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LoL - LEC : Duke, l'exigence

LoL - LEC : Duke, l'exigence
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Duke se donne les moyens de ses ambitions. À la désillusion et l'inertie, le coach de Splyce oppose toujours le même refrain consciencieux. Sa passion c'est son travail. Son travail, son exigence.

LoL - LEC : Duke, l'exigence

Nous sommes dimanche après-midi, l'un des rares moments de la semaine pendant lequel Duke ne travaille pas. « Et encore ! » comme il l'avoue. Avec Splyce, Hadrien Forestier achève une longue et éprouvante semaine pour la franchise LEC. D'ailleurs, le jeune coach a encore la tête ailleurs et la fatigue le gagne. Son temps, il le voue à son équipe, à ses joueurs. Il ne le compte plus. C'est presque avec gravité que Duke apprécie son quotidien à la valeur d'un combat. Un combat qu'il relie sans détour à sa conception littérale de la discipline. Le ton est donc militaire : « On enlève les coups de feu et c'est l'armée. Je ne risque pas ma vie, mais c'est un peu comme si tu partais au front pendant quelques mois et que tu ne faisais que ça non-stop, jour et nuit, avec un rythme impossible. T'es seul. Seul face à tes responsabilités, seul face à tes attentes de résultats et seul face à League of Legends, que tu bouffes quinze heures par jour. C'est un milieu dans lequel soit t'es au top, soit t'es au sol. Tu ne risques pas la mort mais la mort de ton image publique ». C'est donc ça, le prix de l'exigence.

Duke vit avec. Elle l'accompagne partout. Elle donne un sens à son engagement. Son travail, il le conçoit comme un devoir de maths. Sa copie, il l'imagine sans ratures. Pour une année encore, il embarque volontiers dans sa quête de perfection tous ses jeunes protégés. Enseigner rigueur et travail à Human0id, 18 ans, à Xerxe ou Norskeren, 19 ans, est une mission à long terme. Sans renoncer à son travail d'éducateur, Duke sait que ses interlocuteurs ont encore tout à apprendre de lui : « Être strict avec des joueurs pros, bonne chance ! Imposer des règles c'est pas simple. S'ils sont à l'heure le matin c'est déjà pas mal en fait ». Qu'importe, ce n'est qu'une facette du métier pour le coach français. Lui préfère se dévouer au jeu, à ses rudiments les plus complexes et s'ouvrir aux voies du progrès. Alors depuis son fauteuil de coach, il s'obstine : « En ce moment je pense qu'on a des résultats corrects mais qu'on n'est pas très bons. Nos parties sont un peu décousues, on a du mal à mettre en place notre style très macro, très appliqué. On manque de régularité pour l'instant. Je serai satisfait quand les joueurs se situeront au niveau auquel je les attends ».

Avant que ce jour n'arrive, Duke a quand même prévu de revenir en France. Pas vraiment pour des vacances, il ne peut pas se le permettre. Ses joueurs comptent sur lui. C'est plutôt l'histoire de deux jours, comme il a l'habitude de le faire, arrivé à mi-parcours du split. L'occasion pour lui de souffler un peu, de revoir sa famille et ses potes qu'il n'a pas vus depuis un moment.

Leçon numéro un

L'abnégation au travail n'est pas quelque chose d'anodin. Pour Duke, c'est une entreprise de longue date. Il le confesse, sa formation ne lui apporte pas une plus-value évidente dans sa démarche au quotidien. Elle est pourtant remarquable : une prépa Math Sup/Maths Spé puis l'École Nationale des Ponts et Chaussées où il décroche un master d'ingénierie financière. Et League Of Legends ? Un fil rouge qu'il tisse depuis ses années en école d'ingé. À cette époque, le jeune Hadrien joue plutôt à Warcraft 3 et accorde beaucoup de son temps libre aux streams de Pomf et Thud, aux débuts d'O'gaming. Il y remarque d'ailleurs Chips et Noi qui vont lui faire découvrir le jeu. Le hasard fait bien les choses et pour Duke, tout commence dans les Caraïbes : « J'y jouais beaucoup quand je suis parti en République Dominicaine. Je m'ennuyais un peu là-bas où j'avais pas Internet. Je regardais pas mal les LCS à l'époque et j'ai commencé à écrire des articles. Au début je les postais sur un blog, puis je me suis dit que je pourrais peut-être les faire publier. Je les ai envoyés à Millenium. C'était tout pour l'esport et son approche technique, même si j'y connaissais rien. On était au tout début, ça restait un hobby ».

