Après plus de 150 heures à parcourir le royaume d'Hyrule de Zelda Tears of the Kingdom, nous sommes fin prêts pour vous proposer un avis complet sur le mastodonte de la Nintendo Switch pour 2023. Succès interplanétaire et véritable révolution pour le genre dans lequel il s'inscrit,Zelda Breath of the Wild fait aujourd'hui figure de mètre-étalon dans le registre du monde ouvert. Rebelote avec cette suite ? Rien n'est moins sûr.
Remarque : Ce test contient des spoilers mineurs de gameplay et ne revient pas sur les bases posées par Zelda BotW. Pour vous rafraichir la mémoire, nous vous invitons à consulter notre avis sur le premier Zelda de la Switch ci-dessous
- Genre : Action / Aventure
- Date de sortie : 12/05/2023
- Plateforme : Nintendo Switch
- Développeur : Nintendo
- Éditeur : Nintendo
- Prix : 69,99€
- Testé sur : Nintendo Switch modèle OLED
Plus que les cieux pour pleurer
Histoire
Nous sommes quelques années après les événements de Breath of the Wild : Link et Zelda partent enquêter sur une épaisse fumée noire qui s'échappe des entrailles du château. Et ce qu'ils vont y découvrir va déclencher un cataclysme d'une ampleur inédite dans tout le royaume. Déchiré entre le ciel, la surface et les profondeurs de la terre, Hyrule se retrouve orphelin de sa princesse et son écuyer semble avoir perdu toutes ses forces. Bien heureusement, une aide providentielle va permettre à notre héros de reprendre du poil de la bête, grâce aux pouvoirs d'une mystérieuse civilisation.
Un synopsis qui brille par sa simplicité, dans la plus pure tradition des jeux Zelda, mais qui débouche sur une histoire bien plus dense et intéressante que celle de son ainé. Dans la même veine que Breath of the Wild, les 4 grands peuples d'Hyrule auront besoin de Link pour contrer les effets du cataclysme, dans des enquêtes régionales qui vous demanderont de traverser à nouveau les territoires Goron, Piaf, Zora et Gerudo. Mais TotK va plus loin, avec une seconde partie constituée de quêtes aux objectifs plus cryptiques, requérant un exploration plus poussée du monde. Il faut de toute façon garder à l'esprit que le jeu compte davantage sur les découvertes que feront les joueurs en explorant, plutôt que sur une poignée de missions bien cadrées. Par exemple, les "souvenirs" éparpillés sur la carte font leur retour, sous une forme différente, et ils sont toujours essentiels à la bonne compréhension de l'intrigue.
Narration
Déjà impeccable dans BotW, la narration environnementale de Tears of the Kingdom va pousser le curseur au delà de 9000, à un point tel que vous ne comprendrez pleinement son monde qu'après l'avoir copieusement exploré sous ses 3 formes (ciel, surface, profondeurs). C'est toujours très subtil, les indices sont minces, mais à force de déambuler sur ces terres, de parler à tout le monde et de bien faire attention lors de votre exploration, vous finirez par comprendre ce que les développeurs ont voulu faire passer avec cet Hyrule éclaté sur 3 plans.
On a tout de même noté quelques incohérences qui cassent un peu l'ambiance, comme des personnages qui ne se souviennent tout simplement plus de notre héros pour les besoins de certaines quêtes secondaires ou, plus gênant, une quête principale qui peut être complètement ratée et qui cause pas mal de soucis au niveau du récit si elle est complétée "au mauvais moment". La faute à cette narration éclatée qui laisse le joueur décider de la façon dont il va cautériser les plaies d'Hyrule et qui ne semble pas encore totalement maitrisée. Il s'agit pourtant de la manière la plus intelligente de raconter une histoire en laissant toute sa liberté au joueur. D'autant que TotK fait l'effort de relier davantage le contenu annexe à la quête principale, en reliant certains arcs scénaristiques.
Associations de malfaiteur
Gameplay, pouvoirs
Les fondamentaux du gameplay instaurés par BotW n'ont pas bougé d'un iota, pour le meilleur et pour le pire. On est sur un A-RPG très classique, dans lequel vos armes finiront irrémédiablement par vous claquer entre les doigts à force d'utilisation. Mais les nouveaux pouvoirs de Link et les mystérieux artéfacts soneaux vont complètement bouleverser les choses. Avec Amalgame, l'écuyer de Zelda pourra combiner l'une de ses armes avec absolument n'importe quel objet, afin de lui donner de nouvelles propriétés et/ou des effets supplémentaires. Vous allez rapidement vous rendre compte de la puissance phénoménale de ce concept, et cherchez pas, les développeurs ont pensé à tout.
