En 2010, tu es sacré Champion de France de l’originel Counter-Strike. À Villepinte, en banlieue parisienne, avec aAa. Une époque qui semble tellement loin de ce qu’est devenue la discipline dix ans plus tard…
Pour moi, ce sont les meilleurs souvenirs. C’était pourtant une scène qui n’était pas aussi professionnelle qu’elle ne l’est aujourd’hui : on avait l’impression qu’on était des pros, parce qu’on avait des maillots et des noms d’équipes assez clinquants, mais on était clairement loin de ce qu’il se passe maintenant. À cette époque, quand on construisait une équipe, on n’avait pas forcément d’argent et on montait progressivement avec nos moyens avant de nous professionnaliser. Ce fut une « bonne école de la vie », comme on dit.
On dirait que tu t’exprimes avec une touche de mélancolie. La tournure qu’a empruntée la professionnalisation du secteur ne te sied pas ?
Il n’y a pas de regrets pour ma part. C’est juste un sentiment très différent : tu avais une ambiance moins professionnelle, donc quelque part plus amatrice et plus amicale. Mais ce qui se passe aujourd’hui n’est qu’une évolution logique de la discipline. J’avais envie que cela se produise, que l’esport en arrive à ce qu’il est et qu’il continue de se développer de plus en plus. Et même si certains aspects négatifs peuvent se produire en marge de cette professionnalisation, notamment quand de grandes sommes d’argent entrent en compte, si on fait le bilan des pour et des contre, je pense qu’il y a aujourd’hui beaucoup plus de pour que de contre à cette évolution.
À propos d’aspects négatifs, mais aussi positifs : tu as des exemples à donner ?
La meilleure chose, je pense, avec l’arrivée massive de l’argent, vers 2010 et la croissance des marques et des sponsors, cela a été la démocratisation des salaires. Pour les joueurs de Starcraft II dans un premier temps, si je ne dis pas de bêtises. Finalement, cela a contribué à professionnaliser la discipline, en permettant à des joueurs passionnés de vivre de leur passion. Je trouve que c’est la plus belle chose, avec également l’arrivée de Twitch qui a permis de doper les chiffres de vues des compétitions et des streams de joueurs. Donc ça a consolidé un peu plus l’écosystème. Après, le plus gros point négatif, selon moi, c’est la multiplication des tournois d’importance moyenne. Je trouve qu’il y en a beaucoup trop. Et à l’inverse, si je prends des compétitions de football telles que la Ligue des Champions et la Coupe du Monde, des événements très importants, et plutôt rares, je trouve que ça manque sur Counter-Strike.
Sur CS:GO, tu peux pourtant retrouver leur équivalence dans les Majors.
Pour moi, ce n’est pas assez. Ce serait sûrement plus intéressant d’avoir quatre ou cinq gros tournois historiques démarqués des autres, au lieu de 80 événements dans l’année où, quand tu viens d’en gagner un, tu repars dès la semaine suivante dans un autre, sans avoir eu le temps de savourer ton titre.
Finalement, qu’est-ce que ta période sur Counter-Strike 1.6 t’a apportée pour la suite de ta vie ?
Wouahou ! (Rires.) Bonne question… C’est très large. Je dirais : beaucoup de choses. J’ai un parcours très particulier, en ayant plus ou moins arrêté l’école très tôt pour me consacrer à une carrière dans l’esport.
Tu avais quel âge à ce moment-là ?
Disons 13 ou 14 ans.
Effectivement, c’est très tôt…
Oui. Mais ça m’a permis de rencontrer des gens qui sont aujourd’hui à des postes très intéressants, dans de grosses boîtes, ou de grosses écuries de sport électronique. Je pense que c’est une période où tout le monde se côtoyait beaucoup plus régulièrement, et de manière beaucoup plus proche. Cela a permis de faire un échange immense de compétences. Moi, par exemple, je trainais beaucoup avec les joueurs, les arbitres, et j’étais impliqué le plus possible dans la communauté. J’ai même exercé en tant que journaliste esportif en fin de « carrière ». Donc j’ai pu apprendre beaucoup de choses et ça m’a donné envie de continuer à fond dans l’esport. Je sentais qu’il allait se passer quelque chose, même s’il fallait du temps. La discipline allait se professionnaliser.
