Si Gaumont détient les droits sur Narcos, la série à succès de Netflix basée sur l'histoire des barons de la drogue colombiens, c'est via un partenariat entre Gaumont Games et Curve Digital que Narcos: Rise of the Cartels est édité. Mais c'est le studio de développement britannique Kuju Entertainment, la société sœur de Curve Digital, surtout connue pour ses jeux sur 3DS, PS3, Xbox 360 et Wii, qui s'est chargée de développer le titre. Selon Gary Rowe, le producteur exécutif de Curve Digital, le choix du genre tactique s'est imposé de lui-même. L'idée a été de créer un jeu de stratégie hybride entre tactique et action afin de plonger le joueur au cœur des combats frénétiques et viscéraux propres à la série, que ce soit du côté des Narcos ou de la DEA. L'histoire nous renvoie en effet dans les années 80, à la grande époque de Pablo Escobar, c'est-à-dire pendant la première saison, alors que celui-ci est à l'apogée de sa mainmise sur le trafic de came entre la Colombie et les États-Unis. Alors direction l'Amérique latine des années 80 pour une plongée dans la violence engendrée par l'or blanc.
- Genre : Stratégie-action au tour par tour
- Date de sortie : 19 Novembre 2019 sur PC et PS4, 21 novembre 2019 sur Switch et 22 novembre 2019 sur Xbox One
- Plateforme : PC, PS4, Xbox One et Switch
- Développeur : Kuju Entertainment
- Éditeur : Curve Digital en collaboration avec Gaumont Games
- Prix : 29,99€ sur PC, 34,99€ sur PS4 et Xbox One, 44,99€ sur Switch disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
Plomo o Plata ?
En 1981, le trafic de cocaïne prend son essor en Colombie. Si cette nouvelle manne financière permet à de nombreuses familles d'améliorer leur quotidien, elle s'accompagne malheureusement aussi d'une montée de la violence, sans parler des dégâts occasionnés chez les consommateurs américains, principaux clients des narcotrafiquants colombiens. Mais si les États-Unis d'Amérique décident d'intervenir dès 1984 dans la guerre opposant les forces locales aux narcotrafiquants, ce n'est ni pour le bien-être de ses compatriotes ni pour mettre fin à la violence, mais surtout pour endiguer l’impressionnant mouvement de capitaux sortant du pays de l'oncle Sam pour rejoindre celui de Pablo Escobar.
Comme a su le montrer la série de Netflix, il ne peut pas y avoir qu'un seul point de vue et tout dépend donc de la vision à laquelle vous décidez d’adhérer. Stephen Murphy, l'agent phare de la DEA (Drug Enforcement Administration) envoyé sur place, voit plutôt cela comme un devoir envers son pays. Au départ, ses moyens sont limités et il va devoir obtenir des résultats pour en débloquer davantage et ainsi accroître la pression sur les Narcos. Ses armes reposent sur l'obtention d'informations, la récolte de preuves et, malheureusement aussi, sur la puissance de feu qui ne fera qu'amplifier la violence déjà bien installée à Medellin.
Sa première mission consiste à pénétrer dans une planque des Narcos pour mettre la main sur des papiers permettant d'obtenir des informations sur un suspect (passeports, photos, documents de voyage) afin de l'arrêter et l'interroger, ou, comme il ne se laisse pas faire, le tuer si nécessaire. C'est cette dernière option qui sera retenue et il s'agit alors de tenir jusqu'à l'arrivée des renforts face aux nouveaux ennemis bien décidés à venger leur camarade. Les guetteurs étant légion à Medellin, El Patrón sera bien vite informé de ces événements allant à l'encontre de ses intérêts. Lors de seconde mission, Murphy réalise son premier gros coup : de la drogue est saisie, des hommes sont arrêtés et des renseignements sont obtenus. Il poursuivra ainsi progressivement jusqu'à remonter à la tête du cartel, épaulé bien entendu par son collègue Javier Peña et le colonel Carrillo, le chef de la police colombienne et de l'unité Search Bloc, créée au début des années 80 avec l'aide des États-Unis, le tout sous les ordres de l'Ambassadrice américaine qui coordonne les efforts conjoints américano-colombiens.
Du côté des Narcos, nous retrouvons bien sûr Pablo Escobar, confortablement installé dans son hacienda Napoléon. Avide de pouvoir et connu pour ses aptitudes à la contrebande, il est bien décidé à s'imposer en Colombie jusqu'à éventuellement en devenir le président. Mais comme la DEA lui met des bâtons dans les roues en voulant même l'extrader pour le juger aux États-Unis, il ne va pas hésiter à leur rendre la pareille. Après tout, ils ne savent pas à qui ils ont affaire, les Colombiens sont nés pour se battre. Son leitmotiv ? Plomo o Plata : tout individu gênant peut soit s'acheter soit être exécuté. À ses côtés, nous retrouvons bien entendu son fidèle bras droit et cousin Primo, mais aussi le sanguinaire El Mexicano, membre fondateur et ancien dirigeant du cartel de Medellín, et le tueur à gages Poison.
