C'est en 2017 que Microïds et le studio espagnol Pendulo (connu pour la licence Runaway) ont annoncé développer Blacksad: Under the Skin, une adaptation en collaboration avec Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido, les deux gaillards derrière la bande dessinée d'origine. Forcément, du côté des fans de la première heure, ils ont applaudi l'initiative, tout en craignant le pire, tant les adaptations sont rarement une bonne idée et que Pendulo a perdu de sa superbe depuis quelque temps. En duo avec le studio français Ys Interactive, le jeu propose une histoire originale et un gameplay axé sur une enquête d'une quinzaine d'heures. Le titre devait arriver en 2018, mais c'est finalement en 2019 qu'il débarque sur consoles et PC, d'abord annoncé le 5 novembre puis, discrètement, décalé au 14, dans un bazar technique qui a rendu le jeu disponible l'espace de quelques instants sur les différentes boutiques en ligne à la date initiale. Ça démarre bien.
- Genre : Aventure, Enquête
- Date de sortie : 14 novembre 2019
- Plateforme : PC, Xbox One, PS4 (repoussé sur Switch)
- Développeur : Pendulo Studios, Ys Interactive
- Éditeur : Microïds
- Prix : 49,99€ disponible sur Amazon / 39,99€ sur Steam
- Testé sur : PC
Et avec le patch, ça va mieux ?
Chose promise, chose due, nous avons lancé Blacksad Under the Skin avec le patch day one de 8 Go (tout de même). Celui-ci apporte un tutoriel plus présent (quoi qu'assez dispensable) et répare par-ci, par-là quelques bugs de collision. Mais, malheureusement, tout n'est pas non plus réparé, avec toujours ses petits soucis où des scènes vont prendre 1 ou 2 secondes pour charger entre deux plans de coupe, toujours ces dialogues qui se lancent en même temps ou pas du tout, et surtout, Blacksad ne peut toujours pas courir.
Fandango sombrío
Pour ceux qui ne connaissent pas, Blacksad est une BD espagnole plutôt populaire en Europe, déjà par son ambiance polar noir des années 50, mais avec des animaux anthropomorphes et son coup de crayon reconnaissable entre mille, mais surtout pour son personnage, John Blacksad, un détective privé solitaire et désabusé comme le cinéma et la littérature en ont pondu des tonnes, mais c'est un chat noir (et ça, c'est cool). La proposition d'une adaptation sur un autre format est loin de déplaire (surtout pour votre serviteur, plutôt admirateur de la saga), et l'idée de voir les aventures de John sur écran, dans une histoire originale de surcroît, a de quoi nous faire frétiller les moustaches.
C'est donc ce que tente de faire Pendulo avec Under the Skin, où vous retrouverez Blacksad dans une New York aux couleurs chaudes et au teint crado. Ce dernier est toujours ric-rac sur ses factures et a bien besoin d'une bonne enquête, d'un autre gabarit que prouver qu'un rhinocéros en costard s'amuse à tromper sa femme. Il se retrouve donc à enquêter sur la fuite d'un boxeur après que son manager, Joe Dunn, se soit pendu au milieu de son ring, et, évidemment, ce suicide a tout l'air d'un meurtre, il devra donc retrouver le bagarreur en fuite mais surtout l'assassin. Interrogatoires, recherches de preuves, imperméable, saxophone et contrebasse sont donc au rendez-vous dans ce jeu d'aventures qui, il faut le dire, retranscrit plutôt bien l'univers de Blacksad, surtout avec sa direction artistique qui mêle assez bien le côté BD avec le réalisme.
Une fois manette en main (ne jouez pas à la souris et au clavier), on ne peut s'empêcher de penser directement à L.A Noire, forcément, mais surtout Grim Fandango ! Le jeu vous placera dans des zones à fur et à mesure que l'enquête s'enchaîne, à la recherche d'indices, aux contrôles de John. Mais malheureusement, John, il est plutôt lourd. Pas au niveau de ses répliques, qui elles, sont au poil (mais on y reviendra plus tard), mais à cause de l'absence d'une touche de course et d'une inertie digne d'un semi-remorque. Arpenter ces zones, pourtant assez petites, a de quoi nous donner des cheveux blancs et devient rapidement un fardeau qu'on préférera s'éviter au maximum via des allers-retours, tant ceux-ci nous pèsent sur le gamepad, et on essayera d'aller parler aux protagonistes avec toutes les cartes en main.
Car voyez-vous, chaque information sera notée dans votre carnet, que ce soient les divers documents que vous aurez trouvés, les réponses que vous réussirez à glaner ou même les détails que vous remarquerez avec vos sens de chat. Des phases de gameplay plutôt logiques vu le personnage, où vous pourrez vous servir de votre ouïe, votre vision et votre odorat améliorés pendant certains dialogues, dans une phase de gameplay scriptée et plutôt anecdotique. Certaines de ces infos seront des indices qui pourront se caler dans un coin de votre tête, et auxquels vous pourrez accéder à l'aide du bouton RB/R1.
