Impérial à Berlin sur l'intégralité du Spring Split, G2 Esports vient d’atterrir à Hô-Chi-Minh-Ville, au Vietnam, pour faire son entrée dans le MSI 2019. Le champion d'Europe en titre arrive armé pour l'épreuve du Group Stage. À quelques jours de l'entrée en matière face à SKT T1, G2 peut compter sur un effectif en pleine bourre et sur l'expérience de chacun dans une grande compétition internationale. A une exception près...
Hampus « promisq » Abrahamsson dispute son premier MSI. C'est même la première fois qu'il quitte les contrées européennes pour une compétition. À 25 ans, le support suédois a intégré la line-up G2 à la toute fin du Spring Split pour suppléer Mikyx, touché au poignet droit depuis plusieurs semaines. Titulaire en semaine 9 à la place du jeune talent slovène, promisq n'a pas marqué les esprits en assurant un remplacement discutable. Bilan de la semaine : deux défaites pour le champion d'Europe. Une première cette saison.
L'annonce de promisq du côté de G2 Esport a surpris son monde, à juste titre. Le vétéran européen est d'abord connu de longue date du public pour son inconstance comme pour ses prises de risques insensées. Plus que ses prestations douteuses, c'est surtout son palmarès qui interpelle depuis ses débuts en 2015. Celui qui s'est longtemps dénommé "sprattel" a associé son nom à bon nombre de lanternes rouges, d'équipes en bois ou sur le déclin. Encore aujourd'hui, « la spratt » détient le titre officieux du pire joueur professionnel d'Europe.
Pour Hampus, il n'y aura peut-être pas d'après une fois le MSI terminé. Alors, imposture ou joueur providentiel ?
Éléments de réponse
Pour Carlos « Ocelote » Rodriguez, le choix de promisq tombe sous le sens. Le fondateur et président de G2 Esports n'était pas prêt à piocher dans son académie pour trouver un remplaçant à Mikyx pendant le MSI. Officiellement, selon le Reddit de la structure, le staff a préféré laisser Skain, le support des G2 Heretics à la maison, auprès de son équipe, pour ne pas perturber le quotidien de l'académie. En réalité, les performances de l'équipe de LVP n'ont pas été à la hauteur au dernier split. Les Heretics sont sortis par la petite porte dès les quarts de finale des playoffs du Spring Split.
L'attention du pittoresque dirigeant des G2 se porte alors sur le joueur suédois, libre de tout contrat. Il l'affirme envers et contre tout, en interview comme sur les réseaux sociaux, promisq n'est pas ce support en perdition que l'on décrit un peu partout. Il se situerait même d'ailleurs à un très bon niveau. Habitué des effets d'annonces, Ocelote ne recule pas devant l'effet « Pierre et le Loup ». C'est surtout un air de déjà vu, quatre ans plus tôt, qu'il ressuscite.
Mai 2015. Elements sort de son premier split dans l'élite européenne. L'équipe termine aux portes de la relégation et souhaite modifier sa line-up en profondeur avant la reprise. La structure prend le parti de tout reconstruire autour de son midlaner, Froggen. La line-up est annoncée. Elle est uniquement composée de joueurs d'expérience comme Tabzz ou dexter (ex Lemondogs). La surprise se situe au poste de support : promisq est un illustre inconnu, repéré dans les hautes sphères de la soloQ. Quelques jours après son arrivée inattendue en LCS, le jeune support se confie au média suédois Aftonbladet.
« C'est une opportunité unique. Ils m'ont contacté un mercredi, on a joué ensemble, je suis parti pour Berlin le lundi suivant ».
Elements vise les trois premières places pour le Summer Split 2015 et rêve des Worlds à la fin de l'année. Lorsqu'on lui demande s'il compte convaincre les incrédules, promisq assure que non, en toute franchise.
« Pour être honnête, je ne pense pas devoir prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. Je me fiche de ce que les autres pensent. Pour moi, c’est ce que pense l’équipe et la façon dont je livre mes prestations qui compte ». Ses objectifs sont peu ambitieux. Confiant dans ses capacités, le support connu pour sa Janna n'a qu'une attente pour ses débuts : « Je veux juste sentir que je peux suivre le niveau et réussir en LCS. Je ne pense pas que cela va poser problème car je ne pense pas avoir de difficultés mécaniques. C’est plus sur la partie stratégique où j’ai beaucoup à apprendre. »
L'équipe déchante en l'espace de quelques semaines. Elements termine septième du split. Encore septième au split suivant. Puis huitième au Spring 2016. Abonné à la défaite avant même de s'être fait un nom, promisq décide de suivre son coach, Nyph, et rejoint les rangs de Schalke 04, nouveau promu en LCS. Avec le club allemand, Hampus connaît la relégation. L'équipe est renvoyée en Challenger Series, défaite par Misfits au terme d'un ultime baroud d'honneur. Ses mots lors de ses débuts ne sont pas tombés dans l'oubli. Il se tiendra toujours à ses principes.
« Je suis mordu de compétition. Si je m’implique dans quelque chose, je veux être le meilleur et aller aussi loin que je peux. C’est comme ça depuis toujours, même lorsque j’ai pratiqué d’autres sports. Les LCS étaient un rêve, mais on ne peut pas se permettre de se reposer sur un rêve pour devenir professionnel. Pourtant c’est toujours dans un coin de votre tête, alors si vous êtes capable de gravir les échelons et apprendre le jeu, pourquoi ne pas le tenter ? ».
