L'équipe derrière Dreamfall, Dreamfall Chapters, The Longest Journey, ou encore The Secret World nous revient avec un jeu d'enquête en vue subjective se déroulant dans la Norvège rurale des années 20. Red Thread Games nous propose ainsi avec Draugen de partir à la recherche de notre sœur disparue tout en enquêtant sur les évènements survenus dans un petit village isolé coincé entre un fjord et des montagnes. Le titre du studio norvégien, cofinancé par Creative Europe MEDIA, l'institut du film norvégien et Viken Filmsenter, n'est pour l'instant disponible que sur PC, mais il est également attendu pour cette année sur PS4 et Xbox One.
- Genre : enquête narrative
- Date de sortie : 29 mai 2019 sur PC
- Développeur : Red Thread Games
- Éditeur : Red Thread Games
- Plateforme : PC puis PS4 et Xbox One, plus tard en 2019
- Prix : 19,99 €
- Testé sur : PC
Alice au pays des Vikings
Elizabeth, plus communément nommée Betty, a envoyé il y a quelques mois de cela un télégraphe d'Aalesund à son frère Edward Charles Harden pour l'informer qu'elle allait se rendre de l'autre côté du fjord à Graavik. Œuvrant comme reporter à New-York, celle-ci souhaite certainement faire un reportage sur ce petit village de la campagne norvégienne isolé du reste du monde depuis la fermeture de la mine de fer au début du siècle. Sans nouvelle depuis de sa sœur, Edward est entré en contact avec Anna Fretland, une Écossaise ayant grandi à Aalesund avant d'épouser Johan Fretland et de s'installer à Graavik. Celle-ci certifiant que Betty n'a jamais mis les pieds dans le petit village, Edward décide de s'y rendre en personne pour la retrouver.
Accompagné d'Alice, 17 ans, Edward quitte donc son bureau de Hanover (New Hampshire), où il se consacre habituellement corps et âme à son travail, pour rallier la Scandinavie depuis Boston (Massachussets). À bord du SS Bergensfjord, il se rend ainsi à Aalesund à l'ouest de la Norvège où il parvient un mois plus tard. Il faut dire que l'histoire se déroule en 1923. Plus aucun service de ferry n'étant proposé depuis la fermeture de la mine, c'est en barque qu'ils traversent le fjord séparant Aalesund de Graavik.
Arrivés à terre, ils trouvent une ville désertée de ses habitants, dominée par la ferme des Fretland où ils sont censés être attendus. Peu habitué à l'effort, Edward fatigue vite en grimpant la petite route qui y mène, surtout après avoir ramé et avec une valise à porter. Alice, elle, ne l'attend pas et part devant. Heureusement, de nombreuses pauses sont possibles pour souffler et c'est en tout cas l'occasion de dérouler le générique.
Une fois arrivé à la ferme, il constate qu'elle aussi est vide. Ils entrent malgré tout à l'intérieur et commencent à l'inspecter. On découvre alors petit à petit l'histoire de cette famille où les deux jumeaux Fretland, Johan et Fredrik, ont épousé deux jumelles, Anna et Margret en 1899, deux ans après avoir lancé leur compagnie minière. Celle-ci n'aura toutefois pas duré puisqu'elle aura cessé de fonctionner dès 1902 suite à un accident ayant coûté la vie à trois personnes. Depuis, il semblerait que des rancœurs se soit installées. Inquiets de la disparition des habitants de Graavik, Edward et Alice vont chercher à les retrouver, mais ce qui importe le plus à Edward demeure de savoir où se trouve Betty, une obsession qui a le don d'agacer Lissie qui préfère s'intéresser à l'histoire de famille des Fretland qui plane au-dessus de Graavik.
6 jours à Graavik
Dès le menu du jeu, comme au cours du générique ou tout au long de l'aventure, on est subjugué par la musique dans laquelle baigne le titre et qui signée Simon Poole (Dreamfall: The Longest Journey, Dreamfall Chapters, The Secret World, Age of Conan) qui a réalisé ici un travail remarquable. Celle-ci participe grandement à l'ambiance que dégage Draugen dans ce village où le temps semble s'être arrêté. Tous les mystères qui entourent cette communauté rurale déposent comme une chape de plomb favorisant l'immobilisme.
Ce sont au total 6 jours que passeront Edward et Lissie à Graavik, à chercher des indices pour retrouver Betty et comprendre ce qui a pu se passer ici. 6 jours ponctués comme des chapitres avec un titre sur fond noir et une image crépitante rappelant les vieilles pellicules pleines d'imperfections avec l'image qui saute un peu. Cette volonté de marquer le titre d'une empreinte vieillotte collant avec l'époque où se déroule l'histoire, se retrouve d'ailleurs à plusieurs niveaux. Il est même possible d'appliquer un filtre noir permettant de suivre le jeu en noir et blanc.