Pour peu de temps. À son retour en France, Duke cherche du travail. Ce qui l'attire, c'est le jeu vidéo. Ce sont pourtant l'attrait de la compétition et ses excursions du côté d'O'Gaming qui lui ouvrent en grand les portes du cast. « Je tombe sur une émission pour laquelle ils ont besoin de casters, donc j'ai tourné deux trois vidéos sur YouTube pour voir si ça les intéressait. Ils m'ont pris. J'ai fait ça pendant six mois, pas à plein temps. Mais comme j'avais pas de boulot, je venais souvent ». Du boulot, Duke finit par en trouver. Dans les prestigieux bureaux d'Ubisoft France, le futur coach LEC alterne entre une vie de chef de projet sur Ghost Recon Wildlands le jour et du commentaire brut de parties le soir.

Crédit : O'Gaming TV - League of Legends
Crédit : O'Gaming TV

Son rapport au cast, Duke préfère le définir à la lumière de son expérience : « Je pense que ce n'est pas le meilleur analyste qui est le plus intéressant à écouter. Faut arriver à comprendre les enjeux et les moments clés d'une partie tout en poussant la vulgarisation au maximum. Il ne faut jamais perdre son public. Le défaut que je peux avoir quand je rentre de six mois de coaching et que je vais cast pour le fun avec Chips et Noi, c'est que je vais me perdre dans des détails, être un peu long. C'est le coach qui parle à ce moment là et c'est à éviter ».
Caster, c'est un métier et pour Duke, l'avenir ne se situe pas entre une chaise et un micro. Même si sa science du jeu le pousse à tenir un discours bienveillant sur ses prestations de l'époque, le Duke "caster" tourne en rond. Commenter ne lui permet pas de progresser dans sa compréhension du jeu et l'ombre de la routine plane d'ores et déjà. Tout ce temps passé au contact de passionnés ou à se consacrer au jeu forge chez lui ce désir de trouver sa place dans ce monde, quelque part. Mais pas ici, pas dans ces conditions. Ce déclic l'éloigne pour de bon des bureaux de cast. Duke plie bagages vers l'inconnu. Dans sa valise, un maillot bleu et rouge qui donne le vertige.

En guise d'au revoir, il livre son secret pour ceux qui prendront un jour sa place : « T'as des casters qui vont prendre leur temps. Quand ils parlent, ils essayent davantage de véhiculer une émotion. Le meilleur là-dedans, c'est Chips. Quand il cast ses teamfights parfois il va être assez lent, un mot par seconde. Il travaille sur l'intonation, sur l'énergie, ce genre de choses. C'est un style que t'as ou t'as pas je pense. C'est très dur à travailler mais ça fait toute la différence ».

Des gradins au terrain

« Je suis très vaguement le football, mais au début c'est impressionnant. Même tout le temps en fait. C'est peut-être l'un des drames de ce projet d'ailleurs ». Le décor est planté.
Janvier 2017. La nouvelle année propulse Duke sous les projecteurs en Challenger Series. Sa casquette de commentateur, il l'abandonne pour le poste de coach au PSG Esports. Derrière l'opportunité du siècle flotte l'aura d'un champion. YellOwStaR a été choisi pour mener à bien un projet colossal. Ce poste de manager est aussi pour lui sa première expérience de l'autre côté de l'écran. La confiance de ses dirigeants ? Il la fait déteindre sans états d'âme sur notre coach en herbe. De ce duo novice, Duke s'en souvient. Il embraye tout de suite : « C'est quelqu'un de très sérieux et de très travailleur. Peut-être le plus grand bosseur que j'ai connu dans l'esport ».

