Il est toujours intéressant d'étudier le game design de différents titres populaires, et c'est particulièrement le cas pour les jeux disposant d'un monde ouvert. Il faut dire que le genre est très populaire depuis Skyrim (même s'il est plus vieux que cela), et il est fascinant de voir comment chaque équipe de développement a abordé la chose différemment. En attendant la sortie d'Elden Ring, nous vous proposons de comparer ce que nous en avons vu sur la bêta avec celui qui est généralement considéré comme une des références dans ce domaine : Zelda Breath of the Wild.
Bien entendu, comme Elden Ring n'est pas encore sorti, nous n'avons qu'une vision restreinte de son contenu, et ce qui suit est en grande partie basé sur le fait que le reste du jeu est similaire à ce que nous avons déjà pu en voir, en termes de fonctionnalités et de design. Il est peu probable qu'un parapente soit débloqué plus tard, mais qui sait ? Précisons au passage que cela n'a pas pour vocation de déterminer lequel des jeux est meilleur que l'autre. L'intérêt est de souligner l'impact de la chose sur le gameplay avant tout. Ensuite, c'est une question de préférences. Les deux jeux ont aussi beaucoup de points communs, après tout, il est difficile de réinventer la roue. Par exemple, le château et l'immense volcan dans Zelda qui peuvent être vus de quasiment n'importe où dans le monde du jeu aident à s'orienter sans avoir à ouvrir la carte. Les châteaux et les immenses arbres dorés d'Elden Ring remplissent le même rôle, en plus d'être jolis et de donner envie de les explorer, bien entendu.
Survol du contenu
Un point sur lequel les deux jeux se retrouvent tout de suite (avant de mieux se séparer) est la carte. Elle ne vous est pas livrée d'office, et il faut la débloquer par segment dans les différentes régions. Du moins, cela a aussi l'air d'être le cas dans Elden Ring. Les fragments de carte sont un peu plus discrets que les tours de Zelda, il reste à voir si certains morceaux seront bien cachés ou non. On peut aussi constater qu'aucun de ces des deux jeux n'échappe complètement au modèle des points d'intérêts sur la carte, dont Ubisoft abuse dans tous ses jeux open world. Les autels ainsi que les points de grâce servent à se téléporter, et c'est à vous de marquer sur la carte (ou de retenir) certaines de vos découvertes.En dehors de cela, ce qui pourrait bien être la plus grosse différence entre les deux jeux est la façon dont l'exploration du monde ouvert est pensée. Dans Zelda BOTW, on débloque rapidement le parapente, ce qui permet de passer au-dessus de sections entières de chaque région pour atterrir aussi près que possible du prochain autel, ou du point d'intérêt du moment. Le message est plutôt clair : vous n'êtes pas censé (ou pas forcé de) parcourir chaque recoin du jeu, et le design des objets reflète parfaitement la chose. Les armes et boucliers qui cassent très rapidement sont très impopulaires auprès de beaucoup de joueurs, mais ils ont leurs mérites. Si on omet la Master Sword, les meilleurs objets sont éphémères, vous n'avez donc pas besoin de tous les trouver pour progresser, il suffit d'en ramasser quelques-uns sur votre trajet pour progresser. Bien entendu, il y a aussi des armures et quelques objets uniques à dénicher, ainsi que quelques autels et secrets très bien cachés, mais ils sont minoritaires. Les grandes tours et les autels lumineux servent de balises pour votre atterrissage. En dehors des points clés de l'histoire et de quelques lieux bien définis, les ennemis sont aussi génériques que l'équipement, et il n'y a que très peu de boss. Ceux rencontrés dans le monde ouvert sont juste des versions plus ou moins puissantes d'une petite poignée de modèles qu'on connaît vite par cœur.
De son côté, Elden Ring a une approche complètement différente, puisqu'il a l'air de marcher dans les pas des jeux précédents de FromSoftware. Le contenu est très dense, même dans le monde ouvert. Il était fascinant de découvrir sur la bêta que chaque colline, chaque recoin, chaque corniche ou presque disposait de butin caché. Ce sont souvent des runes ou des consommables, mais il y a aussi beaucoup d'objets uniques qui vous attendent dans des lieux en apparence anodins. Cela peut être un ensemble d'armure complet, une arme exotique ou un sort. N'oublions pas non plus les nombreux mini-donjons, avec leur boss unique (du moins sur la bêta). Il y en avait plus d'une dizaine sur une toute petite section de la carte, on ne peut que se demander combien il y en aura au total dans le jeu complet. On ne peut s'empêcher de craindre que le monde soit d'une taille relativement réduite, vu la quantité absolument folle de contenu dans chaque section, nous avons hâte de le découvrir. L'ajout de sauts et de double sauts via Torrent, le cheval magique, ajoute une dose de complexité pour atteindre certains points dans Elden Ring, cela change un peu du fait de se laisser tomber sur des poutrelles en contrebas, et mourir lamentablement en glissant. Un autre élément qui illustre cette philosophie est d'ailleurs la présence des murs illusoires à faire disparaître en les attaquant, il semble qu'il y en avait un sur la bêta, mais il était bloqué pour l'occasion. On peut néanmoins bien confirmer leur existence dans un des trailers du jeu. On est donc tenté d'attaquer le moindre mur louche. Mais comme pour tout open world digne de ce nom, rien ne vous empêche de foncer en ligne droite sur les objectifs pour finir l'histoire au plus vite.
