Depuis l'édition 2017 des Worlds, la phase préliminaire des Play-In ouvre ses portes aux moins bons des meilleurs et aux meilleurs des moins bons. Cette année encore, les rapports de force y seront déséquilibrés. D'un côté, des formations de premier plan passées au travers de leur saison estivale et qui ont l'obligation de se réhabiliter dans ces championnats du monde. De l'autre, ces fiers représentants des ligues mineures abonnés aux avant-tournois des grandes compétitions tenteront l'exploit de gagner leur place dans l'élite. Sauver l'honneur ou saisir la chance de braquer les projecteurs sur sa région, rien n'est acquis pour les douze équipes sur la ligne de départ cette année.
Edward Gaming en souverain
Arrivé deuxième de la conférence ouest de la LPL sur ce Summer Split derrière les Rogue Warriors, grands absents de ces championnats du monde, Edward Gaming a attesté d'une saison simplement correcte. Le renforcement de la concurrence en Chine depuis le début d'année a mis à l'épreuve, comme beaucoup, une équipe homogène mais loin d'être aussi spontanée que ses concurrents. Défaits en quart de finale des playoffs par l'ouragan JD Gaming, EDG s'est finalement distingué dans le gauntlet en réglant ses comptes avec Zoom et ses coéquipiers, avant de triompher des Warriors en finale pour une place aux Worlds.
La trame narrative des péripéties d'Edward Gaming rappelle de façon évidente celle des Gen.G (ex-Samsung Galaxy) en Corée cette année : timides en saison régulière, surclassés en playoffs puis rois du gauntlet à la conclusion.
Une remontée sensationnelle qui s'est traduite, comme souvent en LPL, par une célébration de l'agression et d'un jeu très porté vers l'avant. Plus rien à voir avec les Gen.G, avec Crown ou Ruler, Edward Gaming a su s'illustrer au travers d'exploits individuels. D'abord ceux de Meiko, shotcaller et support hors-norme qui est d'une régularité stupéfiante depuis le début d'année. Scout au mid représente un danger permanent en plus d'être un joueur purement mécanique qui semble imprenable en lane dans ces Play-In. Et puis les rookies Haro et iBoy qui ne sont pas irréprochables mais qui restent sur des performances de grande qualité durant le gauntlet, avec pour le premier une batterie de junglers agressifs et un Lee-Sin extraordinaire face aux RW en finale. Des prestations d'autant plus convaincantes qui permettent de s'accommoder de l'inconnue Clearlove, dont l'expérience sera quoi qu'il en soit un atout supplémentaire pour l'équipe.
La rédemption par les Play-In est une bonne chose pour Edward Gaming. Utiliser ce premier tour pour étoffer ses stratégies comme sa cohésion d'équipe leur permettra de se défaire de la pression du Main Event avant les autres. Une occasion également de s'aguerrir au piège du BO1 pour une équipe conditionnée dans des formats BO3 à domicile.
Non loin de là, du côté de leur voisin Hong-kongais, les G-Rex s'apprêtent à participer à leur premier championnat du monde. L'équipe de LMS s'est pourtant fendu d'un Summer Split bien terne en accrochant péniblement la cinquième place d'une ligue domestique loin d'être verrouillée. Deux nettes victoires au gauntlet les propulsent cependant au Play-In, dans un groupe difficile à manœuvrer avec les Gambit d'un côté et les Kaos Latin Gamers de l'autre. Soit deux équipes expérimentées qui ont désormais l'habitude des grands rendez-vous et de l'intensité d'un Play-In.
Les joueurs taïwanais restent sur une performance décevante durant leur dernière apparition à l'internationale à l'occasion des Rift Rivals 2018. Corrigés par KT Rolster et Edward Gaming, les G-Rex n'avaient rien montré, hormis le fossé qui peut les séparer des Flash Wolves à la maison. G-Rex pourra faire valoir ses imports coréens au cœur de sa line-up mais le seed 3 de la LMS aura bien du soucis à s'imposer face aux vraies menaces de ce tour préliminaire : Chine, Europe, Amérique du Nord et Turquie.