Tu as senti que des opportunités pourraient émerger.
Je n’avais pas vocation à rester joueur éternellement. J’ai toujours été la personne qui organisait l’équipe, qui allait chercher des sponsors, qui gérait la communication autour de la structure. Donc j’avais la sensation que si la discipline évoluait, des postes, au niveau de l’encadrement des joueurs, ou de leurs performances, allaient s’ouvrir. Et donc que j’allais avoir une carte à jouer. Ensuite, j’ai toujours eu un idéal dans la vie : construire les choses correctement.
Ton parcours de self-made men te mènera, près d’une décennie passée en sous-marin plus tard, à la tête d’un tout nouveau projet excitant. Chez Vitality. À l’époque il y a NBK, Happy, apEX, RpK & ZywOo. Comment s’est faite cette réunion ?
J’étais en contact avec Jordan Savelli, le manager d’EnVyUs à l’époque. Il y avait Happy et RpK dans cette équipe, et j’avais eu des échos comme quoi maLeK (le coach à ce moment-là, ndlr) allait être remplacé. J’ai donc eu Jordan au téléphone, on a beaucoup échangé sur l’état de la scène actuelle, sur ce qu’il se produisait en interne chez EnVy, et on a très vite accroché autour d’un projet sur lequel on serait complémentaires. Mais ce qui est ressorti de nos discussions, c’est que même si l’on était d’accord sur comment on pouvait travailler ensemble, malheureusement EnVyUs allait arrêter son investissement autour de l’équipe, car ça lui coûtait très cher. Et, à l’époque, les résultats étaient très loin des attentes du propriétaire du club.
Très bien. Mais quel est le lien entre cette histoire et le lancement de ton projet au sein de la ruche ?
Pendant cette période, j’ai beaucoup regardé jouer Happy. Un joueur qui était totalement décrié par la scène française. Et en fait, cela m’a permis de voir que c’était des grosses conneries. Quand tu sais ce qui se passait en interne, résumer le problème d’EnVyUs à l’unique présence d’Happy, c’est… (Il coupe et reprend) C’est parler sans savoir. En sortant de cette expérience, je me suis dit qu’il y avait la possibilité de faire quelque chose sur la scène française. C’était la période où tout le monde disait que son état était pitoyable : tu avais G2 qui venait de mettre Dan (apEX, ndlr) et NBK sur le banc, EnVyUs qui avait pas mal de problèmes. Tout le monde parlait constamment de faire une super-team française, alors que je venais avec des idées différentes. Au fond de moi, j’étais surtout persuadé que la « matière première », à savoir les joueurs, était de très bonne qualité. Il manquait simplement un encadrement capable de leur permettre de performer sur la durée et de façon régulière. Ce que Vitality est parvenu à apporter par la suite avec beaucoup d’intelligence.
C’est-à-dire ?
Quand il y avait un shuffle, tu avais une équipe qui récupérait les cinq joueurs les plus en forme du moment, et une autre qui récupérait les seconds choix. Mais quand je suis arrivé, je n’étais pas du tout dans cette optique. De par mes connaissances dans le monde du sport, je voulais construire une équipe équilibrée. Pas un roster de All-Star. Je me disais qu’on ne pouvait pas laisser la situation se poursuivre, d’autant plus que le nouveau futur meilleur joueur du monde pointait le bout de son nez.
Tu parles de ZywOo ?