Hadrien le reconnaît. Malgré son excellente connaissance du jeu, "Bora" n'a pas encore toutes les cartes en main pour être un coach complet. Il lui manque cette posture, cette aisance avec les autres dont même le meilleur des professeurs a besoin pour devenir le plus grand des entraîneurs. Cette faculté de s'adresser aux joueurs et cette hauteur, il les a acquises depuis. Qui a parlé de LDLC en LFL ?
« C'est une image de marque : c'est YellOwStaR donc c'était le patron. Toujours levé très tôt, toujours au service de la gaming house, toujours disponible. Il bossait très très bien. On a eu quelques différends à certains moments, mais plus on avançait, plus on était soudés et on travaillait bien ensemble. Ces moments difficiles, c'est parce qu'il portait, comme moi, la responsabilité du projet qui coulait ».

Crédit : PSG Esports - League of Legends
Crédit : PSG Esports

Car oui, le projet PSG Esports coule. L'équipe manque la marche des LCS au Spring 2017 avant de finir dernière de sa ligue au Summer Split. La place de lanterne rouge est à ce point difficile à assumer que le PSG ne renouvellera pas l'expérience sur League of Legends. L'embarras est total. « La pression était trop forte. Peut-être pour moi d'abord d'une certaine manière, mais aussi pour les joueurs. On était censé avoir de grands noms et il y a eu beaucoup d'attente, énormément de communication autour de l'équipe. Les joueurs n'y étaient pas habitués et ça a été très dur pour eux de gérer ça. Tu le ressens à chaque match, dans leur façon de parler, de communiquer et de jouer. Ça se voit tout de suite ». Chez Duke, la déception emporte tout le reste. La responsabilité de cet échec lui incombe, de près ou de loin. Malgré son acharnement incessant au travail, c'est la dure réalité du métier qui rentre. Elle lui ouvre les yeux : « C'est un métier qui isole beaucoup. T'as la responsabilité publique de tout ça, la responsabilité des drafts aussi. C'est tout ce qu'on retient. Elle sont souvent blâmées, parfois à tort. Et puis les joueurs s'attendent à ce que tu paraisses tout le temps sûr de toi. Ça peut être le cas, mais sur tout ce que tu entreprends, c'est impossible. Il faut arriver à avoir réponse à tout, tout le temps ».

Bien décidé à faire son propre inventaire, Duke n'élude rien dans sa remise en question. Pour lui c'est évident, son échec est celui de sa méthode comme de son savoir. « Il m'a manqué un peu de tout. Déjà une connaissance du jeu suffisante à l'époque, même si elle l'était pour le poste. C'est vraiment ce qui fait la différence à très haut niveau. C'est ce qui va te permettre, quelle que soit la performance de tes joueurs, de lister chacune de leurs erreurs en toute objectivité et sans te tromper. Les joueurs ont un minimum de connaissances aussi, faut pas l'oublier. S'ils voient que tu te plantes et que t'as pas compris un fait de jeu, c'est la relation de confiance entre eux et toi qui vole en éclats. Il faut être capable de ne jamais se tromper ». Alors pour ne plus jamais se tromper, le coach cherche à apprendre, encore. Retenter l'expérience à l'aveugle, c'est hors de question pour Duke. Plutôt tout arrêter. Sa rédemption, il la signe au travers d'un pèlerinage en terrain conquis. Il veut voir comment font les autres, et si l'herbe est toujours plus verte chez le voisin. Pendant les six mois qui suivent la fin du PSG, Duke va de gaming house en gaming house se renseigner auprès d'autres coachs pour connaître leurs méthodes de travail. Suspendu à leurs mots, il n'y trouve aucune trace d'une quelconque solution miracle. C'est presque du pareil au même.
Octobre 2017. Les offres ne s'accumulent pas sur le bureau du coach français. Sa décision est prise : « Je voulais apprendre auprès de quelqu'un d'unanimement reconnu. Non pas que YellOwStaR ne l'était pas, mais YellOwStaR n'était pas un coach. Lui aussi, en tant que joueur, débarquait avec une connaissance du jeu très empirique. J'ai appris beaucoup de lui mais c'était encore insuffisant pour moi. Du coup je me suis posé la question "Quels sont les coachs dont je connais la valeur et qui peuvent m'aider à progresser ?". C'est pas quelque chose de facile à déterminer. Tu peux être coach depuis huit ans en LCS et être là par hasard, c'est tout à fait probable. J'ai contacté Guilhoto qui était alors le coach des Giants puis de Schalke 04 et maintenant chez Origen. Je lui ai demandé si il cherchait quelqu'un pour bosser avec lui, en tant qu'assistant. De souvenir, il pouvait pas ». Duke ne baisse pas les bras, ce n'est pas vraiment son tempérament. Au gré de ses recherches, il apprend qu'un coach, Peter Dun, revient de la ligue brésilienne. On parle beaucoup de lui en ce moment, de son travail surtout. Il cherche d'ailleurs à monter son staff.

