Après des années de teasing entrecoupées de longs silences, Death Stranding s'est enfin laissé approcher comme il se doit : cela fait près de 3 semaines que nous sommes immergés dans l'univers singulier du jeu et pour être tout à fait honnête, on a encore du mal à s'en remettre ! Explications.
- Genre : Action / Aventure
- Date de sortie : 08/11/2019
- Plateforme : PS4
- Développeur : Kojima Productions
- Éditeur : Sony
- Prix : 54,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : PS4 pro
Star Trek
C'était il y a déjà 4 ans : après avoir été congédié par Konami, Hideo Kojima fonde Kojima Productions avec le soutien direct de Sony. De cette association, le créateur japonais va notamment récupérer un moteur graphique, le Decima Engine, conçu par Guerilla Games (Horizon Zero Dawn), des vétérans de la marque Playstation. Le 8 novembre prochain, le monde pourra enfin s'essayer à la première production de KP, le fameux Death Stranding. Au cours de ces années, Mr Kojima n'a eu de cesse de teaser les joueurs avec des trailers au montage dont lui seul a le secret, mais aussi grâce aux annonces liées à un casting qui n'a rien à envier à une production hollywoodienne.
Dans DS, Norman Reedus campe donc le rôle de Sam Porter, un livreur "sous contrat" avec Bridges, une organisation d'ordre mondial qui tente tant bien que mal de reconstruire l'Amérique. En effet, le pays est complètement dévasté à cause de néantisations : de mini-explosions atomiques causées par les échoués, des entités d'un autre monde. Sous la contrainte, Porter va devoir compléter des livraisons pour les différents postes réfugiés de l'Amérique, afin de "reconnecter" tout le monde grâce au Q-Pidon, un périphérique particulièrement étrange permettant de relier une ville à Bridges.
Et on va s'arrêter là tout de suite, parce que le scénario, comme dans tout bon jeu Kojima qui se respecte, tient une place importante dans l'expérience Death Stranding. Au-delà même du scénario, c'est ici l'écriture et le sous-texte qui comptent par-dessus tout : sans en révéler davantage, il faut simplement partir du principe que rien n'est jamais aussi simple qu'il n'y paraît et réussir à dénouer tous les fils du récit va vous demander de bonnes connaissances générales en jeu vidéo et en cinéma. A dire vrai, même après avoir fini le jeu, ce dernier a continué à nous obséder de nombreux jours, tout simplement parce que nous avions l'impression que certaines réponses à des questions importantes n'étaient pas encore "complètes". Par bien des aspects, Death Stranding est un titre unique, atypique et franchement passionnant, servi de surcroît par une mise en scène qui force le respect.
Là encore, on vous laisse le plaisir de la découverte, mais le casting 5 étoiles est parfaitement mis en valeur, avec une brouette remplie de scènes coups de poing. Cependant, tout n'est pas parfait et certains pans de l'aventure frôlent le nanardesque : on est habitués avec HK et ça ne dure de toute façon jamais bien longtemps, mieux encore, cela donne même parfois lieu à quelques traits d'humour qui font mouche, notamment parce qu'ils contrastent avec le premier degré du scénario. Ça n'est finalement pas pour rien si la mention d'Hideo Kojima a été omniprésente dans la communication du jeu : il ne s'agit pas de mégalomanie ou de ce genre de chose, mais plutôt un signal rappelant constamment qu'il s'agit de SA vision et de SON message, comme dans le cinéma, et Death Stranding a beaucoup de choses à nous dire, sur énormément de sujets.
