Un grand roc qui sort du sol, en plein milieu de la campagne provençale — voilà à quoi ressemble le 6MIC, cette salle de concert ouverte en janvier dernier qui a accueilli hier soir la 13e journée du Summer Split 2021 de la LFL, aka le LFL Trésor Day.
Dès 9h du matin, malgré la chaleur étouffante et le soleil de plomb du pays aixois, des supporters se massent à l'entrée du lieu pour sécuriser leur place dans la queue, et se garantir un siège au premier rang. Certains sont venus de très loin, d'autres sont du coin, mais ils ont tous eu l'idée folle de venir en avance, déployant au passage leurs chaises et leurs tables de camping et invitant d'autres groupes de supporters à leur campement improvisé.
Après plus d'un an de Covid, et puisque League of Legends est un jeu en ligne, ils avaient presque oublié que d'autres personnes partagent la même passion, le même engouement. Qu'ils existent d'autres joueurs dont les poils se hérissent de manière totalement incontrôlée à chaque apparition de l'opening de la LFL. Qu'ils n'étaient pas seuls, bien au contraire. Et bien qu'ils s'apprêtent, pour certains, à patienter pendant presque 8 heures, ça leur fait du bien d'être là et d'être au milieu des leurs.
La Karmine Corp est venue en force, mais Vitality ainsi que MCES ne sont pas en reste — et on distingue ça et là quelques autre couleurs. L'air commence à s'épaissir, et il ne s'agit pas que de la chaleur du Sud. Face aux ultras du Blue Wall, les Golden Hornets sont arrivés en infériorité numérique, mais on ne les entends pas moins — et la tension d'avant-match s'installe. On sent que quelque chose de magique est en train de se passer, alors que l'événement n'a même pas commencé.
Une foule et une ambiance éléctrique
À 16h30, les portes s'ouvrent, et une première vague de spectateurs vient immédiatement s'emparer des premiers rangs, en se répartissant par zones. À gauche, la KCorp ; à droite, Vitality ; juste derrière eux, MCES — la salle pouvant contenir 800 personnes se remplit d'un tiers en quelques instants, et les ultras commencent déjà à s'échauffer la voix, sous la baguette d'un talentueux chauffeur de salle et grâce à quelques apparitions éclair d'un Tweekz plus charismatique que jamais.
En moins d'une heure, les gradins sont déjà plein à craquer de spectateurs qui scrutent patiemment le décompte des minutes sur le grand écran... avant de se mettre à hurler à plein poumons lorsque l'opening de la LFL fait son apparition. Le preshow calme un peu la foule, qui se ravive immédiatement lorsque les joueurs de Misfits Premier et ceux de BDS font leur entrée sur scène pour installer leurs périphériques. Quoiqu'ils portent les maillots d'autres équipes, beaucoup les acclament et les encouragent dans une fraternité esportive qui fait franchement plaisir à voir.
La salle plonge soudain dans le noir et les joueurs entrent dans la Faille, sous un tonnerre d'applaudissements. Au bout de presque 40 minutes ponctués par les sursauts et le cris du public, les lapins finissent par s'imposer face à l'équipe suisse. L'ambiance est électrique... et ça ne fait que commencer.
Viennent ensuite GamersOrigin et IZI Dream, qui joue littéralement à domicile. Menée par Viking, le jungler suédois qui est rapidement devenu la coqueluche du public français, et dont le pseudo est fréquemment hurlé dans la salle, l'équipe aixoise semble galvanisée par l'audience, tandis que les rouge-et-noir semble peiner à s'adapter aux projecteurs. Cela ne semble pas suffisant pour renverser le rapport de force, et pourtant — après 30 minutes intenses largement dominée par les hommes de Glopo, les IZI s'engouffrent dans une brèche au cours d'un teamfight incroyable qui scelle le match.
