Quand on développe un champion capable d'utiliser son taunt pour lancer une pièce d'or au cadavre encore fumant de son adversaire, on a nécessairement une idée derrière la tête. Et, dans ce cas précis, c'était de faire de Samira une vraie badass adepte de BM. Autant se le dire, le challenge est très largement accompli, et les main ADC ont désormais les yeux emplis d'étoiles lorsqu'ils regardent le trailer de la Rose du Désert.
Samira a tout d'une Bayonetta, et son ultime n'est pas sans rappeler celui de Valla dans Heroes of the Storm, ou simplement celui de Reaper dans Overwatch. Un tourbilol de gun jutsu faisant s'abattre l'apocalypse sur vos adversaires, comme dans Equilibrium. Comme à son habitude, League of Legends s'inspire des autres, tout en promettant à demi-mot de faire mieux. La différence subtile réside finalement dans le passif de Samira, qui agit à la fois comme un buff et comme un limiteur à cet Ultime dévastateur.
La Rose du Désert ne peut lancer son Ultime que si elle atteint une note de style "S", ce qui nécessite un enchaînement de combos spécifique pour pouvoir atteindre son potentiel maximum. Cela dit, bien qu'il agisse effectivement comme un limiteur, ce passif est loin de représenter un défi véritablement effrayant pour la plupart des joueurs, d'autant plus au niveau professionnel.
Au delà de cette compétence, le kit tout entier de Samira a provoqué des réactions houleuses sur les réseaux sociaux dès qu'elle a été implantée sur le PBE. Et pour cause, son E - Charge Sauvage est un dash ciblable dont le CD est réinitialisé à chaque élimination, et son Z - Tourbillon de lame est une sorte de Windwall omnidirectionnel, détruisant les projectiles sur deux ticks. Pour un champion que Riot estampille comme un Marksman joué en tant que carry en botlane, le kit de Samira ressemble beaucoup plus à celui d'un Assassin ou d'un Skirmisher...
En découvrant Samira, beaucoup de joueurs ont immédiatement déclaré qu'elle était beaucoup trop puissante, que son kit de compétences était surchargé. Le champion n'ayant pas encore été vraiment implanté dans le jeu, il est difficile d'en juger pleinement. Cela dit, il est indéniable que le kit de la Rose du Désert est infiniment plus complexe en termes de mécaniques que celui de beaucoup de champions de la première génération. C'est d'autant plus visible qu'il suffit de comparer leurs compétences passives, celle de Nasus faisant pâle figure par rapport à celle de Samira.
Un fossé qui continue de se creuser
Après dix années à développer des champions, et désormais 151 personnages designés, il semble presque logique que les équipes de Riot aient eu besoin d'apporter de nouvelles mécaniques en jeu. Afin de rendre chaque champion unique, Riot rivalise souvent d'ingéniosité et de créativité, ce qui amène nécessairement à des kits de plus en plus subtils et complexes. Toutefois, si apporter de la complexité et de nouvelles mécaniques en jeu est nécessairement bénéfique à long terme, le fossé entre la première génération et les tous derniers champions ajoutés au roster continue de se creuser.
En témoigne, en un coup d’œil amusé, cette comparaison entre le kit de Samira et celui de Udyr, sorti en décembre 2009.
Si vous regardez de près les dix-sept premiers champions qui sont sortis il y a dix ans lorsque le jeu était en bêta, vous remarquerez clairement que leurs kits sont d'une simplicité effrayante. A noter d'ailleurs que neuf de ces 17 champions ont été rework depuis leur sortie initiale en 2009.
En même temps, cela ne veut pas dire qu'ils sont mauvais. Alistar illustre bien ce propos, car son kit est à peu près le même depuis sa sortie initiale : sur les 77 matchs qui ont été joués lors du Main Event des Worlds de 2019, il a été pick 17 fois. De même, Tristana a été choisie 21 fois, et Morgana 14 fois. Et si Ashe n'était pas meta lors de la dernière édition, on peut s'attendre sans trop de surprise à la voir envahir les games de Shanghai tant la LPL a fait de ce champion son ADC favori.
Pour autant, ces cas sont malheureusement marginaux, et nombreux sont les champions du roster actuel de LoL qui sont considérés par beaucoup comme complètement obsolètes. Avec le rework de Fiddlesticks et celui de Volibear, Riot a démontré sa volonté de combler le fossé entre les nouvelles et les anciennes générations. Cela dit, au vu des derniers champions sortis ou annoncés pour l'année 2020 (Sett, Lillia, Yone, et Samira) on peut honnêtement se demander pourquoi Riot a préféré complexifier le jeu plutôt que de chercher à retravailler des champions qui ne sont plus du tout au goût du jour.
Bien sûr, le Covid-19 a joué un rôle considérable, forçant sans doute le studio à réorganiser quasi intégralement sa chaîne de production. Entre la sortie de Sett et celle de Lillia, six mois se sont écoulés — et Riot semble vouloir désormais rattraper son retard, en mettant les bouchées doubles. Moins d'un mois s'est écoulé entre la sortie de Lillia et celle de Yone ; et on annonce désormais Samira tandis que les leaks murmurent déjà le nom de "Séraphine".
Retour au rythme de croisière
Pour les vétérans de la Faille, en dehors des changements de Présaison, il n'y a pas grand chose de plus excitant qu'un nouveau champion. Durant les premières années de League, Riot a sorti de manière consistante à peu près 25 champions par an, venant chaque fois rafraîchir le jeu de nouvelles mécaniques, et de nouvelles possibilités en terme de composition d'équipes. D'un autre côté, cet afflux de nouveaux champions a rendu le jeu infiniment plus difficile à équilibrer — phénomène dont le studio a très vite pris conscience. Depuis 2014, cinq à six champions sont ajoutés au roster chaque année, pour justement veiller à cet équilibrage devenu d'autant plus important que le circuit compétitif tout entier en dépend désormais.
Cette évolution à elle seule contredit l'argument selon lequel Riot serait en train de se précipiter. Au contraire, le studio tente simplement de retrouver sa vitesse de croisière après des mois de lenteur imposée. Lors des Worlds 2019, le dernier champion en date, Qiyana, pouvait être joué, tandis que Yone sera lui interdit pour cette édition. Et si Riot ne s'est pas encore exprimé au sujet de la disponibilité de Samira, on imagine bien que la Rose du Désert subira le même sort que le frère de Yasuo. Ce simple fait suffit à souligner le retard pris par Riot sur leur propre calendrier, retard qu'ils ont apparemment essayé de combler en sortant deux champions durant l'été 2020, et un à la rentrée.
Cela dit, Riot Games ne semble pas non plus avoir oublié son calendrier de rework. Et si Shyvana était pour l'instant le pronostic principal, il semblerait que le regard du studio — en la personne de Mark Yetter, Lead Game Designer — se soit aussi tourné vers Udyr...
Reste à savoir combien de temps il faudra attendre avant que le Gardien des Esprits retrouve sa place dans la méta. D'ici là, il ne fait aucun doute que Samira l'aura déjà dominée...