Les fils qui se touchent
Pour ceux qui ont réussi à éviter la fameuse vidéo de gameplay de 45 minutes du Tokyo Game Show, le but et les mécaniques de Death Stranding restent un immense mystère. Et encore, même si vous l'avez regardé, vous n'avez probablement pas tous les tenants et aboutissants de sa proposition. Alors commençons dans l'ordre avec les bases : oui, dans Death Stranding, vous ferez des livraisons 99% du temps, et même si tout est entrecoupé de cutscenes, le principe reste immuable : il ne s'agit "que" de quêtes Fedex d'un point A à un point B, avec un petit détour par C de temps à autres. Mais vous connaissez l'expression, ça n'est pas le but qui compte, mais le voyage, et DS en est l'illustration parfaite. En fonction du type de livraison, de la cargaison à livrer et de l'équipement à votre disposition, les situations vont changer du tout au tout et la répartition des poids est ici d'une importance primordiale. L'interface, que l'on croit bordélique de prime abord, permet après quelque temps d'adaptation, de dispatcher tout ça de manière optimale.
Pourquoi est-ce si important ? Parce que si votre cargaison est déséquilibrée, vous avez de plus grandes chances de vaciller, voire de chuter et donc d’abîmer le contenu de votre livraison. Avec une Amérique désolée à parcourir à pieds (mais pas que), le terrain est particulièrement accidenté, et plus vous avancerez vers l'ouest, plus les contraintes imposées par les biomes seront compliquées à appréhender. En dehors d'un bon équilibre, il vous faudra surveiller la fatigue de Sam, diminuant forcément en fonction du poids qu'il a sur les épaules, mais aussi en fonction des conditions météo ou des efforts que vous lui faites faire.
Cette jauge d'endurance peut voir son maximum être réduit graduellement si vous tirez trop sur la corde, ce qui vous empêchera carrément de consulter les menus du jeu et vous forcera à rester immobile plusieurs secondes, voire minutes. A l'instar de Metal Gear Solid 5, il va donc falloir se préparer convenablement, sachant que la moindre fourniture disposera elle aussi d'une caisse ou d'un contenant que Porter devra porter même après consommation : tout ça pourra ensuite être recyclé en échange de quelques matériaux servant alors à fabriquer d'autres éléments. A force de reconstituer le réseau, vous gagnerez l'accès à des équipements bien plus performants, rendant les traversées difficiles toujours plus confortables. Ça c'est pour les bases, mais l'environnement hostile du monde de Death Stranding va prendre un malin plaisir à vous secouer de bien d'autres manières.
Nous ne l'avions pas encore évoqué, mais le BB (pour Brise Brouillard) collé au ventre de Sam est un véritable radar vivant : lorsque le temps vire à la pluie temporelle (tout ce qu'elle touche accélère le vieillissement), les échoués sont de sortie. Invisibles à l’œil nu, ces êtres vont tenter de vous attirer dans les abîmes s'ils sentent votre présence. Il va donc falloir garder un œil sur la parabole raccordée à BB et indiquant la position et la proximité d'une menace échouée. DS se transforme ainsi en jeu du chat et de la souris, particulièrement stressant, puisque les effets des averses accéléreront aussi la détérioration de votre cargaison, même s'il est possible de contrer tout ça avec un spray reconstituant débloqué rapidement en cours de partie.
Se faire avaler par un échoué n’entraîne pas la mort, mais appelle plutôt des forces de l'autre monde, qui vont engloutir le terrain de poix et faire ressortir des bâtiments d'un autre âge. Le résultat est visuellement impressionnant et s'il est possible d'affronter en duel ces bestioles, il vaudra mieux éviter de les invoquer lors de vos premières heures de jeu, car elles seront souvent synonymes de marchandises perdues. En plus de ces monstres, des accros à la livraison, les MULEs, déjà aperçus ici et là dans les trailers, n'hésiteront pas à tenter de détacher ce que vous avez dans le dos pour l'ajouter à leur trésor de guerre. Si ces bandits vous scannent, la seule solution est la fuite, ou un combat rapproché qui ne vous serait pas forcément très avantageux, quant au meurtre, n'y pensez même pas... On en dira pas plus.