Académie et laboratoire

Dans l'esprit d'Hadrien, Splyce ça n'évoque pas grand chose. C'est une équipe de milieu de tableau, l'éternel challenger de la région Europe. C'est tout. Comme il dit, « On n'est pas le Real Madrid, mais on a des joueurs suffisamment bons pour se bagarrer, progresser ensemble et pourquoi pas rêver de bons résultats ». Travailler au milieu d'un staff LCS lui offre par contre de belles perspectives d'avenir. La première étant la possibilité de devenir rapidement meilleur au contact de vrais professionnels et d'atteindre ses propres objectifs. « Peter m'a fait passer beaucoup d'entretiens techniques, d'études de cas. C'était quelque chose d'assez lourd, sur un BO5 des Worlds il me semble. Après un processus de sélection j'ai été pris chez Splyce et j'étais très content d'avoir trouvé un point de chute. Au début j'étais un peu là-bas comme un stagiaire. J'ai tout repris à zéro ».

Les choses ne tardent pas à prendre une tournure séduisante dans l'équipe LEC. Les résultats sont enfin au rendez-vous avec les playoffs dès le début d'année. Duke est intransigeant sur ce point : c'est les phases finales ou rien d'autre. « Sinon ça ne sert à rien de faire la compétition ». Avec l'arrivée du Français, la formation accède à une troisième place méritée au Spring Split 2018 mais connaît un été plus délicat avec une élimination précoce en playoffs. Les performances sont honorables, mais pour Duke, l'histoire aurait pu être plus belle encore : « Notre niveau de la fin du Summer Split l'année dernière était très bon. On était top 4 Europe, en scrims notamment. La défaite 3 à 2 contre Schalke 04 en phase finale est très mal passée. Nos perfs en scrims avaient fuité et on s'est logiquement fait piéger à la draft. C'est un très mauvais souvenir. Le gauntlet pour les Worlds pareil, on perd 3 à 2 contre G2 donc ça s'est pas joué à grand chose. C'était une déception, on n'était pas récompensés pour notre vrai niveau ».

En l'espace d'un an, le coach français hué pour son passage au PSG s'impose comme un élément indispensable de la franchise, au point de devenir la figure d'autorité de l'équipe titulaire. Il l'admet de lui-même : « Dans l'ensemble je dirais que mon style est plutôt autoritaire. Avec Mac, mon assistant, on est plus le gentil flic et le méchant flic. Lui va les brosser dans le sens du poil, moi je vais leur dire en face des choses déplaisantes à entendre. Je suis direct, je traite en priorité ce qu'il y a de plus important. Ça ne m'empêchera jamais d'avoir une relation différente avec chacun de mes joueurs ». Duke ne le dit pas, mais il tient énormément à ses joueurs. Outre les ennuis du mercato de début d'année et son lot de péripéties, sa nouvelle line-up pour la saison 2019 lui donne beaucoup de force. Il en est fier. « Notre midlaner Human0id, personne ne misait sur lui. Tout le monde était sur Nemesis, Abbedagge, etc. Norskeren aussi, c'est un hasard terrible. On pensait qu'il était déjà pris dans une autre équipe. Il s'est fait sortir une semaine avant la fin du mercato et il avait rien. On a sauté sur l'occasion. On a gardé Xerxe qui est, pour moi, le meilleur jungler d'Europe mais qui a quelques lacunes sur lesquelles il doit travailler. Je voulais vraiment continuer de bosser avec lui. Avec Kobbe aussi qui, pareil, est complètement sous-coté. C'est vraiment une machine à l'heure actuelle. Je pense qu'il est l'un des top AD-Carry en Europe avec Upset car je le vois au jour le jour depuis qu'il est associé à Norskeren. En teamfight c'est le meilleur carry-ad de la ligue, même s'il l'était déjà pour moi l'année dernière. En plus il joue tout. Je pense que ce joueur est vraiment excellent ». Le métier de coach a parfois ses bons côtés. Des fois le jeu et la compétition prennent leurs distances sans crier gare et ce sont les individus qui prennent le relais. « J'ai été ami avec certains de mes joueurs, je pense à Odoamne notamment avec qui je m'entends très bien. C'est vraiment le joueur avec qui je me suis le mieux entendu. On était sur la même longueur d'onde dans notre façon de communiquer, il est très direct. Je m'entendais très bien avec Nisqy aussi. Et puis avec Xerxe c'est autre chose. Je dirais pas qu'on a une relation "père-fils" parce qu'on a à peine dix ans d'écart mais disons ... "grand frère" plus que pote ».

