Un set un peu faiblard ?
Les sites spécialisés dans l’analyse statistique de la méta Hearthstone (tels Vicioussyndicate et HSReplay, grâce aux trackers) ont noté récemment une chute significative de la fréquentation du jeu, après le pic naturel de la sortie du Bois Maudit. Cette baisse d’engouement est plutôt prématurée, à peine plus d’un mois après la release, même si ce phénomène n’est pas totalement inédit. Les raisons sont certainement multiples, mais il semblerait surtout que la rotation et les cartes du Bois Maudit ne soient pas parvenues à donner le coup d’air frais nécessaire et attendu sur la méta, ou à peine un courant d’air tiède dans une auberge surchauffée.
Si de nouveaux archétypes ont été inventés, force est de constater que la popularité des cartes de la nouvelle extension est très faible, à l’image de leur power level moyen. Malgré la rotation, il reste toujours Un’goro dans le set, avec ses excellentes cartes dont le power level moyen n’avait jamais été aussi élevé depuis Naxxramas ; Trône de glace et Kobolds et Catacombes restent en soi des extensions décentes. Mais si on regarde ce rapport statistique sur la popularité des nouvelles cartes à chaque release, proposé il y a quelques jours par HSreplay (voir ci-dessous), le constat est sans appel. En effet, la proportion de cartes Bois maudit dans la méta (ici en bleu - cf Gilneas) est éloquente : c’est la plus faible des quatre extensions du format Standard actuel. On notera également que les cartes Vanilla occupent toujours près de 50 % des decks.
Dans un sens, pour revenir aux cartes du Bois Maudit, Blizzard n'avait pas d'autre choix que d'éviter la surenchère de power level. En effet il reste encore deux extensions à venir pour l'Année du Corbeau, ils doivent en garder sous le pied pour ne pas que la méta devienne incontrôlable.
Un autre problème (et certainement corrélé), c’est qu’après une dizaine de jours d’expérimentations, la méta s’est verrouillée assez rapidement, pour devenir complétement bipolaire. La suprématie quasi incontestée du Démoniste Cube (avec une liste quasiment inchangée depuis des mois) et du Paladin Pair (dont la seule carte Bois Maudit se résume souvent à Genn !) a tôt fait de calmer les ardeurs et les innovations, notamment à haut niveau où Paladin et Démoniste occupent 47% des matchs-up.
Aussi, une nouvelle vague de nerfs a été annoncée pour le 22 mai, et quand on connait la réactivité habituellement plutôt « demi-molle » de Blizzard sur le sujet des rééquilibrages, on peut décemment penser qu’il y a vraiment urgence. Non seulement pour la méta, mais également pour la santé du jeu, et sa dangereuse baisse de popularité. Nous vous proposons dans cet article d’analyser l’état de la méta Standard, et de spéculer un peu sur l’impact des nerfs. Nous passerons sur le nerf de la Sorcière Naga en format Libre, mais les amateurs de Wild apprécieront certainement ce « rééquilibrage » aussi nécessaire que trop tardif.
Paladin Pair manquera à l'Appel (ou l'inverse !)
Pour commencer, parlons du tyran actuel du ladder, avec ce chiffre plutôt édifiant sur sa population : plus d’un joueur sur cinq utilise la classe Paladin à partir du rang 5, dont la majorité joue l’archétype Pair avec près de 55% de win rate ; le Paladin Murloc, bien moins populaire, reste néanmoins lui aussi un archétype très solide, tandis que le Paladin Impair est plutôt marginal avec des résultats assez aléatoires. D'autant que son homologue Pair, le contre assez violemment
Nous nous concentrerons donc sur le Paladin Pair, archétype très novateur qui ne fait que jouer les best-in-slot pairs du jeu dans la curve, complété d’un token à (1) si besoin. Vous pardonnerez mon cynisme mais il y a consensus : c’est un deck sans profondeur, aussi versatile que permissif, qui gagne tout seul sur sa sortie, sans vraiment demander de choix cruciaux. Les erreurs sont d’ailleurs très peu punitives, ce qui participe à l’agacement des résistants qui s’abstiennent de le jouer, et font fuir les autres du jeu pour peu que le Démoniste Cube soit leur deuxième hantise.