Mais ceux-ci ne pourront être recoupés qu'au moment où le jeu vous signalera (au travers d'une barre de notification envahissante) que vous avez des indices qui peuvent se relier. Et là, on rentre dans le premier gros problème de Blacksad, outre ses soucis de maniabilité, c'est bien le centre même du game design qui est remis en doute, en essayant de faire passer son histoire linéaire pour une histoire où vous avez un impact : Il est impossible pour vous de faire une déduction de votre propre chef, même si elle est fausse.
Et si vous avez une réponse à trouver, vous n'avancerez pas tant que vous ne l'aurez pas, et si elle vous semble peu logique, vous allez devoir essayer un à un les indices, c'est digne d'un grand détective. Si vous vous trompez lors de quelques phases de dialogue, comme une accusation fausse, le jeu ne manquera pas de vous dire que le personnage s'en souviendra, mais si vos choix vous empêchent d'avancer à la conclusion finale, on vous recadrera rapidement à grands coups de "scénarium" pour vous remettre dans le droits chemin, quitte, parfois, à ce qu'un personnage vous répète quelque chose que vous avez déjà confirmé auparavant (au cas où).
Et très clairement, à part vers la fin où certains choix ont une action immédiate, nos réponses nous ont paru plutôt artificielles. Comme si, peu importe ce qu'on essayait d'avancer, le jeu arrivera toujours à sa fin prévue. Impossible d'accuser quelqu'un à tort et de bouleverser le destin de Blacksad, par exemple. La seule chose qui changera, c'est votre manière de le faire et le nombre de morts qu'il y aura sur votre passage (sans que cela vous retombe dessus). Cela est sûrement dû au fait qu'Under the Skin reste une adaptation et n'est pas canon dans la saga.
Le juge est un carlin
On en vient donc à se demander : "N'aurait-il pas été mieux pour le jeu d'oublier toutes mécaniques de gameplay et de n'être qu'un simple jeu d'aventures couloir" ? Parce que l'histoire d'Under the Skin est intéressante. L'affaire que vous suivez est bien écrite, avec quelques bons rebondissements, bien qu'assez classiques pour un roman noir et John ne manque pas de le remarquer via les nombreux dialogues dans sa tête. Elle profite même de personnages hauts en couleur qui parleront aux fans et qui donneront sûrement envie aux néophytes de se plonger à corps perdu dans cette magnifique saga en version papier.
Le titre se paye même le luxe d'une bande-son jazzy charmante, mais très mal scriptée malheureusement, ainsi que d'un doublage français intégral, qui est de meilleure facture que la version anglaise. John, interprété par Jérémie Covillault, a un petit "je-ne-sais-quoi" qui rend le félin un peu plus sophistiqué, et on y trouve d'autres têtes connues au casting comme Philippe Cariou ou Sylvain Lemarié, de quoi fleurir cette version de quelques bonnes scènes de doublages (qui là encore, rappelle grandement les aventures de Manny Calavera, le côté loufoque de Tim Schafer en moins).
Malheureusement, si le son est bon, c'est du côté de l'image qu'on va pester. Déjà, techniquement, il souffle le chaud et le froid, avec quelques éclairages et modélisations convaincantes d'un côté, et des environnements beaucoup trop pauvres et coupés à la hache de l'autre, accompagnés d'une mise en scène très maladroite et d'animations assez raides. Le bilan de performances est aussi vraiment scandaleux sur une machine plus que confortable. Mais le jeu incorpore aussi beaucoup, beaucoup (beaucoup) de bugs en tout genre. Des bugs que les développeurs nous ont évidemment signalés et qui seront peut-être réparés le 14 novembre.
Mais à l'heure où nous écrivons ces lignes, et dans l'état dans lequel le jeu nous a été distribué, il existe des soucis parfois gênants, souvent drôles, mais beaucoup trop bloquants pour certains. Des personnages qui attrapent des objets à 50 cm d'eux, des modèles qui traversent des textures ou des objets, des placements qui sont faits à la va-vite, des crashs du jeu en pleins dialogue, des répliques qui ne se déclenchent pas ou qui se déclenchent en même temps, des QTE qui ne marchent tout simplement pas etc. C'est bien simple, certaines scènes ont perdu leur immersion à cause de ces problèmes, qui nous accompagnent tous le long de cette quinzaine d'heures assez douloureuse, où nous avons dû régulièrement redémarrer le jeu pour le débloquer (ou subir un game over). On reviendra dessus lors de la sortie du patch day one, promis par Pendulo.
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