Que cela soient l'introduction des DLC payants dans les années 2000, les abonnements, les jeux dits "Free to play" ou plus récemment les lootboxes, les différents moyens utilisés par les éditeurs pour rentabiliser leurs jeux n'ont jamais manqué de faire couler beaucoup d'encre. Il faut dire que le milieu du jeu vidéo est récent, ainsi qu'en évolution constante. Et même si c'est un peu moins le cas de nos jours, son public est majoritairement composé de jeunes désargentés (nous frôlons le pléonasme ici). Alors que les deux premiers Diablo sont des modèles de monétisation classique de jeux vidéo, Diablo 3 a innové en introduisant l'hôtel des ventes à argent réel, ce qui n'a pas été sans causer son lot de problèmes, jusqu'à sa suppression un peu avant la sortie de l'extension Reaper of Souls. En tant que jeu mobile, Diablo Immortal ne manquera probablement pas de déchaîner les passions non plus cette année. Mais qu'en est-il de Diablo 4, qui va encore se faire attendre un moment ? D'après les propos tenus à la suite de son annonce à la BlizzCon, il devrait adopter une approche plus traditionnelle pour sa monétisation*, du moins dans les grandes lignes.
*conditions apply
Diablo 4 : Monétisation prévue
Pour élaborer, reprenons les propos que l'équipe de développement a tenus sur place, lors de la conférence de presse qui a suivi l'annonce. Joe Shely, le Lead Game Designer, a affirmé qu'ils comptent vendre le jeu de base ainsi que des extensions. Des microtransactions cosmétiques sont aussi prévues, mais ils ne vendront rien ayant une influence sur la puissance des joueurs. Cela peut sembler rassurant au premier abord, en particulier dans le contexte actuel, avec certains gros éditeurs qui semblent étrangement déterminés à tenter de soutirer le moindre euro à leurs fans, même quand ils foncent de toute évidence vers un désastre en termes d'image, et même de ventes. Fallout 76, suivi de son abonnement premium Fallout First par Bethesda, en est un exemple. Et dans le cas de Blizzard, Warcraft 3 Reforged en est un autre, qui ne donne pas nécessairement envie de leur offrir le bénéfice du doute à l'avenir.
Diablo 4 : Estimation du prix
Le jeu de base devrait être vendu entre les proverbiaux 59,99€ et 69,99€, auxquels viendront éventuellement se greffer 15 à 30 euros pour une édition Deluxe, et bien plus pour une version Collector. Signalons qu'à l'heure où nous écrivons ces lignes, elles n'ont pas encore été annoncées, et encore moins révélées. Ce sont simplement des conjectures de notre part, basées sur les pratiques du milieu et les antécédents d'Activision Blizzard. Comme le jeu est loin d'être terminé, nous ignorons encore à quelle régularité les extensions arriveront, quel sera leur prix, leur contenu, et si elles seront accompagnées ou non de mises à jour de contenu gratuites. Cela peut représenter 30 à 40 euros tous les 1 à 2 ans, ou de plus petites sommes, mais plus régulières. Il y a fort à parier que, pour le moment, même le studio n'a pas encore une idée claire de ce qu'il pourra proposer, ni à quel prix et à quelle régularité.
De leur côté, les microtransactions ont plus de chances de se présenter sous la forme d'une boutique en ligne conventionnelle, avec son lot de portraits, mascottes, tenues et teintures, plutôt que sur celle de lootboxes version Overwatch, populaire (et décriée) dans les jeux compétitifs. La boutique de la version chinoise de Diablo 3 pourrait servir de modèle en la matière même si, une fois encore, nous ne faisons qu'étudier différentes hypothèses. C'est un mode de monétisation adopté par beaucoup de gros jeux de nos jours, ces derniers ayant pour vocation d'être des jeux vidéos en tant que service (Games as service). Ce que nous considérons comme étant un bon exemple à suivre de jeu ayant adopté ce modèle, et qui nous est particulièrement familier, est Monster Hunter World, avec son extension Iceborne. Sa boutique contient plusieurs dizaines de DLC cosmétiques payants — mais très dispensables — comme des stickers ou des costumes pour l'assistante. Cela ne l'empêche pas d'avoir droit à des mises à jour de contenu régulières.
