Rémi : Entre 2016 et 2019, on essayait de réunir tous les pros et semi-pros de Magic afin de s'entraîner tous ensemble et d'aller beaucoup plus loin sur le collaboratif. Ça inclut plusieurs méthodes de préparation mais aussi comment on fait pour vivre et pour plus apprécier les choses ensemble, on s'était questionné sur ces sujets-là et j'ai vu que ça marchait bien, et je me suis dit que si on veut continuer de progresser, on ne peut pas se limiter qu'à nous et à notre petit écosystème en partie parisien, qui nous faisait passer à côté de pleins de talents. Il y a sûrement pleins de nouveaux profils à trouver dans la génération Arena qui arrive parce que c'est un afflux de nouveaux joueurs venant d'autres univers avec d'autres imaginaires. On avait cette expérience de partager avec d'autres joueurs de Magic et avec un afflux de joueurs, et en effet, ça change le jeu ! Je ne voulais pas du tout me faire prendre de court par cette transition, et c'est comme ça que j'ai rencontré Guillaume et son grand groupe Facebook dédié à Magic Arena. Il animait et anime toujours d'une manière extrêmement dynamique et étonnante ! Cela m'a juste confirmé que la nouvelle génération de joueurs était déjà arrivée et que les champions du monde de demain sont les spectateurs des champions du monde d'aujourd'hui et sont admiratifs de Jean-Emmanuel Depraz ! Si on les aidait à passer directement les étapes et qu'ils n'avaient pas à tout apprendre tout seuls, ils arriveraient à un niveau compétitif beaucoup plus vite et in fine, tous les joueurs francophones auraient un avantage compétitif* sur les communautés des autres nations grâce à notre aide notamment dans la réussite de leur transition. C'est la logique de prendre la pyramide par le milieu : prendre les joueurs qui ne sont pas encore prometteurs et qui se disent qu'ils voudraient bien jouer en compétition, on leur donne tous les outils et les bons états d'esprit en les faisant côtoyer des pros.
Il y a eu une occasion géniale qui arrivait : Il y a eu le Mythic Qualifier sur Magic Arena et le Grand Prix Lyon en standard qui s'était déroulé à Lyon la semaine juste après. Ce qui voulait dire qu'à une semaine d'intervalle il y avait à la fois les joueurs de papier et la nouvelle génération d'Arena qui allaient être réunis au même moment et qu'ils s'entrainaient sur la même chose chacun de leur côté. Je me suis donc dit qu'il fallait absolument qu'on le fasse tous ensemble, c'est en plus de ça une superbe manière de se rencontrer et d'apprendre ensemble.
En plus d'avoir vu cette opportunité, j'avais aussi peur que les deux communautés s'affrontent. Je ne voulais pas du tout rentrer dans ces préjugés-là, on valait beaucoup mieux que ça. Je pensais qu'un projet fédérateur serait la meilleure manière de le faire. Il y a un mois de standard qui arrive en octobre 2019, c'est là et c'est maintenant, on se met tous ensemble et on va s'asseoir sur le trône (ndlr : car ces évènements se déroulaient lors de la sortie du Trône d'Eldraine.)
Au final, ça a très bien marché à tous les niveaux et ça a très largement dépassé tout ce qu'on imaginait. Au départ sur le Mythic Qualifier il y avait plein de joueurs qui disaient qu'ils avaient fait leur meilleur score mais qu'en plus des résultats c'est l'une des fois où ils ont le plus apprécier s'entraîner. C'est ça ce dont on retient le plus, si l'on juge la qualité d'un entraînement uniquement à la qualité du résultat, alors on rate tout le plan social de Magic. Même l'entraînement après la défaite était un bon moment, notre pari était réussi. Ça s'est passé de la même façon pour le Grand Prix de Lyon. Il y a eu plein de joueurs qui s'étaient déplacés pour leur premier Grand Prix et donc pour leur premier rapport social au jeu, c'était déjà une victoire mais en plus beaucoup d'entre eux qui disaient avoir participé au jour 2, la finalité est qu'on a gagné le Grand Prix avec un deck qui a été créé sur Perf' par les mains d'Antoine Lagarde et Thierry Ramboa qui est arrivé en Top 8. À partir de là ça marchait beaucoup trop bien et tout le monde adorait. J'ai même envie de dire qu'on était obligé de continuer.
