Initialement prévu pour 2021, Mortal Shell est allé à contre-courant. Alors que les reports d'autres titres se multiplient, sa date de sortie a été avancée à fin 2020, puis carrément au 18 août 2020, ce qui a de quoi surprendre, voire inquiéter. On pourrait théoriser que c'est pour profiter de la hype qui a suivi son annonce et surtout sa bêta, qui a rencontré un succès inattendu.
Les jeux vidéo difficiles sont souvent comparés à Dark Souls, et dans le cas présent, c'est particulièrement pertinent, car la fameuse licence a très clairement servi de source d'inspiration, et la ressemblance est même revendiquée. Mais il n'est pas si facile de reprendre son manteau, même avec quelques bonnes idées en stock.
- Genre : Action-RPG
- Date de sortie : 18 août 2020
- Plateforme : PC (Epic Game Store), Xbox One, PS4
- Développeur : Cold Symmetry
- Éditeur : Playstack
- Prix : 29,99€
- Testé sur : PC
Revenge of the Body Snatcher
Comme son modèle, Mortal Shell ne va pas vous assommer avec son histoire. Tout y est sombre, cryptique, et c'est au joueur de tenter de comprendre de quoi il en retourne. Les rares PNJ croisés ont tendance à offrir davantage de nouvelles questions que de réponses. La description des objets sera la meilleure source d'information, ce qui ne devrait pas manquer de vous rappeler quelque chose, du moins si vous parvenez à vous familiariser avec ces derniers en en faisant un usage répété, ce qui est original et inhabituel. Mais n'ayez crainte, si vous êtes là pour l'action, et pas pour reconstruire un scénario occulte, il n'y a pas besoin de comprendre pour avancer. Vous allez donc incarner une sorte d'étrange créature humanoïde à l'aspect cadavérique, à moins que cela ne soit un spectre, ou une âme perdue dans un royaume oppressant et brumeux. Elle est dans tous les cas capable de se transformer en pierre et de revenir à la vie à volonté, elle se découvrira aussi la capacité de posséder une poignée de corps rencontrés lors de ses errements.
Ces enveloppes mortelles (ou Mortal Shell) disposent chacune de leur propre apparence, de statistiques distinctes, ainsi que de talents propres à débloquer. Elles s'avèrent bien plus appropriées au combat que votre créature de base, qui, bien que disposant d'une titanesque barre d'endurance, a la fâcheuse tendance à se faire tuer au moindre coup reçu. Si la vie de votre enveloppe charnelle du moment tombe à zéro, votre créature est éjectée, elle a alors un instant pour reprendre possession du corps, pendant que les ennemis sont pétrifiés, ou, alternativement, vous pouvez choisir de poursuivre le combat sous cette forme. Cela implique un gameplay à très haut risque, que peu de joueurs choisiront d'adopter. Elle semble d'ailleurs avoir été spécifiquement pensée pour la crème des joueurs, souhaitant littéralement faire le jeu à poil, sans corps possédé ni talents. Reprendre possession du corps donne une seconde vie, mais tomber une nouvelle fois à zéro donne cette fois une véritable mort. Cela peut sembler fort généreux, mais il n'y a ici point de fioles d'estus ou équivalent. Au début du jeu, les consommables sont rares et faiblards, et il faut faire bon usage de ses pouvoirs spéciaux.
La pétrification est d'ailleurs la star du show en ce domaine, et certainement l'idée la mieux exploitée du jeu. Se transformer en pierre permet d'arrêter n'importe quelle attaque physique, aussi puissante soit elle, tout en faisant tressaillir le malchanceux agresseur. La pétrification peut être maintenue plusieurs secondes afin de récupérer de l'endurance à l’abri, et elle peut même être activée en plein saut ou durant une animation d'attaque, ce qui vous offre une immense flexibilité dans son usage. Elle va néanmoins être brisée après avoir subit trop de dégâts, et elle a un temps de recharge. Un boss qui accomplit un combo ne manquera pas de vous découper en rondelles si vous ne vous reposez que la-dessus. C'est là qu'entrent en jeu les esquives et roulades habituelles, puis un emblème terni dont l'usage est similaire aux interruptions au bouclier/pistolet dans Dark Souls et Bloodborne, ce qui permet d'enchaîner sur une contre-attaque automatique dévastatrice qui permet de récupérer de la vie, par exemple.
Tout cela offre pas mal d'options afin de gérer les combats et les ennemis fort agressifs. Le premier boss est une rencontre fort douloureuse, mais une fois les subtilités de la pétrification saisies, cela ouvre une nouvelle façon de jouer aussi novatrice qu'intéressante. Typiquement, on fonce sur un ennemi ou un boss, on bloque son attaque avec la pétrification, puis on enchaîne sur des attaques rapides avant d'esquiver la suite. Il est aussi possible de s'en servir pour écraser ses adversaires en sautant d'une hauteur.