On avait Mathieu qui se trouvait chez aAa et qui était déjà observé par beaucoup d’équipes. Tout le monde savait qu’il allait devenir le meilleur du monde. Et je me suis dit que si on n’en faisait pas quelque chose, il allait partir dans une équipe internationale, car aucune équipe française n’allait avoir les moyens de débourser ce qu’il faut pour le recruter. Et surtout : il ne fallait pas le recruter seul, mais recruter du monde pour créer un projet autour du petit bonhomme qu’il était : un futur modèle, pour les jeunes, qu’on ne pouvait se permettre de laisser partir à l’étranger. Heureusement, Vitality était également dans cette démarche de ne pas produire un All-Star, mais de choisir les bons éléments pour s’articuler autour de Mathieu.
Dit comme ça, on commence à comprendre…
J’ai convenu d’un rendez-vous sur Paris avec Happy. Je lui ai dit : « écoute, je connais la situation dans laquelle tu te trouves chez EnVyUs, celle de RpK, je sais que ça va exploser. Moi je suis prêt à monter un projet, aligner un cinq, et prendre en charge la fonction de coach. » On s’est vite mis d’accord sur le cinq, sans NBK et apEX, parce qu’on s’est dit qu’avec ce qu’allait demander Ocelote (Carlos Rodriguez, le CEO de G2 Esports, ndlr), cela allait être compliqué. Mais mine de rien, comme je suis tenace, je me suis dit : va parler avec NBK, il a une très bonne réputation sur la scène, et c’est surtout quelqu’un de très intelligent. On a donc commencé à parler du projet, et malgré une volonté de sa part de partir à l’international dans un premier temps, on a commencé à tabler et se mettre d’accord sur le cinq. Son arrivée dans le projet a accéléré les choses, grâce à sa crédibilité auprès des joueurs. Ensuite, on a immédiatement pensé à la possibilité Vitality en considérant que cela devait être le choix n°1.
J’imagine que NBK a facilité la venue de son ex-collègue apEX, pour former le roster qui sera finalement dévoilé ?
L’histoire de Vitality est très belle aujourd’hui, et je vais te dire pourquoi. Il faut savoir qu’au tout dernier moment avant d’officialiser l’équipe, apEX ne faisait plus partie du projet : à l’issue de la période de test qu’on avait mis en place, un joueur m’a soumis l’idée de finalement le remplacer. Je t’avoue que j’étais un peu sceptique, car quand tu créer quelque chose, ce n’est pas très normal de remplacer un joueur au dernier moment. Mais finalement, il s’est avéré que le joueur sur lequel on comptait pour le remplacer a refusé la proposition. Ce qui a permis à Dan d’être dans l’équipe, mais surtout de devenir le leader et capitaine de l’actuel numéro un mondial. C’est merveilleux, et ça montre l’ironie du sort. De plus, peut-être que les gens ne s’en rendent pas vraiment compte depuis l’extérieur, mais il a toujours été le « moteur » de cette équipe, que ce soit au niveau du jeu ou de la vie de groupe.
À l’époque, Vitality est très loin de la fameuse première position mondiale. Vous devez passer par tout un tas de qualifiers pour exister, et les résultats ne viennent pas forcément. Quasiment un mois après le début de cette aventure, tu t’en vas. Pour quelles raisons ?
Les résultats n’arrivent pas. Et je sens très vite qu’ils ne pourront pas arriver avec cette équipe, parce qu’on s’est trompé sur le choix de deux joueurs. Je me suis trompé personnellement sur le choix de l’un d’eux, et j’avais sous-estimé le fait qu’un autre serait très friable mentalement, alors qu’il me paraissait très solide, sûr de lui et de ce qu’il voulait mettre en place. Alors que ce n’était pas le cas. Donc j’ai senti très vite que peu importe ce que je disais, peu importe ce que je faisais, cela n’aurait aucun impact.
Comment ça ?
Il y a des erreurs qui ont aussi été commises par la structure à certains niveaux. Je ne peux pas en parler précisément, car je n’ai pas envie de le faire, et je pense que ce ne serait pas juste de faire des reproches à une organisation qui récupérait des joueurs dans un environnement qu’elle ne connaissait pas. Et surtout, je ne peux pas faire de reproches à des personnes qui ont appris à une vitesse phénoménale par la suite. De mon côté, je pense qu’il a manqué d’une communication fluide avec le pôle dirigeant, mais sur ce point, cela n’a pas toujours dépendu de moi non plus.
