Photo : LoL Esports
Fnatic est en Europe un monument sur la scène League of Legends et la structure doit être classée parmi le patrimoine historique. L'organisation a longtemps fait partie de la crème de la crème, gagnant à 7 reprises le titre de champion d'Europe (entre 2013 et 2018). Les anciens rois d'Europe ont même été à une époque les rois du monde, puisque c'est Fnatic qui a remporté les premiers Worlds en 2011. Le souci, c'est que tous ces titres commencent à dater et que l'armoire à trophées prend doucement mais sûrement la poussière. De monument historique, Fnatic glisse dangereusement à antiquité has-been. Pendant très longtemps, Fnatic était automatiquement placé dans le top 3 européen et il était certain qu'on les retrouverait dans le très haut du classement et pour les Worlds en fin d'année. Mais 2021 pourrait être différent... Au regard d'un spring split insipide, sûrement le pire segment de son histoire, on peut se demander si Fnatic est encore vraiment un grand d'Europe. Les fans les plus fervents plaideront le droit à l'accident, mais le mal pourrait bien être plus profond.
La force individuelle : du talent mais pas plus qu'ailleurs ?
League of Legends a beau être un jeu d'équipe, au bout d'un moment, c'est compliqué d'être une grande équipe sans avoir de grands joueurs. On parle ici de talent pur, mais également de joueurs disposant d'un clutch facteur, capables de retourner une partie et de briller dans toutes les situations possibles. Par le passé, Fnatic a été gâté niveau talent. La liste de ses anciens joueurs impose le respect et rappelle surtout de doux souvenirs : Xpeke, SoaZ, Febiven, YellOwStaR, Caps ou encore l'inévitable Rekkles. Aujourd'hui, l'équipe conserve des joueurs de qualité. Mais au regard de la concurrence, Fnatic se retrouve avec très peu de top joueurs régionaux à leur poste.
- Gabriël "Bwipo" Rau : reste un joueur capable de fulgurances. Mais Bwipo a peut-être perdu son mojo et son style très coinflip manque cruellement de régularité et de consistance. Capable du meilleur comme du pire, il souffre de la comparaison avec d'autres toplaners plus solides. On est obligé de placer au minimum Armut et Odoamne devant lui cette année. Quand on rajoute des joueurs comme Wunder, Broken Blade et Jenax dans l'équation on aurait tendance à placer le Belge dans le même tier intermédiaire.
- Oskar "Selfmade" Boderek : a un peu hérité de la place du carry depuis le départ de Rekkles et Nemesis lors du dernier mercato. Dans ses bons jours, il fait incontestablement parti du top 3 européen avec Inspired et Jankos. Mais sur ce spring split, Elyoya, le jungler Rookie de MAD Lions mérite aussi sa place au soleil... Et de manière logique, c'est le jungler de Fnatic qui doit se faire éjecter du podium.
- Yasin "Nisqy" Dinçer : le francophone n'est pas arrivé au meilleur moment chez Fnatic, puisque l'équipe est en reconstruction. Mais sur ce qu'on a vu, il ne fait clairement pas partie du top 3 européen à son poste. Caps, Larssen et Humanoid semblent bien au-dessus et Nisqy doit encore fait des progrès.
- Elias "Upset" Lipp : ce n'est pas facile de remplacer Rekkles et Upset a souffert de la comparaison pendant tout le segment. Il n'a pas été épargné par les critiques, mais de manière assez paradoxale, c'est sûrement lui le plus proche d'être dans le top 3 européen à son poste. Hans Sama et Rekkles semblent indéboulonnables, mais derrière c'est sûrement Upset qui a fait la meilleure impression parmi les ADC. Il vient juste d'arriver chez Fnatic, mais il a pris ses responsabilités pour 1v9 certaines parties.
- Zdravets "Hylissang" Iliev Galabov : le poste de support est particulier. Il est objectivement souvent moins exigeant mécaniquement mais demande en contrepartie une grosse connaissance de jeu. Ce qui permet généralement aux vieux briscards de faire la différence avec leurs expériences et leur sixième sens. Ce rôle étant très altruiste, il est très compliqué d'établir un top 3 des supports. Hylissang a perdu de sa superbe et a trop souvent livré des prestations neutres, sans pour autant avoir arrêter de trop souvent int avec ses erreurs de positionnement. Pour autant, au regard de son expérience, il pourrait quand même prétendre au top 3, faute de mieux... Aux côtés de Mykix et Kaiser.
