Il y a tout juste trois semaines, Uzi remportait son premier titre majeur en finale de la ligue chinoise League of Legends. Les observateurs ont répété à qui voulait bien l'entendre qu'il s'agissait sans aucun doute de la saison la plus aboutie du génie chinois, dont le niveau stratosphérique a finalement éclaté au grand jour dans ce Mid Season Invitational 2018. Un avertissement sans cesse renouvelé de la part d'Uzi dans cette compétition, de la phase de poule où RNG s'est fièrement hissé à la première place, jusqu'à une finale exaltante sur laquelle le carry-ad a régné en maître une dernière fois, avant d'entrer dans la légende.
L'Histoire retiendra Uzi
Rares sont les finales d'évènements internationaux qui ont autant divisé la critique et le public que l'affiche qui opposa Royal Never Give Up à KingZone Dragon X, en finale de ce MSI 2018. Un duel sino-coréen devenu avec le temps un classique incontournable des dénouements de tournois majeurs, et qui promettait pour l'occasion une opposition de style très prononcée, entre deux formations que tout semblait opposer.
D'un côté les RNG, qui ont appris à jouer pour Uzi en orientant à outrance leur plan de jeu autour de leur carry-ad et leader tactique, tant dans l'attribution globale des ressources que dans leur façon de s'exprimer en teamfight. De l'autre, les KingZone DragonX, nobles représentants d'un jeu soigné à la coréenne revenus avec succès dans ce MSI à une formule plus agressive en début de partie, à la recherche nécessaire de la domination de lane.
Un scénario qui s'est vérifié de façon absolue dès la première partie et la main mise, en blue side, des RNG et de Uzi sur un Ezreal, objectivement au centre de toutes les attentions. Les KingZone ont pour leur part décidé de réactiver la composition double bruiser qui avait enterré les Flash Wolves en demi-finale. Une opportunité pour Bdd de briller à nouveau sur une Irelia midlane first pick.
Au top, Khan semblait résolu à faire boire la tasse au Ornn de Letme avec sa Fiora. Une tentative qui n'a jamais vraiment fonctionné, le toplaner chinois étant très probablement le meilleur joueur de Ornn au monde, imperturbable dans la gestion de ses match-up et irréprochable sur la qualité de ses engages.
Une situation toplane qui saurait parfaitement résumer le paradoxe de cette première manche : alors que les KZ ont réussi l'exploit de temporiser la perte de la botlane à 17 minutes de jeu, résistant ainsi au temps fort de l'adc vedette des RNG, la draft full tank de l'équipe chinoise a pu s'employer à aller chercher les coréens directement sous leurs tours. L'utilisation du pic de puissance d'Ezreal a donc pu être forcé lors d'un dive toplane après avoir été durablement canalisé sur le botside.
En d'autres termes, la stratégie dévoilée par KingZone était convaincante, surtout dans ses efforts à ne pas concéder trop tôt la botlane. Cependant, la compostion des RNG n'a jamais souffert de son manque de dégâts et s'est simplement contentée de ne pas perdre en lane contre les carrys KingZone. Pour le reste, le talent d'Uzi était suffisant et les Coréens ont pu assister à la montée en puissance affolante de l'adc star des RNG, dépassant les 1000 points de dégâts par minute dans la rencontre.
La suite de l'opposition entre les deux équipes a vu la Corée se rabattre sur une composition axée davantage sur le teamfight avec le très bon Cho'Gath de Khan sur la toplane. Un avantage déterminant a même été pris dès le level 1 par des KingZone, en embuscade sur Uzi, permettant ainsi de préserver durablement l'intégrité de leur première tour botlane.
Bien que la macro KingZone ait encore pêché dans la répartition de la vision et dans la difficulté éprouvée par Peanut à se rendre disponible sur les lanes, le passage en force des Coréens en teamfight fut spectaculaire. Khan s'est envolé sur cette partie et sa coordination avec le Varus de PraY a permis aux KZ de remporter un teamfight décisif, avant de snowball de façon considérable, ne laissant aucune possibilité à l'ad-carry RNG d'enclencher le comeback de son équipe. Go next pour Uzi.