Crédit : Lolesports - League of Legends
Crédit : Lolesports

Ça y est, Duke s'épanouit. Son assurance ne lui fait plus défaut et sa méthode, il en doute de moins en moins. À l'écouter, il a tellement les choses en main qu'on peine à s'en faire un dessin. « J'adore faire des présentations sur des sujets techniques, je bosse mes drafts avec un nombre incalculable de pages Excel et j'étudie énormément de statistiques. Avec Mac, on utilise prioritairement le support vidéo pour nos reviews de parties : il y a rien de plus efficace pour montrer point par point aux joueurs ce qui ne fonctionne pas ou pour s'inspirer de ce que font les meilleures équipes en Corée. Récemment, on a embauché un data-scientist qui est par ailleurs un ancien caster d'O'Gaming mais aussi un ancien employé d'Ubisoft. Tolki, c'est son nom. Il travaille au Japon. Je l'ai pris parce que je le trouvais bon dans ce qu'il faisait : son travail, c'est d'étudier les bases de données des statistiques en compétition ou en SoloQ. Isoler des choses intéressantes à utiliser et qu'on ne voit pas sans une étude de données. Analyser en profondeur les équipes en face, etc ...
Il y a plein d'autres compétences qui intègrent quotidiennement le cadre de l'équipe comme un psychologue sportif, des physio. Nous, on a deux anciens Navy Seals qui viennent faire des formations à la gaming house ».

L'époque du PSG semble bien loin aujourd'hui. C'était pourtant il y a dix-huit mois. Bien sûr, le contexte est différent, les moyens ne sont pas les mêmes et Duke le sait mieux que personne. Plus que jamais, il reprend sa rhétorique car le travail paie toujours : « Ce n'est qu'aujourd'hui que je me rends compte à quel point j'ai progressé en LEC et que si j'avais pu transmettre à l'époque tout ce que j'ai appris maintenant, j'aurais peut-être pu sauver ce projet ». Alors forcément, lorsqu'il regarde autour de lui la valeur que le milieu donne au travail et au sens du sacrifice, il étouffe. Puis il s'agace : « Si il y a quelque chose que ma formation m'a apporté, c'est bien à me mettre au travail. Pas à être à moitié inactif devant un pc pendant des heures, ce qui est très tentant dans l'esport, là où la frontière entre travail et plaisir est tellement diffuse que les gens savent pas toujours faire la différence ».
Ses pairs aussi en prennent pour leur grade : « Un headcoach qui fait cinq soloQ par jour, ça sert à rien pour moi. Les anciens joueurs devenus headcoach qui essayent de justifier ça, c’est avant tout pour justifier leur addiction au jeu. Ils se disent que comme leur travail y est indirectement relié, ils ont besoin d'y jouer, mais c'est faux. Je dis pas que ça sert à rien du tout, ça peut être très utile pour les coachs qui se spécialisent sur des postes en particulier. Mais si tu privilégies tes heures de jeu sur le temps que tu accordes réellement à l'équipe et à la réflexion sur le jeu, je ne pense pas que ça soit productif. ».

Alors Duke, c'est quoi un bon coach ?