Preuves à faire pour G2 Esports et Cloud9
La fin de saison rassurante de Cloud9 en LCS NA a bien pansé les blessures du début du Summer Split. Réussir à bâtir un effectif stable et cohérent a nécessité plusieurs semaines de tergiversation du côté du staff mais le résultat est à la hauteur des attentes. Licorice est le vrai carry de cette équipe et, par-dessus tout, un excellent joueur. Le festival du Hecarim toplane face à TSM en finale du gauntlet a entériné tout le potentiel du rookie C9, à l'aise dans ses matchs up, régulier dans ses prestations. Les arrivées de Blaber et de Zeyzal, produits de la ligue Academy, ont pour leur part dynamisé l'effectif en faisant progresser la relation mid/jungle avec Jensen notamment. L'inquiétude entoure par contre les performances récentes de Sneaky dont le retour en tant que titulaire n'est pas étincelant. L'ad carry C9 souffre aujourd'hui de trop d'erreurs de positionnement en fight et ne s'est pas imposé comme une valeur sure en playoffs.
Cloud9 n'a cessé de gagner en efficacité depuis la mi-saison. A confirmer au milieu d'un groupe abordable.
En Europe, les G2 Esports signent la pire saison de leur histoire après un Summer Split pénible et des playoffs médiocres. La qualité d'un effectif jusque-là rompu au haut niveau s'est ostensiblement dégradée cette année. La botlane affiche un niveau très faible et n'assure pas ses phases de lane, recroquevillée dans des picks de conforts. Jankos, très loin du statut de ‹‹First Blood King››, n'apporte aucune pression dans la jungle et admet beaucoup trop de déchet dans son jeu. Les satisfactions sont rares dans l'effectif G2 et la lumière vient souvent de Perkz sur la midlane. Fiable, le joueur Croate tire indéniablement l'équipe vers le haut et reste le premier facteur du succès de G2 Esports dans le gauntlet.
Le niveau européen, Fnatic exclu, pose clairement question cette année et voir G2 se casser les dents sur les SuperMassive dès le Play-In n'a rien d'inenvisageable. L'équipe prétend a beaucoup trop de limites individuelles et devra impérativement s'employer à une macro des plus propres, celle du gauntlet. Un exercice auquel G2 sait se plier avec exigence.
Concernant SupperMassive Esports, les représentants Turcs tenteront de rééditer leur belle performance du MSI avec une qualification pour le Main Event, après un quasi sans faute en Play-In. Les SUP progresseront cette fois encore avec une line-up bigarrée qui compte son lot de vétérans Coréens. SnowFlower ancien des Jin Air Greenwings et des Freecs en support et sur la midlane, GBM, dont le Vladimir est devenu une véritable attraction au MSI. SuperMassive est une équipe dangereuse qui bénéficie déjà d'expérience à l'international. Ses chances de s'extraire du Play-In ne font aucun doute du côté de la Turquie.
Le rendez-vous des habitués
Le Play-In des Worlds est aussi l'occasion de retrouver quelques visages familiers. Des équipes qui ont coutume de survoler leur propre région toute l'année et qui sont devenues, au fil des grands événements du calendrier, autant de participants ancrés dans le paysage.
Auteurs d'un MSI réussi avec une première place en groupe au Play-In, les Gambit Esports sont réhabilités à l'approche de ces championnats du monde, après une édition 2017 désastreuse. Les vétérans d'Europe de l'Est Kira, Diamondprox, PvPStejos ou encore Edward ont marqué les esprits au mois de mai avec des stratégies atypiques et des compositions exotiques : le trio Karthus/Nocturne/Jhin imposé aux Rainbow7 avait permis de mettre en lumière la simplicité avec laquelle sait communiquer l'équipe Russe. Entre une discipline de fer et une lecture de jeu avisée, l'équipe bénéficie de beaucoup d'expérience et de plusieurs picks de confort. La Anivia de Kira ou le Kha'Zix de Diamondprox seront sans doute des cibles prioritaires pour leurs adversaires.
Comme au MSI, les Gambit retrouveront les Kaos Latin Gamers dans leur groupe. L'occasion est belle pour les champions de Russie de remettre le couvert face à une formation nettement surclassée il y a quelques mois. Les KLG ne sont pourtant pas des néophytes des tournois majeurs et revendiquent déjà une expérience du haut niveau. Présents aux Worlds 2017 et au MSI cette année, l'équipe s'est affranchi de tout complexe devant le public en faisant l'apologie d'un jeu très agressif. Leur leader et jungler, Tierwulf, s'est illustré avec Olaf ou Graves, mais aussi par son caractère impulsif sur scène. Les Kaos Latin Gamers ont d'ailleurs écrasé la compétition à domicile cette saison avec un ratio de 86% de victoires en saison régulière et un score cumulé de 6 - 1 en playoffs. Maîtres incontestés d'Amérique Latine du Sud, les Chiliens ont une revanche à prendre dans ces Play-In.
