Scénario : En 1986, dans le petit village de Yokosuka, le jeune Ryo Hazuki va être témoin d'un combat entre son père et un mystérieux personnage appelé Lan Di. Quand ce dernier finit par empoigner Ryo, le père abdique et donne la position de l'objet qui était la raison de la visite de Lan Di, le mystique Miroir du Dragon. Après avoir récupéré le fameux artefact, le chinois porte un coup fatal au père de Ryo, qui promet alors de se venger. Ainsi commence l'enquête du jeune homme, une aventure qui va le mener dans les bas-fonds de Yokosuka à la recherche d'indices et de preuves. Ryo va devoir fréquenter les voyous du village, régler des comptes à coup de tatane, tout en gérant son histoire d'amour naissante avec Nozomi. À la fin du jeu, il se rend finalement compte que Lan DI est reparti pour la Chine et décide de le poursuivre jusqu'à Hong Kong.
Les origines de Shenmue
Après des succès interplanétaires en arcade comme Hang-On ou Virtua Fighter, Yu Suzuki souhaita se concentrer sur une expérience un peu plus ambitieuse et décida de se lancer dans le jeu de rôle. Afin de tester la caméra, les combats et le système de dialogues, il conçut un prototype sur Saturn appelé «The Old Man and The Peach Tree» à propos d'un jeune homme prénommé Taro, à la recherche de son grand-père, grand maître des arts martiaux. Dans le proto, Taro amenait une pêche à un vieil homme pour que ce dernier lui révèle la position de son grand-père, mais à la fin du jeu, l'ancien se révèle finalement être le maître recherché par le garçon. En 1996, AM2 commence à développer un RPG basé sur Virtua Fighter, intitulé Virtua Fighter : Akira's Soty, mettant bien évidemment en scène le personnage le plus populaire de la saga de jeux de baston. AM2 avait prévu une approche plutôt cinématique du projet avec du doublage et des séquences de combat élaborées.
Après de nombreux voyages en Chine, Yu Suzuki construit une histoire autour de quatre grands actes avec pour thèmes la tristesse, le combat, le départ et le renouveau. Dans cette version, Akira allait devoir surmonter la mort de son père, poursuivre son assassin en Chine et commencer un voyage avec un nouveau compagnon. Au final, le script de Suzuki s'étala sur plus de onze chapitres. En 1997, le développement du jeu bascula sur la nouvelle console de SEGA, la Dreamcast, et lâcha pour l'occasion sa connexion avec l'univers de Virtua Fighter pour être renommé Project Berkley. Le nom Shenmue ne survint que l'année suivante, au moment de la sortie de la Dreamcast au Japon. Suzuki confessa que le plus gros challenge du développement fut le management : «Au final, c'est un peu plus de trois cent personnes qui travaillaient sur le jeu, avec aucune expérience dans ce genre.» Le développement coûta à SEGA la bagatelle de 70000000$, même si Yu Suzuki a avoué être plus proche des 47000000$. Le reste du budget partit dans la pré-production de Shenmue 2 et sur les fondations de futurs jeux estampillés Shenmue.
Un gameplay en avance sur son temps
Très difficile à prendre en main lors des premières heures de jeu, le gameplay de Shenmue était plutôt innovant dans son genre. Il fallait en effet contrôler Ryo avec la croix multidirectionnelle de la manette Dreamcast, le stick servant exclusivement à tourner la caméra et la tête du héros dans tous les sens. Ce qui choque dès le départ, c'est le niveau d'interaction avec les objets qui entourent Ryo : chaque tiroir, chaque porte, chaque placard peut être ouvert et méticuleusement fouillé. Beaucoup de ces interactions ne servent strictement à rien, mais elles induisent un sentiment de liberté totale aux joueurs, une sensation plutôt inédite pour l'époque. Immersion est clairement le terme qui définit le mieux le jeu : les jours et les saisons passent, les dialogues avec les habitants changent en fonction du temps, chaque PNJ vit son petit train-train et la façon de mener l'enquête avec Ryo est on ne peut plus cohérente.
Le village de Yokosuka n'est certes pas très vaste, mais il est d'une richesse inouïe. Les petites quêtes annexes s'accumulent, comme la collecte des gashapon, l'achat des CD (l'OST du jeu) et l'élevage d'un chaton tout mignon à l'entrée du village : encore des éléments qui donnent un charme fou à l'aventure. On n'évoque même pas la salle d'arcade du jeu, qui permet carrément de rejouer à de vieux titres cultes de l'arcade comme Hang On ou Space Harrier. Shenmue fut aussi l'un des ambassadeurs des QTE, avec des grosses touches qui s'affichent en plein milieu de l'écran, accompagnées d'un son strident. Au moment de sa sortie, les joueurs n'étaient pas encore écœurés par ce procédé et chaque scène d'action de ce type recevait un accueil positif puisqu'elles étaient le signe de scènes d'action mémorables, comme la baston dans le bar ou la course-poursuite dans les ruelles du village. Le jeu de Zu Suzuki embarquait aussi un système de combat un peu plus traditionnel et très proche de Virtua Fighter, avec une liste de coups étendue et des hordes d'ennemis à tabasser. À ce sujet, qui ne se rappelle pas du fameux affrontement vers la fin du jeu qui mettait Ryo et un de ses compagnons face à soixante-dix adversaires ? Une séquence culte et une phase de jeu très tendue.
Ventes et accueil
Shenmue s'est vendu à un peu plus de 1200000 copies, ce qui fait de lui un des best-sellers de la Dreamcast. Cependant, ce chiffre fut insuffisant pour renflouer le coût de développement du jeu et fut considéré comme un échec commercial. Selon le Président de Sega of America de l'époque, Shenmue s'est très bien vendu mais ne pouvait en aucun cas être rentable à cause du faible nombre de Dreamcast dans les foyers du monde entier. Shenmue était un jeu trop ambitieux, trop gros, un titre sorti trop tôt sur une machine qui ne se vendait pas suffisamment. Ça n'empêche pas le titre d'AM2 de recevoir un succès critique incontestable, les tests de l'époque s'accordant à dire que malgré ses défauts, Shenmue était une expérience unique.