Les seuls réels counters du Paladin Pair sont actuellement Prêtre Contrôle et Démoniste Contrôle (Mage Big Spells et Guerrier Contrôle le sont également mais restent très marginaux sur le ladder). On notera, pour finir cette présentation un poil salée, que son match-up contre Démoniste Cube est de 50/50, et qu'au final le win rate réel du deck dépasserait largement les 60% si il n’était pas confronté à des matchs miroirs une partie sur cinq. (erratum, voir commentaire de Babar plus bas)
Le nerf annoncé vise donc à sortir tout bonnement Appel aux armes de l’archétype avec un passage à (5). Cela devrait potentiellement permettre à des decks agressifs, comme Mage Tempo ou Voleur Impair par exemple, de ne plus perdre sur le classique Appel aux armes T3/T4. Car oui, ce sort overpowered est vraiment le chevron du deck, non seulement grâce au board qu’il crée et qui est quasi irrécupérable pour l’adversaire dépourvu d’AoE (sans parler d’éventuels pings de Jongleurs), mais aussi du fait de sa capacité à filtrer le deck de son early game – ramenant de la pioche dans la foulée avec les Amasseurs de butin. Bon, j'espère prêcher des convertis, la carte était vraiment trop craquée, et si on omet son impossibilité d’être jouée post-nerf dans les archétypes Pair, elle reste encore très forte même à (5).
Ce nerf signe très certainement la fin de l’archétype Pair actuel, reste à savoir si ce Paladin Midrange, ne pourrait pas au final se passer de Genn, pour conserver l’Appel et faire quelques retouches en profitant de nouveau de l'accès aux cartes impaires.
Une chose reste sûre, ce qui punit le Paladin Pair, réjouit le Paladin Impair, mais c’est plus probablement le Paladin Murloc qui tirera son épingle du jeu, même avec un Appel à (5). Pour le Paladin Impair, reste à savoir si même avec Appel aux armes cet archétype peut prétendre au podium de la méta – rien n’est moins sûr.
DANS TON CUBE !!!
Ça fait des mois que la liste Démoniste Cube s’est imposée : immuable, stable et pouvant battre à peu près tout, l’archétype dicte encore aujourd'hui les métas ladder et tournois, se payant même le luxe d’avoir un 50/50 contre Paladin Pair, l'archétype le plus fort du moment. Le Démoniste Contrôle lui, a signé son retour récemment, s’imposant comme un des meilleurs counter à Paladin, Pair comme Impair, mais restant un peu faible en win rate global dans la méta. Actuellement c’est clairement la version Cube qui exaspère le plus la communauté avec ses multiples mécaniques game breaker.
Les nerfs à venir de la fameuse synergie T6 (T5 avec la Pièce) Laquais + Sombre Pacte devraient avoir un impact important sur les deux archétypes. Un Laquais à (6), c’est tard lorsque on a passé ses trois ou quatre premiers tours à piocher sans vraiment poser de board (surtout avec la version Cube, si le Géant se fait attendre), 4 de soin c’est peu lorsqu’on utilise ses points de vie comme ressource. Car oui, le Démoniste dispose de nombreux soins entre Améthyste, Pacte, et en late game, le pouvoir héroïque insensé de son DK… Mais c’est un «bien» nécessaire : avant de disposer de ces outils (merci Kobolds et Catacombes), l'archétype Démoniste Contrôle était injouable, et le DK seul ne suffisait pas à survivre. Le problème n’est sans doute pas que le Démoniste ait enfin eu du soin, mais que ce soin s’ajoute à des synergies vraiment toxiques car quasi impossibles à contrer. La possibilité de se soigner de 8 tout en posant un Seigneur du vide en mid-game est bien trop game breaker dans la plupart des matchs-up, notamment face à un deck Aggro qui n’aurait pas pioché un Silence à temps. Aussi, le nerf semble plutôt équilibré, même si la présence du Laquais dans les deux archétypes devient questionnable avec un coût si élevé pour une 2/2.
Comment les deux archétypes vont-ils s’adapter ? L’arme légendaire va-t-elle être adoptée également par le Démoniste Contrôle ? Dans tous les cas, cela sera compliqué, surtout si les casseurs d’armes restent aussi populaires dans la méta.
En soi, les nerfs du Démoniste peuvent paraître un peu mous. Certains d'ailleurs espéraient que le pouvoir héroïque du DK serait touché avec, par exemple, un drain à 2 au lieu de 3. Une chose est sûre, sans détruire complètement les archétypes, ces nerfs devraient considérablement en réduire le power level, rééquilibrer certains matchups et forcer une refonte.