En regain de confiance, KingZone rétablit sa logique classique dans une troisième draft qui voit Bdd hériter d'un Sion midlane et Khan récupérer Gangplank au top. Rien ne va se passer comme prévu pour la Corée, opposée une troisième fois consécutive au Ezreal d'Uzi mais aussi au Skarner de Karsa. Le jungler taïwanais a fait vivre un enfer au duo mid-top KZ, qui était parvenu à se débarasser du calvaire du Ornn au top à la draft. Présent partout, tout le temps, Karsa a délivré de nombreux ganks sans vraiment s'inquiéter de son retard au farm, davantage concerné par le sort de ses carrys.
La proximité du jungler RNG a été la clef dans cette troisième rencontre et a notamment facilité la tâche du Vladimir de Xiaohu, impérial dans ses flankings et dans ses dives. Associé à Uzi, le combo Ezreal/Vladimir était ingérable pour des KingZone en manque total de solutions dans cette partie. L'impossibilité pour les joueurs coréens de mettre en place leurs conditions de victoire, le manque de priorité de Peanut dans la jungle ainsi qu'un défaut de vision constant dans la rivière ont poussé les KingZone à réagir dans une ultime manche.
L'objectif est simple : KingZone n'a plus le droit à l'erreur et doit impérativemment parvenir à punir Uzi, en plus de remporter la domination de lane. Le ban du Ezreal est enfin arrivé pour l'ad-carry star des RNG, qui retrouve la Kai'Sa qui l'a révélé sur ce tournoi. Le Ornn de Letme est lui aussi de retour mais c'est contre une Illaoi en réponse toplane, et le Vel'Koz mid de Bdd que doivent jouer Royal Never Give Up. La draft excentrique des KingZone met l'accent sur des priorités totales sur les lanes avec de purs counterpicks. Au bot, la duo lane Xayah/Rakan de PraY et GorillA tient même la dragée haute à Uzi et Ming.
C'est pourtant au mid que la situation se débloque favorablement pour les champions de la LCK, aidés par la Bannière de Commandement que porte sans complexe le Vel'Koz chez KingZone. Les Coréens jouent alors leur meilleure relation mid-jungle de la finale sur cette Game 4, avec un Peanut bien plus à l'aise sur Olaf.
Les choses ne se passent par contre pas idéalement pour Khan dans son match-up. Le toplaner coréen paye le manque de mobilité de sa Illaoi et perd son avantage naturel au fil des ganks du jungler RNG dans la partie. Mais comme une lumière au bout du tunnel, KingZone prend un teamfight parfait au Baron Nashor, en bénéficiant d'un excellent setup de vision topside.
Khan tentera même une Téléportation dans la base chinoise afin de finir la partie, ce qui lui sera refusé par la réapparition soudaine de l'inhibiteur botlane.
L'emballement est total dans cette rencontre. C'est lors d'un ultime trade midlane qu'est puni le mauvais positionnement et le teamfight décousu des KingZone, qui craquent définitivement sous l'enjeu de la partie. Plus que jamais audacieux dans la manière d'affronter leur destin, KingZone DragonX échoue dans cette finale, victime du dernier coup d'éclat d'Uzi dans ce MSI 2018.
L'impuissance des KingZone devant le rouleau compresseur Uzi et Ming, qui est à n'en pas douter le meilleur support de cette compétition et l'homme de l'ombre derrière la réussite de son carry-ad, était la grande appréhension de cette finale. PraY et GorillA, loin d'avoir été baladés sur leur botlane, n'ont rivalisé avec Uzi que dans de très rares circonstances.
Impossible également pour Khan d'être décisif dans des match-up délicats, surtout lorsqu'il faut s'habituer pour le toplaner KZ, à l'irruption du jungler sur la lane durant l'intégralité d'un BO5. Les regrets de cette finale sont surement pour Peanut qui n'a pas renouvelé son gameplay, à bout de souffle dans cette méta. Le jungler KZ était attendu à son meilleur niveau pour ce rendez-vous et il s'est pourtant retrouvé en difficulté pour peser sur la botlane et mener l'agression contre Uzi.
L'impression laissée par Royal Never Give Up dans ce MSI 2018 est inoubliable. L'influence et l'autorité d'Uzi ainsi que le dévouement total de son équipe sont du domaine du jamais vu, mais également une belle promesse pour les compétitions à venir. D'ici le Summer Split et les Championnats du Monde, difficile d'évaluer la marge de progression qui subsiste chez RNG, tout comme il est inenvisageable aujourd'hui d'imaginer une seule équipe au monde pouvoir prendre un BO5 à Uzi et son équipe.