Après les Aixois, c'est au tour des Lyonnais de monter sur scène, face à Solary. Bien évidemment, les rivaux de la KCorp reçoivent leurs lots de huées venues de la foule, mais la chose est faite sans trop de mauvais esprit, l'ensemble restant bon enfant. Le match commence sur les chapeaux de roue, mais est interrompu par plusieurs problèmes techniques qui brisent largement le flot de l'action. Dans les coulisses, les deux équipes parviennent à une entente avec les arbitres, puis le match reprend — mais l'issue ne fait déjà plus vraiment de doutes. Les Tourangeaux l'emportent, presque haut la main, sous les applaudissements de la salle, y compris des ultra KC fair play, alors capables de reconnaître le talent en leurs rivaux.
La tension est alors à son comble, car LE match de la soirée est sur le point de commencer. La moitié de la salle semble être spécifiquement venue pour cette rencontre : Karmine Corp vs Vitality.Bee.
Si jusqu'ici l'ambiance était électrique, la salle se met soudainement à exploser tandis que, de part et d'autres de la salle, les supporters menés par leurs ultras font retentir leur chants. Avant même que la draft n'ait commencée, ça tonne déjà dans tous les sens, et l'arrivée des joueurs sur scène n'arrange absolument rien. La foule s'enflamme, complètement en liesse, et de grosses gouttes de sueurs se mettent à couler sur les temps des agents du service de sécurité. Heureusement, les ultras ne sont pas venus pour casser quoique ce soit, et leur fougue se limite à la fosse.
La game commence, et les Vitality.Bee installent un contrôle solide sur l'early game jusqu'à ce que Saken vienne détruire leur mental en un seul play, retournant complètement l'issue de la rencontre et permettant à son équipe de sécuriser la victoire, un peu plus de 10 minutes après.
Bien évidemment, la salle s'enflamme. À droite, les supporters de Vitality se font plutôt silencieux, quoique certains parviennent encore à applaudir leur adversaires victorieux. À gauche, par contre, les fans de la KCorps hurlent et sautent dans tous les sens, brandissant leurs drapeaux et venant à nouveau s'amasser sur le devant de la scène. Les joueurs saluent leurs fans, puis disparaissent en coulisses, car le spectacle accuse encore un retard conséquent et qu'il reste un match.
Derniers de la soirée, GameWard et MCES entrent sur scène presque 2 heures après l'horaire de début initial de leur match, et les joueurs semblent mentalement fatigués. Le public, lui-même, n'a plus la même fougue qu'au match précédent, et certains ont même profité de la pause pour s'esquiver. Pourtant, un grande partie de la foule est encore là pour assister au dernier match, et acclamer les deux dernières équipes de la soirée. Un peu comme Izi Dream, les Marseillais jouent à domicile, et là encore le "home buff" semble galvaniser les joueurs provençaux. Complètement en contrôle de la partie, les MCES finissent par s'imposer face aux Boulonnais après un peu plus de 28 minutes de jeu...
Une soirée historique
En fait, il y a eu un avant Aix, et il y aura sans doute un après. Bien sûr, Monaco avait vu quelques spectateurs célébrer la victoire des Misfits Premier en novembre dernier, mais seules deux équipes jouaient alors, et les normes sanitaires drastiques n'étaient pas vraiment appropriées pour que la hype se répande parmi les gradins. Au contraire, hier, pendant quelques heures, la ville de Cézanne et ses fontaines sont devenues le foyer des fans et des ultras qui ont enflammé la fosse du 6MIC, prouvant au reste du monde qu'il n'y pas foule plus fidèle et passionnée que le public français.
En fait, la 13e journée du Summer Split 2021 est à marquer d'une pierre blanche, car il s'agit du premier "vrai" événement physique de l'histoire de la Ligue française. C'est la première fois que toutes les équipes sont rassemblées face à une partie de leur fans, et il ne fait absolument aucun doute que les spectateurs d'hier ont fait la fierté de la communauté française. D'ailleurs, la chose n'est pas passée inaperçu outre-Atlantique...
Mieux encore, les spectateurs de la Ligue française ont prouvé par leur fougue qu'il existe non seulement un amour mais surtout une véritable demande pour des événements tels que le LFL Trésor Day. Quoiqu'il soit difficilement imaginable d'avoir, en l'état, un système de matchs à domicile comme il peut en exister au football, on se plaît à rêver qu'une dizaine de journées de la saison régulière ait effectivement lieu dans les foyers des équipes de la LFL...