C'est vrai qu'on s'est moqué du "s" de Riot Games pendant des années. Après tout, ils n'avaient qu'un seul jeu dans leur catalogue, League of Legends. Pourtant, loin de vouloir se limiter à cette seule licence, le studio californien a en réalité cherché à développer de nouveaux jeux au cours des années passées.
L'un d'entre eux, un jeu de cartes digital imaginé en 2012, aurait même pu voir le jour... si Blizzard n'avait pas soudainement sorti Hearthstone.
Au commencement était Magic
Il faut rendre à César ce qui appartient à César. C'est Magic : The Gathering, dans sa version papier sortie en 1993, qui a sinon donné naissance du moins popularisé le genre des jeux de carte en duel.
Cela dit, bien avant que Magic : The Gathering Arena ne voit le jour, certaines choses demeuraient difficiles voire même carrément impossibles à mettre en place. Et c'est certainement ce qui a inspiré Andrew "Umbrage" Yip, actuel Game Director, et Jeff "Kassadin" Jew, respectivement Game Director et Producteur Exécutif de Legends of Runeterra.
Car, en 2012, avant que Hearthstone ne voit le jour, ils ont eu l'idée d'un jeu de cartes en duel digital s'inspirant de l'univers de League of Legends. Le genre de jeu qui chercherait à s'affranchir des limites du papier, en permettant par exemple à "Warwick de grimper peu à peu jusqu'au sommet du deck, tout en infligeant des dégâts."
Et ils ne se sont pas arrêtés à la planche à dessin, bien au contraire. Les équipes de Riot Games ont commencé à travailler sur un projet intitulé "Bacon" et, "à six mois de la sortie du jeu, Hearthstone a été annoncé."
"Wahou, ce jeu est incroyable."
"J'étais extrêmement nerveux," raconte-t-il. À ce moment là, "ça fait quelques années qu'on bosse sur ça, et je pense qu'il y a un truc, mais que c'est pas encore tout à fait prêt. Alors j'espérais juste que ce jeu n'allait pas nous faire couler."
Kassadin ne peut s'empêcher de le confesser : un instant, il a espéré que Hearthstone soit raté. Lors de son annonce, lors de la PAX East 2013, les deux Rioters se trouvaient sur place, conscients que ce tout nouveau jeu de Blizzard pouvait détruire ce sur quoi ils travaillaient depuis presque deux ans.
"On s'est assis, et au fur et à mesure que je testais le jeu, je me suis dit : wahou, ce jeu est incroyable," explique Kassadin, avant que Umbrage ne relance : "La finition était parfaite, et le jeu bien pensé. Il rappelait vraiment les jeux de plateau papier. Plus important encore, les joueurs ne connaissaient pas les jeux de cartes pouvaient facilement s'y mettre, comprendre les mécaniques et s'amuser très rapidement."
En comparaison, le Projet Bacon était "compliqué à apprendre", parce que conçu pour avoir le même niveau de complexité qu'un jeu de cartes papiers.
"On a très vite réalisé que le passage de Hearthstone à Bacon serait très compliqué pour les joueurs, [que] ce genre de stratégie ne marcherait pas dans cette nouvelle ère de jeux de cartes digitaux."
Et du coup, Bacon est passé à la trappe. Ou plutôt, la version du jeu a été congelée — et les équipes ont recommencé leur travail du début.
De Bacon, à Legends of Runeterra
Loin de se décourager, les Rioters ont produit plusieurs prototypes. L'un d'entre eux aurait permis de jouer un champion de League en affrontant un autre, les deux déchaînant leurs compétences grâces à des cartes mais "ça ressemblait trop à un petit jeu sympa, qui aurait eu un succès limité. Pas un jeu dans lequel on investit du temps. Ce n'était pas notre but."
En fait, le déclic est venu lorsque Riot Games a compris la nécessité d'introduire des mécaniques de deckbuilding dans ce qui s'apprêtait à devenir LoR. "À haut niveau, nous voulions que tous les joueurs de Legends of Runeterra, puissent faire leurs propres expériences, et devenir de véritables scientifiques fous comme Heimedinger."
De prototype en prototype, et conservant cette idée phare, les équipes de Riot Games ont finalement su que leur mouture était la bonne, lorsque d'autres Rioters ont commencé à théorycrafter des decks — dans l'espoir de remporter le tournoi mensuel de ce qui se nommait encore "Projet Bacon".
"Le jeu n'était même pas encore joli. Mais quand on voit des gens y jouer pour le plaisir, c'est là qu'on sait qu'on a créé quelque chose de spécial."