Qu'ils soient attachés à une arme, un bouclier ou à une flèche, absolument tous les objets ont un effet ou donnent de nouvelles caractéristiques : rien de tel qu'un tonneau explosif attaché à un boomerang pour commencer l'assaut d'un camp de monstres sous les meilleures auspices. Grâce à Amalgame, les combats gagnent évidemment en intérêt avec une tonne de situations inédites, d'autant que vos adversaires ne vont pas se priver de vous cogner avec leurs propres combinaisons. Ce pouvoir ajoute également une toute nouvelle manière de récompenser le joueur, grâce aux dizaines de composants qui vont venir démultiplier les possibilités.
L'autre "dinguerie" du gameplay de Tears of the Kingdom se nomme Emprise et elle permet à Link de coller plusieurs éléments entre eux pour créer des véhicules ou des structures. Une mécanique centrale qui exploite les artéfacts soneaux, des objets d'une technologie oubliée aux effets divers : entre les roues tout-terrain, les tourelles laser, ou les fameux planeurs... Croyez-nous sur parole, vous n'avez pas fini de vous faire plaisir en essayant de comprendre comment les exploiter de manière optimale. Quant à la construction dans la pratique, elle est forcément compliquée à appréhender lors des premières heures de jeu, mais vous vous rendrez vite compte que les développeurs ont intégré de nombreux indicateurs visuels pour limiter au maximum les imprécisions, et ça fonctionne vraiment bien.
Emprise est étroitement lié à Duplicata, le cinquième pouvoir tenu secret par Nintendo pendant la communication autour du jeu. Celui-ci accélère la construction par 10 en reproduisant vos plans favoris, et garde en historique vos 30 dernières fabrications. Cette fonctionnalité apporte un confort non-négligeable et il est même au cœur d'un autre type de récompenses : les plans de fabrication. Ces schémas pré-établis, à collecter en explorant les profondeurs, sont une bénédiction pour ceux qui ne souhaitent pas se prendre la tête avec la construction, mais ils sont généralement bien gardés. A noter que tous vos engins sont soumis à une jauge de batterie commune, qu'il est possible de faire évoluer de la même manière que l'endurance ou les cœurs, grâce à une monnaie unique du monde d'en bas.
Last but not least, les deux pouvoirs Infiltration et Rétrospective offrent des atouts dont vous ne pourrez plus vous passer au cours de vos pérégrinations hyliennes. Avec le premier, Link peut traverser n'importe quel plafond à la verticale pour atteindre directement la surface du dessus, ou comment passer de l'intérieur d'une grotte au sommet d'une montagne en quelques secondes. Quant au second, il fait remonter le cours du temps à l'objet que vous aurez choisi : vous vous êtes engagés sur une mauvaise trajectoire avec votre avion ? Hop, vous lui faites remonter le temps façon rewind de Forza histoire de rectifier le tir.
Les 5 idées de génie que sont les nouveaux pouvoirs de la main de Link, couplés à l'excellence des mécaniques d'exploration du premier jeu, parviennent à faire oublier les quelques soucis d'ergonomie hérités eux aussi de Breath of the Wild : il est toujours impossible de changer de cible en combat, l'interface manque toujours de classification. Cette suite garde une bonne partie des petits défauts de son modèle et vient même en ajouter de nouveaux avec la gestion approximative du nouveau système d'alliés, mais soyons clairs, il s'agit d'une goutte d'eau par rapport au plaisir de jeu indescriptible ressenti pendant plus de cent heures.
Il convient également d'insister sur un point crucial, qui fait de ces jeux Zelda des spécimens uniques en leur genre : le moteur physique. D'une cohérence folle, ce dernier gère les matières, le poids des matériaux, leur équilibre et toutes les réactions logiques lorsqu'ils sont mêlés entre eux. Déjà très impressionnant il y a six ans, il va être exploité de toutes les manières possibles dans TotK, que ce soit pour la résolution de puzzles, ou simplement pour vous montrer de nouvelles manières de jouer avec.
Monde ouvert, donjons
Si le précédent opus est considéré par beaucoup comme une véritable révolution pour les jeux en monde ouvert, c'est en grande partie grâce à sa carte de la démesure, que le joueur est invité à explorer comme il le souhaite, sans être pris par la main : six ans plus tard, rares sont ceux qui ont réussi à recréer cette sensation de liberté totale (à vrai dire il n'y a qu'Elden Ring). Eh oui, en 2023, les mondes ouverts modernes continuent de se présenter sous la forme de checklist géantes, avec un contenu formaté qui ne laisse plus aucune place à la surprise ou à l'improvisation. Zelda Tears of the Kingdom vient donc creuser l'écart en matière d'open-world, avec une proposition qui reprend la carte du premier et vient lui ajouter deux "plans" qui apportent chacun de nouvelles manières d'appréhender l'exploration : les fameuses îles célestes et les profondeurs. Deux gros morceaux, mais Eiji Aonuma et ses équipes n'ont pas non plus oublié d'enrichir la surface, avec un réseau de grottes complexe et un nombre de surprises assez hallucinant.