Le but de la guerre, c'est la paix (El Patrón)
Le lien du jeu avec la série est mis en exergue à tous les niveaux. Non seulement nous retrouvons les personnages emblématiques de la première saison, mais nous avons également droit, en plus des cinématiques introduisant ou concluant les missions du mode histoire, à des images tirées de la série. De plus, le titre nous permet de revisiter des lieux bien connus comme les rues de Medellin et la jungle colombienne où se cachent les laboratoires des Narcos, mais aussi l'hacienda Napoléon de Pablo Émilio Escobar Gaviria ou encore La Catedral, la luxueuse prison construite selon les spécifications de Pablo Escobar pour l'accueillir avec ses hommes de main. Nous retrouvons aussi des événements de la série comme ceux axés autour du Cancrelat, ce pharmacien chilien ayant apporté son produit en Colombie grâce à Escobar, mais qui cherchera, bien mal lui en a pris, à faire cavalier seul en se retournant contre lui.
Au niveau musical, Tuyo, la célèbre chanson de Rodrigo Amarante que l'on retrouve dans le générique de Narcos, a bien entendu été reprise pour le menu du jeu. Et c'est toujours avec grand plaisir qu'on la retrouve, hésitant du coup à lancer ou quitter le jeu pour en profiter le plus possible. Pour le reste, les musiques d'ambiance et les bruitages en jeu remplissent bien leur office. Chaque personnage ou catégorie d'unité a sa petite réplique lorsqu'on le sélectionne pour nous signifier qu'il est prêt à exécuter nos ordres ou lorsqu'ils passent à l'action, et celles-ci sont assez sympathiques : "si patron", "por el patron", "keke" ou encore "recarga esta mierda" en rechargeant son arme.
Si les textes sont intégralement en français, les voix, elles, sont en anglais avec possibilité d'activer le sous-titrage. Côté DEA, cela paraît évident, y compris pour s'adresser aux membres de l'équipe colombiens puisque c'est la DEA qui dirige les actions. Sur le terrain, cela n'empêche pas les Colombiens de parler dans leur langue. Par contre, il est difficilement compréhensible que les Narcos, bien que parlant en espagnol pendant les affrontements, parlent en anglais dans la salle de guerre, d'autant plus que dans les cinématiques comme dans la série, ils parlent en espagnol, même en VF. En plus l'accent qu'ils ont en anglais nous a paru quelque peu étrange.
Sur le plan graphique, le rendu des différentes cartes est plutôt réussi, ce qui n'est pas forcément le cas des personnages vus de près, dommage. Heureusement que dans les cinématiques, ils sont un cran au-dessus. La caméra peut être déplacée à loisir en avant ou en arrière et peut faire l'objet de rotations dans les deux sens. Il est également possible de zoomer, ce qui change légèrement son inclinaison, mais il n'est malencontreusement pas possible de définir nous-même celle-ci, ce qui n'est pas toujours idéal, dommage là aussi. De plus, lorsque l'on enclenche une action, la position de la caméra est imposée, ce qui masque parfois les personnages derrière des toits, ce n'est pas dramatique puisque l'on voit leurs ombres par transparence, mais regrettable. De même, lorsque l'on enclenche un tir, la cible est automatiquement déterminée et s'il y en a plusieurs possibles, ce n'est pas forcément la bonne qui est retenue, mais il est alors impossible de changer, la seule solution étant de l'avoir sélectionnée avant de lancer l'action, et il est impossible de revenir en arrière si l'on s'est déplacé avant, ce qui est rageant et peut s'avérer fatidique.
Primo, la drogue c'est mal, et secundo, c'est quoi toute cette violence ?
Dans Narcos: Rise of the Cartels, le cœur du jeu repose sur les affrontements armés. Certes, il s'agit parfois aussi de récupérer des documents, de placer un mouchard dans un téléphone, ou de libérer puis escorter un otage jusqu'à son point d'extraction, mais cela revient simplement à aller d'un point A à un point B, et pour y parvenir, il faudra nettoyer la carte. Comme on le sait, il s'agit d'un jeu de stratégie au tour par tour où une seule unité de l'équipe peut agir à chaque tour. Elle dispose d'un point de mouvement et d'un point d'action. Et chaque type d'unité a son propre rayon de déplacement et de ses propres actions. Une fois le tour achevé, c'est à celui de l'ennemi que l'on observe agir. Il est à ce titre possible de visualiser non seulement les actions, mais aussi les positions des ennemis, où qu'ils se trouvent, ce qu'il aurait peut-être été bien de mettre en option, histoire de pouvoir corser un peu la difficulté et de rendre la chose plus réaliste.
