Bien que le titre de ce test fasse référence au livre du pape François sur le mariage et la famille, As Dusk Falls n’a rien de religieux ou de biblique. Édité par Xbox Game Studios, il s’agit là de la première création du studio indépendant britannique INTERIOR/NIGHT créé par Caroline Marchal. Ancienne de chez Quantic Dream, elle a été conceptrice en chef sur Heavy Rain et Beyond : Two Souls, avant de rejoindre Sony London Studio d’où elle est partie avec plusieurs collègues ayant notamment œuvré sur le jeu VR Blood and Truth, pour fonder Interior Night. On retrouve ainsi inévitablement dans As Dusk Falls des inspirations issues des productions du studio de David Cage. Il s’agit en effet d’un jeu narratif interactif visant un large public et traitant de thèmes universels chargés en émotions. Depuis son annonce au Xbox Game Showcase 2020, ce titre, qui propose de suivre le destin entremêlé de deux familles, a su interpeller par son concept multijoueur original. Et sa sélection avec 8 autres jeux pour le Tribeca Festival 2022, dont A Plague Tale : Requiem, Cuphead : The Delicious Last Course, ou encore Oxenfree II : Lost Signals, a fini de nous interpeller. Alors place au drama familial disponible sur Xbox One, Xbox Series et PC, ainsi qu’en day one sur le Game Pass (Xbox et PC).
- Genre : aventure narrative interactive
- Date de sortie : 19 juillet 2022
- Plateforme : Xbox One, Xbox Series, PC
- Développeur : Interior Night
- Éditeur : Xbox Game Studios
- Prix : 29,99€
- Testé sur : PC
Arizona Quantic Dream
L’histoire d’As Dusk Falls commence en 2012, alors que Zoe Walker, une étudiante en journalisme, retient son souffle au fond d’une piscine et se remémore son enfance. Ce sont en effet les événements qui se sont déroulés en 1998, en Arizona, sur la route 66, alors qu’elle n'était encore qu’une enfant, qui nous intéressent. Après que son père a perdu son emploi de mécanicien sur des avions de ligne, ses parents ont en effet décidé de quitter Sacramento, en Californie, pour s’installer à Saint-Louis, dans le Missouri. Ils emmènent également avec eux son grand-père malade et Zeus, son chien. On se rend vite compte que des tensions existent au sein de la famille, sans trop savoir encore de quoi il s’agit exactement. C’est alors qu’ils croisent la route des frères Holt et qu’un accident les oblige à abandonner leur voiture sur le bord de la route pour rejoindre le Desert Dream Motel en attendant de trouver une solution.
Les trois frères Holt, âgés de 18 à 25 ans, ont décidé, eux, de cambrioler la maison du shérif local pour dérober une belle somme d’argent dans son coffre. C’est aussi l’occasion pour le cadet de se venger de l’homme de loi qui l’a envoyé derrière les barreaux quelques années auparavant. Bien entendu, tout ne va pas se dérouler selon leurs plans et ils finiront par se réfugier eux aussi au Desert Dream Motel qui sera alors le théâtre d’un huis clos entre les deux familles et quelques autres protagonistes. Et c’est à travers divers flashbacks que nous en apprendront peu à peu davantage sur chaque protagoniste. Le scénario, qui nous fait incarner tour à tour différents personnages, en particulier Vince, le père de Zoe, et Jay, le benjamin des Holt, est intéressant, bien ficelé et met en place des liens entre les différents événements à base de trahison, de sacrifice et autre résilience. Mais ce sont vos choix qui déterminent avant tout le destin de chacun, parfois bien plus loin dans l’histoire.
Une série interactive multijoueur
Le titre se décompose toutefois en deux livres (Collision et Expansion), le second nous amenant à parcourir d'autres lieux et à rencontrer de nouveaux personnages. Chaque livre compte 3 chapitres alternant efficacement entre les événements de 1998 et d’autres ayant eu lieu un peu avant, plusieurs années plus tard ou encore au même moment, mais en un autre endroit. Comptez environ une heure par chapitre, soit un total d’environ 6 heures pour arriver au générique final. L’ensemble se présente comme une série, chaque épisode débutant avec le logo du jeu et se terminant avec un cliffhanger. Interior Night aurait facilement pu opter ici pour un format épisodique. Et non seulement le public visé est très large, mais tout a été fait pour que chacun puisse en profiter. Outre les paramètres relatifs aux sous-titres (taille, fond, couleur) et le classique remapping des touches du clavier et autre mode daltonien, vous avez la possibilité d'activer l’audiodescription, les délais accordés pour les QTE ou les choix de réponse peuvent être modifiés, … De plus, vous pouvez tout autant jouer au clavier-souris qu’avec une manette Xbox ou encore un téléphone ou une tablette grâce à l’application gratuite As Dusk Falls.