Le dilemme financier des jeux modernes
On peut légitimement protester contre le fait d'introduire des éléments de monétisation tirés de jeux F2P comme League of Legends dans un jeu payé à plein tarif, et accompagné de DLC payants. Cela peut même passer pour de l'avidité, mais ce n'est pas pour autant dénué de raisons. Du point de vue d'Activision Blizzard, le gros problème de Diablo 3 est qu'il n'apporte pas de revenus réguliers en occident. Le groupe ne peut compter que sur les ventes de boîtes de jeu, de l'extension et du DLC du Nécromancien pour faire rentrer de l'argent depuis la suppression de l'hôtel des ventes. Le jeu de base datant de 2012, le nombre d'unités vendues mensuellement doit être dorénavant assez faible. Pourtant, les serveurs en ligne sont maintenus et, aussi modestes soient-ils, des patchs de contenu arrivent tous les 3 mois environ, ce qui implique le maintien d'une équipe de développement, même minimale. Les deux coûtent de l'argent et il n'est donc pas étonnant que le studio cherche un moyen de rentabiliser son prochain titre sur le long terme. Les cosmétiques obtenus sous la forme de microtransactions payantes pourraient probablement être la réponse la plus répandue, ainsi que celle la mieux tolérée par les joueurs, puisqu'ils ne se sentiraient pas forcés d'avoir à payer pour profiter pleinement du contenu et relever les défis de haut niveau.
Il faut aussi dire que le prix de base des jeux n'a pas significativement augmenté depuis de longues années à présent, alors que les coûts de développement ont explosé. Les jeux modernes demandent bien plus de travail, au moins dans leur réalisation, que ceux d'antan. Il est bien plus difficile de préparer de jolies textures et modèles en 4K avec des modèles physiques réalistes pour Diablo 4, que quelques sprites et animations pixelisées pour Diablo 1 et 2 par exemple. Les gros éditeurs n'ont pas encore osé augmenter directement le prix de leurs jeux, de peur de la réaction du grand public, dont les revenus ont aussi stagné depuis des années (en moyenne). Les éditions Deluxe, Collector, et surtout les DLC cosmétiques sont donc aussi des méthodes permettant de ne pas avoir à augmenter le prix de base du jeu. Un abonnement mensuel est évidemment hors de question en 2020 sur un jeu de ce type (n'en déplaise à Bethesda).
Pour ou contre les microtransactions cosmétiques ?
Une fois encore, comparées aux pratiques les plus agressives du milieu, les microtransactions purement cosmétiques semblent être un sacrifice acceptable aux yeux de beaucoup, pour des raisons déjà majoritairement exposées dans la section sur le financement. Mais ce n'est pas nécessairement l'avis de tous. Un des principaux arguments à leur encontre est qu'une grande partie de ces cosmétiques a simplement été coupée du jeu de base. Dans d'autres circonstances, ils auraient récompensé des joueurs accomplissant des actions notables en jeu. Cette pratique peut aussi influencer le studio dans son game design au sens large, ainsi que dans l'esthétique des objets. Bien que ce ne soit jamais reconnu ouvertement, ils peuvent choisir de priver les joueurs d'options qu'ils auraient mis à leur disposition en temps normal. Par exemple, la transmogrification ou les mods sur PC, afin de les pousser à passer à la caisse s'ils veulent avoir l'air cool en multijoueur. De plus, les meilleurs éléments cosmétiques ont tendance à être exclusifs à la boutique. Il y a une décennie, peu de joueurs auraient soupçonné Blizzard d'être capables de se lancer sur une pente aussi glissante, mais leurs nombreuses erreurs de parcours ces dernières années ont sérieusement entamé leur image et leur crédibilité en la matière.
Que pensez-vous du modèle de monétisation de Diablo 4 ? En auriez-vous préféré un autre, comme celui free-to-play ?