L'esport qu'on aime

Pour Hadrien, il y a autant de coachs que de façons de coacher. Son job, il le sait difficile à cerner depuis l'extérieur. Son impact et ses connaissances sont opaques pour le grand public. « Le premier objectif reste de savoir de quoi tu parles ». Selon Duke, la communication et la psychologie ne peuvent pas se substituer aux connaissances brutes. C'est là sa part de responsabilité. Les joueurs ont aussi la leur : « Il faut savoir être précis sans pour autant entrer dans la réprimande. L'erreur, c'est de les faire culpabiliser mais il faut qu'ils comprennent qu'ils ont des responsabilités parfois. Il ne faut pas qu'ils soient en pilote automatique quand ils jouent. Ils doivent garder l'esprit alerte, se mettre à réfléchir et se remettre en question : c'est ça leur travail. On leur demande pas d'enchaîner des scrims et des soloQ sans essayer de progresser. C'est pourtant l'état d'esprit que certains joueurs ont, et c'est le travail du coach de les sortir de là ». Duke ne compte pas se la jouer Afreeca Freecs. Et comme on ne peut pas exiger des autres ce qu'ils ne sont pas en mesure d'offrir, le coach a une réponse toute simple : « Le rythme de travail en Corée ou en Chine, c'est trop. Tu peux pas l'importer chez nous. Je pense que tu crames les joueurs. Les mecs qui font trois blocs de scrims par jour et qui font des soloQ jusqu'à cinq heures du matin, je sais pas comment ils tiennent. La vraie problématique, c'est pas la quantité mais la qualité de travail ».

Un bon coach, c'est celui qui sait transmettre, mais c'est aussi celui qui sait faire confiance. Duke l'a appris depuis son départ du PSG et il a de la mémoire : « On peut dire que j'ai trouvé en Peter un mentor. Je vais pas dire que je m'en suis émancipé même si je suis devenu beaucoup plus autonome. L'année dernière, il m'a appris énormément de choses sur le jeu au travers de son approche très théorique. Ce qu'il m'a enseigné, je l'ai assimilé et je l'applique par moi-même aujourd'hui. C'est grâce à lui que je fais encore ce métier. Il m'a complètement relancé. Je dois beaucoup à Peter ».

Crédit : Lolesports - League of Legends
Crédit : Lolesports

Duke ne marche dans les traces de personne. Il voyage sans guide et se débrouille dans son coin avec ce qu'il sait faire. Autour de lui, l'esport bouge et l'époque où il était connu pour tancer ce milieu pour son amateurisme est désormais loin derrière lui. Tout cela ne l'intéresse plus et il ne compte plus s'embarrasser avec une version élitiste trop souvent incomprise. Pour la beauté du geste, il s'autorise une dernière sortie. « Ce qui me gêne le plus c'est la simple conception du travail. Beaucoup de personnes pensent travailler alors que pas vraiment. On se retrouve dans des situations où des gens à certains postes n'en foutent pas une mais ne l'admettront jamais. Puis comme tout le monde les connaît, c'est impossible de s'en débarrasser. C'est un des gros problème de l'esport français et international. Pour moi, le problème principal de l'esport c'est que bon nombre de ses pionniers (je dis pas ça pour Chips & Noi) tirent leur légitimité du simple fait qu'ils étaient là avant, alors que ça devrait être parce qu'ils apportent une valeur ajoutée. Ces personnes, on ne les voit pas, mais je pense qu'elles n'ont plus rien à faire là où elles sont. C'est un milieu qui émerge, mais qui est paralysé par beaucoup d'incompétence héritée de ses premiers pas. Le temps et l'argent effaceront tout ça ».
Et la nostalgie là-dedans ? Le temps et l'argent effaceront aussi cet esport presque dépouillé dans lequel plusieurs générations ont grandi ? « C'est comme ça. Tu peux pas avoir deux mecs autour d'une bière, voire de dix bières, qui déconnent dans leur chambre à commenter des games et à la fois avoir un analyst desk, une connaissance poussée du jeu, des transitions clean, des assets partout, etc. O'Gaming réussit à faire un bon entre-deux parce que ça reste une grosse bande de potes avec son noyau dur. On pourra toujours être nostalgique. On voit les bons côtés qu'on a perdu, mais on oublie vite les mauvais aussi. Certains vont regretter les délires des débuts à l'époque de Pomf et Thud, mais on reste pas enfant éternellement ».