As Dusk Falls a en effet été conçu pour être parcouru à plusieurs, jusqu'à 8 joueurs, ce qui implique de pouvoir recourir à divers types de contrôleurs, que ce soit en local sur le même écran ou en ligne en cross-platform avec d’autres participants possédant le jeu, voire un mix des deux. Rappelons qu’il s’agit là d’une aventure purement narrative où les plans sont imposés et qu’un simple téléphone suffit largement. Nous ne contrôlons pas le déplacement des personnages, hormis leurs réflexes en tapotant une touche, un écran, à l’aide de mouvements du stick de la manette ou en balayant un écran tactile. Jouer ainsi à plusieurs permet de discuter des décisions à prendre et peut générer des débats rigolos entre amis. Les choix peuvent être délicats et chargés en émotions, ce qui ne simplifie pas les choses. Aucun matchmaking n’est cependant prévu pour trouver des joueurs random. En revanche, un mode broadcast plutôt sympathique est proposé. Grâce à celui-ci, vous pouvez diffuser votre partie sur Twitch en gardant seul le contrôle des QTE, mais en laissant vos spectateurs prendre part aux décisions via le chat en utilisant le hashtag correspondant au numéro de l’option retenue.
Un roman photo animé
De nombreuses décisions auront un impact non négligeable, comme on peut le constater dans les arbres scénaristiques proposés à la fin de chaque chapitre, avec les pourcentages des choix opérés par la communauté, façon Detroit : Become Human. Cela permet de juger de nos valeurs (honneur, famille, …), de notre personnalité (courage, prudence, …) et de notre style de jeu (réflexes), à l’image de la synthèse proposée en clôture de chapitre. Une fois l’aventure bouclée, il est appréciable de pouvoir redémarrer du point désiré afin de prendre une autre direction et d’en observer le résultat sur la suite de l’aventure, avec possibilité de simplement explorer une autre voie, écraser sa sauvegarde ou en créer une nouvelle. La rejouabilité est en ce sens bien présente et moins contraignante que de relancer à chaque fois le jeu de zéro pour essayer d’autres possibilités. Si certains embranchements sont mineurs et se rejoignent quoi qu’il arrive, d’autres sont cruciaux et modifient de manière manifeste la suite de l’histoire et son dénouement. Notons que si As Dusk Falls s’adresse à tous les joueurs, il traite tout de même de thèmes matures empreints notamment de violence, de conflits familiaux, de détresse psychologique ou encore de suicide. Vous serez donc prévenu à l’approche d’une scène sensible afin de choisir d’y assister ou non selon votre sensibilité en la matière.
L’essentiel du gameplay repose donc sur les choix d’action ou de réplique du personnage contrôlé. Il y a également des points d’intérêt à repérer à la manière d’un point’n click puis à observer, mais vous êtes généralement limité à deux alors qu’il y en a plus à l’écran. La solution retenue en multijoueur est de permettre à tous de voter, en un temps limité paramétrable. C’est alors la majorité qui l’emporte, et en cas d’égalité c’est le hasard qui décidera, tout comme si, en solo, vous laissez le temps s’écouler sans réagir. Seuls les embranchements majeurs vous laissent le temps de prendre votre décision et de débattre. Des vetos sont toutefois mis à la disposition des participants (leur nombre est lui aussi paramétrable). Chaque joueur peut alors en utiliser pour faire barrage à une décision et donc en imposer une autre, une idée sympathique qui ne manquera certainement pas de générer des réactions houleuses. L’autre pan du jeu réside dans les QTE (clic, clics répétés, mouvement), mais ceux-ci s’avèrent non seulement peu immersifs, mais surtout vraiment très simples. Un cercle vous annonce en effet par avance leur imminence, et le temps imparti pour les réaliser, bien qu’il soit paramétrable, est par défaut largement suffisant. Cela n’empêche toutefois pas de mettre en image des scènes d’action comme des bagarres ou des courses-poursuites.
Là où le titre se démarque particulièrement de la concurrence, c’est dans ses graphismes. Ceux-ci sont de qualité et représentent un enchaînement de charmants tableaux, mais ils sont quasiment privés d’animation. Il y a bien quelques objets qui bougent de-ci de-là, comme les véhicules ou le décor, ainsi que le vent que fait osciller la végétation ou les cheveux, mais ce sont surtout les successions d’images fixes marquant le déplacement des personnages que l’on retiendra. Le style est assumé et n’est pas dénué de charme, mais il ne plaira pas à tout le monde. Cela n'empêche curieusement pas de devoir subir quelques lags. Le rendu numérique des acteurs reste cependant séduisant avec son petit côté peint à la main, mais on se retrouve du coup devant ce que l’on pourrait qualifier de roman-photo animé. Et c’est un peu étrange de voir ces personnages complètement figés parler. Cela résout certes le problème de la synchronisation labiale et permet d’appliquer facilement les 12 langues, dont le Français, proposées pour les dialogues (il y en a 22 pour les sous-titres). Notons d’ailleurs ici que le doublage est de qualité, tant en VO qu’en Français, tout comme la bande-son posant l’ambiance et les différentes musiques de haut vol.
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