La situation était si catastrophique que ça ?
Quand je suis parti, la discussion que j’ai eue avec Fabien se résumait à : « tu ne vas pas brûler pour rien, ton départ sera utile pour l’équipe. » Je n’avais pas les clefs, et les erreurs commises au lancement du projet étaient beaucoup trop importantes et impactantes sur l’état de l’équipe. Donc je savais qu’il y avait besoin d’un électrochoc. L’ESL France venait de fermer à ce moment-là, rendant Zuper (ex-Team Manager, ndlr) et XTQZZZ (le coach actuel de Vitality, ndlr) disponibles. Quand tu dis que XTQZZZ est disponible, si tu compares ça au football, c’est comme dire que Pep Guardiola est disponible : tout le monde va se jeter sur lui. Donc je savais qu’il allait prendre ma place, et contrairement à ce qui a été raconté, j’ai fait le maximum pour que Zuper rentre dans cette équipe et soit pris en tant que manager. Je savais que ça allait me coûter ma place, mais je savais que son arrivée et celle de XTQZZZ allaient servir à l’équipe.
Dans cette histoire, tu as donc joué le rôle du sacrifié sur l’autel de la réussite ?
C’est difficile à dire… Ce qui est sûr, c’est qu’en prenant le parti de me mettre en « retrait » pour permettre principalement à Happy de se mettre en avant sur certains points, j’ai énormément perdu en crédibilité auprès des joueurs. Au lieu de m’effacer par moment pour qu’il puisse montrer aux autres joueurs ce qu’il pouvait apporter au niveau du jeu, j’aurais dû le challenger devant eux pour dynamiser le collectif en m’y intégrant directement. Après, j’ai aussi manqué de temps, puisque j’étais seul et sans analyste pour me décharger d’une grosse part de travail. Après mon départ, des initiatives ont été prises pour remettre sur le droit chemin cette équipe avec un staff conséquent.
Quelles genres d'initiatives ?
Le staff que j’aurais voulu mettre en place, je n’ai jamais pu le placer, car à mon arrivée on a donné le pouvoir aux joueurs, en leur autorisant de faire ce qu’ils voulaient et de prendre le manager qu’ils voulaient. Et ce n’était pas la chose à faire. Heureusement, Vitality a repris la main après et de façon très intelligente. Il suffit de voir ce qui s’est passé : Happy a été remplacé, Zuper a été remplacé, et NBK a été remplacé. À la suite du remplacement de NBK, XTQZZZ a expliqué l’état des relations qu’il avait avec lui. Et que c’était un remplacement essentiel pour que l’équipe puisse performer. Je n’en suis pas sûr, parce que je n’étais plus dans l’équipe, mais je pense que ça en dit long sur comment a été construite cette équipe, et sur les erreurs commises à son lancement. Je prends la charge, pour ma part, d’avoir peut-être surestimé la potentielle intégration de Happy dans le projet. Après, le reste… (Il coupe et reprend) J’aurais aimé avoir les mains un peu plus libres, on va dire.
Suite à cet épilogue, tu vas te mettre en retrait de la scène, et nous n’allons plus entendre parler de toi en tant que responsable d’équipe. On dirait que ça t’a profondément marqué. Est-ce le cas ?
Il y a peut-être une part de dégoût. Mais je tiens à dire que je n’ai aucune rancœur envers Vitality, ou envers les joueurs. Je suis heureux quand je vois NBK performer avec OG, et je suis heureux quand je vois que Vitality gagne.
Pourquoi ne pas avoir retenté un nouveau projet, en tirant les leçons du passé ?
