En 1958, Alfred Hitchcock réalisait Vertigo, renommé Sueurs Froides dans nos contrées. Ce film, avec James Stewart et Kim Novak, s’il n’a pas forcément connu des débuts folichons, est devenu culte depuis. Basé sur le roman policier D’entre les morts de l’écrivain français Boileau-Narcejac, le thriller américain du célèbre réalisateur britannique inspire à son tour un jeu d’aventure narrative psychologique. Depuis le 16 décembre sur PC, et à partir de 2022 sur consoles, le studio espagnol Pendulo (Runaway, Yesterday, Blacksad : Under the Skin), soutenu par la commune de Madrid, nous propose en effet Alfred Hitchcock – Vertigo. L’éditeur français Microids, avec le concours du CNC et du Ministère de l’Économie et des Finances, nous offre là une adaptation totalement libre basée sur un scénario original visant à rendre hommage au maître de l’angoisse. Il y a pire comme références.
- Genre : aventure narrative
- Date de sortie : 16 décembre 2021 sur PC et 2022 sur consoles
- Plateforme : PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series, Switch
- Développeur : Pendulo Studios
- Éditeur : Microids
- Prix : 29,99 € sur PC
- Testé sur : PC
Rendez-vous avec ma psy
Eddie Miller est, comme son père avant lui, un écrivain. S’il a connu le succès avec son premier livre, il traverse depuis une crise créative. Un jour, il se réveille à terre au milieu de la route, tout près du pont de Brody Canyon avec sa voiture écrasée au fond dudit canyon. Il aperçoit alors au loin un homme sur le point de se jeter du haut du pont et cherche en vain à l’en empêcher. À son tour, il monte sur le rebord et s’apprête à se lancer dans le vide avant d’être stoppé dans son élan par un camionneur qui, par chance, passait par là. Désespéré, il prétend venir de tuer, comme son père, sa femme et sa fille dans l’accident.
Le problème est qu’aucune trace d’une quelconque femme n’existe, ni de paternité. Selon lui, c’est parce qu’il n’était pas encore allé déclarer l’enfant, mais celui-ci existe-t-il vraiment ou l’a-t-il inventé ? Et qui est cette Faye qu’il dit être la mère ? Peut-elle être, elle aussi, le fruit de son imagination ? Depuis l’accident, Ed souffre de vertiges et est cloué au lit dans sa résidence de Cerro Lake, incapable de tenir debout seul. Afin de lui venir en aide, son agent lui envoie une psychanalyste adepte de l’hypnose. Avec elle, il va découvrir peu à peu que derrière ce qu’il pense être des vérités se cachent parfois bien d’autres choses enfouies au fond de son esprit.
Nous ne nous étendrons bien entendu pas plus sur le scénario afin de vous laisser le découvrir par vous-mêmes, mais sachez que c’est là l’une des grandes forces du titre de Pendulo. L’ambiance est angoissante, on ne sait jamais à quoi s’attendre, on se méfie de tout le monde, et les surprises se succèdent les unes après les autres. Même si l’on en voit arriver certaines, ce n’est jamais longtemps à l’avance. De rebondissements en rebondissements, on découvre petit à petit les secrets de chacun et ce qui se cache derrière tout cela. Il existe de nombreux liens et tout est bien imbriqué. Les questions soulevées sont nombreuses et les réponses apportées le sont au compte-goutte, jusqu’à la toute dernière révélation au cours de la scène finale. Bien que ce n’était pas gagné d’avance, l’hommage rendu au chevalier commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique ayant également acquis la citoyenneté américaine est clairement réussi.
Parlez-moi de votre enfance
Cet hommage ne se limite d’ailleurs pas au scénario. Outre quelques clins d’œil à la filmographie du cinéaste (Psychose, Les Oiseaux, …), les effets cinématographiques de l’époque ont été reproduits, et la magistrale bande-son du soft, avec beaucoup de cordes, de piano et de sons stridents, rappelle très nettement celle du film, lauréat d’un oscar pour son mixage son, comme pour ses décors. Notons qu’une traduction avec doublage français est disponible et que ce dernier, malgré quelques inégalités, est tout à fait honorable. Graphiquement, le titre est également soigné avec un style cartoon réussi, des environnements travaillés et des personnages qui ont de la gueule, le tout avec la colorimétrie propre à Hitchcock. Et au niveau de la réalisation, les lenteurs typiques des films des années 50 avec des plans qui s’attardent sur les acteurs sont au rendez-vous, mais il semblerait que cela ne soit pas toujours dû qu’à cela. L’ensemble souffre en effet de quelques défaillances techniques regrettables.
