Photo : G2
L'esport est un monde qui se situe à la croisée des chemins entre le jeu vidéo et le sport, comme en témoigne l'étymologie du terme. Mais alors que ces deux sphères ont la réputation d'être très masculines, il n'est pas toujours facile pour une joueuse de se faire une place. Que cela soit dans les équipes des grandes structures, dans les LANs ou dans les tournois en ligne, les femmes sont plutôt rares... Il y a pourtant de plus en plus de joueuses de jeu vidéo et la pratique s'est largement démocratisée dernièrement. Mais le volet compétitif reste très inégalitaire, et on ne peut que parler d'anomalie. Il y a bien quelques femmes qui peuvent servir d'exemple comme Kayane (versus fighting) ou Scarlett (Starcraft II). Mais cela fait des années qu'on entend les mêmes noms et la parité a encore du mal à avancer...
League of Legends n'est pour le moment pas particulièrement exemplaire sur ce point-là. LEC, LCS, LPL, LCK, LFL, Div 2... Derrière tous ces acronymes sauvages, se cachent des ligues compétitives professionnelles. Et parmi toutes ces ligues, il n'y a pas une seule joueuse. Riot Games pourrait cependant changer la donne et il se murmure qu'une ligue féminine est actuellement à l'étude. Impossible de vérifier la rumeur pour le moment, mais G2 Esports a décidé de passer le cap en lançant son roster féminin. Une révolution est peut-être en marche... Pour mieux saisir l'importance du phénomène, nous avons eu la chance de nous entretenir avec Colomblbl, la support française de l'équipe. C'était l'occasion d'en savoir plus sur son parcours, qui a commencé en Open Tour. On l'a sentie ravie et elle a bien raison : ce n'est pas tous les jours qu'on peut signer dans une structure comme G2. Mais attention : la scène féminine n'a rien de pipou. Avant la signature, elle et ses coéquipières ont vécu un véritable parcours de la combattante, entre démarchages et tournois paumés à l'autre bout de l'Europe. Après cette interview exclusive, on est donc plus convaincu que jamais : l'esport a un besoin urgent d'une scène féminine digne de ce nom.
Signer chez G2 Esports, une véritable consécration
Colomblbl (Eve Monvoisin) est sur un petit nuage. En plus d'avoir signé pour ce qui est actuellement la plus grosse structure esport d'Europe, elle a validé son Master 2. Difficile de rêver mieux, surtout qu'elle n'avait jusqu'à présent "jamais connu les sommets de la ligue féminine". C'est la première fois qu'elle a un contrat de ce type et qu'elle peut pleinement vivre de sa passion. Avant, la Française est passée par l'Open Tour (Metafun) en équipe mixte où elle formait une botlane avec son copain. Mais ce genre d'expérience n'avait absolument rien à voir et en rejoignant les Samourais, Colomblbl a franchi un cap. Mais passé l'émotion de l'annonce, il y a aussi désormais une "pression constante". Le boss de G2, Ocelote, est connu pour être ambitieux avec tous ses rosters. G2 Hel ne fait pas exception et des trophées sont attendus ! Il faut maintenant assurer et la support a conscience "qu'elle n'a pas le droit à l'erreur". On imagine que la pression est d'autant plus forte quand on est une joueuse, puisqu'il faut encore plus prouver que les autres.
G2 n'est cependant pas la première grosse structure de Colomblbl qui est passée par SK Avarosa. La Française y a apprécié l'encadrement, mais elle n'était pas particulièrement épanouie là-bas. Remplaçante et bloquée sur le banc, à cause de sa nationalité et des règles limitant les imports, elle a préféré rejoindre le collectif Burger Flippers pour avoir du temps de jeu et évoluer : quand on est passionnée, on veut jouer ! Sur le papier, c'était un risque, puisque qui dit collectif sans structure, dit absence de salaire et d'encadrement. Femme ou homme, il n'y a pas de privilège et il fallait trouver soi-même des scrims et organiser seul ses sessions d'entraînement. Mais ce choix s'est avéré payant et on peut aujourd'hui parler de consécration. Ça va la changer des tournois où il faut faire 24h de route pour se rendre sur place, avec une seul journée de compétition qui se termine à 3h du matin...
L'éternel débat : scène féminine vs scène mixte
Sur les réseaux, Colomblbl a reçu énormément de retours positifs, notamment de la part de la communauté française. Mais comme souvent sur Twitter, les débats ont fleuri pour savoir s'il fallait développer une scène exclusivement féminine ou plutôt encourager les équipes mixtes. La Française de son côté a un avis bien tranché sur la question et en tant que joueuse professionnelle, son opinion est plus légitime que les nombreux "analystes Twitter". La mixité est évidemment l'objectif ultime à viser. Mais la scène compétitive n'est pas encore assez mature et le passage par une scène exclusivement féminine semble aujourd'hui obligatoire.
Les équipes féminines permettent d'offrir un "environnement un peu plus sain [...] où il y a moins de sexisme, plus d'entraide". Pendant sa carrière, Colomblbl a plutôt été épargnée par les remarques et les critiques. Mais elle explique aussi cela par le fait qu'elle a joué en équipe en duo avec son copain... ce qui l'a un peu protégée. Mais ce cas de figure est rare et elle a rencontré beaucoup de joueuses qui n'avaient pas eu cette chance. "Beaucoup de filles se sentaient oppressées et invisibilisées par les garçons alors qu'elles avaient le même niveau". Difficile dans ses conditions de progresser et de se faire une place... Pour cette raison, une ligue féminine comme le circuit VCT Game Changers de Valorant serait une très bonne idée. Mais pour le moment, c'est motus et bouche cousue et Colomblbl n'a pas été en mesure de nous confirmer le bien-fondé des rumeurs. Mais après G2, Rogue a également commencé à tendre une main aux joueuses et on se dit que ça commence à faire beaucoup de coïncidences