J’ai eu des contacts avec certains clubs. Mais j’ai vite compris que j’allais me confronter à ce que Vitality a réussi à franchir. Quand ils ont recruté Matthieu Péché (grande figure olympique du Canoë-kayak, aujourd’hui manager de l’équipe CS:GO de Vitality, ndlr), c’était pour réaliser une évolution au niveau de la mentalité, avec le discours et les méthodes fortes de quelqu’un qui venait du milieu du sport. J’ai senti que je ne pourrais pas reproduire ça dans une autre équipe française. Que même s’il y avait la possibilité de le faire, les organisations ne seraient pas disposées à mettre autant d’argent que nécessaire pour le faire. Et le problème, c’est qu’il n’y a aujourd’hui aucune autre équipe en France qui dispose du budget de Vitality.
Il y a quelque temps, Flex0r — qui a fait émerger pas mal de pépites — a pas mal tapé sur la scène CS:GO et le manque de professionnalisation des joueurs par le bas. Es-tu d’accord avec son constat ?
Sur le fond oui, mais moins sur la forme. Effectivement, il n’y a pas assez de choses qui sont faites par rapport à la formation. Il faut réfléchir sur le long terme et espérer qu’un développement soit réalisé. Mais c’est compliqué. Il y a beaucoup d’éléments de réflexion à mettre en place autour de la question. Quand tu formes tes joueurs, il te faut des acheteurs et un écosystème complètement développé. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas de l’esport, donc tu ne peux pas arriver et dire : faites de la formation ! Lancez des programmes ! Ça arrive à peine en ce moment : NaVi a lancé quelque chose dans ce sens l’année dernière, Astralis il y a un mois. C’est un début, et il ne faut pas chercher à vouloir accélérer trop vite les choses. Ensuite, il y a la question des langues qui doit se poser : si tu veux faire de la formation, tu dois te concentrer sur le joueur que tu vas former, mais aussi sur l’homme que le joueur va devenir grâce au travail que tu effectues à ses côtés. Malheureusement, en France, il faut reconnaître qu’on a quelques problèmes avec l’Anglais…
Les clubs que tu cites là lancent des projets académiques pour se renouveler dans un premier temps, plutôt qu’en matière première d’un système de formation-revente, non ?
Exactement. C’est pour ça que j’avais eu cette idée, malheureusement refusée au lancement du projet Vitality, de mettre en place un système concurrentiel au sein de l’équipe. L’idée du sixième joueur apporte cet aspect. Mais j’aime bien me dire que je peux avoir une équipe titulaire et une académique, et qu’à travers le prisme de l’échange culturel entre les deux, l’équipe professionnelle peut participer à la formation de l’équipe académique. C’est un système auquel je crois fortement.
Reste toujours le mythe, pour certains, des jeunes qui n’ont pas ce qu’il faut pour arriver au plus haut niveau…
Je suis sûr qu’aujourd’hui je peux te récupérer un joueur qui n’est pas formé professionnellement, et en le faisant baigner dans un univers pro, au contact de professeurs comme flex0r, et de top joueurs, tu peux arriver à lui faire franchir le cap très rapidement. Les discours qui ont été sortis jusqu’ici, par des joueurs ou des dirigeants qui affirment qu’on ne peut pas recruter un jeune joueur parce qu’il y a trop à lui apprendre pour qu’il puisse évoluer à niveau professionnel, dans ce cas-là il faut regarder ce qu’il se fait dans le sport. Là où des jeunes sont recrutés en centre de formation à 16 ans, signés dans un club professionnel à 17 ans, et jouent en pro pour ce club sur les terrains à 18 ou 19 ans. Surtout qu’on se situe dans une génération de fast learners, où les jeunes apprennent extrêmement vite, avec tout un tas d’outils élaborés autour d’eux.
Dans ton dernier livre, Les plus grands managers du sport se confient, que tu as coécrit avec plusieurs collaborateurs, on retrouve l’intervention de plusieurs acteurs de l’esport. Leur inclusion a-t-elle fait réagir tes collègues ?
