Initialement prévu en début d'année, Watch Dogs Legion arrive finalement avec la vague de gros titres qui orbitent autour des Xbox Series S/X et de la PS5. Le premier opus de la licence Watch Dogs date de 2014, mais la série a toujours eu du mal à trouver ses marques, à la fois en termes de ton, mais aussi de gameplay. Legion a l'air d'apporter son lot d'idées fraîches dans ces deux domaines, mais comme nous allons le voir, cela ne suffit pas toujours.
- Genre : Action-aventure, monde ouvert, infiltration
- Date de sortie : 29 octobre 2020
- Plateforme : PC, Xbox One, PS4
- Développeur : Ubisoft Toronto
- Éditeur : Ubisoft
- Prix : 69,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
La perfide Albion
Les choses ne vont pas fort bien à Londres dans le monde alternatif de Watch Dogs. Suite à un complot, une série d'attentats meurtriers ont été attribués au groupe crypto-anarchique DedSec que nous incarnons ici. Presque tous ses membres sont tués ou incarcérés, et les clés de la ville sont remises à un groupe de sécurité privé, Albion. Celui-ci s'empresse de copier toutes les mesures prises dans Cité 17 (Half-Life 2), drones de combat, violences policières arbitraires et purges comprises, bien évidemment.
Visiblement, la seule sécurité que le groupe assure est la sienne, puisque cela n'empêche pas un groupe mafieux d'enlever ouvertement des gens dans la rue pour extraire leurs organes ou les réduire en esclavage avec des puces de contrôle. Ajoutez à cela l'automatisation de toute la ville via ctOS (comme dans les précédents opus), et le port obligatoire, non pas du masque, mais d'un dispositif de communication miniaturisé avec des fonctionnalités similaires aux Google Glasses, y compris dans le domaine du siphonnage des informations personnelles. Ce n'est pas le Brexit, mais des parallèles peuvent aisément être tracés.
Dans ce joyeux contexte, vous prenez donc le contrôle du dernier membre de DedSec Londres, avec pour objectif de rebâtir la cellule locale afin de protéger la ville, ses habitants et leurs droits les plus sacrés. Vous êtes aussi assisté par une super IA du nom de Bagley, qui ressemble presque en tous points à Jarvis, si ce n'est son sens de l'humour agressif, à la fois très noir et sarcastique. Nous l'avons trouvé fort divertissant, mais il ne fait aucun doute que tout le monde n'appréciera pas de l’entendre se moquer d'agents et de civils morts au combat, ou comment il a "forniqué avec leur mère" (sic). On peut le considérer à la fois comme un narrateur et le protagoniste, puisque votre équipe peut finir par contenir plusieurs dizaines d'agents différents, générés procéduralement. Même si on a des préférences et qu'ils ont un semblant de personnalité et des doublages convaincants, cela ne peut pas concurrencer un protagoniste conventionnel.
Lutter contre le terrorisme, par le terrorisme
Tel un nouveau témoin de Jéhovah, votre premier agent s'en va donc dans la rue pour recruter de nouveaux compagnons pour la résistance. Grâce à son téléphone et à Bagley, il peut scanner les passants afin de consulter leurs informations personnelles et leurs caractéristiques. Avec une petite amélioration technologique, il est même possible de consulter leur emploi du temps, leurs centres d'intérêt, l'identité de leurs proches et leurs activités illégales, afin de se servir de tout cela pour convaincre/manipuler même un détracteur de DedSec de rejoindre le mouvement. Visiblement, le respect de la vie privée est secondaire chez ses défenseurs autoproclamés.
En parlant à la personne, vous pouvez lancer une mission de recrutement aléatoire qui vous demandera d'aider la recrue potentielle. Cela peut consister en la sauver d'un gang, trouver des médicaments ou assassiner froidement un de ses concurrents. On aime les psychopathes chez DedSec. Il est cependant très agréable de pouvoir recruter presque n'importe qui, que ce soient des personnages uniques avec des talents spéciaux, un personnage qui a une combinaison de talents utiles, voire un membre d'Albion, ce qui permet d'avoir un accès facilité à leurs installations. Il est cependant dommage que tout cela soit géré très superficiellement. On a tendance à souvent retomber sur les mêmes missions de recrutement, et même un capitaine d'Albion vous rejoindra sans sourciller si vous accomplissez sa mission. Mission qui peut sembler aller à l'encontre de son code moral. Quand un mercenaire qui a un casier d'abus de pouvoir sur les plus démunis long comme le bras accepte de vous rejoindre parce que vous avez volé et redistribué la cryptomonnaie d'un gang, il y a de quoi s'interroger. Visiblement il n'est pas plus dérangé que cela de devenir un terroriste sur un coup de tête et de risquer l'exécution.