C'est vrai. Il faut regarder droit devant soi. Pour le moment, Hadrien est bien là où il est, mais il se voit là où il aura le plus de chances de gagner. Peut-être du côté de l'Amérique du Nord et de la LCS, retrouver son pote Zaboutine et goûter au soleil de Los Angeles. Parce qu'après tout, « Le Spring Split à Berlin, il fait quand même bien mal. T'es dans le froid, dans le noir tout le temps. C'est un peu lourd. À L.A ça change la vie, c'est tellement dépaysant. Le niveau en NA est ce qu'il est, mais je me dis que ça peut être l'occasion, avec les connaissances que j'ai, de peut-être faire la différence aussi. J'imagine que c'est plus facile de faire progresser des joueurs qui partent de plus loin. J'ai même pas ce favoritisme, cette préférence un peu absurde pour la région Europe ».

Au fond, Duke est heureux. Il le dit. Il préfère de loin cette vie à celle que ses études dans la finance laissaient présumer. Sa part de déception, il la traîne un peu malgré lui tant qu'il n'aura pas remporté le LEC. Tant pis pour la fatigue. Enfin, il ose : « De toute façon, je n'ai jamais réussi à être épanoui tant que je n'étais pas le meilleur dans ce que je faisais ». Evidemment.

Merci à Duke pour sa disponibilité et son précieux temps !

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lovesic
Shindara90 il y a 5 ans

Bien sympa cet article!<br /> J'aimais bien Duke en tant que commentateur et c'est agréable de voir une tête connu en LEC (ou LCS avec Zaboutine) mais je le trouve un peu cynique et froid.<br /> C'est important que le milieu se "professionnalise" (dans la limite du raisonnable) mais faut pas non plus le rendre rigide et coincé ... L'argent c'est bien pour apporté un contenu de qualité mais personne n'a dit que le fun n'en faisait pas parti. C'est pour ça que j'ai toujours préféré regarder les NA plutôt que la Corée, la qualité de jeu est peut être moins au rendez vous mais y a du fun et toute les actions ne sont pas millimétrées ...

Shindara90 il y a 5 ans

Bien sympa cet article!<br /> J'aimais bien Duke en tant que commentateur et c'est agréable de voir une tête connu en LEC (ou LCS avec Zaboutine) mais je le trouve un peu cynique et froid.<br /> C'est important que le milieu se "professionnalise" (dans la limite du raisonnable) mais faut pas non plus le rendre rigide et coincé ... L'argent c'est bien pour apporté un contenu de qualité mais personne n'a dit que le fun n'en faisait pas parti. C'est pour ça que j'ai toujours préféré regarder les NA plutôt que la Corée, la qualité de jeu est peut être moins au rendez vous mais y a du fun et toute les actions ne sont pas millimétrées ...

Shindara90 il y a 5 ans

Bien sympa cet article!<br /> J'aimais bien Duke en tant que commentateur et c'est agréable de voir une tête connu en LEC (ou LCS avec Zaboutine) mais je le trouve un peu cynique et froid.<br /> C'est important que le milieu se "professionnalise" (dans la limite du raisonnable) mais faut pas non plus le rendre rigide et coincé ... L'argent c'est bien pour apporté un contenu de qualité mais personne n'a dit que le fun n'en faisait pas parti. C'est pour ça que j'ai toujours préféré regarder les NA plutôt que la Corée, la qualité de jeu est peut être moins au rendez vous mais y a du fun et toute les actions ne sont pas millimétrées ...

Shindara90 il y a 5 ans

Bien sympa cet article!<br /> J'aimais bien Duke en tant que commentateur et c'est agréable de voir une tête connu en LEC (ou LCS avec Zaboutine) mais je le trouve un peu cynique et froid.<br /> C'est important que le milieu se "professionnalise" (dans la limite du raisonnable) mais faut pas non plus le rendre rigide et coincé ... L'argent c'est bien pour apporté un contenu de qualité mais personne n'a dit que le fun n'en faisait pas parti. C'est pour ça que j'ai toujours préféré regarder les NA plutôt que la Corée, la qualité de jeu est peut être moins au rendez vous mais y a du fun et toute les actions ne sont pas millimétrées ...

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