La force collective : une crise identitaire
Au-delà des performances individuelles, c'est collectivement que l'équipe a du mal. Ce n'est pas si étonnant que ça, en sachant que l'équipe a dû remplacer ses deux carrys (midlane et ADC) lors du dernier mercato. Quand on rajoute le changement de coaching staff avec l'arrivée de Jakob "YamatoCannon" Mebdi, ça fait beaucoup. Il y a un gros travail à fournir pour repartir de l'avant, notamment au niveau de la midlane. Dans la méta actuelle, le midlaner doit savoir jouer en permanence avec son jungler et peut aussi compter sur l'aide régulière de son support. Fnatic semble cependant peu enclin à jouer autour de Nisqy. Manque de confiance ? Manque de communication ? Problème d'ego ? Difficile d'avoir la réponse et les torts sont partagés. Mais le style de jeu de Selfmade, qui farm beaucoup et joue de manière un peu égoïste, pose question. Nisqy a du potentiel mais pour faire partie des meilleurs joueurs du LEC, il aura besoin de l'aide de son équipe.
De plus, Fnatic a fait sa réputation en jouant de manière agressive et chaotique. Dans ses plus belles heures, l'équipe était supérieure en teamfight et faisait très peur. Tous les joueurs étaient sur la même page et se donnaient corps et âme, pour réussir ensemble, ou tomber ensemble. Il faudrait réussir à reconstruire cette cohésion collective pour prétendre redevenir un grand d'Europe.
L'expérience : une bonne base pour se reconstruire
C'est sûrement un des motifs d'espoir qui pourrait aider Fnatic à se relever : l'expérience. L'équipe compte dans ses rangs des joueurs qui ont déjà remporté des titres et connu les Worlds (à l'exception d'Upset). Bwipo et Hylissang ont même été vice-champions du monde ! L'équipe devrait donc être capable de rebondir, à l'expérience. Les joueurs connaissent l'exigence du haut niveau et ont traversé de nombreux hauts et de nombreux bas dans leur carrière. Ils sont actuellement dans le creux de la vague, mais ils devraient avoir la formule pour éviter de boire la tasse et de se noyer.
Encore une fois, l'équipe est en reconstruction et était arrivée en fin de cycle. On peut donc se montrer un minimum clément et il n'y a pas encore le feu dans la demeure. Mais les joueurs n'ont plus le droit à l'erreur. Fnatic malgré les rumeurs, ne devrait pas changer son roster en cours de saison dans l'urgence et donner ainsi une seconde chance pour inverser la tendance. Mais en cas de nouvel échec, des têtes vont inévitablement tomber. Les joueurs le savent et doivent maintenant agir en conséquence. En premier lieu, Hyllisang et Bwipo, les plus anciens, doivent step up et prendre le leadership de l'équipe. Ce n'est plus possible de se cacher derrière Rekkles ou derrière son ombre, qui prend encore beaucoup de place.
Image et fanbase : des fans toujours fidèles
L'autre point positif pour Fnatic, c'est que pour le moment encore, les fans sont toujours au rendez-vous. Selon Esports Charts, la partie la plus vue de la saison régulière restait l'inévitable Fnatic vs G2 (plus de 580 000 viewers). C'est naturellement moins que la grande finale MAD Lions vs Rogue (830 000 viewers), mais ça reste quand même très honnête pour un match qui n'est même pas en playoffs. Sur les réseaux et les forums, les fans delusional font toujours autant de bruits. Et même si c'est souvent frustrant de discuter avec eux, cela reste une bonne nouvelle pour la structure. Les fans ne sont pas tous partis dans la malle de Rekkles. Malgré la perte de sa tête d'affiche, Fnatic conserve des armes au niveau marketing. En premier plan, Bwipo et sa bonne humeur qui continue à régaler tout le monde dans les interviews et sur les réseaux.
En revanche, derrière, ça pêche un peu. Hyllisang semble être d'un naturel plus timide et Selfmade garde une image très austère. Mais si d'aventure Nisqy et Upset restent dans la durée, la marque aurait sûrement beaucoup d'angles narratifs à travailler, autour de la rédemption et de leur retour en force. Et puis ne l'oublions pas, Nisqy fait un peu partie de la K Corp.
L'heure du bilan : soigner le mal avant qu'il ne s'étende
Au moment de compter les points, Fnatic semble quand même bien malade et il faut faire très attention. Si son état reste stable, il peut vite se dégrader et joueurs comme dirigeants doivent réagir vite. L'expérience ne peut pas tout faire et l'amour des fans est rarement inconditionnel. La priorité, c'est le terrain. Individuellement mais aussi collectivement, Fnatic doit rebondir pour redorer son blason. Dans cette saison un peu galère de transition, une qualification pour les Worlds permettrait de souffler et de sauver les apparences. C'est l'objectif minimum pour que l'on continue à considérer Fnatic comme un grand d'Europe.