Risée du stade
promisq rejoint le Paris Saint-Germain fin 2016. Avec cette grande marque du sport traditionnel, le support entreprend la montée en LCS depuis les Challenger Series. Les attentes qui pèsent sur lui et l'équipe sont énormes, le PSG est un sacré client. Rien à voir avec son passage chez Schalke 04. Dès le mois de mars 2017, il revient au micro de Riot Games sur le début d'une aventure qui tournera bientôt au désastre.
« C'est vraiment un début difficile. [...] On a parfois des différends après les matchs. La communication est un peu spéciale car nous avons des Coréens qui ne parlent pas beaucoup anglais ». Les conditions de travail sont délicates au PSG et le club va toucher le fond dès son premier split. Battu 3 à 2 par Fnatic Academy pour la place qualificative en LCS, le club est anéanti.
Contacté par Millenium, Duke, coach de Splyce en LEC, revient sur la période où il entraînait encore promisq sous les couleurs bleu et rouge. Il décharge immédiatement son ancien support de beaucoup de responsabilités.
« En tant que joueur, il pouvait parfois avoir des problèmes de motivation à l'époque, mais il faut remettre ça dans son contexte. Notre équipe n'allait pas bien, j'étais moi-même très inexpérimenté et le niveau de jeu de nos partenaires de scrims était en général très faible. Nos entraînements n'étaient pas toujours des entraînements constructifs ».
Le coach va bien plus loin. Il n'hésite pas à mettre en avant toutes les qualités du joueur suédois.
« Il est connu pour sa très bonne phase de lane. Très certainement une des meilleures en Europe pour un support - ce qui explique pourquoi il a toujours trouvé des équipes : les carry-ad apprécient duo queue avec lui ». Jusqu'en 2019 en tout cas. Après trois splits blancs dans l'élite, promisq ne trouvera aucun point de chute pour la première du LEC avant la main tendue d'Ocelote.
Entre temps, son chemin de croix a croisé celui des Ninjas in Pyjamas. Avec NiP, fier repreneur du slot de Fnatic Academy en LCS, promisq tient sa revanche mais finit dernier de son groupe au Summer Split 2017. « La spratt » est plus que jamais la cible des moqueries des spectateurs. Chacune de ses apparitions sur scène est un prétexte à toutes sortes de railleries. Tout le monde met la main à la pâte.
L'équipe est reléguée en Challenger Series trois semaines plus tard, comme si tout ce que touchait le support était voué à sonder les abysses du circuit européen.
En 2018, le cauchemar prend fin après un an passé en immersion dans les derniers battements d'H2K. L'équipe demi finaliste des Worlds 2016 tire sa révérence au Summer Split, dixième et bon dernier à l'aube de l'avènement des franchises.
La légende de pro miss q
Duke est formel, la réputation de promisq s'explique avant tout par le parcours cruel d'un joueur sans réponses.
« Il est sous-côté par le public parce qu'il a toujours été dans des équipes très mauvaises : Elements, PSG, H2K... On peut répondre à cela qu'il en est le dénominateur commun, mais ça serait vraiment prendre la solution facile sans regarder dans le détail. La vérité est qu'il est très difficile de faire la différence tout seul, et encore moins en tant que support, dans une équipe en plein naufrage. À ce titre, promisq a toujours tendance à tenter de faire un move, même derrière, ce qui peut donner de gros fails notamment quand ton équipe ne peut plus te follow up mais, à vrai dire, il faut bien tenter ce genre de choses ». Le coach préfère mettre l'accent sur un joueur qui n'a jamais renoncé à sa marge de progression.
« Il a été l'un des seuls à avoir vraiment donné de son énergie chez H2K, malgré les résultats. C'est un mec qui essaie de plus en plus d'intégrer la dimension tactique et de s'intégrer correctement dans un schéma de communication. Il a énormément progressé de ce côté là par rapport à l'époque PSG.
C'est toujours difficile de trouver une bonne offre après un split catastrophique. Je pense qu'il s'est retrouvé prisonnier d'un cercle vicieux dans sa carrière où chaque nouvelle saison s'annonçait pire ».
Dans une interview accordée à Millenium au mois d'avril, Jankos, tout juste champion d'Europe, donnait déjà toute sa confiance au vétéran suédois : « promisq fait un travail incroyable. Il nous permet de scrim car Mikyx a toujours des problèmes au poignet. Je suis reconnaissant que promisq soit là et qu'il joue avec nous. Il fait du bon travail et il joue bien en scrim. Il fait vraiment partie de l'équipe même s'il est plus présent en coulisse que sur scène ».
Même son de cloche du côté du coach français des Splyce : « En tant que personne, il est très sympa et capable de mettre une bonne ambiance. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il s'intègre très bien chez G2. Il n'est pas question de dire qu'il est meilleur que Mikyx mais je pense qu'il a des qualités certaines et qu'il devrait faire bonne figure si Perkz et lui trouvent une synergie. Je pense que promisq est meilleur que pas mal de supports pourtant appréciés du grand public. Chez Splyce, nous l'aurions engagé si Norskeren n'avait pas été disponible ».
promisq n'est pas encore sûr de disputer la moindre partie lors du Main Event au Vietnam. Son MSI, c'est un peu sa dernière sortie, mais son premier grand coup. Quatre ans plus tôt, il lançait sa carrière sur ces mots : « I’m looking forward to proving that I can play with the big boys ».
En 2015 comme en 2019, c'est du pareil au même. Les « big boys » sont toujours là.