Ce positionnement temporel dans les années 20 est bien entendu également présent dans les éléments du décor ou les vêtements des personnages. La présence du télégraphe par exemple marque bien l'époque, tout comme le mobilier, ou la présence de pots de chambre sous les lits. Les graphismes, sans être à la pointe de la technologie, ont un charme indéniable dans lequel on se laisse facilement emporter, surtout, encore une fois, en baignant dans la musique de Simon Poole. Des moments purement contemplatifs où l'on peut s'asseoir un instant pour dessiner dans notre carnet en admirant les paysages (un aspect qui n'a pas été sans nous rappeler Life is Strange 2) ont d'ailleurs été prévus, ce qui confirme bien la volonté du titre de nous charmer.
Des effets de flou ont également été appliqués, ainsi qu'une météo variable modifiant les rendus de l'environnement, au même titre que le font les différents moments de la journée. Pour ce qui est des animations, réalisées en motion capture, elles sont aussi plutôt bien réussies, même si l'on a pu observer quelques petits problèmes de collisions ainsi qu'un léger clipping donnant la sensation de voir léviter certains éléments avant qu'ils ne se placent correctement. Mais ceci reste vraiment anecdotique. Avant de nous intéresser au gameplay, terminons ce paragraphe en précisant que les voix proposées sont uniquement en anglais, avec un doublage de qualité, mais que des sous-titres français sont disponibles.
Vous n'êtes jamais seul
Sans doute par héritage de The Longest Journey, Draugen peut être perçu comme un point and click. Les éléments du décor avec lesquels nous pouvons interagir nous sont en effet indiqués par un petit cercle blanc sur lequel il nous suffit de cliquer pour, suivant les cas, ouvrir une porte, se saisir d'un objet, s'asseoir, grimper, regarder une photo ou un dessin, ou encore lire un document. De nombreuses informations seront effectivement obtenues par la lecture des écrits que l'on trouve disséminés un peu partout. Norvège oblige, ceux-ci sont toutefois dans une langue étrangère à Edward, mais celui-ci ayant une capacité hors du commun à assimiler rapidement les choses, il a pu apprendre les rudiments de la langue au cours de son voyage en bateau, ce qui lui permet de traduire presque tout.
Cela reste cependant un jeu en vue subjective où l'on peut se déplacer à notre guise dans l'environnement qui nous entoure. À certains moments, des choix nous sont également proposés avec un affichage directement sur l'écran accompagnés d'un commentaire sur chacun. Un temps limité nous est en général alloué pour prendre notre décision, mais que nous la prenions ou pas, et quelle que soit celle que l'on prenne, nous n'avons pas eu l'impression que cela avait une réelle importance sur la suite des événements. Le fil de l'histoire est tracé et nous ne pouvons pas nous en écarter. Tout juste avons nous la possibilité d'opter pour une manière ou une autre de présenter les choses ou encore de l'ordre dans lequel nous les faisons. Il est certes possible d'explorer librement les lieux mais les interactions ne se débloqueront qu'une fois accomplis les actes prévus et par lesquels il faudra donc immanquablement passer. La technique consistant à utiliser Alice pour nous indiquer où nous diriger en l'appelant, où quoi faire en écoutant ses suggestions, est un moyen efficace, que l'on se doit de saluer, d'éviter d'afficher des objectifs et de s'immerger ainsi davantage dans l'aventure.
Cette impression d'assister impuissant au déroulement de l'histoire, tel un spectateur, est renforcée par l'absence totale de challenge. Dans un jeu basé sur une enquête, on aurait pu s'attendre à des puzzles ou des énigmes à résoudre, mais Edward s'en charge pour nous, du moment que l'on a cliqué sur le bon élément. Nous nous trouvons donc d'avantage devant du storytelling qu'autre chose, les conclusions étant tirées directement par les protagonistes. La seule exception se situe à la fin où l'on nous demande nos propres déductions, sans nous confirmer ou nous infirmer celles-ci, ce qui laisse donc certaines questions en suspens et ne plaira donc pas à tout le monde mais qui a le mérite de nous donner enfin la parole. Et cela peut aussi se défendre dans le sens où ça n'a finalement pas grande importance, ce qui est demeure et l'on ne peut rien y changer.
L'histoire qui nous est contée, écrite par Ragnar Tørnquist (The Longest Journey, Dreamfall: The Longest Journey, Dreamfall Chapters, The Secret World), fondateur de Red Thread Games, n'en demeure pas moins fort intéressante et aura su nous entraîner avec plaisir aux côtés d'Edward et Alice. Alors, certes, on aurait aimé que les personnages soient peut être un peu plus creusés et que les tourments d'Edward à l'origine de sa fragilité psychologique soient plus développés, mais la relation mise en place entre Edward et Alice a su nous séduire, tout comme la personnalité forte et enjouée de l'énigmatique Alice qui commente tout et ne cesse de sauter partout. Tant et si bien que l'on arrive trop rapidement au bout des 4 heures qu'il nous aura fallu, en prenant notre temps, pour voir défiler le générique. Mais celui-ci s'achevant sur un "Edward and Alice will return", nous devrions avoir l'occasion de les revoir dans un futur plus ou moins proche.
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