Signalons au passage que votre début d'aventure ne sera pas si esseulé que cela avec certaines versions du jeu, ou si vous faites un tour par la boutique à argent réel d'Ubisoft en jeu. Trois recrues prestige aux pouvoirs redoutables, aptes pour toute la campagne, peuvent êtes présentes dès le début du jeu. Sur le papier, le fait de pouvoir recruter des Londoniens avec plein de talents et d'origines différentes est incroyablement séduisant, sauf qu'en pratique l'impact de la chose est superficiel, dans le meilleur des cas. Les recrues en costume, comme un ouvrier de chantier, un policier ou un ambulancier, aident à infiltrer certaines zones, mais ce n'est obligatoire qu'une seule fois de toute la campagne. Faire parler les armes est plus que suffisant le reste du temps. Vos adversaires n'ont pas non plus une attitude très différente si vous jouez un grand mec baraqué ou une petite mémé arthritique. On se limite donc en général à prendre des recrues avec un bon équipement et de bons talents, en évitant les malus. Exit les vieux ou les handicapés, sauf pour rire un moment en jouant une petite vieille qui plante son taser sans les parties intimes des gangsters en invoquant la légitime défense préventive.
Union Jack of all trade
À de très rares exceptions près, tous les personnages recrutés deviennent des athlètes de haut niveau, voire de véritables James Bond capables de tuer des hordes de militaires suréquipés, d'escalader des murs, de gagner des combats illégaux à 3 vs.1. Ils deviennent de super hackers en prime grâce à Bagley. Comme tout le monde peut tout pirater instantanément à distance, et qu'au final quelques malus ou bonus facilitent ou non la chose, presque n'importe quel candidat dans la rue est viable pour tout faire. Cela va complètement à l'encontre du principe du jeu. Parfois, offrir trop de liberté au joueur se retourne contre le game design. Et nous n'avons fait que gratter la surface dans ce domaine.
La progression est très limitée, les personnages recrutés arrivent ou non avec de l'équipement. En dehors d'un gadget et d'une arme DedSec, vous ne pouvez pas personnaliser les talents ni les armes spéciales. Les costumes sont inamovibles, et ce Desert Eagle est réservé à son propriétaire de départ. Donc recruter des gens ne permet pas d'étendre son répertoire par exemple, et comme il n'y a pas non plus de gain de niveaux, ni d'équivalent, il est possible de jouer le même personnage d'un bout à l'autre de la campagne sans remarquer de changements significatifs. L'arbre des tech permet de débloquer quelques fonctionnalités supplémentaires, comme le profiler, une mini tourelle, et surtout la capacité de retourner les drones surarmés qui patrouilles les rues contre leur propriétaire, mais cela reste trop léger.
Dans la même veine, l'argent récupéré en jeu (ETO) ne sert pas à recruter, ni même à acheter de l'équipement dont vous auriez bien besoin pour rendre certains personnages plus efficaces, mais simplement à débloquer des cosmétiques pour ses agents. À moins de vraiment vouloir jouer la fashionista en solo, cela rend donc toutes les activités annexes vraiment dispensables, d'autant qu'elles ne sont pas très intéressantes. Jouer aux fléchettes en étant bourré pourrait être amusant (bien que dangereux) dans la vie réelle, mais en solo et en jeu, cela n'a pas grand intérêt, surtout si c'est pour obtenir quelques ETO dont on a que faire.
Tout cela devient d'autant plus évident lors des missions ou lors de l'exploration de la carte. Avec un peu de méthode, l'infiltration et les combats sont d'une difficulté triviale. Il est rapidement possible de contrôler directement les drones de combat pour mitrailler la zone depuis les cieux avant d'entrer en personne. De nombreux appareils électriques peuvent être transformés en mines de proximité mortelles d'un simple clic. Les ennemis humains ne sont pas très perceptifs, et c'est un jeu d'enfant de les assommer ou de les tuer. La seule difficulté provient des flots des renforts si vous attaquez un peu trop ouvertement la zone, ou si vous décidez de jouer à Postal dans la rue.