Chaque unité a également un nombre de points de santé défini et dispose d'attributs (8 compétences passives au maximum) et d'actions (4 compétences actives au maximum). Ceux-ci sont déterminés par le type d'unité concerné et il est possible de choisir deux compétences supplémentaires parmi celles proposées à chaque changement de niveau. Les attributs permettent de disposer de plus de santé, de portée, de tirs, de distance de déplacement, ou encore de pouvoir recharger automatiquement après avoir tué un ennemi ou effectuer un contre... Les actions, elles, peuvent permettre de faire gagner des points de contre aux alliés, de se soigner, d'effectuer un déplacement supplémentaire sur une courte distance sans risquer de subir un contre, de lancer une grenade à fragmentation, d'effectuer un tir plus précis au fusil à longue distance... Beaucoup doivent ici composer avec un cooldown de plusieurs tours une fois l'action enclenchée. Chaque tour permet d'effectuer un déplacement ou de se reposer pour regagner un point de santé, et d'effectuer une action (tirer, recharger, lancer une grenade, ...), dans cet ordre ou dans l'ordre inverse.
Les contre-attaques que nous venons d'évoquer consistent à passer en vue à la troisième personne pour faire feu en temps réel sur un ennemi en déplacement qui se trouve dans notre ligne de mire lorsque nous disposons d'un point de contre disponible (points obtenus en restant inactif, en faisant des victimes ou grâce à des compétences). Nous ne disposons toutefois que d'un temps limité pour agir et des obstacles peuvent interférer. Dès lors, il est parfois plus judicieux de ne pas tirer pour conserver le point de contre-attaque que cela coûterait pour une autre occasion. Ceci s'avère être une très bonne initiative et cela fonctionne aussi pour les forces ennemies envers nous lorsque nous déplaçons une unité. De même, en cas de dégâts critiques infligés, un tir mortel est accordé, permettant d'achever la cible, là aussi à la troisième personne et en temps limité. On notera également ici la puissance du lance-grenade qui permet de faire beaucoup de dégâts de loin, en restant à l'abri, heureusement compensée par un déplacement handicapé par la lourdeur de l'équipement (distance réduite et impossibilité de grimper ou de sauter).
Une équipe peut compter jusqu'à 5 unités que l'on cherchera à diversifier pour bénéficier des complémentarités de chacune. Le jeu propose en effet cinq types d'unités que l'on peut recruter : les unités fragiles, mais mobiles de la police et des guetteurs côté Narcos, les unités du bloc de recherche de la DEA et les tueurs à gage capables d'effectuer des frappes précises et efficaces, les forces spéciales de la DEA et les mercenaires des Narcos avec leur grosse barre de santé et capables de libérer un tir fourni, les agents de la DEA et les sicarios avec leurs fusils à même d'infliger de lourds dégâts à courte ou moyenne portée, et les unités de démolition de la DEA ou les spécialistes des Narcos avec leur armement lourd. Un seul leader (les plus efficaces) est autorisé par équipe : Murphy côté DEA et Primo côté Narcos pour commencer, avant de débloquer ensuite Peña et Carillo pour la DEA et El Mexicano et Poison pour les Narcos. Mais si celui-ci meurt, c'est le game over et il faut recommencer à la dernière sauvegarde. En revanche, s'il est fortement conseillé d'avoir un leader dans l'équipe, tout comme d'avoir 5 unités, rien n'oblige à ce qu'une équipe compte un leader, ce qui sera d'ailleurs incontournable le temps qu'il récupère s'il termine une mission en étant blessé. Il en est de même des autres unités sauf si elles décèdent en mission, car leur trépas sera définitif.
Chaque mission commence avec le déploiement des unités qui peut se faire sur plusieurs zones limitées. Il faut ensuite progresser pour accomplir la mission en utilisant les différents éléments de couverture offerts par le terrain. Et il ne faut pas oublier de se soigner ni de recharger régulièrement son arme, même s'il est possible de basculer sur l'arme secondaire (un pistolet). Des choix doivent ainsi être faits à longueur de temps, la dimension stratégique du jeu est indéniable avec des concepts intéressants. Les ennemis qui restent planqués permettent cependant parfois de tout remettre à niveau après une échauffourée afin d'exterminer les ennemis un par un, ce qui facilite un peu trop la tâche. D'autres parfois sont régulièrement remplacés après avoir été éliminés, ce qui peut à l'inverse compliquer les choses. Le mode histoire présente 9 missions pour chaque camp réparties sur toute la Colombie. Chacune doit toutefois être débloquée en accomplissant des missions annexes, ce qui rallonge la durée de vie du titre. Ces dernières varient d'une fois sur l'autre, mais finalement, on retrouve toujours un peu les mêmes objectifs à accomplir (exécutions, escortes, récupération d'otage ou d'informations, ...) sur les mêmes cartes, ce qui constitue une certaine répétitivité qui peut malheureusement en lasser certains.
Voir la suite