Les entretiens sont très intéressants. Et je sais que les gens qui critiquent l’esport en tant que sport auront du mal à le faire après les avoir lus. Pas par prétention par rapport à ce qu’on a fait, mais parce que ces gens nous ont donné de leur temps, ils ont une très bonne qualité dans leur discours et cela montre que quelqu’un qui évolue dans l’esport peut être très réfléchi sur le développement d’un business, ou la gestion d’un club.
Dans ce même ouvrage, on retrouve un agent d’esportif. La gestion des joueurs au-delà du staff des équipes, via un agent donc, est un phénomène plutôt récent dans l’esport, alors que dans le football ce type d’acteur est très répandu. Que penses-tu de ça ?
Ça a beaucoup fait parler dans le sport traditionnel, car des individus ont mal fait certaines choses. Notamment dans le football. Il ne faut, par exemple, pas se demander pourquoi Paul Pogba a quelques soucis pour s’imposer de manière régulière ; je pense qu’il ne faut pas chercher plus loin que son agent. Pour revenir aux agents dans l’esport : j’étais très réfractaire quant à leur arrivée. Je pensais que c’était un rôle qui allait davantage se destiner à l’entourage du joueur. Bon… Parfois, des gens de l’entourage peuvent aussi poser problème. Quoi qu’il en soit, tu as des gens très intelligents qui peuvent gérer leur carrière tout seul, comme ça peut être le cas dans le sport traditionnel. Mais quand tu parles de gros montants, de droits d’image, d’un écosystème en pleine mutation, tu ne peux pas demander à un jeune de 18 ans de gérer tout ça. Il faut des personnes bienfaisantes pour le faire.
On parle de plus en plus d’une certaine dissension entre l’esport et l’esportainment. Quel est ton avis là-dessus ?
Je n’ai aucune animosité envers les streamers, je pense que ce sont des acteurs qui permettent de populariser une discipline. Ils vont drainer une audience qui pourra par la suite s’intéresser davantage à l’aspect compétitif d’un jeu. C’est un peu comme la boxe : des fois, tu as des matchs de gala, puis après tu as de vrais combats de boxe. Les deux sont complémentaires.
Pourrait-on assister à un retour de ta part à la tête d’une équipe à l’avenir ?
Pour être totalement franc : ça devait se produire en 2020. Je suis quelqu’un de très ambitieux, et quelques semaines après ce qu’il s’était passé avec Vitality, je suis parti à l’étranger. J’ai rencontré des investisseurs, j’ai parlé à plusieurs personnes qui voulaient rentrer dans l’esport. J’ai trouvé un investisseur très sérieux qui vient du monde du sport. Malheureusement, la période actuelle est compliquée pour lui, car il a déjà d’autres projets à côté qui ont pris cher avec la Covid-19. Donc il est possible que ce projet survienne, mais je dois patienter : ce qui n’est pas mon point fort… Après, je ne veux pas me presser non plus, je veux avoir des garanties sur la manière dont je vais pouvoir travailler. Mais oui, j’ai plusieurs projets en tête.
En qualité de coach, de manager, ou de directeur technique ?
Ça dépend. Je suis un peu comme Leonardo. (Rires.) Si c’est avec l’investisseur dont je parle, ce serait pour un poste de directeur esportif. Avec plusieurs équipes, plusieurs joueurs et pas seulement un projet sur Counter-Strike. Mais je ne me ferme aucune porte, je discute avec pas mal de gens.
Et sinon, quelle serait la raison la plus évidente, pour nos lecteurs, d’aller se procurer ton dernier bouquin ?
Je dirais que ça permettrait aux gens qui ont des débats assez récurrents sur le fait que l’esport soit un sport ou non, d’avoir un argument en plus en main. Et surtout, si ces gens sont de vrais passionnés par la discipline sportive, par l’encadrement sportif, par les émotions que peut procurer le sport en général, je pense qu’il n’y a pas de meilleur livre à ce sujet. On a fait le pari de mêler tous les sports entre eux, tout en laissant une place à l’esport, et on est très fier d’avoir pu exposer l’excellence de l’esport français.