Il y a notamment pas mal de problèmes avec la gestion de la lumière et l’affichage des ombres, ainsi que des enchaînements de plans qui ne collent pas et quelques problèmes de collisions ou d’éléments qui font défaut à l’image, comme un verre de vin vide alors qu’il est censé être plein, ou encore l’absence de reflets dans la glace. De plus, les chargements sont vraiment très fréquents, ce qui casse encore plus le rythme déjà mis à mal, d’autant plus que les temps de chargement sont assez longs. Ce qui n’empêche toutefois pas quelques freezes au niveau de l’image. Et si les animations sont globalement propres, même s’il y a quelques gestuelles assez étranges, celles du visage ne sont pas toujours du plus bel effet, notamment au niveau de la bouche qui s’ouvre parfois pendant de longs moments de manière vraiment pas naturelle. Inévitablement, la synchronisation labiale en pâtit et cela nuit à l’immersion, dommage.
Par contre, le fait de nous faire revivre les souvenirs de Ed tel qu’il s’en souvient pour ensuite, lors des séances d’hypnose, voir la vérité qui se cache derrière le voile, est vraiment efficace. Après cette relecture des événements, accompagnée d'un son caverneux efficace, on peut se déplacer à notre guise dans le temps pour s’arrêter sur un moment clé et l’analyser. Dès lors, le Ed d’aujourd’hui se matérialise dans la scène issue du passé et peut se mouvoir à sa guise, dans une certaine limite brumeuse, pour repérer les éléments importants qui s’y trouvent, et en apprendre plus sur ce qu’il a vécu. Cette proposition est particulièrement sympathique et est un bon moyen de faire la lumière sur les zones obscurcies de son esprit. Au-delà des séances d'hypnose, on effectue d'ailleurs sans cesse des allers-retours entre le présent et le passé afin de reconstituer la vérité.
Peut-on se fier à ses propres souvenirs ?
Vertigo restant avant tout un jeu narratif, il ne propose pas forcément grand-chose de plus en termes de gameplay. L’objectif de ce dernier est simplement de vous impliquer dans le déroulement de l’histoire. Vous devez ainsi déplacer, à la troisième personne, les personnages que vous contrôlez (vous alternez entre Ed, sa psy, le shérif et bien d’autres encore) dans des environnements en 3D avec mouvement libre de la caméra. Là, vous devez repérer les points interactifs signalés par un petit cercle. Un concept assez classique dans ce genre de jeu, mais vous n’êtes toutefois pas obligé de tous les trouver. Seuls ceux liés à la trame principale sont incontournables.
Parmi les activités auxquelles vous pouvez vous adonner, certaines sont, en effet, facultatives, comme lorsque l’on vous propose d’entrer dans le jeu de Ed lorsqu’il est enfant pour partir à la recherche de son crochet de pirate par exemple. Certains passages ne sont qu’anecdotiques et clairement dispensables, même si cela participe à l’immersion et à donner de la consistance aux personnages. On pense, entre autres, au moment où il faut ranger les courses ou réparer une voiture. Cela permet de prolonger l’expérience qui devrait vous occuper 8 à 10 heures, suivant votre façon de jouer, mais tout n’est pas forcément toujours aussi intéressant que l'histoire principale.
Pour le reste, vous avez aussi des choix de dialogue à opérer, parfois en temps limité, mais comme vous pouvez vous en douter, ceux-ci ne modifieront pas fondamentalement le déroulé de l’histoire déjà suffisamment alambiqué. Cela n’aura généralement qu’une incidence à très court terme, voire débouchera sur le même résultat, quelle que soit votre décision. Enfin, le titre regorge de QTE. Il peut s’agir d’effectuer des actions au bon moment pour éviter une chute ou un accident, de répéter une pression pour simuler un effort, mais surtout de reproduire symboliquement les gestuelles des personnages. Un peu comme dans Detroit : Become Human, vous devez alors réaliser certains mouvements avec la souris ou les sticks de la manette afin d’effectuer les actions désirées. C’est un concept qui favorise l’immersion et qui est clairement préférable à la simple pression d’un bouton.
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