Maintenant vous prenez tous ces éléments, qui forgent déjà un concept ultra solide, et vous le plongez dans un multijoueur asynchrone dans lequel le moindre élément posé par un joueur déjà entré à votre contact par l'intermédiaire d'un autre objet peut vous servir. Rien de mieux qu'un exemple concret : admettons, nous posons une échelle pour faciliter l'escalade d'une colline, un autre joueur de passage pourra l'utiliser, voire vous récompenser pour ça en lâchant des likes qui constituent le gros du système de progression de Death Stranding. Cette petite interaction, en retour, va vous ouvrir l'accès à ses propres constructions. On ne dévoilera pas ici tout ce qu'il est possible de faire pour les autres, mais impossible de ne pas parler des boites de partage : posées sur la carte, ces dernières contiennent des marchandises laissées par les joueurs, pour vous aider, quand ce ne sont pas des cargaisons de mission que vous pouvez alors décider de livrer pour eux, juste pour quelques likes mais aussi le plaisir de l'entraide.
Ainsi, le concept de reconnexion évoqué de nombreuses fois par Hideo Kojima devient alors limpide et ce concept est poussé très très loin, puisque ce sont les joueurs eux-même qui vont remplir la carte d'objectifs annexes et de points d'intérêt. Les efforts de la communauté de gens avec lesquels vous êtes reconnectés vont vous pousser à reconstruire des routes pavées facilitant drastiquement les voyages d'un bout à l'autre de la carte. Il faut vraiment jouer au jeu pour avoir cette sensation de bâtir quelque chose avec les autres : vous vous sentirez pionnier en foulant du pied les terres accidentées de la zone centrale, mais petit à petit et à force de connexion, vous allez voir le monde se remplir d'indications, de bâtiments aidant grandement aux livraisons.
Vous avez beau être seul au monde, ce dernier vit tout de même, et sans rentrer dans les détails, parce que nous préférons vous laisser le plaisir de la découverte, il s'agit de tout un écosystème que vous allez pouvoir décoder au fil de votre épopée. Quelques problèmes ternissent un peu ce paysage idyllique, comme les averses qui brisent méchamment le rythme et dont les emplacements semblent malheureusement fixes, mais avant de déceler ce genre de ficelle, vous approcherez surement de la centaine d'heures de jeu. Ces sorties de route sont de toute façon bien peu de chose, comparées au plaisir presque inédit que nous avons pris à aider les autres, juste pour le plaisir d'être utile et de faciliter la partie d'autrui : un sentiment que les MMO ne procurent plus depuis bien longtemps et qui est transposé ici avec brio.
BB Brume
On ne va pas vous faire l'affront de vous dire que Death Stranding est un titre sublime, vous avez sans doute aperçu quelques images ou vidéos présentant ses majestueux environnements naturels. De même pour la modélisation et la performance capture de ses principaux protagonistes, c'est tout simplement du caviar : couplé à la mise en scène d'Hideo Kojima, on se croirait bien souvent devant une super production hollywoodienne. Mais DS réussit à aller au-delà et on ne peut que saluer l'intégration des musiques de l'OST : les chansons, très souvent mélancoliques, arrivent toujours à point nommé pour souligner une situation, ou un somptueux panorama. Testé sur PS4 Pro et sur un écran 4K digne de ce nom, la claque n'en a été que plus grande, même si les animations de ce bon vieux Sam nous ont bien souvent remis les pieds sur terre.
Entendons-nous bien, les animations et le moteur physique soutenant le gameplay sont globalement de très bonne facture, toutefois l'inertie du personnage donne parfois lieu à des interactions un peu étranges avec le décor, souvent liées d'ailleurs aux collisions. On sent que le passage à la prochaine génération va faire beaucoup de bien, puisque la console semble tout de même montrer ses limites, surtout lorsque des éléments provenant d'autres mondes viennent enrichir votre carte : pêle-mêle, on notera du clipping, quelques chutes de framerate entre deux portions importantes d'une région et quelques textures bien baveuses. A l'échelle du jeu, il s'agit simplement de broutilles, qu'il convient tout de même de noter : DS est loin d'être parfait d'un point de vue purement technique, il n'en reste pas moins l'un des titres les plus ambitieux de la machine de Sony aux côtés de God of War et Horizon.