Druide high roll, la banqueroute ?
Archétype dominant au tout début de la méta Bois Maudit, hérité de Kobolds et Catacombes, le win rate du Druide Spiteful n’a fait que chuter depuis l’arrivée du Paladin Pair. Ce deck de sortie est au moins aussi no-brain que le Paladin Pair, sauf que bien plus dépendant d'une sortie « dans l’ordre » (à savoir ne pas piocher les deux Fléau Ultime avant les Invocatrice (!) et si possible avant l’Archiviste). Pour bénéficier de cette stratégie «high roll» digne de Barnes en Big Priest, le deck a la nécessité de devoir se passer de sorts de gestion/survie. Aussi, cet archétype ne peut que difficilement rivaliser en cas de perte de board, chose extrêmement fréquente, s'il est confronté à Paladin Pair. En outre, le Druide Spiteful se révèle souvent trop lent contre Voleur Quête, finalement peu performant contre Démoniste Contrôle, ainsi qu’à peine favorable contre la version Cube.
Alors au final, pourquoi ce nerf de l’Invocatrice quand le seul deck (voir la note plus bas) qui la joue peine actuellement à atteindre les 50% de win rate ? Les mauvaises langues diront que c’est déjà trop tard, mais on peut légitimement penser que c’est avant tout en prévision de la future méta post nerf. Quoiqu’il en soit, le nerf n’est pas non plus trop violent, d'une part parce que le Druide peut éventuellement accélérer sa mana avec Lutin cupide, d'autre part parce que poser (même) au T7 une 4/4 et une 12/12 reste souvent ingérable, d'autant plus si cette dernière est spellproof (!) Et puis bon, au final on jouait déjà la deuxième Invocatrice au T7 non ? (rires)
NDLR : le Prêtre Spiteful est actuellement trop marginal dans la méta pour que ce nerf le vise précisément, mais de toute évidence il est également impacté.
Voleur Quête, le chant du cygne ?
La prédominance actuelle de Paladin Pair condamne un peu les archétypes Aggro/Tempo forts contre Démo Cube et Contrôle, aussi a-t-on vu sur le ladder une baisse significative de popularité des Mage Tempo, Voleur Impair et Druide Spiteful très présents en début d’extension. Avec une méta de moins en moins agressive, peuplée de Mid/Contrôle assez lents, c’est du pain béni pour Voleur Quête, dont les nouvelles moutures se révèlent particulièrement efficaces (notamment avec l’ajout du Cuirécaille vicieux). S’il arrive à passer entre les gouttes de la pluie de Paladins et des quelques Aggro égarés, les matchs-up qui restent sont quasi imperdables, et pour certains, de l’accabit du bon vieux Guerrier Contrôle versus Mage Freeze. Le Voleur Quête dispose actuellement, entre le Rang 5 et le top légende, du meilleur win rate de son histoire, le plaçant pour la première fois confortablement en Tier 2.
D’autant plus forte en tournoi, avec les stratégies permises par les bans, la Quête va subir un deuxième nerf, ce qui est une première historique sur Hearthstone. Finis les porcs 5/5, ils ne seront désormais que 4/4 ; en soi un nerf qui ne parait pas si impactant, mais qui va de toute évidence augmenter le temps nécessaire pour trouver le létal et rendre les trades moins favorables une fois la Quête résolue. Néanmoins c’est sans doute un faux problème. Avec les nerfs de Paladin Pair et de Démoniste Cube/Contrôle, et donc l’ouverture dans la méta à des archétypes plus agressifs, il est raisonnable de penser que la fenêtre de tir du Voleur Quête se refermera aussi vite qu’elle s’est ouverte.
La lumière vous brûlera !
Je tenais à faire un petit encart sur le Prêtre « Mindblast » Contrôle, bien que ce dernier ne soit pas touché par les nerfs. Oui, on me souffle à l'oreille que Raza est non seulement déjà nerfé mais également sorti du format Standard ! Plus sérieusement, cet archétype a récemment su s’imposer, en ladder comme en tournoi, avec notamment ses dernières versions taillées pour battre plus régulièrement les Démonistes. Le deck devient de plus en plus consistant dans la méta, avec de bons résultats également contre Pala Pair et toute sorte d’Aggro (la liste disposant de nombreux soins en plus de ses AoE) ; ses seuls hard counters restant Druide Spiteful et Voleur Quête (+/- 30% de winrate). Avec le nerf de tous ces archétypes, et sa capacité à contrer la plupart des Aggro/Mid comme les Contrôles lents, le Prêtre pourrait potentiellement avoir le champ libre et camper le Tier 2. Il est probable que la liste soit amenée à évoluer sensiblement avec la méta, en adaptant au moins ses cartes tech.