Rémi : En terme de communauté, on a permis à des joueurs de se rencontrer et c'est finalement ce qui est le plus précieux. En fait, ma conviction dans Magic qui s'affine et qui s'affirme de plus en plus avec le temps, c'est que la clé à Magic est la rencontre des autres. C'est à la fois la clé parce que pour les voyages c'est beaucoup plus sympathique quand on le fait avec des amis, ce qui le rend aussi plus abordable financièrement et on s'entraîne beaucoup mieux quand on a le retour des autres. Et sur Perf' maintenant on est 2000 (NDLR : entre l'interview et l'apparition de l'interview, 1000 nouveaux membres ont rejoint la communauté sur Facebook et les trois Discord !) Et cette sensation s'exprimait tout le temps, c'est comme ça qu'on a continué à décliner Perf' et qu'il y a des personnes qui se sont rencontrées dans ce "carrefour" français. Quand on joue sur un support intégralement digital, on ne rencontre pas les gens directement, il faut d'abord faire un trajet par des communautés et c'était justement le rôle que jour Perf'. Il y a donc eu des joueurs qui se sont rencontrés, qui ont noués des amitiés, que ce soit à travers une affinité pour un deck, un certain rapport au jeu ou une couleur et ça on en est très fier. C'est devenu une espèce de phare qu'on décline en standard et maintenant à la fois sur le limité et sur l'historique. Et ça ne fait que monter crescendo.
Rémi : Au final, ce sont les joueurs et leur passion, leur désir ardent de faire de la compétition qui sont le vrai moteur. Je pense que les personnes qui veulent faire de la compétition et qui se donnent vraiment vont trouver des personnes avec qui le partager. Ce qu'on peut faire nous, c'est les aider à vivre cette transition là. De manière assez parallèle, Magic, lui veut faire sa transition e-sport et donc a besoin de développer son jeu sur toutes les plateformes. Les joueurs vivent la même chose, ils ont besoin d'accompagnement dans cette transition, notamment chez les joueurs d'Arena. Il y aurait quand même eu cette initiative autre part, mais plus tôt on le faisait, plus tôt on initiait la transition. Maintenant, Magic Arena commence à être démocratisé et ce, même chez les joueurs qui jouaient uniquement en format papier, dorénavant il y a des Pro Tour sur Arena, donc des raisons compétitives de jouer dessus.
Mais il y a encore un an de ça, ce n'était plus tout à fait le cas car le rapport à la nouveauté et à l'inconnu était douloureux, il y a des personnes qui trouvaient ça différent, bizarre, ce n'est pas dans leurs habitudes et n'avaient pas forcément envie de s'y initier. Ça créait des gouffres qui pouvaient se transformer en des désaccords avec des personnes, ce qui est vraiment détrimental car on a besoin d'être ensemble pour gagner.
Vincent : Il peut y avoir une sorte de séparation et parfois c'est même un sujet de discussion; Est-ce que c'est la même chose si on joue au jeu sur ordinateur et en vrai, et effectivement ce n'est pas exactement pareil. On ne sent pas les émotions du joueur adverse, il y a des petites subtilités dans les compétitions. Mais au final c'est vraiment le même jeu c'est presque évident de le dire et à la fois ça ne l'est pas du tout parce qu'ils y en a qui ne jouent qu'en papier et qui ne se mettent pas à Magic Arena et inversement. Ce qu'on comptait faire au moment du Grand Prix de Lyon et du Mythic Qualifier était de faire comprendre aux joueurs qu'on jouait quand même au même jeu et dans le même format. On pouvait très bien coopérer ensemble et ça a été fait, c'est vraiment quelque chose qui nous tenait à cœur de devoir réunir ces deux groupes de joueurs et créer une communauté entre eux. C'est une sorte de victoire parce que ceux qui ne jouent que chez eux et qui se mettent à aller rencontrer du monde en vrai est vraiment super et pareillement si des joueurs uniquement papier commencent à jouer sur Magic Arena notamment avec l'arrivée du Covid puissent continuer à jouer depuis chez eux.