de boss, pour montrer que cela ne plaisante plus.
Puppets lie twice
Passons à présent au vif du sujet, le gameplay. Si vous avez joué à un Dark Souls par le passé, vous allez instantanément retrouver toutes vos marques ou presque. Barre de vie, barre d'endurance, roulades, coup rapide, coup puissant, fioles d'estus nommées autrement, feu de camp avec une autre apparence, récolte d'âmes en tuant des ennemis, ce qui sert à gagner des niveaux ou à acheter des objets, etc. Lies of P remplit toutes les cases du Souls-like. On ne va donc pas trop s'étaler là-dessus, puisqu'on est en territoire connu. Même s'il a copié les devoirs de son voisin, et qu'il combine à la fois des éléments de Dark Souls, de Sekiro et de Bloodborne dans le même jeu, Lies of P l'a fait avec brio, et sans oublier d'apporter une touche personnelle.
On retrouve l'influence de Bloodborne et Sekiro dans les combats, qui sont bien plus rapides et intenses que Dark Souls. Il n'y a pas de véritable bouclier permanent en jeu, même si le bras de marionnette de P semble avoir été arraché à Sekiro, et qu'il dispose d'un outil similaire parmi d'autres, avec un usage très limité. Dans la majorité des cas, il faut bloquer avec son arme. Non seulement cela va réduire sa durabilité ce qui peut s'avérer mortel, mais elle est aussi loin de bloquer l'intégralité des dégâts. Cela réduit les dégâts de 50 à 70%, ce qui est loin d'être suffisant quand un gros boss vous inflige de longs combos dévastateurs. Votre endurance va aussi être consommée, ce qui risque de briser votre garde et de vous empêcher d'attaquer ensuite.
Un point intéressant, est qu'en attaquant rapidement l'ennemi après avoir bloqué, vous pouvez récupérer la vie perdue, ce qui incite à jouer agressivement. En maintenant la pression, vous pouvez aussi l'assommer provisoirement, ce qui permet de déclencher un coup de grâce dévastateur.
En effectuant un blocage avec un timing parfait, cela devient une parade qui ne consomme pas de vie. En plus de stupéfier votre agresseur, elle va aussi endommager l'arme de certains de vos ennemis. Il est plutôt comique de voir une marionnette vous attaquer avec une moitié de pelle. Ces parades sont d'autant plus importantes qu'elles sont les seules à pouvoir vous défendre des attaques furieuses, lorsque les ennemis brillent en rouge, même les esquivent échouent généralement à vous en protéger.
Pour résumer, Lies of P vous demande de savoir quand esquiver, quand bloquer et quand contre-attaquer. Et surtout, il faut apprendre le timing des attaques afin d'essayer de parer. C'est assez difficile à prendre en main au départ, et on peut très facilement se retrouver bloqué par une animation d'attaque, ou un déluge de coup, ce qui donne parfois un sentiment de rigidité déplaisant lors des premières heures lorsqu'on a l'habitude de se réfugier derrière son bouclier. Cela s'arrange néanmoins par la suite.
Il n'y a pas de mode de difficulté dans Lies of P, et avec ce système de combat, les boss deviennent vite très exigeants. Certaines de leurs attaques sont même assez injustes, puisqu'il arrive qu'elles s'enchaînent tellement qu'elles bloquent complètement P au sol, sans la moindre opportunité de se relever avant de mourir. À moins d'être vraiment bon, ou d'avoir trouvé l'arme parfaite, il faut se préparer à devoir multiplier les tentatives afin de remporter la victoire, surtout si votre build n'est pas du tout adapté pour votre adversaire. Il est dommage que la possibilité de réinitialiser son personnage n'arrive que si tard dans l'histoire. L'invocation facultative de spectres aide à mitiger la chose, mais ce n'est pas toujours suffisant.
Une chose est certaine, la victoire est satisfaisante dans ces conditions. Notons aussi que les développeurs ont fait le choix étrange et un peu pénible de lier l'acquisition de certains consommables requis sur les boss au passage du temps réel, ce qui force à revenir chercher régulièrement des consommables à l'hôtel Krat, voire à laisser le jeu tourner dans le vide, afin de ne pas tomber à court sur le prochain boss difficile.
En plus des habituels points de caractéristiques à distribuer pour monter de niveau en parlant à une jeune fille mystérieuse, P dispose d'autres axes de progression. Trouver des matériaux permet de fabriquer et d'améliorer différents bras de marionnette, comme un lance-flammes, un canon, un poseur de mines ou un bouclier, mais leur énergie est limitée. Vous pouvez aussi utiliser du Quartz afin de débloquer différents bonus notables dans le cœur de P, comme une charge de potion supplémentaire, la possibilité d'effectuer une double esquive, ou même d'effectuer une esquive pour se relever plus rapidement ce qui évite certains cas de figure mentionnés plus haut, c'est une sorte d'arbre de talent doté à la fois de plusieurs couches et de plusieurs étapes, et la principale raison pour laquelle nous trouvons que les respécialisations arrivent un peu trop tard. Si vous n'avez pas pris le talent pour vous relever avant, c'est dommage car le boss bloque le seul moyen d'y remédier.