Petite déception tout de même du côté des îles célestes, qui trahissent rapidement leur nature de sanctuaires aériens : leurs formes se répètent beaucoup et s'il y a bien quelques passages vraiment cools dans les airs, le plus grand des archipels est celui de la première heure de jeu. Pour les profondeurs, par contre, c'est une autre histoire : plongées dans un noir constant, ces terres font peu ou prou la même superficie que la surface. Au sein de ce terrain vague à l'ambiance désolée, vous aurez tout le loisir de mettre à contribution vos plus belles créations de véhicules pour faciliter votre progression. Tapissée de miasmes, une substance qui absorbe l'énergie vitale, il s'agit d'une zone dangereuse dans laquelle vous devrez descendre bien préparé pour trouver des racines qui vont éclairer les différents secteurs de la carte. Un concept assez osé, qui fonctionne vraiment bien et qui donne tout son sens à la construction avec Emprise.
Cette variété exceptionnelle dans la manière d'explorer et d'exploiter son monde ne suffit malheureusement pas à masquer la pauvreté d'un bestiaire, certes plus riche, mais toujours insatisfaisant : oui, ça va encore être la foire aux moblins et aux lézalfos et oui, ça va finir par vous lasser. Même constat pour les boss du monde, plus nombreux, mais qu'on croise à des intervalles trop réguliers (Golemax, si tu nous regardes). Ce bestiaire qui se livre beaucoup trop vite participe à rendre les dernières heures de jeu moins motivantes, avec un gros manque de rencontres surprenantes et/ou impressionnantes qui pourraient venir donner un ultime coup de fouet à l'intérêt. Avec les donjons, que nous évoquerons juste après, c'est vraiment LE point sur lequel Nintendo doit travailler si d'aventure il devait y avoir un troisième jeu dans la même veine que BotW et TotK.
Du côté des temples c'est indéniable, ils sont bien meilleurs que les créatures divines, mais on est toujours à mille lieues de renouer avec les standards de la saga dans ce domaine. Certes ils ont tous une identité, avec un boss unique assez cool en conclusion, mais clairement le compte n'y est pas. Les 5 donjons se terminent chacun en une petite heure grand maximum et si la forme a bien évolué, le fond reste quant à lui inchangé. Il s'agit toujours de points d'intérêt indiqués directement sur la carte, avec de petites salles "ateliers" qui mettent à profit les pouvoirs de Link : en un mot, décevant.
Pour se consoler, il y a heureusement plus d'une centaine de sanctuaires inédits pour vous rassasier en puzzles intelligents et en épreuves d'adresses, dans une formule enrichie grâce aux îles célestes et à certaines grottes de la surface. Ces micro-donjons sont toujours aussi inspirés et en venir à bout devrait vous convaincre de squatter Hyrule un sacré bout de temps : voilà plus de 150 heures que nous parcourons le royaume et nous ne les avons toujours pas tous découverts. Il faut dire que le contenu de TotK est absolument gargantuesque et Korogu mis à part, il vous faudra bien 200 heures pour voir tout le contenu intéressant qu'il a à proposer.
Un Zelda en 3 dimensions
Technique
Il y a du mieux côté framerate par rapport à l'appel de la nature, mais c'est toujours loin d'être parfait. Dès qu'une scène commence à se charger d'effets spéciaux, la console crache ses tripes et on atteint régulièrement les 20 images par seconde. Mais il faut aussi comprendre ce qui se joue dans les nombreuses situations farfelues offertes par Tears of the Kingdom : comme précisé plus haut, le moteur physique est bien plus évolué que dans la très grande majorité des jeux, a fortiori dans les mondes ouverts. Ainsi, si le taux d'images par seconde n'est pas toujours confortable et si toutes les tares visuelles du premier subsistent, il s'agit d'une sacrée prouesse pour la machine de Big N. Réussir à faire tourner ce jeu sur du matos de mobile vieux de plus de sept ans, sans qu'aucun temps de chargement ne vienne hacher l'expérience est proprement ébourrifant : n'écoutez pas ceux qui vont vous dire qu'il est à la ramasse sur le plan technique, en se basant uniquement sur la qualité de ses graphismes.
Direction artistique
Hyrule est toujours aussi majestueux et il l'est encore plus vu du ciel. Explorer les îles célestes tout en surplombant la surface de cet énorme monde ouvert donnerait presque le vertige. Avec son ambiance encore plus soignée que son frérot et sa gestion surprenante des lumières dans les profondeurs, Tears of the Kingdom va réussir à vous asséner quelques baffes visuelles du haut de ses textures WiiU. Le cycle jour-nuit est toujours divinement géré, la façon dont la bande-son vient s'adapter avec douceur aux actions ou à la position de Link est admirable et, plus globalement, tous les éléments sont présents pour que vous vous immergiez dans ce monde aux 1001 secrets. Une pure réussite pour un diamant brut, loin d'être parfait, mais à l'éclat sans pareil.