On notera, pour l’anecdote, l’arrivée récente d’un Prêtre Quête « fatigue » viable dans de nombreux matchs-up, capable de monter légende, et qui ne souffre vraiment que du Voleur Quête. Peut-être à surveiller dans la méta post nerf (!)
Sortons la boule de cristal !
Les nerfs semblent somme toute relativement équilibrés. On notera qu’à l’exception de la Quête Voleur et du Sombre pacte qui ont vu leurs textes modifiés, les autres rééquilibrages utilisent les leviers du coût en mana : une solution de facilité qui permet de ne pas détruire le design des cartes, et d’autant plus aisé pour le Paladin Pair, en rendant l’Appel injouable dans l’archétype. Si le nerf de l’Invocatrice ne semble pas si pénalisant, le nerf du Laquais, par contre, risque d’être rédhibitoire.
En attendant les refontes des archétypes touchés, on peut essayer d’imaginer quels seront les decks à surveiller dans la méta post-nerf.
- Paladin Murloc : tapi aujourd'hui dans l'ombre du Paladin Pair, il ne crachera probablement pas sur un Appel aux armes à (5). Le Paladin Impair devra faire ses preuves avec une refonte nécessaire.
- Mage Tempo : si les Paladins ne sont pas omniprésents ce deck punitif dispose d'une bonne fenêtre de tir, un retour du Mage Big Spell est également possible si Guldan ne se relève pas de ses nerfs.
- Prêtre Contrôle, je l'évoquais plus haut.
- Voleur Impair : à l'instar de Mage Tempo, devrait profiter dans un premier temps du chaos causé par les nerfs. Un retour de la version Miracle est également envisageable (même si de toute évidence ce dernier restera toujours plus fort en tournoi)
- Chaman Pair : trouvera peut-être une place, une fois libéré du joug des Paladins et Démonistes. Les listes continuent d'évoluer, on peut donc raisonnablement penser qu'un archétype stable et performant est possible dans un futur proche.
- Chasseur Spells, Midrange voire Impair ? Toujours beaucoup d'interrogations concernant Rexxar, et sa difficulté à s'imposer durablement dans les métas de ces derniers mois pour ne pas parler d'années. Ses archétypes ne sont pas mauvais en soi, mais souvent très inférieurs à ce que nous proposent les autres classes. Le win rate et la popularité de la classe en pâtissent beaucoup.
- Il reste pas mal d’incertitudes concernant le Druide, la version Hadronox n’étant pas très performante à l’heure actuelle, et la version Invocatrice risquant de fortement baisser en popularité, rien que par « l’effet nerf ». On pourrait éventuellement voir émerger des variantes du récent Druide Token de Muzzy, top 8 aux HTC Summer ?
- Bon et quid du Démoniste ? La popularité de la classe risque de chuter drastiquement une fois les nerfs appliqués, il faudra une période de test pour déterminer si les deux archétypes restent suffisament performants, et si des refontes compétitives sont possibles. En attendant, si Paladin n'est pas trop populaire, le Zoo pourrait retrouver un peu de sa superbe - c'est pour le coup un archétype qui revient régulièrement dans le top ladder.
- En ce qui concerne Guerrier, très marginal depuis bien longtemps, difficile de lui prédire un avenir immédiat plus ensoleillé : les versions Contrôle actuelles permettent de viser des matchs-up spécifiques mais on est loin d'avoir une liste performante en ladder. En outre, on attend toujours le retour d'une version Tempo/Mid viable, que beaucoup envisageaient avec les cartes Ruée.
Tout ceci bien sûr n’est que spéculation au regard de la méta actuelle ; rien ne dit qu’un nouveau deck Tier 1 ne va pas émerger entre temps, ou que finalement certains nerfs n’auront pas eu assez d’impact sur la méta. C’est aussi ce qui rend ce jeu intéressant, on n’est jamais à l’abri d’une bonne (ou mauvaise) surprise !