Pour une poignée de joueurs franchement arriérés de League of Legends, les femmes n'ont pas leur place dans la Faille. Au mieux, on les autorise à jouer des Support — des Enchanteurs, la plupart du temps — avec cette conception étrange et débile qu'elles devraient rester à l'arrière pour servir et soutenir les joueurs mâles en première ligne.
Grâce à la période romantique, Hollywood et les autres mânes culturelles qui ont pétri les esprits des Hommes depuis des centaines d'années, il existe une conception selon laquelle la femme serait une princesse fragile, devant être protégée par ce preux chevalier qu'est l'homme. Non content de saisir l'absurdité ontologique de cette diatribe dans la réalité, un lecteur averti aura certainement compris que cette représentation n'a absolument aucune emprise dans la Faille.
Aucun argument psychologique ou physiologique ne permet d'affirmer haut et fort que les hommes sont meilleures à LoL que les femmes, où que la Faille devrait être réservée à un genre ou à un sexe. En fait, si League — et les jeux vidéo en général — ont longtemps été le fief de la gente masculine, les femmes y ont parfaitement trouvé leur place au cours des 20 dernières années. Et, aujourd'hui, quoique la chose puisse certainement agacer ces joueurs arriérés que je décrivais plus haut, certaines d'entre elles sont parvenues là où ils les attendait le moins : en division Challenger.
Soondangmu, (son OP.GG) une streameuse coréenne, en est désormais la preuve vivante.
Une preuve, s'il en fallait
Il serait temps d'arrêter de citer le drama Vaevictis Esport comme un exemple vraiment pertinent pour illustrer la présence des femmes au plus haut niveau compétitif. Tout le monde a bien compris qu'il s'agissait d'un coup de communication, et les conséquences sont très largement venues desservir la cause féminine. Outre des exemples isolés comme celui de Maria "Remilia" Creveling, aucune joueuse n'est parvenue à véritablement rejoindre le sommet de l'écosystème compétitif de League of Legends (i.e les douze ligues régionales, incluant le circuit des Worlds et du MSI) — et cet état de fait est présenté comme un argument venant justifier que les femmes n'ont pas le niveau des hommes.
Pire encore, il sert de fondation à une généralisation stupide qui prétend que les joueuses de LoL sont purement et simplement nulles. Effectivement, il existe encore des écarts de niveau qui sont justifiés par l'absence de femmes dans le haut du panier, mais certaines d'entre elles sont bien plus douées et fortes que la plupart des joueurs. Shiny et Freyja, deux joueuses françaises auxquelles nous avons consacré un long article quelques mois auparavant, évoluaient en division Maître et Grand Maître, soit parmi le 0.1% des meilleurs joueurs de la planète.
En fait, les paliers Fer à Platine représentent 97,1% des joueurs de League of Legends. Il suffit de regarder cette statistique avec un peu d'humilité pour se douter que des joueuses évoluent dans les 2.9% restants — loin, très loin des Silver Scrubs que la plupart d'entre nous sommes. S'agissant du palier Challenger, on parle de 0,013% des joueurs, soit environ 1 495 000 joueurs à l'échelle de la planète : qui pourrait être assez naïf pour croire qu'aucune femme — fusse-t-elle inconnue du public — n'appartient à cette prestigieuse élite ?
Et si certains ont besoin de plus pour y croire, l'exemple de Soondangmu comme preuve devrait désormais suffire.
La streameuse coréenne a atteint le palier Challenger 795 LP en 324 parties — le tout en maintenant un winrate de 60% tout au long de sa grimpée, débutée sur un nouveau compte Gold en début de saison 2021. Jouant principalement Lulu, Séraphine ou Karma, elle n'aura malheureusement pas fait taire les haters, puisque c'est en tant que Support qu'elle s'est hissée jusqu'au sommet des serveurs coréens. Pourtant, son accomplissement n'en reste pas moins impressionnant.
À titre de comparaison, et quoiqu'ils ne jouent pas au même rôle, Tim "Nemesis" Lipovšek — l'ancien midlaner de Fnatic reconverti en streamer chez Gen.G — n'a atteint le palier Challenger 801LP qu'après 368 parties, et en maintenant un winrate de 56%.
On est encore loin de voir des joueuses pros débarquer en LEC ou en LCK, mais le fait que de plus en plus de femmes démontrent au grand public qu'elles sont tout à fait capables d'atteindre le haut du ladder est certainement un pas en avant symbolique. Quoique Diana “DSN” Nguyen n'ait pas joué, on se plaît à rêver qu'un jour des joueuses puissent défendre les couleurs de leurs régions dans des compétitions aussi prestigieuses que le MSI ou les Worlds.