L'Arachnobot, le gadget de base et aussi le plus utile, permet d'infiltrer facilement une zone pour piller les objets utiles et désactiver les systèmes de sécurité. Mais vous pouvez aussi directement monter sur un drone de transport et vous en servir comme d'un hélicoptère urbain. Visiblement, vos adversaires ne savent pas lever la tête. Visiter Londres depuis les cieux a son charme, mais se déplacer d'un point d'intérêt à l'autre en volant pour tout ramasser sans limitation, difficulté ni opposition devient très vite ennuyeux. Le level design, et même le gameplay finissent à la poubelle dès que vous décidez d'exploiter un outil mis à votre disposition par défaut sur toutes les recrues.
Attention, chien dangereux
Se limiter au plancher des vaches n'est néanmoins pas beaucoup plus difficile. Les fusillades sont enfantines avec une arme correcte, et les poursuites en voiture dans les rues n'en ont généralement que le nom. Votre indice de recherche retombe très vite, et visiblement la police n'a que faire des dizaines de cadavres que vous avez laissé dans la zone. Le grand public non plus d'ailleurs, alors que l'objectif du jeu est de pousser la populace londonienne à résister à ses oppresseurs, cela ne la gène pas de vous voir abattre des gens dans la rue ni de rouler dans la foule avec un camion. Cela provoque bien un mouvement de panique localisé, mais sans plus. En revanche, il n'est pas bien difficile de la monter contre Albion dans chaque borough londonien en récoltant des preuves de leurs méfaits ou en sabotant leur infrastructure. Lorsqu'un borough (ou arrondissement) se rebelle, l'attitude des habitants devient alors plus positive vis-à-vis de DedSec, et la foule se retourne plus facilement contre les mercenaires qui abusent de leur pouvoir pour fouiller ou arrêter les passants. Cela va aussi débloquer automatiquement une recrue unique avec des capacités puissantes, comme un espion ou un tueur à gage. Le recrutement devient alors d'autant plus caduque.
Malheureusement, l'impact de la chose s'arrête là, et même libérer tout Londres et progresser dans l'histoire n'a pas d'effet remarquable au long terme. Décapiter une faction, massacrer ses membres par centaines et prouver au monde qu'elle fait de l'expérimentation humaine, voire qu'elle maltraite les bébés phoques ne l'empêche pas de garder pignon sur rue et la mainmise sur la ville. Comme avec beaucoup d'autres choses dans Watch Dogs Legion, la futilité est le sentiment qui résulte de nos actions. Le fait que certaines missions nous ramènent plusieurs fois au même endroit pour effectuer les mêmes types d'actions n'aide pas.
Notons tout de même que votre petite (ou grande) bande a tout de même droit à quelques interactions bienvenues lors de l'histoire, voire aléatoirement. Il arrive de croiser ses propres agents inactifs dans la rue, et il est aussi plus facile de recruter la famille et les amis de vos agents. De la même manière, des proches de vos victimes peuvent tenter de se venger de la mort d'un de leurs proches en kidnappant un de vos agents. Vous pouvez alors choisir ou non d'aller le secourir. Un détail amusant (ou non) est que même en cas d'échec de la mission de libération, votre agent retourne automatiquement dans l'équipe. Activer la mort permanente des agents en début de campagne peut être une bonne idée pour corser les choses et donner des conséquences à vos actes.
La répétitivité est très élevée dans Watch Dogs Legion, comme nous l'avons mentionné plus tôt. Effectuer des livraisons en scooter pour Amazon n'est pas très rentable ni varié au final, même si nous avons trouvé que les sensations de conduites ne sont pas mauvaises du tout. Les nombreuses missions secondaires impliquent toujours les mêmes mécanismes au final : pirater des dispositifs, tuer des ennemis, et résoudre des puzzles à base de fils bleus et rouges pour accéder aux dispositifs les plus récalcitrants. On peut tout de même remarquer que des efforts ont été faits avec les sections durant lesquelles il faut contrôler un drone particulier lors d'un parcours d'obstacle ou dans un labyrinthe par exemple. Certaines sont plutôt réussies, mais d'autres sont assez douloureuses, comme la progression dans la prison sans lumière. Saviez-vous que les téléphones du futur sont dépourvus de lampe torche ? Heureusement que ces parcours sont réalisés avec des drones et pas des humains, vu les très grosses approximations dans la gestion des obstacles et des mouvements des personnages. Sauter d'une plateforme à l'autre n'est pas un exercice que vous allez souhaiter reproduire.
Multijoueur
Le jeu comprend aussi un mode multijoueur en ligne dont l'ouverture est prévue pour le 3 décembre 2020. Il n'est donc pas évalué dans le cadre dans ce test, mais il faut s'attendre à ce que les principaux éléments de gameplay soient les mêmes. La progression est dans tous les cas séparée de celle du mode campagne solo.
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