La concurrence est rude en Amérique du Sud et les Brésiliens de KaBuM! e-Sports sont les grands gagnants du Rift Rivals 2018 dans la région. En triomphant de KLG en finale, KaBuM! confirme sont retour sur le devant de la scène cette année après un MSI encourageant et une deuxième place en groupe derrière les SuperMassive. Les tombeurs d'Alliance en 2014 ont réalisé une saison pleine en CBLOL en tirant parti d'un effectif stable et homogène ainsi que de l'arrivée d'un coaching staff Coréen après le MSI. Les vedettes Titan au bot et dyNquedo sur la midlane représentent le nouveau visage d'une jeune équipe talentueuse, mais qui manque encore d'expérience à l'international. La confrontation directe avec Cloud9 dans le Groupe C semble d'ores et déjà périlleuse.
Toujours dans l'hémisphère sud, les Dire Wolves représenteront une fois de plus l'Océanie pour ces championnats du monde. La formation d'OPL est certainement l'une des plus fragiles de la compétition et pâtit de la très faible cote de sa ligue locale, même si elle truste la première place du championnat depuis un an et demi. Leurs mauvais résultats aux derniers Worlds comme au MSI cette année, et surtout l'affrontement à venir face à Edward Gaming, n'offrent presque aucune chance au Wolf Pack de sortir du Play-In. La formation australienne est pourtant invaincue en saison régulière sur ce Summer Split. Elle enregistre d'ailleurs l'arrivée d'un jeune rookie, BioPanther, sur la toplane en remplacement de Chippys qui n'aura pas l'occasion de gratifier le public Séoulite de son étrange Camille. La line-up des DW sera néanmoins bouleversée pour ce début des Play-In avec la suspension de son jungler et capitaine, Shernfire, pour des motifs de comportements négatifs en jeu sur les serveurs Coréens.
Les inconnues du tournoi
Ascension Gaming n'est pas un total étranger des grandes compétitions. L'équipe Thaïlandaise a connu son premier rendez-vous international au printemps dernier lors du MSI, grâce à la migration du Vietnam vers sa propre ligue. Transparents pendant la compétition et moins inventifs que leur voisin dans leurs drafts, Ascension Gaming a toutes les chances de rendre une copie similaire dans ce Play-In. L'effectif a cependant cette particularité de compter un joueur Russe, NikSar, issu du circuit challenger de LCL, au milieu de quatre représentants Thaïlandais. Pourtant, le peu de marge de progression de ses joueurs et la concurrence inexistante en SEA ne devrait jamais permettre aux Thaïlandais d'espérer l'emporter face à G2 et SuperMassive.
Du côté de la LLN, Infinity eSports profite de la méforme historique des Rainbow7 pour se hisser au sommet d'un championnat cadenassé depuis 2013. Novices au plus haut niveau et vraie variable d'ajustement du Groupe A, l'équipe en majorité péruvienne avait l'honneur d'ouvrir la phase de Play-In face à Edward Gaming le 1er octobre. Malheureusement, à cause de problèmes de visas, l'équipe ne devrait atterrir en Corée que la veille et les dates initialement programmées ont été modifiées par l'organisation du tournoi. La formation costaricienne bénéficiera donc d'un minimum d'entraînement sur place et fera son entrée en compétition le 3 octobre face à la Chine. Fatalement, Infinity devra aussi trouver les ressources face aux Dire Wolves, qui doivent surmonter eux aussi, quelques difficultés dans leur préparation.
Il est enfin très peu probable que les DetonatioN FocusMe soient la vraie surprise de ce Play-In. Eternels seconds à la lutte avec Pentagram (ex Rampage) depuis 2015 en LJL, les joueurs Japonais accrochent pour la première fois de leur histoire une qualification pour les championnats du monde au terme d'un Summer Split parfait. Comme d'autres équipes du Play-In, DetonatioN FM dispose d'imports Coréens avec notamment Steal en jungle, passé par KT Rolster ou Millénium. L'équipe Japonaise compte aussi des vétérans du circuit avec Ceros, rivé sur la midlane DFM depuis 2013 et qui fêtera ses 25 ans en décembre prochain. Beaucoup d'expérience, somme toute, qui ne rendra pas la tâche plus simple à la plus ancienne équipe professionnelle de League of Legends au Japon. La marche semble trop haute au milieu de Cloud9 et KaBuM! e-Sports dans ce Groupe C.
Rendez-vous du 1er au 7 octobre pour suivre l'intégralité de la phase de Play-In des Worlds 2018.