Il va d'ailleurs être difficile de faire mieux que Zelda dans ce domaine, puisqu'il est théoriquement possible d'aller affronter le dernier boss immédiatement en sortant du tutoriel, même si bien peu de joueurs en sont capables. De plus, il serait aussi injuste de dire que l'exploration minutieuse est absente de Zelda, des tonnes de trésors se cachent sous les rochers, au sommet des arbres et derrière des murs à faire exploser, comme les fameuses graines d'améliorations de l'inventaire. Mais elles montrent bien que vous n'êtes pas censé tout fouiller, puisqu'il y en a plus de 900 au total en jeu, elles sont littéralement un peu partout, alors qu'il n'en faut que 400 environ pour débloquer toutes les améliorations, et encore, ce n'est clairement pas quelque chose dont vous avez besoin non plus. Il faut dire qu'avec la possibilité d'escalader presque n'importe quoi, cela deviendrait assez lourd d'avoir à tout fouiller.
Les interactions avec le monde
Un autre élément fondamentalement différent entre Elden Ring et Zelda BOTW tient dans la gestion des éléments physiques. Zelda a un gros côté sandbox, qui vous laisse utiliser la gravité, le vent, le feu et des pouvoirs spéciaux pour être incroyablement créatif. Cela permet par exemple de se créer un radeau volant, de se fabriquer un pont en abattant un arbre ou en empilant des caisses, de tuer un groupe d'ennemis en incendiant une prairie ou de se propulser en l'air avec une bascule. Les centaines de mini puzzles éparpillés dans le monde du jeu, et une grande partie des autels sont basés sur toutes ces interactions. Ce n'est pas non plus un Minecraft ou un Valheim qui permettent de creuser n'importe où et de construire n'importe quoi, mais cela va tout de même très loin. Alors que du côté d'Elden Ring, la gestion de la physique a l'air minimaliste, il en va de même pour les interactions avec le monde. En dehors de quelques rares passages scriptés et des habituels petits objets destructibles comme les caisses, il n'y pas vraiment de gestion de la physique. Même si on ne doute pas que les nombreux pièges ne vont pas manquer d'interagir avec nous. Sur la bêta on retiendra surtout la section de l'église qui s'effondre lorsque la Sentinelle de l'arbre vous poursuit, ou encore la statue brisée par les géants, lorsque vous êtes poursuivi.
La météo dans Elden Ring a aussi l'air d'être là pour l'ambiance et la variété. La pluie et le vent n'ont pas vraiment d'effet, par exemple, alors que dans Zelda, leur impact sur le gameplay était important, peut-être même trop dans certains cas. Il peut être frustrant de ne pas pouvoir progresser à cause du mauvais temps, entre la foudre d'un côté, qui vous snipe en boucle parce que vous tenez un objet métallique, la pluie qui vous empêche d'escalader et le vent qui éteint votre torche, il faut admettre que c'est assez poussé, surtout si on y ajoute la gestion de la température. En dehors de quelques zones spécifiques comme les inévitables marais empoisonnés et les nombreuses grottes obscures qui vont demander de sortir la torche pour y voir quelque chose, cela ne devrait pas être au programme dans le titre de FromSoftware, en dehors de quelques segments scriptés, comme le champ de fleurs frappé par la foudre, le buisson qui cache un PNJ, ou la tornade qui dépose une meute de loups autour de vous. Elden Ring préfère se concentrer sur le gameplay des combats, ce qui est son gros point fort. Les embuscades omniprésentes tiennent le joueur en alerte lors de la progression, que ce soit un géant qui saute d'un pont au-dessus, un dragon qui vous fond dessus depuis les cieux, ou des soldats cachés dans les buissons environnants. C'est d'ailleurs un autre point sur lequel Zelda et Elden Ring se retrouvent, approcher discrètement par-derrière, de préférence en utilisant les hautes herbes, aide à assassiner sa cible facilement. On notera au passage la façon radicalement différente dont la réapparition des ennemis est gérée. Dans Elden Ring, mourir ou se reposer va tout faire réapparaître en dehors des ennemis uniques et des boss. Alors que dans Zelda, vous avez une vie unique, cela ne s'applique pas, et tous les ennemis du continent réapparaissent d'un coup lors de la lune rouge, une fois tous les quelques jours, ce qui peut donner des zones complètement vides si vous êtes pris d'une folie meurtrière.