Émulateur DS
Si les titres de From Software vous sont familiers, vous ne devriez pas être perdu, tout suinte de références à la série des Souls. Nous avons déjà mentionné l'histoire, mais cela ne s'arrête pas là. On peut par exemple mentionner l'interface, les bruitages, les environnement, les ennemis, les combats. Même la façon vicieuse dont certains ennemis et pièges vous attendent en embuscade est similaire. Il n'y a pas de feux de camps à allumer, mais une étrange sœur masquée a la même fonctionnalité, en plus de servir de gardienne du feu. Il vous faudra dépenser vos précieuses âmes votre goudron pour débloquer des talents sur chacune de vos enveloppes mortelles. Ce goudron est perdu en cas de mort, à moins de parvenir à rejoindre votre corps et à le récupérer sans mourir à nouveau.
L'endurance, quand à elle, dictera le rythme des combats. Attaquer et esquiver en consomme, et si vous n'en avez plus en stock au pire moment et que votre pétrification est en train de se recharger, vous allez probablement souffrir. Cela demande donc de bien gérer ses actions et leur timing, plutôt que d'attaquer frénétiquement en roulant dans tous les sens ensuite. Ici, point de magie, et une seule arme de départ, une grande épée, ce qui limite les options de gameplay. Quatre autres armes peuvent être trouvées, chacune avec des attaques et mouvements distincts, mais trouver celle qui vous convient le mieux demandera de la chance ou de la patience. Comme vous êtes lâché dans le monde, avec de vagues visions en guise de guides, et que la progression est non linéaire, il est tout à fait possible de ne trouver une arme que lorsque la fin approche. Cela fait cependant partie du charme du genre, et ne pas être pris par la main a du bon. Entre l'ordre des corps débloqué et les armes, il n'y a même pas besoin de finir le jeu pour voir plusieurs moyens d'aborder la progression, voire le dénouement de l'histoire. L'intégration d'un New Game+ aide d'ailleurs à enchaîner rapidement les parties de cette manière.
Shell Life
Malgré sa source d'inspiration et des fondamentaux solides, Mortal Shell souffre tout de même d'une pléthore de défauts. Pour commencer, les différentes enveloppes ne sont pas assez différentes les unes des autres à notre goût. L'équilibrage de leurs jauges de vie, d'endurance et de détermination ainsi que leurs talents ont un certain impact, mais certaines sont strictement supérieures à d'autres, et elles se jouent de la même manière. Cela relève davantage des préférences personnelles que de l'adaptation aux circonstances. C'est dommage pour un concept central du jeu.
Les 4 armes, elles, ont un gameplay distinct, mais le système d'amélioration de leurs dégâts fait qu'on a tendance à n'en utiliser qu'une petite partie plutôt que d'en changer régulièrement. Et surtout, une fois leurs pouvoirs spéciaux débloqués, certaines s'avèrent bien trop puissantes. Votre personnage est par ailleurs invincible durant l'animation d'activation du pouvoir. La combinaison de l'enveloppe Solomon qui a beaucoup de détermination avec la Masse de feu nous a par exemple permis de vaincre des boss simplement en activant en boucle leur pouvoir spécial. La difficulté s'effondre encore davantage en faisant usage des consommables qui sont parfois bien trop puissants et abondants : vies supplémentaires, régénération de détermination et donc plus de pouvoirs spéciaux, etc. Pour leur part, les consommables de base pour régénérer la vie sont liés à un compte à rebours pour leur réapparition dans le monde, ce qui demande soit de les utiliser avec une extrême parcimonie, soit à camper longuement leur point de réapparition.
Bien qu'assez joli avec son Unreal Engine 4, avec des environnements variés voire majestueux, dotés d'une sombre beauté, Mortal Shell pèche sérieusement au niveau musical. En dehors des morceaux joués au luth par des ennemis désœuvrés ou vous-même, celles-ci brillent par leur absence. Ce n'est pas trop gênant lors de la phase d'exploration, lorsque le moindre son participe activement à l'ambiance, en plus de vous alerter de la présence d'un ennemi en embuscade. Sur les boss cependant, cela atténue l'aspect épique des combats de ne pas avoir une musique digne de ce nom, surtout lorsqu'on doit s'y reprendre à plusieurs fois. Pour rester dans les soulsborne, Father Gascoigne, Slave Knight Gael et d'autres ont aussi marqué le joueur grâce à leur musique mémorable qui faisait partie intégrante de leur identité et du combat. Combiné aux problèmes d'équilibrage ainsi qu'à la longueur réduite du jeu, un seul boss est parvenu à nous impressionner.
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