Il est impossible de tout prendre au départ, et presque tous les choix sont intéressants, ce qui peut rendre certains boss plus difficiles que d'autres, comme nous l'avons vu. Mais tout ça est plutôt classique. L'idée vraiment intéressante qu'a eu Neowiz avec Lies of P, est de rendre la majorité des armes modulaires. Tout d'abord, il y a la tête, qui détermine les dégâts, leur type, la majorité du poids, les dégâts bloqués et l'allonge. Ensuite, vient la poignée, qui va déterminer la progression des dégâts basés sur les caractéristiques, et surtout les mouvements disponibles avec l'arme. La zone d'entraînement mise à disposition est parfaite pour expérimenter et tester chaque combinaison arme, ce qui est vraiment pratique dans ce contexte.
Une grande épée utilise normalement des mouvements très larges, et donc assez lents. Alors qu'une rapière peut enchaîner les attaques rapides et directes. Que se passe-t-il si on fixe la lame d'une grande épée sur une poignée de rapière ? Cela donne une grosse rapières plus lourde, mais qui n'a rien perdu de sa vitesse, ce qui la rend plus redoutable. Il y a évidemment des contreparties, d'autant que chaque lame et chaque poignée dispose d'une capacité spéciale, nommée attaque de Fable. Même si elle est plus lente, vous allez peut-être préférer votre poignée de grande épée pour sa capacité à déclencher une parade parfaite sur demande par exemple. C'est pratique quand on peine à bloquer certaines attaques.
Dans tous les cas, vous disposez d'un nombre immense de possibilités en combinant toutes les têtes et les poignées du jeu, ce qui permet aussi de créer son propre style a combat. Cela permet aussi de se créer un outil parfait pour contrer les différents types d'ennemis. Les marionnettes craignent l'électricité, alors que d'autres sont vulnérables au feu. Vous pouvez visser la bonne tête élémentaire sur votre poignée préférée. Mentionnons au passage que le bestiaire est assez varié, comme vous avez dû le comprendre, vous n'affronterez pas que des marionnettes.
Il n'y a pas non plus que de bêtes ennemis basiques en mêlée, d'autres sont à distance, et il y a un grand nombre d'ennemis uniques, de mini boss, et de boss radicalement différents qui vous attendent. Il y en a vraiment pour tous les goûts et tous les styles de combat. Ils n'hésitent pas non plus à vous tendre des embuscades derrière chaque recoin ou au-dessus de chaque corniche, mais vous devriez en avoir l'habitude à présent. On peut dire qu'on ne s'ennuie jamais dans Lies of P.
Visite guidée
Comme dit, lors de votre exploration de Krat, vous aurez vraiment l'impression d'être à Paris avec son architecture, son temps pourri, ses épidémies et ses résidents hostiles. Il convient cependant de préciser que ce n'est absolument pas un monde ouvert. C'est même assez linéaire, puisque vous êtes forcés de traverser chaque région dans un certain ordre. Il y a un soupçon d'interconnectivité, mais c'est presque exclusivement limité à la même zone. Ne vous attendez pas à beaucoup de moments durant lesquels vous allez lâcher un "Ah ah" en débarquant dans une autre zone par surprise via un passage dérobé.
Ce n'est pas le véritable labyrinthe à grande échelle qu'était Dark Souls premier du nom, mais plutôt comme Demon's Souls avec son hub central dans lequel il vous faudra revenir régulièrement pour gagner des niveaux et progresser dans vos nombreuses quêtes. Vous êtes aussi forcés d'explorer le boulevard de l'Elysium avant d'aller à l'usine ou au théâtre, puisque leur porte d'accès est fermée. Mais au moins, chaque zone dispose de quelques embranchements, de détours à faire, et de raccourcis à débloquer afin de faciliter votre progression, comme on en a pris l'habitude dans le genre, les portes à sens uniques et les échelles déployables sont bien au rendez-vous.
Au moins, elles sont placées intelligemment, pas comme dans Wo Long, et il est toujours amusant d'explorer une vaste zone par étape, avec un seul Stargazer en guise de point de réapparition. Le level design est assez bon, puisqu'il est à la fois cohérent et varié. Il est juste un peu ridicule et frustrant de ne pas pouvoir sauter au-dessus de quelques valises bloquant le chemin vers la suite, on voit qu'Elden Ring n'est pas au nombre des sources d'inspiration. On a droit à des sauts en longueur à l'ancienne, ceux demandant de sprinter et d'appuyer sur le joystick, en espérant ne pas s'écraser deux étages plus bas, dans ce qui ressemble à une nouvelle version de la forteresse de Sen.
D'un autre côté, le studio a su faire quelques concessions qu'apprécieront les joueurs ayant envie de s'arracher les cheveux lorsqu'ils tentent de progresser dans les quêtes des jeux FromSoftware sans un guide sous les yeux, puisque des icônes sur la liste des points de voyage rapide indiquent quand un personnage a des choses à vous dire, ou qu'il faut lui remettre un objet spécifique. Vous aurez aussi quelques énigmes à résoudre, dans l'environnement ou au téléphone, mais c'est assez intuitif.
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