Le fantasme du monde unifié
C'est un point sur lequel il est encore un peu tôt pour s'exprimer. FromSoftware a l'habitude de faire des mondes immenses et interconnectés, avec relativement peu de sections indépendantes. Il est possible que chaque région soit une zone distincte avec un chargement, ou que ce soit le cas pour celle au-dessus, et en-dessous du monde de base. Les petites instances et le gros donjon étaient en tout cas dans le même monde, sans aucune transition et sans chargement. La seule exception dans ce domaine était le mini boss chevalier-limier, qui se déroulait dans une petite prison fantomatique. Alors que pour Zelda, bien que le monde soit sans transitions, ce qui était déjà une belle performance sur Switch, les 120 autels, les donjons du mode histoire et certaines épreuves étaient instanciés. Mais une fois encore, ce n'était pas vraiment surprenant, surtout pour les autels qui étaient lourds en puzzles et en mécanismes mobiles, la pauvre console a déjà du mal à les gérer quand elle n'a pas en plus à charger le reste d'Hyrule.
Le bon quinté
Il y a encore fort à dire, tant ces deux jeux sont vastes, mais nous allons en rester là avec ce dernier point : les chevaux. Ils sont inévitablement au rendez-vous dans la majorité des jeux open world dans laquelle leur présence est cohérente. Cela fait partie de ces éléments qui rendent l'expérience de jeu bien plus agréable, du moins lorsque c'est bien fait. C'est un avis personnel, mais leur intégration dans Zelda, bien qu'assez réaliste, n'était pas du tout amusante ni pratique, et c'était probablement le pire cheval que nous avons croisé dans un open world. D'un côté, le terrain ne se prêtait pas du tout à son utilisation, puisqu'on y est encouragé en permanence à escalader, à planer et à nager. Mais en plus, comme un cheval du monde réel, celui de Link ne se téléporte pas magiquement à vos côtés quand vous le sifflez, il est donc forcément abandonné dans la nature rapidement, et récupéré plus tard à une écurie lorsque vous comptez faire un long trajet sur une route bien plate, ce qui n'arrive pas souvent. Un des DLC a bien ajouté un harnais pour introduire cette fonctionnalité, mais le trouver et parvenir à l'installer est toute une aventure. Et bien entendu, se battre à cheval est une très mauvaise idée qui ne mène généralement qu'à la mort du pauvre canasson. Résultat : il était sous-exploité, et très peu utilisé au final, à moins de faire consciemment des efforts (et des sacrifices).
Nous ignorons si tels les chevaux de Red Dead Redemption 2, Torrent, le cheval spectral d'Elden Ring va avoir droit à une certaine partie de son anatomie qui se contracte lorsque le temps est froid. Mais en dehors de cela, la bêta nous a vraiment donné l'impression que FromSoftware a trouvé la recette parfaite dans ce domaine, du moins pour leur jeu. Il est invoqué et révoqué directement sous vos fesses, ce qui le rend aussi pratique et rapide que possibles lorsqu'on en a besoin. Son double saut, ses suspensions anti-chutes et les raccourcis spéciaux aident aussi à en faire votre instrument favori pour explorer le monde, au lieu d'un boulet laissé derrière. Mais surtout, sa bonne intégration lors des combats est ce qui finit de lui donner son charme. Il est très pratique sur certains ennemis et boss, puisque pour une fois, se battre à dos de cheval n'est pas une véritable torture. Ce n'est néanmoins pas la solution miracle, puisque vous perdez aussi la capacité de bloquer, d'esquiver et d'utiliser des attaques à deux mains, entre autres. De plus, en cas de chute de la selle, vous êtes terriblement vulnérable. Le cheval n'est pas non plus invincible, et il faut utiliser des consommables courants pour le soigner, ou une potion de vie pour le ranimer. C'est donc un excellent outil sur certains boss, mais il reste facultatif. La seule chose un peu dommage est que les développeurs n'ont visiblement pas trouvé de moyen pour l'intégrer au système de multijoueur, que ce soit le coopératif ou le multijoueur.
Il ne reste plus qu'à patienter jusqu'à la sortie d'Elden Ring, pour découvrir si la recette utilisée par FromSoftware sera concluante à grande échelle. Et si le jeu rejoindra Zelda BOTW dans la liste des mondes ouverts les plus réussis, dont d'autres titres vont s'inspirer à leur tour.